Texte écrit en juin 2001 par
Monsieur Jean MICHEL-LÉVY, pour la municipalité
de Chaux-du-Dombief (Jura) village natal des ancêtres paternels de Simone
MICHEL-LÉVY.
Le
saviez vous ?
Le
Général De GAULLE créa le 17 novembre 1940, à BRAZZAVILLE, l'ordre de la Libération
; il instaura la Croix de la Libération comme insigne des Compagnons et définit
le cadre de son attribution :
"
RÉCOMPENSER LES PERSONNES OU LES COLLECTIVITÉS MILITAIRES ET CIVILES QUI SE
SERONT SIGNALÉES DANS L'ŒUVRE
DE LA LIBÉRATION DE LA FRANCE ET DE SON EMPIRE ".
Cette
croix fut décernée jusqu'au 23 janvier 1946 à 1036 personnes, militaires et
civiles, ainsi qu'à 5 villes et 18 unités combattantes.
Certains
compagnons sont très célèbres, c'est le cas de Jean MOULIN, Pierre MESSMER,
André MALRAUX, Jacques CHABAN-DELMAS, Jean de LATTRE de TASSIGNY, Philippe
LECLERC de HAUTECLOQUE, Winston CHURCHILL, Dwight EISENHOWER OU le roi GEORGES
VI d'Angleterre. D'autres en revanche, sont des Français " anonymes
", issus de tous les milieux et de toutes les régions de France ; Rien ne
les distinguait avant qu'ils eurent tout donné, tout risqué et parfois sacrifié
leur vie pour leurs convictions et leur attachement à la Patrie.
Six
femmes seulement se virent décerner cette distinction exceptionnelle. L'une
d'entre elles est Franc-Comtoise. Il s'agit de Mademoiselle Simone Joséphine
Françoise Irma MICHEL-LÉVY, née à CHAUSSIN (Jura) le 16 janvier 1906, fille
de Jules Séraphin MICHEL-LÉVY, et de Marguerite Joséphine PETITPERRIN.
Après
une excellente scolarité ponctuée par un brevet élémentaire passé à 14 ans
à SALINS-LES-BAINS, Simone suit la migration de son père ouvrier-plâtrier à
CHAUNY dans l'AISNE. C'est ici qu'elle entre à 16 ans et demi dans
l'administration des P.T.T.
Mutée
de CHAUSSIN à PARIS, Simone y poursuit une carrière qui s'annonce brillante
lorsque l'Armistice de 1940 est signé. Elle a alors 34 ans et refuse d'emblée
de subir le joug de l'envahisseur sans réagir.
La
fière devise Franc-Comtoise qu'elle a faite sienne " Comtois rends-toi,
Nenni ma foi ! " lui dicte une conduite patriote - elle édite des tracts,
participe à l'écriture et la diffusion de brochures anti-allemandes - et
courageuse - elle établit de fausses cartes professionnelles pour de jeunes réfractaires
du S.T O. - puis son action devient vite
héroïque, et déterminante pour le commandement allié et l'issue du débarquement.
En
effet, avec une poignée de fonctionnaires du Ministère des P.T.T., elle fonde
le mouvement " Résistance
P.T.T. " où elle occupe les fonctions d'adjointe au chef d'état-major
Ernest PRUVOST. Ce réseau est moins connu que " Résistance Fer "
mais se révèle tout aussi efficace ; les moyens de transmission, les véhicules
et les agents munis de laissez-passer dont il dispose le rendent extrêmement opérant,
et très redoutable pour les Allemands.
Simone
accède rapidement au grade de commandant dans les Forces Françaises
Combattantes et ne se contente pas d'un rôle " passif "; tout en
poursuivant son activité professionnelle, elle assume secrètement la
responsabilité du très dangereux " secteur radio " au sein de "
Résistance P.T.T. ".
Sous
les pseudonymes d' " EMMA ", " Madame FLAUBERT ", "
Madame ROYALE ", " FRANÇOISE ". On la retrouve préparant des
zones de parachutage dans l'AISNE, livrant des postes radio en NORMANDIE ou en
BRETAGNE et organisant l'exploitation de stations radio-électriques en banlieue
sud de PARIS.
Elle
assure également la liaison avec les réseaux C.N.D. " Confrérie Notre
Dame " du Colonel alias " RÉMY
" et O.C.M. " Organisation Civile et Militaire " du Colonel
Alfred TOUNY auxquels elle apporte l'appui logistique dont ils ont besoin.
Le
message " Les dés sont sur le tapis " qui déclenche le 5 juin 1944
les sabotages prévus par LONDRES pour faciliter le débarquement de NORMANDIE
fut émis par de nombreux postes dont Simone avait personnellement assuré la
mise en place.
Son
activité fut interrompue en plein essor le 5 novembre 1943 par la trahison de
Robert BACQUE alias " TILDEN
", lequel fut également la cause de 90 autres arrestations et de l'anéantissement
du réseau de " RÉMY " dont il était l'un des chefs-radio.
Malgré
les ignobles tortures infligées par la bande du sinistre MASUY qui opérait
101, Avenue Henry MARTIN, Simone tint bon et sus souffrir sans dénoncer ses
camarades, permettant ainsi au reste de l'état-major de " Résistance
P.T.T. " de ne pas être inquiété.
Après
une des séances du supplice de la baignoire qu'elle subit 8 fois, alors qu'à
bout de force, elle ne se débat plus, son tortionnaire lui jette
"
Ah ! Emma, tu es bien une sale caboche de Franc-Comtoise, tu fais exprès de
mourir ! "
Au
terme de 4 mois de sévices abominables ponctués de transferts entre sa prison
de FRESNES et l'avenue Henry MARTIN, elle est envoyée en février 1944, via
COMPIÈGNE au camp
Ne
pouvant se soustraire au travail qui lui est imposé et désirant poursuivre son
idéal, elle décide de saboter chaque fois que cela lui est possible la chaîne
de montage de munitions anti-aériennes à laquelle elle est affectée. Après
plusieurs sabotages réalisés dans des conditions particulièrement
dangereuses, elle est démasquée en octobre 1944, punie, et cruellement bastonnée
pour l'exemple.
Un
rapport spécial envoyé à HIMMLER revient de BERLIN au printemps 1945, porteur
de la sentence de mort. Simone doit être immédiatement transférée au camp de
FLOSSENBÜRG avec deux de ses jeunes camarades qui ont participé aux sabotages
(Hélène Millot épouse Lignier mle 50414, Mimie Suchet).
Les
trois femmes y seront pendues le vendredi 13 avril 1945, alors que les canons américains
tonnent déjà alentour.
Trois
jours plus tard, devant l'avancée alliée, l'ordre d'évacuation générale du
camp est donné. Le 23 avril, le 538e régiment de la 3e
armée américaine libère les quelques derniers internés de FLOSSENBÜRG,
dix jours après la pendaison, quinze jours seulement avant la signature de la
capitulation allemande et 17 jours avant le suicide D'HITLER.
L'arrestation
de Simone MICHEL-LÉVY et son admirable tenue, courageuse et fière, ont incité
tous ses camarades des P.T.T à continuer avec acharnement la lutte. Le réseau
P.T.T. est devenu ainsi un chaînon de la délégation du Général DE GAULLE en
territoire occupé. En effet, c'est par son intermédiaire que le courrier,
l'argent et les armes étaient distribués à diverses organisations de la Résistance,
principalement au réseau " Action " et aux " F.F.I. " et répartis, en vue du
débarquement, à la satisfaction générale des alliés.
Edmond
DEBEAUMARCHÉ, 1958. Compagnon de la Libération
La
ville de CHAUNY où elle fit ses premiers pas dans l'administration des P.T.T.
rappelle son action par une plaque apposée sur le mur extérieur de la maison
des postes.
Son
village natal de CHAUSSIN qui donna son nom à une rue et installa une plaque
sur le mur de la maison qui l'a vu naître, abrite également son cénotaphe
dans le carré militaire du cimetière.
De
nombreuses associations à PARIS, en BRETAGNE ont honoré et honorent encore sa
mémoire (comité des fusillés de BEAUCOUDRAY en juin 2000).
Une
résidence des P.T.T. à TRÉBEURDEN (22) porte son nom ; son entrée est ornée
d'une stèle rappelant aux visiteurs le courage dont elle a fait preuve.
L'administration
des P.T.T. a édité un timbre et une enveloppe " premier jour " à
son effigie en 1958. Plusieurs auteurs citent son action, en particulier
Christian BERNADAC (" Kommandos de femmes " aux éditions France-Empire
1973), Henry RUFFIN (" Résistance P.T.T. " aux Presses de la Cité,
1983), le colonel RÉMY (" Une affaire de trahison " aux éditions
Raoul SOLAR, " Mémoires d'un agent secret " aux éditions France-Empire
1998), enfin, un " ancien " du C.N.E.T. travaille depuis plusieurs années
à reconstituer les moindres détails de son parcours.
De
nombreuses revues d'associations de résistants ou de déportés ont fait son éloge.
Les journaux ont commenté son action lors de commémorations (25e,
50e anniversaire de sa
disparition, parution du timbre etc.).
Enfin,
plusieurs musées (INVALIDES, BESANÇON, PLEUMEUR-BODOU) lui consacrent
une partie de leurs vitrines dédiées à cette époque dramatique.
Simone
est également titulaire de la Légion d'Honneur, de la Croix de Guerre 39-45
avec Palmes et de la Médaille de la Résistance, mais il manquait encore pour
couronner les hommages qui lui sont dus ... la reconnaissance de la terre de ses
ancêtres.
Le
sobriquet " LÉVY " accolé au nom " MICHEL " n'est pas
relatif à une ascendance ou une alliance sémite. Il est apparu sans
explication particulière, un peu avant la révolution, et représente l'une des
nombreuses variantes patronymiques des diverses familles " MICHEL " de
CHAUX-du-Dombief.
Ainsi,
le plus ancien des ancêtres connus de Simone en ligne agnatique se nommait
Claude " MICHEL dit NOÉ " né vers 1650 et mort à CHAUX-du-DOMBIEF
en 1719.
Simone
MICHEL-LÉVY Commandant " EMMA " dans la Résistance, Compagnon de la
Libération, Chevalier de la Légion d'Honneur, Croix de Guerre avec
palmes, Médaille de la Résistance, Matricule 50422 au camp de déportation de
Flossenbürg.
Il
y a cinquante ans, jour pour jour Simone
MICHEL-LÉVY était pendue par les S.S. au camp d'extermination de Flossenbürg
pour le crime d'avoir trop aimé son pays.
Elle
aurait pu faire comme beaucoup de Français : attendre que les Alliés viennent
de l'extérieur pour chasser l'occupant allemand ; elle aurait pu mettre son
intelligence et son savoir, qui étaient grands, à profit pour vivre cette
sombre période en pantouflarde aisée, soucieuse seulement de la passer le
mieux possible en ne pensant qu'à son bien-être personnel ; elle aurait pu
enfin se lancer comme certains, dans une collaboration avec nos ennemis
d'alors, qui lui eut apporté leur considération et une ascendance dominatrice
sur ses compatriotes.
Au
lieu de tout cela, Simone-MICHEL-LÉVY avait choisi la voie, exaltante certes,
mais ô combien dangereuse de la rébellion et de la résistance au
totalitarisme. Avec un collègue haut fonctionnaire, Ernest PRUVOST, elle avait
fondé le réseau Action P.T.T. qui s'était donné pour tâche d'organiser un
service de renseignement, et des liaisons radio avec Londres. Elle avait, en
outre, créé une unité de transport utilisant le parc automobile des P.T.T.
pour véhiculer et transmettre les informations. Et parfois des aviateurs amis,
tombés en Zone occupée furent rapatriés en Angleterre, via l'Espagne, par ses
filières. De même grâce à elle, de nombreux émissaires alliés eurent la
possibilité d'atterrir en France et d'en repartir sans être interceptés par
les Allemands pourtant aux aguets. Elle acheminait le courrier clandestin et les
armes parachutées vers les maquis.
Simone
MICHEL-LÉVY, EMMA dans la clandestinité, savait ce qu'elle encourrait si
elle tombait entre les mains de ceux qu'elle combattait ainsi.
En
1943, les actions de la Résistance se multipliant, la tristement célèbre
police secrète allemande en Zone occupée, connue sous le nom de GESTAPO,
organisa, en étroite collaboration avec la WEHRMACHT armée occupante une
riposte qui consistait à s'assurer des indicateurs dans la
Celle
dont nous honorons la mémoire aujourd'hui fut appréhendée à son poste
d'Inspectrice du Service des Recherches et du Contrôle Technique des P.T.T. à
Paris, le 5 novembre 1943. Conduite à la prison de Fresnes, puis au dépôt
de Royallieu près de Compiègne, elle fut envoyée au camp de déportation de
Ravensbrück, en Allemagne orientale, le 30 janvier 1944. Le 1er
septembre 1944, Simone MICHEL-LÉVY faisait partie du convoi de 661 femmes déportées,
qui arriva à Flossenbürg, petite ville située en Bavière, dans le Haut
Palatinat et adossé à la frontière tchécoslovaque.
Flossenbürg,
c'est la carrière de granit et les kommandos extérieurs en usines, dont
certains sont réservés aux femmes. Les brimades, les coups, la faim, la
maladie épuisent les détenus. On dénombrera 300 décès par jour en février
1945. À cette mort lente s'ajoutent les exécutions sommaires, les pendaisons.
Simone
est affectée au kommando de Holleischen qui travaille, en Tchécoslovaquie,
dans une fabrique de munitions. Elle sont 331 femmes dans cette usine. Notre héroïque
compatriote ne peut accepter de monter des projectiles qui tueront ceux qui se
battent pour nous ramener la liberté, parmi lesquels sont peut-être des Français
des Forces Combattantes. Alors elle conçoit un plan de sabotage qu'elle met en
oeuvre avec deux de ses compagnes de misère, Hélène LIGNIER matricule 50414), et Noëmie SUCHET (matricule 50279).
Malheureusement,
comme il se trouve toujours, en tous lieux et en toutes circonstances,
des âmes assez basses pour dénoncer, Simone et ses compagnes sont trahies.
Battues, torturées, elles ne donneront aucun autre nom à leurs bourreaux.
Le
13 avril 1945, les trois pauvres Femmes, dévêtues, les mains liées derrière
le dos, sont conduites au lieu des exécutions et pendues à de simples anneaux
scellés dans un mur. L'horreur de ces mises à mort a été rapportée par le
capitaine danois LUNDIC, dont la cellule se trouvait à proximité de cet
endroit maudit. De novembre 1944 à février 1945, il a compté 5000 corps qui
sont passés devant sa fenêtre...
Il
est à noter que c'est à Flossenbürg qu'ont été exécutés les conjurés de
l'attentat du 20 juillet 1944 contre HITLER, et notamment l'amiral CANARIS ex-chef
de la Marine allemande (Kriegsmarine). Des célébrités y ont séjourné. Parmi
elles, citons André BOULLOCHE, ancien maire de Montbéliard, Léon BLUM et son
épouse, Monsieur et Madame SCHUSCHNIGG, chancelier autrichien, le prince Xavier
de BOURBON et beaucoup d'Allemands hostiles au régime nazi.
Le
Mémorial érigé par l'Association des Déportés et Familles des Disparus du
Camp de Concentration de Flossenbürg et Kommandos fait état d'un total de
89.964 entrées au camp où on enregistrera 21.378 décès, soit 23,7 %. La
France s'y classera au premier rang en ce qui concernera le pourcentage des
morts, avec 5312 entrées et 2046 décès, soit 38,5 %.
Une
stèle du souvenir, en granit tout exprès importé de Flossenbürg, a été
dressée et inaugurée au cimetière du Père LACHAISE
à Paris, le 3 octobre 1988, à la mémoire des Déportés
En
conclusion, je voudrais m'adresser aux jeunes gens qui sont dans cette salle, et
à tous ceux qui n'ont pas connu le dernier conflit mondial pour leur dire :
"
Attention, en 1945, on n'a coupé qu'une tête ou deux de l'hydre infernale. Si
nous ne veillons pas à enrayer la nouvelle montée du totalitarisme, du
sectarisme, du racisme et de l'intolérance, nous risquons de revivre tôt ou
tard ces horreurs. L'ex-Yougoslavie n'est qu'à quinze cents kilomètres
de la France, après tout ! "
Allocution
(extraits) prononcée par M. Henri LAMBERT, Délégué régional de la Société Littéraire
des P.T.T., en la Salle des Fêtes de Chaussin, le 13 avril 1995.
BIOGRAPHIE
RÉSUMÉE DE SIMONE MICHEL-LÉVY
Alias
: " Emma " – " Françoise " – " Madame Royale
".
Simone
MICHEL-LÉVY est née le 19 janvier 1906 à Chaussin (Jura). Son père était plâtrier.
En
1939, elle est rédactrice dans l'administration des P.T.T. au centre de recherches
et de contrôle technique, rue Bertrand à Paris.
Dès
l'armistice, elle s'élève contre la capitulation de la France et entre dans la
Résistance dès le mois de décembre 1940, sous la direction de Pruvost, chef
national de la résistance P.T.T. elle devient un élément de tout premier
plan. Télégraphiste très habile elle est l'opératrice qui essaye de joindre
Londres avec les premiers postes de T.S.F. fabriqués par le groupe de résistance
des P.T.T.
C'est
au réseau C.N,D.(Confrérie Notre-Dame) du Colonel Rémy, puis à l'O.C.M.
(Organisation Civile et Militaire), qu'elle fournit ses premiers renseignements.
Puis son activité fut orientée vers l'établissement de faux papiers, le
transport, l'installation de postes émetteurs à Paris et en Province.
Malgré
sa santé chancelante, elle n'est jamais aussi heureuse que lorsque ses
responsabilités s'accroissent. Elle s'accroche à la mission la plus périlleuse
une fois qu'elle l'a acceptée, méthodiquement, tenacement, jusqu'à la réussite
totale, ses chefs comptent sur elle. Tout ce qu'elle promet est tenu. Cependant,
après des nuits de veille, des voyages épuisants, elle est à l'heure le matin
à sa table de travail, les traits tirés, mais le visage souriant.
Dès
les premières heures du S.T.O. en 1943, elle établit plus de cent cartes
professionnelles des P.T.T. à des jeunes réfractaires. Elle est chargée de
monter à l'intérieur des P.T.T. le réseau E.M.P.T.T. analogue à celui de Résistance-Fer.
À
Londres, l'agent MICHEL-LÉVY est enregistré sous le pseudonyme d'Emma. De sa
propre initiative elle monte un admirable système de transport, de poste
d'armes et de parachutages, qui fonctionne par l'intermédiaire des services
ambulants des P.T.T. Elle assure la liaison générale.
Elle
réalise également, sous les pseudonyme de " Françoise " et de
" Madame Royale ", un excellent système d'acheminement du courrier à
travers la France, qui marche à la perfection, soit par voie maritime, c'est-à-dire
jusqu'aux chalutiers, soit par voie aérienne, et cela dans les deux sens.
Evidemment, cette existence est dangereuse et dans la France occupée, l'ennemi
a ses espions, la Résistance hélas, ses traîtres.
Au
soir du 5 novembre 1943, elle est appelée d'urgence dans un café voisin pour
un entretien de quelques minutes et quitte sa table de travail en y laissant son
stylo et ses affaires. Elle ne reviendra jamais. Cet appel était un guet-apens.
Malgré
les pires épreuves morales et physiques qui la laissent brisée dans sa
cellule, car elle est suppliciée par la Gestapo, elle n'oublie pas son travail
professionnel brusquement interrompu. Par une voie jusqu'ici inconnue elle fait
parvenir à son chef de service un rapport détaillé sur toutes les questions
administratives dont elle est chargée et qu'elle a laissées en suspens ; Il
n'est guère d'exemples plus émouvant de conscience professionnelle.
Au
début de février 1944, Simone MICHEL-LÉVY est déportée à Ravensbrück où,
pendant la quarantaine, elle aide une camarade musicienne à organiser une
magnifique chorale qui fait un moment oublier leurs peines aux prisonnières.
Envoyée
ensuite en Tchécoslovaquie au camp de Holleischen pour travailler dans une
usine d'armement, elle continue son action de résistante en sabotant. Le 1
septembre 1944, le Kommando de Holleischen est rattaché administrativement au
camp de Flossenbürg.
Les
tortures font blanchir ses cheveux, voûtent ses épaules. La faim et la fatigue
l'amaigrissent à l'extrême. A l'usine, elle est chargée de faire passer sous
une énorme presse des chariots chargés de cartouches remplies de poudre. Elle
ralentit la chaîne, la désorganise, ce qui se solde parfois pour la production
du Grand Reich, par un manque de 10.000 cartouches. Elle fait fonctionner la
presse à vide, ce qui l'endommage et constitue, pour elle-même, un danger immédiat
malgré la protection d'une tour en maçonnerie. C'est ainsi que finalement la
presse sauta.
La
surveillante allemande fait un rapport de sabotage qui ira jusqu'à Berlin. La réponse
de Himmler revient plusieurs mois après, dans le courant d'avril 1945, alors
que tonnent alentour les canons américains.
Simone
MICHEL-LÉVY et deux autres camarades doivent partir immédiatement pour le camp
de Flossenburg, où elles sont pendues par les Allemands, le 13 avril 1945.
•
Compagnon de la Libération - décret du 26 septembre 1945
•
Chevalier de la Légion d'Honneur
•
Croix de Guerre 39/45
•
Médaille de la Résistance
L'action de Simone MICHEL-LÉVY, héroïne et martyre de la Résistance
Gaston
Letellier
J'évoquerai
l'action de Simone MICHEL-LÉVY parce que, comme ingénieur à la D.R.C.T.
(Direction des recherches et du contrôle technique), j'étais pendant les
dures années de son action, en 1942-1943, son chef direct et fus, hélas, son
dernier chef administratif jusqu'au soir du 5 novembre 1943. Parmi beaucoup
d'autres, elle est l'une des figures les plus caractéristiques de la Résistance
dans les PTT.
Née
en 1906, entrée dans l'administration en 1924, Simone MICHEL-LÉVY fut en
1941 reçue brillamment au concours de rédacteur. Elle fut nommée à la
D.R.C.T., de création récente et alors divisée en plusieurs départements :
*
Département matériel postal, dirigé par M. Hemery, lui-même résistant, et
dont le fils fut fusillé par les Allemands.
*
Département transmissions où était mon collègue René Sueur qui participa
à l'opération Keller en mettant au point les amplificateurs à haute impédance
nécessaires aux écoutes de cette si audacieuse opération.
*
Département dit commutation dont j'étais chargé pour mener les études et
travaux neufs des installations téléphoniques et télégraphiques de centraux
et d'abonnés. Simone MICHEL-LÉVY fut affectée à ce département dont la
gestion administrative et financière lui fut confiée.
Le
pays étant occupé, elle comprit vite le parti qu'elle pouvait tirer de sa présence
à la D.R.C.T., car, dans l'administration des P.T.T., aux télécommunications, à
la poste, rien de nouveau, de délicat, d'important ne se faisait plus sans
l'intervention de ce service, même en zone côtière où pouvaient se rendre
certains agents munis du laissez-passer nécessaire. Le bureau de Simone,
proche du mien, au deuxième étage du 24 rue Bertrand, devint alors une véritable
agence d'informations clandestines.
En
janvier 1942, Ernest Pruvost, rédacteur au ministère des P.T.T., réussit avec
Debeaumarchais à coordonner les opérations de résistance dans
l'administration des P.T.T., en particulier en Normandie avec Henri Le Veillé.
C'est alors qu'une certaine Mademoiselle Flaubert, tailleur noir, écharpe verte
- qui n'était autre que Simone MICHEL-LÉVY - arrive en Normandie pour
coordonner l'ensemble des opérations de Résistance P.T.T. dans les cinq
départements :
Calvados, Orne, Manche, SeineInférieure, Eure. Les résistants normands, dont
Henri Le Veillé, sont
En
juillet 1943, l'état-major de Résistance-P.T.T. était constitué ainsi chef,
Ernest Pruvost ; adjoint responsable de l'organisation, Horvais ; adjoint
responsable des transports et du courrier, Debeaumarchais ; adjoint responsable
de la radio, Simone MICHEL-LÉVY.
Pendant
les dures années 1942-1943, Simone se consacre à ses tâches de résistante
avec toute sa foi et tout son coeur, et sans que ses fonctions administratives
n'en souffrent jamais. Chargée de la gestion administrative et financière,
elle participa à l'action de son service avec pour buts de :
1)
soustraire ou camoufler le plus possible de matériel téléphonique et télégraphique
de façon à éviter son incorporation dans les stocks de l'Occupant ;
2)
mener des études et mises au point des différents matériels pour usages
militaires ou résistants, mais alors sous des appellations différentes, par
exemple un poste militaire de campagne, créé à la D.R.C.T. en même temps que
le poste ordinaire U43, fut dénommé " poste portatif pour ouvrier des
lignes ".
Le
général Juin a adressé un témoignage de satisfaction pour ces opérations du
service de la D.R.C.T. où Mademoiselle MICHEL-LÉVY avait sa part, indépendamment
de ses actions de résistante que je faisais semblant d'ignorer, tout en déclarant
sur l'honneur qu'il n'y avait pas de résistant dans le service (voir circulaire
du 17 juillet 1942 du secrétariat d'Etat aux communications).
Après
des nuits de veille, des voyages épuisants, au retour de missions périlleuses
de parachutage, on revoit Simone à sa table de travail, les traits tirés, mais
souriante. Elle ne tenait aucun compte des conseils de prudence qu'on lui
donnait et elle sollicitait très fréquemment des missions pour la zone côtière.
Rien ne pouvait entamer son ardeur et la véritable flamme qui l'animait. Elle
avait fait son choix et le sacrifice de sa sécurité et de sa vie à la cause
d'une France libre. Le 5 novembre 1943, vers 16 h 30, Simone reçoit un coup de
téléphone d'un correspondant, certainement bien connu d'elle, qui lui demande
de venir la rejoindre au café voisin, le François Coppée, à l'angle du
boulevard Montparnasse et de la rue de Sèvres. Elle s'y rend aussitôt sans méfiance,
laissant son stylo et des affaires personnelles sur son bureau où elle pense
revenir bientôt. Mais la Gestapo l'attendait et l'emmène avenue Henri-Martin.
Un dénommé Tilden, pour éviter la torture, l'avait dénoncée ainsi que
beaucoup d'autres résistants de son équipe. Soumise à des supplices, dont
celui de la baignoire, Simone, elle, ne donna aucun nom. Quelques jours après
son arrestation, elle réussit, on ne sait par quel moyen, à faire parvenir à
son chef de service un rapport détaillé sur les questions administratives et
financières dont elle était chargée et qu'elle avait dû laisser en suspens.
Ainsi
donc, malgré les pires tortures physiques et morales qu'elle endure, martyrisée
par la Gestapo, elle garde intacte dans son esprit la préoccupation du
fonctionnement du service que son arrestation lui a fait quitter malgré elle.
Voici quelques passages de sa lettre dans leur touchante simplicité:
"
J'ai l'honneur de vous adresser tous mes regrets pour les ennuis que je vous
cause en quittant brusquement mon service. Permettez-moi de vous indiquer
ce qui suit :
1)
La caisse se monte à ... (on reconnaît là toute la conscience d'une ancienne
postière).
2)
Pour l'outillage, j'ai fait le nécessaire au dépôt central.
3)
En ce qui concerne les crédits (ci-joint ce qui reste à faire).
J'espère
que je serai remplacée bientôt, afin que vous ne soyez pas gêné trop
longtemps.
Veuillez
agréer, Monsieur l'ingénieur en chef, avec toutes mes excuses, l'expression de
mon respectueux dévouement ".
Signé : Simone MICHEL-LÉVY
Ce
fut le dernier acte de sa vie administrative.
Comme
exemple de courage, double de soi-même, de conscience professionnelle, il
n'en est guère de plus émouvant.
Le
matin du 6 novembre, lendemain de l'arrestation de Simone, je reçus un coup de
téléphone d'Ernest Pruvost, chef de Résistance-P.T.T., m'annonçant que
Simone avait été arrêtée et me demandant de récupérer au plus tôt tous
les documents : plans, listes, adresses concernant la Résistance et qui étaient
dans le bureau de Simone, voisin du mien. Je me suis empressé de dissimuler
tous ces nombreux et compromettants documents pour les remettre ensuite à des
envoyés sûrs, dont M. Debeaumarchais, que j'ai revu beaucoup plus tard comme
chef de cabinet du ministre des P.T.T. Eugène Thomas.
Après
son arrestation, Simone fut envoyée en Allemagne. Elle était dans le camion de
femmes déportées qui chantèrent La Marseillaise en traversant Compiègne. En
mars 1944, Simone est au camp de Ravensbruck, et ensuite dans une usine
d'armement, à Holleischen, où elle est chargée du contrôle des postes radio
fabriqués par cette usine. Mais la plupart des postes sortis de cette usine
sont défectueux. Elle est soupçonnée de les avoir trafiqués. Elle est
transférée au camp de Flossenbourg où elle est jugée, condamnée à mort
pour sabotage et pendue le 13 avril 1945. Elle avait 39 ans. La veille de son exécution,
elle écrivait à sa malheureuse maman à Chaussin, en son Jura natal :
"
Ne pleurez pas, c'est un ordre. Ne soyez pas tristes. Moi je ne le suis pas. Mon
cœur est calme autant que mon esprit. Dans ma petite cellule, j'interroge le
ciel, je pense à tout ce qui est beau, à tout ce qui est clair ".
Ces
phrases si simples expriment bien la sérénité que donne le véritable
sentiment du devoir accompli jusqu'au bout.
Grâce
à l'impulsion donnée par Simone MICHEL-LÉVY, grâce à l'organisation qu'elle
avait mise sur pieds, grâce aussi à son silence, tous ses camarades résistants
P.T.T. ont continué avec acharnement à mener leur action pour que circulent et
soient distribués le courrier clandestin, l'argent, les armes nécessaires à
diverses équipes de résistants. L'organisation et les moyens radio-électriques
mis en place par Simone à partir de 1942 furent particulièrement utiles et
efficaces au moment du débarquement. C'est ainsi que le message secret "
Les dés sont sur le tapis ", émis le 5 juin 1944 par ces postes radio
clandestins de Normandie, déclencha les opérations de sabotage par les équipes
P.T.T. des liaisons de l'Occupant et cela selon des instructions bien précises
diffusées auparavant par une circulaire de l'état-major de Résistance-P.T.T.
où Simone avait été elle-même adjoint-responsable pour la radio jusqu'à son
arrestation.
Les
mérites de Simone MICHEL-LÉVY sont, à mon avis, trop peu connus, mais ont été
récompensés par les titres suivants - croix de guerre avec palmes, chevalier
de la légion d'honneur et compagnon de la Libération. Un juste hommage lui a
été rendu par l'émission d'un timbre à son effigie en 1958 et la pose d'une
plaque en son pays natal, dans le Jura, inaugurée à Chaussin le 6 juillet 1952
par le ministre des P.T.T. Duchet. Enfin, une plaque posée au service des P.T.T.
où elle était affectée pendant les années 1942-1943 veut montrer qu'aux
valeurs techniques qui sont la raison d'être de ce service, devenu le C.N.E.T.,
doivent s'ajouter les valeurs morales dont Simone MICHEL-LÉVY a donné le plus
pur exemple.
À la liste des héros de la résistance que les P.T.T. ont tenu à glorifier en 1957 par un timbre poste (Jean Moulin, Honoré d'Estienne d'Orves, Robert Keller, Pierre Brossolette, Jean-Baptiste Lebas) sont venus s'ajouter quatre noms d'hommes et de femmes ayant le même idéal patriotique, la même abnégation de soi et le même héroïsme.
1958
Jean
CAVAILLES (1903-1944)
Formé
par les siens a l'école du caractère et du devoir, Jean CAVAILLES réglera sa
vie d'après un seul impératif : servir son Pays. Philosophe et logicien de
valeur, il était en 1939, Maître de conférences à la Faculté de Strasbourg.
Lieutenant d'infanterie coloniale au front, il est cité. Prisonnier en mai 1940
et emmené en Allemagne, CAVAILLES profite d'un arrêt en
Belgique pour s'évader et va retrouver a Clermont-Ferrand sa chère
Faculté de Strasbourg repliée. Des son arrivée, il fonde u n groupe de résistance,
puis un réseau de renseignements militaires, un groupe de sabotage et, plus tard,
un noyau d'armée secrète ; magnifique combattant il mène contre l'envahisseur
une lutte constant et sans merci. Fin 1942,il veut se rendre à Londres, arrêté
et interné il s'évade encore.
Mais
le 28 août 1943, CAVAILLES est arrête
de nouveau ; interrogé et cruellement frappé il restera silencieux. Fresnes...
Compiègne...
CAVAILLES
devait être dirigé sur Buchenwald, quand il fut rappelé à Paris pour "
supplément d'enquête ". on ne
le revit plus. Les archives de Wiesbaden révélèrent que Jean CAVAILLES avait
été
Fred
SCAMARONI (1914-1943)
Personnalité
ardente, Godefroi, (Fred) SCAMARONI était en août 1939, chef de cabinet du Préfet
du Calvados. Lieutenant d'infanterie, il demande l'aviation ; blessé en combat
aérien en mai 1940, il rallie l'Angleterre. Catapulté de l' " Ark Royal
le 21 septembre 1940, il prend part a l'Opération de Dakar, mais il est capturé.
Il va de prison en prison à travers l'Afrique Noire et l'Algérie et est ramené
mourant en France. Sa santé retrouvée, il devient l'un des militants les plus
actifs de la Résistance et se porte volontaire pour les missions les plus périlleuses.
Désigné pour opérer en Corse sous le nom du Capitaine SEVERI, il débarque
d'un sous-marin dans la baie d'Ajaccio, le 6 janvier 1943 et se met à
l'oeuvre pour tenter de réaliser son rêve : libérer son île natale. Sa
mission est presque terminée lorsque le 18 mars 1943 il est arrêté. Malgré
les pires tortures. SCAMARONI ne dira rien. Mais il a trop souffert et
le lendemain il avale la pastille de cyanure qu'il avait sur lui ; le poison
absorbé SCAMARONI s'ouvre la gorge avec un fil de fer trouvé dans sa cellule.
Il emportait dans la mort le mystère de son identité et les secrets de sa
mission, permettant ainsi à ses camarades, par son sublime sacrifice, de
continuer la lutte libératrice.
Simone
MICHEL-LÉVY ( 1906-1945)
Après
d'excellentes études, Simone MICHEL-LÉVY entra dans l'Administration des
P.T.T. en 1924. Dès 1940 elle se jette dans la Résistance, ses fonctions de rédacteur
au Centre de recherches et contrôles techniques lui permettent d'obtenir de
nombreux renseignements qui sont fournis aux réseaux dont elle fait partie puis
transmis à Londres. Chargée en 1942 d'installer des postes émetteurs en zone
occupée, elle s'acquitte de ces dangereuses missions avec la plus grande
audace. Arrêtée le 5 novembre 1943 elle est torturée mais ne parlera pas.
Emprisonnée d'abord à Fresnes, Simone MICHELLÉVY est déportée à Ravensbrück
en mars 1944 d'où on l'envoie a Holleischen dans une usine de
guerre. Rendue responsable de deux arrêts de travail de plusieurs heures chacun
qui font perdre a l'usine une production importance de munitions, elle est
condamnée à mort pour sabotage. Le 13 avril 1945 devant ses compagnes de
captivité du camp de Flossenburg où elle avait été transférée, Simone
MICHEL-LÉVY est pendue. Elle aimait souvent répéter la fière devise de sa Franche-Comté
natale " Comtois rends-toi ! Nenni ma foi ! ",
Simone MICHEL-LÉVY, l'héroïque postière a préféré suivre la voie qui l'a
conduite au martyre plutôt que d'abandonner.
Jacques
BINGEN (1908-1944)
Ancien élève de l'École des Mines et de l'École des Sciences Politiques, Jacques BINGEN était à la veille de la guerre, directeur d'une société d'armement naval de transports maritimes ; jeune patron, c'est déjà un grand administrateur. Officier de liaison, il est blessé en juin 1940 et cité ; malgré ses blessures, il gagne le Maroc puis l'Angleterre. À Londres,il dirige les services de la marine marchande de la France libre ; en marge de ses hautes fonctions, il suit jour après jour l'activité des mouvements de résistance a travers l'énorme quantité de rapports reçus de la Métropole. Délégué du Comité français de libération pour la zone Sud, en août 1943, puis Délégué général par intérim. Jacques BINGEN se dépense sans compter et met au service de la cause qu'il défend les ressources exceptionnelles de son intelligence et de sa foi. Victime d'un agent double et arrêté le 13 mai 1944, BINGEN réussit à s'échapper en assommant deux de ses gardiens; rejoint après une poursuite mouvementée. Il n'est capturé qu'avec l'aide de nombreux soldats ennemis. Mais il est détenteur des secrets les plus importants de la Résistance et plutôt que de s'exposer à les livrer par la torture. Jacques BINGEN, avec un courage héroïque, se donne la mort.
Elle
était courageuse et obstinée, réfléchie et réservée, derrière son calme
souriant se cachait la fière et inébranlable volonté qu'exprime avec tant de
malicieuse pudeur la célèbre formule :
" Comtois, rend toi... Nenni, ma foi ... "
Citation d'Anne Fernier, rescapée du kommando d'Holleischen.
"
Après des nuits de veille, des voyages épuisants, au retour de missions
périlleuses de parachutage, on revoit Simone à sa table de travail, les traits
tirés mais souriante ".
Citation de Gaston Letellier, chef de service de Simone aux P.T.T.
C'est
alors que, par Horvais, je rejoins l'E.M.-PTT, animé par Pruvost,
administrateur au ministère. Simone MICHEL-LÉVY
(Françoise) en est l'agent de liaison avec le réseau " C.N.D. Castille
" du colonel Rémy dont dépend le réseau PTT. Mon engagement est
enregistré en qualité de radio par Boris, alias Beaumont qui ne manque pas de
me faire entrevoir les risques encourus par cet engagement auquel je souscris.
Sur ce point, il convient de souligner que l'organisation de la résistance intérieure
se décomposait en réseaux " Action " - c'est-à-dire aux actions
purement militaires - et " Renseignements " qui comportaient en
particulier le service " Radio ", indispensable pour les
renseignements de toute nature. Je précise aussi qu'en m'intitulant "
pianiste ", j'emploie une qualification courante qui n'a rien à voir avec
cet instrument, mais qui s'applique aux opérateurs doués d'une ouïe sensible
et d'une manipulation correcte, ce qui somme toute n'est pas très éloigné de
l'art musical. Du fait de l'arrestation de mon ami Courtaud, dit Jacot - que je
retrouverai à Buchenwald - c'est son remplaçant en qualité de chef du service
radio, Robert Bacqué, dit Tilden, qui me confie le poste émetteur américain.
En
effet, ma grand-mère Mme Gabrielle Guignot épouse Millot ainsi que ma
grand-tante Hélène Millot épouse Lignier furent arrêtées par la Gestapo à
Dijon le 1er octobre 1943 pour avoir caché chez elles des résistants et des
armes. Elles partirent ensuite toutes les deux par le convoi des
" 27000 " du 3 février 1944 de Compiègne à Ravensbrück, où elles
restèrent peu de temps puis elles furent envoyées créer un Kommando à
Holleischen (Tchéquie). Ce Kommando étant rattaché au camp de Flossenburg,
elles prirent donc des matricules sur les listes de ce camp, Gabrielle Millot
matricule 50423, Hélène Lignier 50414. Suite aux sabotages des machines avec
lesquelles elles fabriquaient des munitions pour l'armée allemande, Hélène et
deux de ses camarades Mimie Suchet et Simone MICHEL-LÉVY (Compagnon de la Libération)
furent bastonnées, puis emmenées au camp de Flossenburg ou elles furent
pendues le 13 avril 1945. Ma grand-mère est donc rentrée seule de ces camps.
(Émail reçu le 28/02/2003).