LES BOULANGERIES À BEAUCOUDRAY

La commune de Beaucoudray peut être divisée en deux parties : la partie sud, occupant un plateau au sommet d'une colline d'environ 150 mètres appelée " Haut de Beaucoudray " et la partie Nord, descendant en pente douce vers le petit massif forestier du bois de Moyon, appelée " Bas de Beaucoudray ".

D'après le recensement et le cadastre de 1831, la commune comptait 325 habitants soient environ 70 feux ; ensuite, en 60 ans, régression importante : il ne reste plus que 242 habitants en 1891. La dépopulation se poursuit jusqu'en 1921 et le nombre de feux descend à 56. Puis une légère augmentation se produit jusqu'à la seconde guerre mondiale mais le nombre de feux est à 55. Le nombre d'habitants ne cessera de décroître après 1945, phénomène commun à toutes les régions rurales de Normandie.

On peut mettre en parallèle cette forte dépopulation du XIXe siècle avec des changements économiques agricoles importants : " le couchage en herbe ". Beaucoudray, dans le bocage Saint-Lois était propice à convertir son activité agricole. Il en résulte un enrichissement des paysans qui font construire des maisons d'habitation conséquentes : " au Village Moisson ", superbe maison de maître avec une riche construction qu'une inscription sur le linteau de la porte la date de 1847 ; ou qui transforment celles existantes : agrandissement en longueur ou en hauteur. Ce remaniement de l'habitat, allié à la liberté qu'à le paysan de faire son pain depuis la révolution, se traduit par la construction de nombreuses boulangeries. Ainsi, nous pouvons estimer à 31 leur nombre en 1831, c'est-à-dire qu'une ferme sur deux en est dotée. Elles seront utilisées sans discontinuer jusque dans les années 50. En effet, les souvenirs d'habitants évoquent qu'il restait 28 boulangeries entre les deux guerres.

Après 1945, la dépopulation et les changements économiques importants entraînent le déclassement ou l'abandon de nombreux bâtiments dont les boulangeries. Dans les années 1950-1960, l'usage du four semble totalement abandonné au point où les paysans n'hésitent pas à détruire soit le four seul, soit l'ensemble du bâtiment, souvent en mauvais état. Une personne se rappelle en avoir abattu quatre pour le seul hameau du " Village Aubel " ; ces destructions vont de pair avec l'arrachage des pommiers.

Actuellement il n'en reste plus que dix, lesquelles servent le plus souvent d'annexes d'étables pour les moutons, les génisses, jeunes veaux... La boulangerie du château est particulière et remarquable à trois titres : sa construction notamment celle des fours semble très antérieure à toutes celles de la commune ; c'est la seule boulangerie à posséder deux fours, de surcroît de taille différente et sa localisation est originale.

Ces différents éléments semblent indiquer qu'il s'agissait de la boulangerie dite banale. Le seigneur local en avait le monopole et de fait, obligeait les villageois à apporter leur pâte au fournier boulanger. Après l'abolition des privilèges, cette boulangerie n'était peut-être mise qu'à la disposition des seuls fermiers du châtelain. Effectivement, il est attesté que ces fermiers possédaient un droit aux fours de cette boulangerie durant la première moitié du XXe siècle. Cette pratique relevant du droit et non de l'habitude est également connu pour d'autres boulangeries de la commune. Il existait donc un " droit au four " comme il existait un " droit de passage ", un " droit aux sources ". Néanmoins, l'utilisation du four d'un voisin pour les personnes qui en étaient dépourvues – fermiers,  journaliers modestes, ouvriers agricoles - ne relevaient pas toujours de ce droit mais le plus souvent d'un arrangement à l'amiable.

L'habitat, comme les autres régions de bocage, est dit dispersé dans la mesure où il se constitue de petits hameaux familiaux et de fermes isolées.

Les maisons rurales de Beaucoudray correspondent au type des maisons à cour ouverte. En effet, les bâtiments en longueur, réunis sous un même toit, jouxtent une cour, peu ou pas délimitée, d'une superficie variable où la circulation s'effectue à usage non-agricole. Le verger ou " gardin " planté de pommiers, et où le bétail " pâture ", est le plus souvent une parcelle attenante aux bâtiments. Dans la majorité des cas, la boulangerie se situe à l'angle de ce " gardin ", à une centaine de mètres de l'habitation, vraisemblablement par crainte des incendies tant redoutés, la plupart des toitures étant en chaume. La boulangerie du château quant à elle échappe à cette règle : si comme les autres, elle est éloignée de l'habitation, elle se trouve au milieu d'un bois, près d'un étang et sur un ancien axe de communication important. Sur la commune, il n'a été retrouvé qu'un seul cas de four intégré au reste de l'habitation au lieu-dit " La Maison du Bois ".  

Ce sont des bâtiments de dimension modeste : la longueur variant de 5 à 7 mètres et la largeur 4 à 5 mètres. Ils ne possèdent pas d'étage si ce n'est un petit grenier sous comble. Les ouvertures sont peu nombreuses - une porte et une fenêtre - et de petite dimension. On accédait à ces boulangeries par la porte, située soit sur la façade, soit sur le mur du pignon. Au pignon Nord, se trouvent accolés le four et sa motte. Celui-ci est toujours visible de l'extérieur et protégé par un appenti dont le toit est en continuité avec celui du reste du bâtiment. La disposition au Nord de la motte et de la cheminée semble avoir été choisie pour des raisons d'exposition au vent et donc de tirage.

Le bâtiment ne comprend généralement qu'une seule pièce appelée fournil.

(Extrait " Un peu d'histoire de Beaucoudray ")