Ouest-France du 23 juin 1973
Dimanche, à 10h, cérémonie à la mémoire des fusillés de Beaucoudray.
Au cœur du bocage Saint-Lois, à l'écart des grandes routes et à l'abri des haies qui protégèrent dans leur fuite quelques-uns des membres du réseau, s'élève une stèle qui rappelle à jamais le sacrifice total de 11 maquisards. C'est ici, à Beaucoudray, que dans la pâleur du jour, 11 membres du réseau des Postiers Saint-Lois ont été fusillés par les nazis.
Qui se souvient encore de ce réseau avec Bobo, Samson, Deschamps, Lerable, Robin, Le Sénécal, Raoult, Bobœuf,
Marcheseaux, Le Maresquier, Fourniais, Blin, Seiger, Richer et Crouzeau, qui avait organisé le petit groupe ?
Les messages codés avaient déclenché l'action ouverte des maquisards. Et c'est ainsi que dans la nuit du 5 au 6 juin, les postiers sabotèrent
à Saint-Lô, les câbles de Cherbourg, Jersey, Caen et Falaise ainsi que les principales lignes aériennes, tandis que le câble Saint-Lô,
Avranches, Rennes assurant les liaisons avec les arrières était coupé à Pontaubault par l'équipe Tabur, à Percy par l'équipe Texier Hugou et à
Villebaudon par l'équipe Fillâtre. Après quoi, les Saint-Lois rejoignirent Beaucoudray, centre de résistance et de ralliement où s'étaient
succédés (chez Mr Fillâtre) Michel-Lévy (Simone), Pruvost, Horvais, de Beaumarchais et tous les chefs de groupe.
Et c'est dans une maison perdue du village du Bois qu'ils se rassemblèrent avec les armes. Ils attendaient 28 hommes avec lesquels ils devaient se partager les armes. Le groupe du Calvados ne vint pas et les 17 maquisards restèrent à les attendre pour garder le stock d'armes.
Quelques jours plus tard, Mm Leblond vint habiter une maison voisine " de guet " (sur le chemin Villebaudon-Moyon), là même où avaient été entreposées au premier abord les armes parachutées à Sainte-Marie-Outre-L'eau. C'est le 14 juin à 6 h du matin que Mm Leblond aperçut une voiture allemande arrêtée à proximité de son domicile. Avaient-ils été repérés ? Bien vite, elle s'en fut prévenir les maquisards et deux hommes s'en vinrent en reconnaissance comme de bons commis de ferme poussant une brouette. la voiture allemande était partie et l'on pensa qu'il s'agissait d'un véhicule égaré... À tort puisque 4 heures plus tard, à 10 h (ancienne), la maison " de guet " était cernée. Raymond Robin qui est de garde derrière la haie longeant le chemin, à mi-route entre les deux maisons, voit passer une nouvelle voiture allemande, descendre jusqu'à la petite ferme, tourner et partir. Ses amis ne sont pas intervenus ; ils ont pensé qu'ils s'agissait encore d'une voiture égarée. Hélas, il s'agissait des avants courriers de la Division " das reich " qui se déploie dans les herbages à gauche et à droite du chemin.
Le premier aperçu est Richer à 10 mètres de la maison, au pied d'une haie. La rafale de mitraillettes ne l'atteint heureusement pas et il s'enfuit vers le bois de Moyon où se dirigent devant lui Deschamps et Guy qui se trouvaient à proximité. Guy est blessé et incapable de fuir, Pruvost lui s'enfuit en longeant la maison. Raoult de garde dans le secteur Sud-Ouest et Allier revenant de l'approvisionnement en lait, utilisent l'autre haie du champ pour disparaître par la route de Saint-Lô vers Notre Dame de Cenilly. Quand à Abdon, il était parti à son domicile pour y prendre du matériel, sa femme devant s'installer dans la maison de Guet avec Mm Leblond.
Les autres étaient dans la maison, au rez de chaussée où Lerable préparait le petit déjeuner, lorsque les allemands apparurent à la porte d'entrée, aucune défense n'était possible et seul Crouzeau utilisant son " colt " peut tirer deux fois.
Et c'est ainsi que Mm Leblond prisonnière voit arriver deux à deux, les mains levées, ses camarades : Crouzeau, Bobo, Robin, Samson, Lerable, Lecouturier, Hamel, Patin, Martin, Albertini, ... Guy blessé, suit peu après devant une civière où sont étendus les deux allemands " de " Crouzeau. Les nazis vont tenter d'obtenir des renseignements en vain. On les enferme dans l'étable où ils passeront la première partie de leur dernière nuit. À 3 h 15, leur porte s'ouvre. Par le chemin désert, ils vont tout près, jusqu'à cet herbage de " L'oiselerie de haut ", où poings liés ils tomberont ensemble sous les rafales de mitraillettes à cet endroit précis où s'élève une stèle avec la statue de la résistance.
Les anciens du réseau, les survivants de Beaucoudray seront fidèles au souvenir de leurs camarades en se rassemblant devant la stèle du souvenir. À 10 h est prévue l'arrivée des personnalités au monument. Après le dépôt de gerbe et les sonneries, allocution de Mr Texier Hugou, président du Comité. La messe sera concélébrée par les abbés Dupont, curé de Villebaudon-Beaucoudray et Nollais, curé doyen de Montmartin sur Mer.
MM. Richer et Deschamps ont vécu le drame de
Beaucoudray et ne manquent jamais de venir se recueillir devant la stèle.
Villebaudon
Mardi 20 Août aura lieu une cérémonie patriotique en hommage à la mémoire
de onze combattants tombés dans les rangs des Forces Françaises Intérieures.
Une délégation spéciale de Granville déposera une gerbe au nom de ses
membres.
Fin août 1944, le journal hebdomadaire de Granville, " Le Renouveau ", publia cet avis. Cette information conduisit les familles Crouzeau et Sanson, réfugiés à Longueville et Bréville, sur les lieux du drame. S'agissant des autres familles, elles ne furent guère informées dans des conditions plus satisfaisantes. " On leur dit que c'était un honneur...