Que la 35ème division, assignée au XIXème corps, arrive en France assez tôt pour participer au début de la bataille, tout le problème était là. Des éléments avancés de la division étaient bien venus relever une partie de la 30ème division et l'avaient déchargée pour ses opérations de la tête de pont du 7 juillet, mais cela nécessiterait des efforts considérables de mettre tous les soldats et tous les équipements en place afin de prendre en charge toute la partie droite tenue par la 29ème. La 35ème division ne pouvait pas être prête à combattre avant le 11 juillet.

Les bombardements aériens et les obus avaient complètement détruit Saint-Lô. Pour éviter, non seulement le prix des combats pour extirper les allemands des maisons en ruines, mais aussi le travail représenté par le dégagement des rues obstruées par les décombres, le général Gerhardt avait désigné les hauteurs près de Saint-Lô, plutôt que la ville elle-même comme objectifs les plus proches : la cote 122, au nord de la ville, et immédiatement à l'intérieur de la limite droite de la division, la crête de Martinville, à l'est, et les hauteurs au sud-est de Saint-Lô. Àprès les avoir prises, et la seconde division tenant la cote 192, Gerhardt espérait bien qu'en menaçant d'encercler la ville, il obligerait les allemands à l'évacuer. Il eut cependant la conviction que tant que les allemands garderaient le contrôle des collines situées au nord et au sud de Saint-Lô, ils n'abandonneraient sans doute pas la ville. Il devait prendre Saint-Lô en l'attaquant directement et l'occuper. Le soir du 11 juillet, il donna comme instruction au colonel Canham de poursuivre son chemin et de prendre Saint-Lô si possible. La tombée de la nuit vint contrecarrer cette tentative. Le plan de manœuvre américain avait été révélé aux chefs allemands lors de la capture d'un ordre de mission de combat, le matin du 11 juillet, ce qui les avait empêchés de s'inquiéter quand les américains avaient attaqué. Mais à midi, les perspectives avaient changé. Ils avaient perdu le sommet de la cote 192 et l'attaque de la panzer lehr à l'ouest de la Vire avait fait long feu. Le deuxième jour de l'attaque, le 12 juillet, la 29ème division ne progressa pas beaucoup. À droite, le 115ème d'infanterie, étiré sur un large front, sans réserve, ne fit pas beaucoup plus que maintenir la pression en essuyant des pertes. Après deux jours de combats, les chefs de corps et de division, les généraux Corlett et Gerhardt, en vinrent à cette conclusion, " la cote 122 est une nasse " ; ils en avaient absolument besoin pour prendre Saint-Lô. Le 13 juillet, pourtant, les effectifs du général Gerhardt n'étaient plus assez nombreux pour s'emparer de la colline. 

La cote 122.

Commandée par le major-général Paul W.Baade, la 35ème division, malgré son bon entraînement avait tout de même la handicap d'avoir été engagée dans la hâte. Les soldats avaient pris en charge une partie de l'activité du front, sans avoir pu faire une reconnaissance approfondie du territoire ; leur connaissance de l'ennemi était limitée à la vague idée qu'ils se faisaient de l'endroit où se trouvait l'avant du front adverse, l'impression que les allemands se défendaient avec force, et la prise de conscience qu'ils avaient eue, aussitôt, que les allemands avaient d'excellents postes d'observation sur tous leurs mouvements, en particulier à travers champs. C'est seulement quand la division avait lancé son assaut, que les soldats avaient appris combien leurs adversaires  avaient su organiser complètement le terrain. Pour son attaque du 11 juillet, le jour même où la 2ème  et la 29ème avaient pris leur élan, le général Baade avait fait le projet d'engager 2 régiments de front. Après une préparation d'artillerie de 30 minutes, la division prit le départ à six heures. Les éléments du flanc droit des deux régiments d'assaut parcoururent deux kilomètres en deux heures et organisèrent le front de la division mais ensuite l'attaque marqua le pas. Ayant rencontré une forte résistance dans les haies, les soldats se trouvèrent confrontés aux même difficultés qui s'étaient abattues sur presque toutes les divisions inexpérimentées dans le bocage. Les communications furent rompues presque aussitôt. Des vides se manifestèrent entre les unités.  Le second jour de l'attaque, le 12 juillet, la 35ème division tira profit d'une préparation d'artillerie de 45 minutes pour essayer d'affaiblir les défenses allemandes. En dépit d'une progression, la 35ème division ne gagna pas grand chose les 12 et 13 juillet. La situation trouva en partie sa solution le 14. Tandis que la 29ème se reposait et se réorganisait, Baade envoya une partie de la 35ème attaquer le long de la rive est de la Vire. Pendant les deux premiers jours, la 352ème division allemande avait dû supporter 840 blessés et n'était plus en mesure de compter ses morts. Le rapide déclin de cette division avait de sérieuses implications pour les allemands qui défendaient Saint-Lô. Si elle s'effondrait, la cote 122 serait perdue. Le 16 juillet, les troupes de la 35ème division américaine traversèrent le sommet de la cote 122, en dépit d'un fort tir d'artillerie. Tandis que les obus de l'artillerie et des mortiers allemands continuaient à s'abattre sur la colline, les soldats américains découvraient une vue étonnante sur Saint-Lô, à un kilomètre à peine.

Alors qu'on pouvait entrevoir que la bataille de Saint-Lô serait terminée pour le 17 juillet, la prise de la ville ne semblait pas imminente le 14 quand la 29ème division  avait fait halte pour se réorganiser et se préparer à relancer l'assaut. La ville avait beau ne plus être qu'à cinq kilomètres à peine, elle se dérobait en quelque sorte comme aux trois premiers jours de l'attaque.

Le 17 Juillet, septième jour de l'attaque, la 29ème division s'élança avant l'aube. Le major Thomas D. Howie, qui commandait le 3ème bataillon du 116ème régiment d'infanterie menait ses hommes. Les allemands, méfiants, augmentèrent leur tir d'artillerie et de mortiers et se mirent à arroser de leurs mitrailleuses les pentes de la crête de Martinville. Les hommes d'Howie résistèrent à la tentation de riposter et continuèrent à grimper à travers une brume de petit matin, toujours sans être vus. Le chef du régiment,  le colonel Dwyer, avait eu l'espoir que les bataillons réunis pourraient entrer dans la ville.  Mais les hommes étaient épuisés. Howie informa son Dwyer qu'ils n'étaient plus en mesure de combattre. Dwyer posa la question de savoir si Howie pouvait faire avancer son bataillon seul, jusqu'au faubourg est de la ville, Howie répondit " ça ira ". Quelques minutes plus tard, un obus ennemi le tuait. 

Du côté américain, le général Gerhardt achevait ses préparatifs pour l'assaut du matin du 18 juillet. Après une préparation d'artillerie, le 115ème régiment d'infanterie partit à l'attaque Le général Gerhardt voulut que le cadavre du major Howie accompagne les premiers soldats américains qui entreraient dans la ville. Cet acte n'était pas seulement un geste pour marquer honneur et respect à celui qui était tombé, mais aussi un rappel manifeste donné aux membres de la formation de combat, de tous leurs camarades qui avaient donné leur vie pour une tâche encore inachevée. Le choix du corps du major Howie convenait particulièrement, car Howie, qui avait pris la tête d'un bataillon, trois jours seulement avant sa mort, présentait les qualités de courage et de sacrifice qui avaient permis la percée jusqu'aux portes de Saint-Lô. À 15 heures, le 18 juillet, le groupe de combat C du général Cota, prit le départ de son lieu de rassemblement.. La formation de combat entrait par la partie nord est de Saint-Lô, à 18 heures, au 8ème jour de la bataille. S'emparant rapidement d'une place près du cimetière et l'organisant comme sa base d'opérations, le groupe de combat C progressa rapidement au travers des rues obstruées de décombres, jusqu'aux endroits d'une certaine importance. De petits groupes occupèrent les carrefours clés, les places et les ponts. Une heure après, il devint évident que seule une résistance allemande restait à nettoyer. Les ponts sur la Vire étaient encore intacts. Ce qui avait causé la chute de Saint-Lô, c'était le poids de la pression exercée implacablement par deux divisions pendant 8 jours. La prise de la cote 122 en est avait privé les allemands d'un point essentiel de leur ligne de défense. Le général Gerhardt avait préparé un message officiel pour annoncer la prise de Saint-Lô. À 18 h 30, une demi heure après que le groupe de combat C ait pénétré dans les rues de la ville, il délivrait confidentiellement le message à son officier des services spéciaux, en temps voulu pour l'édition du soir du journal polycopié de la division. Avant que Gerhardt sot en mesure de publier l'exploit, le général Corlett lui téléphonait pour lui dire qu'il avait déjà entendu  la nouvelle à une émission de radio. Saint-Lô était pris mais était loin d'être à l'abri. Les obus allemands s'écrasaient à l'intérieur de la ville. Le XIXème corps acheva son travail le matin du 19 juillet. La 29ème division finit de nettoyer la ville et la 35ème division annonça qu'il n'y avait plus de soldats ennemis en activité dans son secteur. En prenant Saint-Lô, les divisions avaient eu à supporter les lourdes pertes qui étaient le type même de toutes celles des batailles de haies. La 35ème division avait perdu plus de 2.000 hommes ; la 29ème division avait eu plus de 3.000 victimes. Quand les hommes de la 29ème sortirent de Saint-Lô, le 20 juillet, le corps du major Howie était devenu un symbole. Le groupe de combat C avait transporté dans la ville, sur une jeep, son cadavre enveloppé dans un drapeau. Placé sur un tas de décombres devant l'église romane Sainte Croix, le corps était devenu un reliquaire, un symbole universel de sacrifice. Quand les soldats enlevèrent le corps et quittèrent la ville, le symbole continua de reposer sur Saint-Lô. La ville elle-même, défigurée et sans vie était devenue un mémorial de tous ceux qui avaient souffert et était morts dans la bataille des haies. L'offensive de la première armée se termina le 19 juillet.

Texte extrait du chapitre VIII La bataille de Saint-Lô. Ouvrage cité en référence : La libération de Martin Blumenson.