C'est à Lille que naquit Charles de Gaulle, le 22 novembre 1890. Il est issu d'une famille de moyenne bourgeoisie catholique. Son père fut, pendant de longues années, professeur de philosophie et de littérature française au Collège des Jésuites de la rue de Vaugirard à Paris. Sa jeunesse se déroula donc en grande partie dans la capitale.

Après des études secondaires soigneusement conduites, il passa le concours d'entrée à l'École militaire de St-Cyr, et fut reçu en bon rang. Il sortit de l'École en 1911, avec le grade de-sous-lieutenant.

Il n'avait pas tout à fait 24 ans lorsqu'il partit pour la guerre en 1914 en qualité de lieutenant au 33ème régiment d'infanterie, sous les ordres du Colonel l'étain. Il ne tarda pas à être appelé au commandement d'une compagnie, et ses notes, pendant les deux premières années de la guerre, nous montrent en lui un officier d'élite hautement apprécié par ses chefs.

Le 15 août 1914, le lieutenant de Gaulle fut blessé à Dinant, en Belgique. À peine rétabli, il retourna au front et reçut une deuxième blessure è Mesnil-les-Hurlus en Çbampagne, au mois de mars 1915.

Enfin l'année suivante, il participa avec son régiment à l'héroïque défense de Verdun, et plus particulièrement aux combats qui se déroulèrent dans le village de Douaumont. En mars 1916, il fut projeté au sol par l'explosion d'un obus lourd : grièvement blessé et évanoui, il fut ramassé par une patrouille allemande, soigné dans une ambulance, puis envoyé en captivité en Allemagne.

C'est alors qu il fut cité à l'ordre de l'Armée par le Général Pétain, dans les termes suivants :

Officier renommé pour sa haute valeur intellectuelle et morale. Le 2 mors 1916, au village de Douaumont, alors qu'après un effroyable bombardement,l'ennemi attaquait le bataillon de toutes parts, a enlevé sa compagnie à la contre attaque, dans un combat furieux et un corps-à-corps farouche. SEULE SOLUTION QU'IL JUGEAIT COMPATIBLE AVEC L'HONNEUR MILITAIRE.

A été grièvement blessé dans la mêlée. Officier hors de pair à tous égards. Deux blessures, antérieures. Une citation. "

Une nature aussi énergique et aussi active ne pouvait s'accommoder de l'inaction forcée derrière les barbelés d'un camp de prisonniers. Il essaya de s'évader à cinq reprises différentes. Chaque fois, il échoua, et ses tentatives lui valurent des punitions sévères et un traitement de rigueur.

Avec le 11 novembre 1918 vinrent la victoire et, pour le Capitaine de Gaulle, la libération. Il rentra en France, mais sa santé était fortement ébranlée. Cependant, il ne tarda pas à repartir, pour jouer 'un rôle important dans la campagne de Pologne de 1920/1921, sous les ordres du Général Weygand, à l'État-Major duquel il fut attaché. Il eut alors l'occasion d'avoir des contacts fréquents aime le Maréchal Pilsudski.

À l'issue de cette campagne, le Capitaine de Gaulle rentra en France et dut, pour achever de se rétablir, prendre un long congé de maladie.

Nommé Professeur d'histoire militaire à St-Cyr où il se fit remarquer par l'originalité et l'éclat de son enseignement, il fut ensuite reçu à l'École de Guerre d'où il sortit officier breveté d'État-Major.

À ce moment se place la deuxième rencontre du futur Général de Gaulle et du Maréchal Pétain : de Gaulle fut nommé à l'État-Major du Maréchal.

Affecté en 1927 à l'Armée du Rhin à Trèves comme Commandant d'un bataillon de chasseurs à pied, poste dans lequel sa parfaite connaissance de l'allemand s'avéra particulièrement utile, puis en 1929 chargé de mission auprès de l'État-Major de l'armée du Levant, ce qui lui fournit l'occasion de longs séjours à Alep et Damas et de voyages à travers l'Égypte, l'Irak et la Perse, il ne rentra en France qu'en 1932.

Il fut aussitôt nommé Secrétaire Général du Conseil Suprême de Défense ; il occupa ce poste pendant quatre années au terme desquels il fut envoyé pour un an au Centre des Hautes Études militaires.

Depuis plusieurs années ses livres sur la motorisation de l'armée avaient attiré sur lui l'attention des experts militaires. De longues méditations l'avaient convaincu que le système militaire en vigueur n'était pas adapté au rôle que lui assignaient les progrès de la science. Dès 194, il avait publié : " La discorde chez l'ennemi " et le Maréchal Pétain avait écrit à l'éditeur de l'ouvrage, une lettre où il portait sur le Commandant de Gaulle le jugement suivant : " Un jour la France reconnaissante fera appel à lui. " En 1932 parut " Au fil de l'Épée," puis en 1933 " Vers l'année de Métier " et enfin en 1939 : " La France et son armée ". Tous ses ouvrages, comme les conférences que le Colonel de Gaulle fit à la Sorbonne révélaient un maître dans l'art de dégager des faits des vues nouvelles et prouvent avec quelle clarté de jugement et quelle puissante originalité il avait compris la nécessité de transformer l'art de la guerre.

Cependant le Haut commandement français à qui les thèses du jeune officier auraient pu ouvrir des voies nouvelles, resta sourd à ses avis. Le Colonel de Gaulle eut la double amertume de constater que, s'il n'était pas entendu chez nous, ses idées étaient reprises par nos ennemis, qui les mettaient sans tarder à exécution. Le Général Guderian, créateur de l'armée mécanique allemande, présente, dans ses ouvrages, le Colonel de Gaulle comme un précurseur et un maître.

En France même, un homme politique, M. Paul Reynaud, avait reconnu la valent des théories nouvelles : Dans son livre " Le problème militaire français " qui traite presque uniquement de la guerre motorisée, il rend hommage à la prescience du Colonel de Gaulle, qui, le premier avait préconisé la création de divisions cuirassées, avec un personnel spécialisé, un personnel de métier par opposition au personnel conscrit. Reynaud fait une comparaison saisissante entre la division cuirassée, telle que l'avait conçue le Colonel de Gaulle et la " Panzer-division " allemande:

Panzer division type 1935

Un détachement de reconnaissance formé d'auto mitrailleuses et d'infanterie sur motocyclettes et voitures légères.

1 brigade de chars (540 chars).

1 brigade de fusiliers (valeur 5 bat.) sur motocyclettes et voitures tous terrains avec proportion considérable de canons d'infanterie et d'engins anti chars.

1 régiment d'obusiers de 105.

1 détachement de pionniers.

Unités spécialisées dans le camouflage et l'installation des unités anti chars.

Division cuirassée projetée par le colonel dee Gaulle en 1933

Un groupe de reconnaissance formé de chars réduis (automitrailleuses) et de fractions d'infanterie transportées sur véhicules légers.

1 brigades de chars (500 chars).

1 brigade d'infanterie (6 bataillons) transportée sur véhicules tous terrains (motocyclettes, voitures à chenilles) fortement dotée en canons d'accompagnement et en armes anti chars.

1 brigade d'artillerie tractée comprenant :

1 régiment de 75.

1 régiment d'obusiers de 105.

1 bataillon du génie.

1 bataillon de camouflage.

Ainsi, chacune des Panzerdivisionen avait, à quelques détails près, la composition qu'en 1933 le Colonel de Gaulle proposait pour la division cuirassée.

Aprés son stage au Centre des Hautes Études militaires, Charles de Gaulle fut nommé, en 1937, Colonel du 507ème régiment de chars, à Metz, puis, en 1939, il reçut le commandement de la brigade de chars attachée à la 5ème armée, en Lorraine.

C'est là que la guerre le trouva.

En janvier 1940, après cinq mois de " drôle de guerre ", le Colonel de Gaulle éleva une fois de plus la voix. Dans un mémorandum en date du 26 janvier 1940 qu'il adressa au Généralissime et aux Commandants d'Armées ainsi qu'au Chef du gouvernement et à de nombreux ministres et hommes politiques, il donna un suprême avertissement qu'on ne peut relire aujourd'hui sans émotion :

" Si l'ennemi, écrivait-il, n'a pas su constituer une force mécanique suffisante pour briser nos lignes de défense, tout commande de penser qu'il y travaille. Les succès éclatants qu'il a emportés en Pologne grâce aux moteurs combattants ne l'encouragent que trop à pousser largement à fond dans la voir nouvelle ...

Pour briser la force mécanique, seule, la force mécanique possède Une efficacité certaine. La contre-attaque massive d'escadres aérienne et terrestres, dirigée contre un adversaire plus ou moins dissocié par le franchissement des ouvrages, voilà donc l'indispensable recours de la défensive moderne." Et en conclusion :

" À aucun prix, le peuple français ne doit céder à l'illusion que l'immobilité militaire actuelle serait conforme au caractère de la guerre en cours. C'est le contraire qui est vrai. Le moteur confère aux moyens de destruction modernes une puissance, une vitesse, un rayon d'action tels que le conflit présent sera, tôt ou tard, marqué par des mouvements, des surprises, des irruptions, des poursuites, dont l'ampleur et la rapidité dépasseront celles des plus fulgurants événements du passé. Beaucoup de signes annoncent déjà ce déchaînement des forces nouvelles. Tandis que les " masses " française, allemande, anglaise, russe, etc., soit 20 millions d'hommes, se trouvent mobilisées depuis cinq mois sans avoir nulle part, et à aucun moment, rien accompli de positif, on a vu la ruée des chars et l'assaut des avions anéantir en deux semaines une bonne armée de 1.200.000 soldats.

On a vu maintes machines volantes faire planer la mort d'un bout à l'autre des grands pays belligérants ; des navires agir sur toue l'étendue des mers ; on a vu l'opinion publique de l'ancien et du nouveau monde s'intéresser passionnément aux manifestations de la farce mécanique, parce qu'elle y sent, d'instinct, l'essentiel de la puissance des armes. "

Voilà ce que le Colonel de Gaulle écrivait le 26 janvier 1940.

Une fois encore, il ne fut pas entendu. Pourtant à l'heure du danger on va faire appel à lui : aux premiers jours de la campagne de France on lui confie le commandement d'une division improvisée : la 4ème division cuirassée et les succès qu'il remporte autour de Laon les 17, 18 et 19 mai lui valent d'être nommé Général sur le champ de bataille, promotion qui fait de lui le plus jeune général de l'armée française. .

Tous les experts militaires ont souligné le rôle important qu'ont joué les chars du Général de Catelle, dont les contre attaques sont à compter parmi les rares succès que remporta l'armée française après le 10 mai.

Aucun texte n'en témoigne mieux que la citation à l'Ordre de l'Année que le Général Weygand décerna le 2 juin 1940 au Général de Gaulle.

" Chef admirable de cran et d'énergie. A attaqué avec sa division la tête de pont d'Abbeville, très solidement tenue par l'ennemi. A rompu la résistance allemande et progressé de 14 kilomètres à travers les lignes ennemies, faisant des centaines de prisonniers et capturant un matériel considérable. "

Le 6 juin 1940 vers minuit, le Général de Gaulle recevait un message l'appelant d'urgence à Paris. Lorsqu'il arriva, il fut reçu à l'aube par Paul

Reynaud, qui le pria d'accepter le poste de Sous-Secrétaire d'État à la Défense Nationale et à la Guerre.

Il accepta cette charge, et concentra désormais son activité sur les points suivants :

1° Essayer d'introduire, dans les méthodes militaires françaises, une tactique capable de faire obstacle aux forces motorisées allemandes.

2° Rendre plus étroite la collaboration militaire entre la France et la Grande-Bretagne, surtout au point de vue de l'activité aérienne : À cette
fin, le Général de Gaulle se rendit à deux reprises à Londres pendant cette période et conféra avec M. Winston Churchill. Il assista également aux importantes conférences pour lesquelles lé Premier Ministre britannique s'était rendu à Tours et au G.Q.G.

3° Convaincre les dirigeants français de la nécessité absolve et vitale de continuer d'abord la lutte dans toute la France puis en Afrique du Nord.

Ses théories avaient bien, comme on l'a vu, reçu l'assentiment de Reynaud, mais pendant fort longtemps l'État-Major général s'était refusé à les adopter et même à les essayer. Au-moment où le Général de Gaulle entra au gouvernement, il était sans doute trop tard pour remonter la pente, mais pas trop tard, pensa le Général, pour continuer la lutte et préparer méthodiquement la victoire ultime.

Cependant, le Maréchal Pétain annonça son intention d'entamer des négociations d'armistice. Le Général de Gaulle, alors n'hésita pas. Son devoir lui apparut, net et clair. Il quitta le territoire français pour devenir l'âme de la résistance française.


PREMIER APPEL DU GENERAL DE GAULLE
Londres, le 18 juin 1940

Les chefs qui, depuis de nombreuses années, sont à la tête des armées françaises, ont formé un gouvernement. Ce gouvernement, alléguant la défaite de nos armées, s'est mis en rapport avec l'ennemi pour cesser le combat.

Certes, nous avons été, nous sommes submergés par la force mécanique, terrestre et aérienne de l'ennemi.

Infiniment plus que leur nombre, ce sont les chars, les avions, la tactique des Allemands qui nous font reculer. Ce sont les chars, les avions, la tactique des Allemands qui ont surpris nos chefs au point de les amener là où ils en sont aujourd'hui. Mais le dernier mot est-il dit ? L'espérance doit-elle disparaître ? La défaite est-elle définitive ? Non ! Croyez-moi, moi qui vous parle en connaissance de cause et qui vous dis que rien n'est perdu pour la France. Les mêmes moyens qui nous ont vaincus peuvent faire venir un jour la victoire.

Car la France n'est pas seule. Elle a un vaste- Empire derrière elle. Elle peut faire bloc avec l'Empire britannique qui tient la mer et continue la lutte. Elle peut, comme l'Angleterre, utiliser sans limite l'immense industrie des États-Unis.

Cette guerre n'est pas limitée au territoire malheureux de notre pays, Cette perte n'est pas tranchée par la bataille de France. Cette guerre est use guerre mondiale. Toutes les fautes, tous les retards, toutes les souffrances, n'empêchent pas qu'il y a dans l'univers tous les moyens nécessaires pour écraser un jour nos ennemis. Foudroyés aujourd'hui par la tome mécanique, nous pourrons vaincre dans l'avenir par une force mécanique supérieure. Le destin du monde est là.

Moi, Général de Gaulle, actuellement à Londres, j'invite les officiers et les soldats français qui se trouvent en territoire britannique, ou qui viendraient à s'y trouver, avec leurs armes, ou sans leurs armes, j'invite les ingénieurs et les ouvriers spécialistes des industries d'armement qui se trouvent en territoire britannique ou qui viendraient à s'y trouver, à se mettre en rapport avec moi.

Quoi qu'il arrive, la flamme de la résistance française ne doit pas s'éteindre et ne s'éteindra pas.

Demain, comme aujourd'hui, je parlerai à la radio de Londres.


SOLDATS DE FRANCE, DEBOUT !
Londres, le 19 juin 1940

À L'HEURE où nous sommes, tous les Français comprennent que les formes ordinaires du pouvoir ont disparu. Devant la confusion des âmes françaises, devant la liquéfaction d'un gouvernement tombé sous la servitude ennemie, devant l'impossibilité de faire jouer nos institutions, moi Général de Gaulle, soldat et chef français, j'ai conscience de parler au nom de la France.

Au nom de la France, je déclare formellement ce qui suit : Tout Français qui porte encore des armes a le devoir absolu de continuer la résistance.

Déposer les armes, évacuer une position militaire, accepter de soumettre n'importe quel morceau de terre française au contrôle de l'ennemi, ce serait un crime contre la patrie.

À l'Heure qu'il est, je parle avant tout pour l'Afrique du Nord française, pour l'Afrique du Nord intacte.

L'armistice italien n'est qu'un piège grossier.

Dans l'Afrique de Clauzel, de Bugeaud, de Lyautey, de Noguès, tout ce qui a de l'honneur a le strict devoir de refuser l'exécution des conditions ennemies.

Il ne serait pas tolérable que la panique de Bordeaux ait pu traverser la mer.

Soldats de France, où que vous soyez, debout !


" L'INTÉRÊT SUPERIEUR DE LA PATRIE "
Londres, le 22 juin 1940

Le gouvernement français, après avoir demandé l'Armistice, connaît maintenant les conditions dictées par l'ennemi. Il résulte de ces conditions que les forces françaises de terre, de mer et de l'air seraient entièrement démobilisées, que nos armes seraient livrées, que le territoire français serait totalement occupé et que le Gouvernement français tomberait sous la dépendance de l'Allemagne et de l'Italie.

On peut donc dire que cet Armistice serait non seulement une capitulation, mais encore un asservissement.

Or, beaucoup de Français n'acceptent pas la capitulation ni la servitude, pour des raisons qui s'appellent : l'honneur, le bon sens, l'intérêt supérieur de la Patrie.

Je dis l'honneur, car la France s'est engagée à ne déposa les armes que d'accord avec ses Alliés. Tant que ses Alliés continuent la guerre, son gouvernement n'a pas le droit de se rendre à l'ennemi. Le gouvernement polonais, le gouvernement norvégien, le gouvernement belge, le gouvernement hollandais, le gouvernement luxembourgeois, quoique chassés de leur territoire, ont compris ainsi leur devoir.

Je dis le bon sens, car il est absurde de considérer la lutte comme perdue. Oui, nous avons subi une grande défaite. Un système militaire mauvais, les fautes commises dans la conduite des opérations, l'esprit d'abandon du gouvernement pendant ces derniers combats, nous ont fait perdre la bataille de France. Mais il nous reste un vaste empire, une flotte intacte, beaucoup d'or. Il nous reste des Alliés dont les ressources sont immenses et qui dominent les mers. Il nous reste lés gigantesques possibilités de l'industrie américaine. Les mêmes conditions de la guerre qui nous ont fait battre par 9.000 anions et 6.000 chars peuvent donner demain la victoire par 20.000 chars et 20.000 avions.

Je dis l'intérêt supérieur de la patrie, car cette guerre n'est pas une guerre franco-allemande qu'une bataille puisse décider. Cette guerre est une guerre mondiale. Nul ne peut prévoir si les peuples qui sont neutres aujourd'hui le resteront demain, et si les alliés de l'Allemagne resteront toujours ses alliés. Si les forces de la liberté triomphaient finalement de celles de la servitude; quel serait le destin d'une France qui se serait soumise à l'ennemi ?

L'honneur, le bon sens, l'intérêt de la Patrie, commandent à tous les Français Libres de continuer le combat, là où ils seront et comme ils pourront.

Il est, par conséquent, nécessaire de grouper partout où cela se peut une force française aussi grande que possible. Tout ce qui peut être réuni, en fait d'éléments militaires français et de capacités françaises de production d'armement doit être organisé partout où il y en a.

Moi, Général de Gaulle, j'entreprends ici, en Angleterre, cette tâche nationale.

J'invite tous les militaires français des armées de terre, de mer et de l'air, j'invite les ingénieurs et les ouvriers français spécialistes de l'armement qui se trouvent en territoire britannique ou qui pourraient y parvenir, à se réunir à moi.

J'invite les chefs et les soldats, les marins, les aviateurs, des forces françaises, de terre, de mer, de l'air où qu'ils se trouvent actuellement, à se mettre en rapport avec moi.

J'invite tous les Français qui veulent rester libres à m'écouter et à me suivre.

Vive la France Libre dans l'honneur et dans l'indépendance!


IL FAUT QUE, QUELQUE PART, BRILLE LA FLAMME DE LA RÉSISTANCE FRANCAISE

Londres, le 24 juin 1940

Ce soir je dirai simplement, parce qu'il faut que quelqu'un le dise, quelle honte, quelle révolte, se livrent dans le coeur des bons Français.

Inutile d'épiloguer sur les diverses conditions des armistices franco-allemand et franco-italien. Elles se. résument en ceci : la France et les Français sont, pieds et poings liés, livrés à l'ennemi.

Mais, si cette capitulation est écrite sur le papier, innombrables sont chez nous les hommes, les femmes, les jeunes gens, les enfants, qui ne s'y résignent pas, qui ne l'admettront pas, qui n'en veulent pas.

La France est comme un boxeur qu'un coup terrible a terrassé. Elle gît à terre. Mais elle sait, elle sent qu'elle vit toujours d'une vie profonde et forte. Elle sait, elle sent que l'affaire n'est pas finie, que la cause n'est pas entendue.

Elle sait, elle sent qu'elle vaut beaucoup mieux que la servitude acceptée par le gouvernement de Bordeaux.

Elle sait, elle sent que, dans son Empire, des forces puissantes de résistance sont debout pour sauver son honneur. Déjà en beaucoup de points des terres françaises d'outre-mer, s'est affirmée la volonté de poursuivre la guerre.

Elle sait, elle sent que ses Alliés sont plus résolus que jamais à combattre et à vaincre.

Elle perçoit dans le nouveau monde mille forces immenses, matérielles et morales, qui peut-être se lèveront un jour pour écraser les ennemis de la liberté.

Il faut qu'il y ait un idéal. Il faut qu'il y ait une espérance. Il faut que, quelque part, brille et brûle la flamme de la résistance française.

Officiers français, soldats français, marins français, aviateurs français, ingénieurs français, où que vous soyez, efforcez-vous de rejoindre ceux qui veulent combattre encore. Un jour, je vous le promets, nos forces ensemble, l'armée française de l'élite, l'armée mécanique terrestre, navale, aérienne, en commun avec nos Alliés, rendront la liberté au monde et la grandeur à la Patrie.


EST-CE VICHY OU EST-CE LA REPUBLIQUE ?
Londres, le 9, février 1943 Conférence de Presse tenue à Londres par le Général de Gaulle.

Le Général de Gaulle : Je voudrais vous dire combien je suis heureux de vous voir ici.

C'est un plaisir qui ne m'arrive pas très souvent car je crois que la dernière fois que nous nous sommes réunis, c'était au mois de mai de l'année dernière.

Cependant, il m'a semblé que dans lés circonstances actuelles, il y avait intérêt 'à ce nous prenions contact. Il y là évidemment un intérêt général. Il y a' aussi là intérêt du moment, les graves affaires actuellement en cours et qui concernent la France, donnent lieu à beaucoup d'interprétations, qui, vous le savez bien, ne sont pas toujours très exactes, et même se trouvent quelquefois un peu tendancieuses.

Notre Service d'Information s'est amusé à faire le total des nouvelles pas très exactes qui ont paru depuis le 8 novembre 1942 et il se trouve que ce total est le plus élevé depuis le début de cette guerre, qui comme vous le savez, commence à Munich.

Plutôt que de faire de grandes déclarations préparées ,d'avance, je préfère vous laisser l'initiative de m'interroger, et je vous prie de me poser les questions qu'il vous conviendra de poser auxquelles je répondrai dans toute la mesure du possible et, je vous, l'assure, très franchement.

Demande. - Peut-on répéter, toutes les déclarations du général de Gaulle.

Réponse. Sans aucune espèce de doute.

D. :Pouvez-vous nous donner un aperçu, mon général sur les premières tâches qui attendent le Général Catroux à son arrivée en Algérie ?

R. Le général Catroux a été envoyé à Alger par le Comité National, pour prendre on nouveau contact avec, d'une part le général Giraud et, d'autre part, les Français et indigènes d'Afrique du Nord.

Le général Catroux verra sur place les possibilités d'envoyer et de faire fonctionner d'une manière satisfaisante la liaison qui est nécessaire entre le Comité National et l'organisation qui existe en Afrique du Nord française :

Voilà la mission du général Catroux pour le moment.

Je profite de la circonstance pour dire à titre d'exemple des nouvelles dont nous parlions tout à l'heure qu'on a pu lire aujourd'hui dans un certain nombre de feuilles publiques que le Général Catroux avait accepté un poste dans l'organisation actuelle de l'Afrique du Nord. Je suis bien convaincu que le bons sens général aura démenti lui-même cette fausse nouvelle.

D. Que pense le Général de la dernière déclaration du Général Giraud, annonçant notamment que ce dernier prend la direction de toute l'Afrique du Nord.

- Nous avons lu très attentivement au Comité National la déclaration récemment faite par le général Giraud et le décret qui a été publié et qui suit cette déclaration.

L'opinion du Comité National est que, dans les dispositions qui sont prévues par cette déclaration, il y a certains points qui donnent un commencement de satisfaction aux buts de la France Combattante, et ce commencement de satisfaction est donné par le fait, que. pour la première fois depuis des mois, quelques mesures effectives de liberté sont prises dans ce malheureux pays. C'est une chose que nous saluons avec un commencement de satisfaction.

Pour ce qui concerne. le fond des choses, c'est-à-dire l'organisation même de cette construction, nous pensons, comme nous l'avons toujours dit, quelle peut ,être épisodique, mais que par définition même, par essence, elle ne peut être qu'artificielle. C'est qu'en effet, les choses françaises, les organisation françaises, les pouvoirs français ont besoin d'une base, d'une base qui soit légitime. Je crois d'ailleurs que ce n'est pas spécial aux choses, aux organisations et aux pouvoirs français; cela existe dans tous les pays. Or c'est un fait qu'il existe deux légitimités qu'il est possible d'invoquer pour ce gui concerne les choses françaises ; l'une est un semblant de légitimité, c'est la base coupable et détestée de Vichy ; l'autre, c'est la République.

Nous avons cherché dans la déclaration dont nous parlons et dans le décret qui l'a suivie, quelle est la base de cette construction. Nous n'avons pas pu la discerner. Est-ce Vichy ou est-ce la République ?

D. Quand vous avez vu le général Giraud et que vous lui avez parlé de répudier Vichy et de revenir à la République, est-il exact que le général Giraud s'y soit refusé et dans le présent et pour l'avenir.

R. La conversation que j'ai eue avec le général Giraud n'a pas, je le regrette d'ailleurs, été assez catégorique pour que ce point-là soit réellement élucidé, et je crois que dans l'état. d'esprit du peuple français actuellement, la libération qui est poursuivie par les masses françaises en combattant, par beaucoup de Français et en souffrant, par presque tous, je crois que dans l'esprit de. l'immense majorité des Français, la libération signifie à la fois le fait de chasser l'ennemi du territoire et de rétablir la République. Je ne préjuge pas naturellement de la sorte de République qui sera rétablie. Cela est l'affaire du peuple français lui-même. Mais nous sommes tous convaincus à la France Combattante et presque tous les Français sont convaincus que le régime républicain est le seul légitime et je ne vois pas qu'il soit possible d'être d'accord actuellement avec la volonté et la dignité du peuple français, sinon sur la bue catégorique dès lois de la République.

Je crois d'ailleurs que l'exemple est illustré par la France combattante elle-même. Vous n'ignorez pas que la France Combattante a pu, depuis l'Armistice signé par Vichy, remettre dans la guerre une partie importante de l'Empire français. Dans cette partie de l'Empire français, la France Combattante a rétabli purement et simplement les lois de la république. Je ne crois pas que personne ait entendu parler d'un trouble sérieux dans l'Empire français qui est administré par la France Combattante et il n'y a pas de comparaison entre cette situation et le grand trouble et la grande confusion qui règnent actuellement en Afrique du Nord française parce que l'autorité n'y a pas de base.

D. Pourriez-vous nous dire sur quelle base vous pourriez parvenir à un accord avec le Général Giraud.

R. Ce que nous voulons et ce que la France veut, ce n'est pas un accord entre deux généraux. Cela ne compte pas. On a sauvent présenté, dans la presse internationale, dans les déclarations, d'hommes publics internationaux, la grave affaire d'Afrique du Nord comme ayant tourné à la rivalité personnelle entre deux généraux. Je crois que c'est une mauvaise plaisanterie, La question est infiniment plus grave que cela. Il Agit de l'union de l'Empire qui appartient à la France pour la libération de la France et pour les buts que la France a choisis.

Ces buts, je le. répète, sont l'expulsion de l'ennemi du territoire, l'établissement des lois de la République et le triomphe de l'idéal pour lequel luttent ensemble toutes les Nations Unis y compris la France. Ces buts sont ceux que-la volonté de la nation s'est fixés depuis le 3 septembre 1939.

Je vous dirai très franchement qu'à mon avis, une des choses qui ont le plus compliqué cette affaire, c'est précisément le fait que la France Combattante a été tenue tout à fait à l'écart de sa conception, de sa préparation et de son exécution. Cela peut paraître assez surprenant, et je crois bien qu'en France, on en a été fort étonné.

Je crois même qu'aujourd'hui, lorsque dans le monde un homme pense à la question de l'Afrique du Nord, il pense en même temps - n'est-ce pas ? - à la France Combattantes. Et cependant cette grande force morale et même matérielle que représente la France qui combat se trouve absente da terrain même où son action aurait pu s'exercer et peut s'exercer de la façon la meilleure et la plus efficace pour la France et pour les buts qui nous sont communs.

D. Le Général peut-il expliquer, du moment qu'il considère que l'Afrique du Nord n'entre pas dans l'Union de l'Empire français dont il fait mention, quelles sont les conditions nécessaires pour l'y amener ?

R. Je crois que s'il était appliqué en Afrique du Nord comme dans le reste de l'Empire purement et simplement les lois de la République, et en particulier, si les libertés y étaient restaurées, c'est-à-dire la liberté dé la presse, la liberté personnelle, la liberté de réunion, la liberté d'opinion, il faudrait très peu de temps pour que ces libertés mêmes et l'opinion qui s'en dégagerait aient réalisé l'union.

Voilà ce dont je suis convaincu et ce dont toutes les informations que je reçois de l'Afrique du Nord m'ont depuis longtemps convaincu.

Ne croyez-vous pas à ce sujet qu'au commencement du quatrième mois de opérations en Afrique du Nord, il pourrait paraître naturel que les Français qui ont servi la cause de la France et celle des Nations Unies puissent être mis enfin en liberté ?

D. Est-ce que vous avez pu, mon Général, exposer votre programme devant le général Giraud, Mr. Churchill et le Président Roosevelt ?

R. Je n'ai pas manqué d'exposer, non pas mon programme, mais ces vérités qui me paraissent de bon sens, au général Giraud naturellement !

J'ai eu l'occasion d'en parler au Président Roosevelt et je profite de cette occasion pour dire que j'ai apprécié dans le Président Roosevelt un très grand homme d'État et un homme qui a le but le plus élevé de cette guerre, et enfin ÿ ajoute, un homme qui est un peu un mystique, et je considère que c'est une grande qualité pour conduire la guerre d'idéals que nous menons.

Quant à Mr. Churchill, dont vous avez parlé, depuis deux ans et demi que nous faisons côte à côte une guerre qui n'est pas facile, je crois qu'il eût été inutile de développer devant lui ces choses qu'il connaissait.

D. Le Général peut-il nous dire quelle était la dernière proposition de Giraud ou d'autres personnes assistant à la Conférence ?

R. Je pense que l'entourage du général Giraud pensait alors qu'il conviendrait que la France Combattante se fondit avec le système actuellement organisé en Afrique du Nord.

D. Certains conseillent aux Français de laisser tomber leurs querelles politiques et considèrent que votre déclaration de principe, votre profession de foi républicaine appartiennent au domaine des luttes politiques. Est-ce que vous acceptez une pareille interprétation ?

R. Oui, je constate en effet qu'après la constitution en Afrique du Nord française et dans les conditions que vous savez d'une construction dont je suis bien obligé de dire qu'elle est une construction politique, on dit aux Français maintenant : " Mais, voyons ! faites l'union. Ce système a été créé en dehors de vous. Acceptez-le, même tacitement, et faites l'union. Et en tout cas, ne faites pas de politique. "

Messieurs, est-ce qu'il y a un seul État dans le monde aujourd'hui qui fasse la guerre pour le plaisir de faire la guerre ? Est-ce qu'il y a un seul État dans le mande, qui fasse la guerre pour autre chose que pour une politique ? Pourquoi voulez vous que le peuple français fasse la guerre, souffre de la guerre, combatte, autrement que pour une politique ? Quelle politique ? Celle que j'ai dite, la libération - c'est-à-dire la défaite de l'ennemi, la République, et les buts communs aux Nations Unies.

D. Peut-être la question n'était-elle pas très claire à propos de la façon dont le Général propose l'union de l'administration actuelle de l'Afrique du Nord et de la France Combattante. Je ne crois pas que cette question ait été tirée au clair. Si les lois de la République étaient appliquées en Afrique du Nord, quelle serait la proposition du Général de Gaulle pour arriver à,conclure l'union de la France Combattante avec l'administration de l'Afrique du Nord. ,

R. Si les lois de la République sont appliquées, non seulement acceptées, mais appliquées en Afrique du Nord, il reste simplement à les faire jouer. C'est ainsi par exemple que pour l'Algérie, les Conseils Généraux d'Algérie ont qualité,d'après la loi de la République, pour décider, dans une situation telle que celle d'aujourd'hui de l'administration générale de l'Algérie. C'est un premier point fort important.

Par la suite à défaut d'avoir un Parlement, il est facile aujourd'hui de constituer à Alger sur la base des lois de la République, non pas un parlement puisque, hélas ! cela nous est impossible, mais un Conseil National Consultatif comprenant tout ce qu'il y a d'élus du peuple dans le monde qui sont actuellement libres, les représentants des Conseils Généraux élus, les députés et sénateurs ; les représentants des délégations financières élues, les représentants des intérêts économiques élus - Chambres de Commerce, d'Agriculture, etc. - les représentants des syndicats élus, les représentants des Français dé l'étranger élus : cela est facile à organiser à Alger à partir du moment où il a été accepté franchement que les lois et l'esprit de la République doivent être appliqués partout.

De ce Conseil National Consultatif peut sortir un organe, un pouvoir central provisoire, que j'ai moi-même proposé depuis le premier jour et que nous sommes tout prêts à établir sur ces bases.

Il y a un autre point de vue. L'autorité dans une démocratie provient du suffrage, ou tout au moins du consentement des gens qui sont soumis a cette autorité et je ne crois pas, que la construction d'Alger ait, en quoi que ce soit, tenu compte de l'approbation des gens qui ont. été, soumis a l'autorité des quatre ou cinq gouverneurs qui se sont réunis pour la dresser.

L'autorité du Comité National Français s'applique aux gens qui se sont ralliés à lui.

D. Il y à un moment, quand je parlais d'un plan alternatif pour l'union, le Général a dit que la proposition a été faite de fondre cette organisation dans celle de l'Afrique du Nord. Pouvez-vous nous donner des détails sur la façon et la méthode que l'on se proposait de suivre pour réaliser cette union ?

R. Je préfère ne pas m'étendre sur ce point parce qu'il est fort possible que les conversations que j'ai inaugurées à Casablanca avec le Générai Giraud soient poursuivies par la suite et vous comprenez tous qu'il y aurait quelques inconvénients à publier actuellement ce qui a fait l'essence de ces conversations qui doivent se poursuivre.

C'est pourquoi je vous demande la permission de ne pas vous répondre.

D. Nous apprenons qu'on a proposé qu'un Triumvirat soit formé dans lequel les Français Combattants et les Giraudistes aient un droit égal avec une tierce personne nommée par quelqu'un d'autre.

R. Je me permets de répéter qu'à notre point de vue; il ne s'agit pas d'un accord personnel entre deux généraux dans cette affaire.

Il s'agit de quelque chose de beaucoup plus grave et de plus important qui est l'union de l'Empire, et l'union de l'Empire ne peut se faire sur la
bite d'un accord personnel entre deux généraux. Il faut quelque chose de beaucoup plus grand et de beaucoup plus étendu. Il faut que l'on
soit d'accord sur la base même de cet accord. Il faut qu'on soit d'accord sur la légitimité de l'autorité à établir. Il faut que l'on soit d'accord-
sur un minimum d'idéal et sur les buts de la France en guerre, c'est-à-dire, pour ce qui nous concerne la libération au sens le plus large dont

je vous ai parlé. Ce n'est pas parce que l'on ferait un accord théorique entre deux personnes que l'où aurait réalisé l'union de l'Empire. C'est une conception de féodalité, cela ! Ce n'est pas une conception démocratique et nous ne voulons pas des conceptions fédéralistes ni féodales.

D. La question posée était : Est-ce qu'un telle proposition fut suggérée ?

R. À ce point de tue, je me permets de redire puisqu'il ne s'agit pas d'une question de principe, puisqu'il s'agit de conversations que nous avons eues, le général Giraud et moi-même, je me permets de dire que je préfère ne pas répondre sur ce détail parce que les conversations ne sont pas terminées.

D. Avez-vous entendu dire qu'il est, possible que le Général Giraud envoie une mission dans ce pays ?

R. Pas du tout.

D. Les noms de la Mission Giraud seront-ils soumis auparavant au Comité National Français ?

R. Je ne sais pas.

D. Au début de notre entretien le Général avait dit que le Général Catroux était parti en Afrique du Nord d'abord pour discuter les possibilités d'une liaison. Cela veut-il dire qu'il n'a pas encore été spécifié qu'il y aurait une liaison ou s'il doit y avoir une liaison, que les modalités de ladite liaison n'ont pas encore été décidées ?

R. Le principe de la liaison a été adopté de part et d'autre. Nous le désirons également et ces liaisons seront établies. Il s'agit d'étudier maintenant comment ces liaisons vont fonctionner et les modalités de cette liaison, et c'est une des bases,de la mission du général Catroux.

D. Le Général peut-il nous donner quelques précisions sur le nombre de Français emprisonnés pour leurs activités anti-Vichyssoises ?

R. J'ai lu dans les dépêches d'Alger que la Commission qui s'occupe d'étudier cette question avait à examiner 15.000 dossiers. Je ne réponds pas de l'exactitude de ce chiffre.

Je proposerais, si j'étais consulté, que l'examen de ces dossiers soit fait par le feu. C'est la meilleure manière d'en sortir.

D. Le Général a-t-il d'autres renseignements au sujet de personnes, appartenant à d'autres nations alliées, emprisonnées tels que des Norvégiens, des personnages antinazis arrêtés en France de n'importe quelle autre nationalité et qui se trouvent dans des camps de concentration au Maroc ?

R. D'après nos renseignements, les sujets de gouvernements alliés ont été presque tous mis en liberté tout de suite, parce qu'il y avait probablement de la part des autorités en cause, un certain intérêt à donner satisfaction à ces gouvernements.

Je crois qu'il y a eu une petite exception : Il s'agit des, Espagnols qui ont naguère combattu dans la. guerre civile espagnole. Mais à part ceux-là, qui ne sont, je crois, représentés par personne, les autres gouvernements ont obtenu la libération de leurs nationaux.

Restent seuls en prison les Français qui ont voulu faire la guerre dès la première heure aux côtés des Alliés et un certain nombre d'Espagnols de la guerre civile.

D. Est-il vrai que la presse française de l'Afrique du Nord est censurée par les mêmes censeurs qui avaient été nommés par Vichy?

R. Exactement. Actuellement en Afrique du Nord, sauf le Gouverneur Général de l'Algérie qui a été changé, les fonctionnaires qui étaient en place du temps du gouvernement de Vichy le sont toujours.

Il y a cependant quelques exceptions qui s'appliquent à des fonctionnaires gaullistes qui ont été incarcérés depuis l'arrivée des alliés.

D. M. le Général, est-ce que je peux demander si un Conseil National Consultatif est créé à Alger, le Comité National Français se décidera-t-il à se dissoudre ?

R. S'il était possible d'établir partout les lois de la République, de constituer à Alger un Conseil National Consultatif très Large qui donne vraiment la représentation de l'opinion française partout dans le monde où elle peut s'exprimer, il serait facile, je le répète, de tirer de l'expression de cette opinion un nouveau pouvoir central provisoire, Voilà ce que je peux dire.

Messieurs, il y a un dernier mot que je voudrais vous dire et ce mot sera un mot d'optimisme.

Toute cette affaire d'Afrique du Nord, je le crois a une grande importance non seulement au point de vue militaire mais au point de vue de l'opinion publique partout et cela s'explique très bien, puisque,c'est une sorte de vérification de la façon dont les Nations Unies vont appliquer les buts pour lesquels elles se sont unies et pour lesquels elles font la guerre.

J'ajoute que ce qui s'est produit jusqu'à présent en Afrique du Nord française et toutes les histoires qui sont sorties de cette confusion, corse fusion. inévitable dans les conditions où fut faite cette opération-là, je rappelle donc que toutes ces histoires donneraient à l'affaire un côté un peu tragi-comique, en feraient quelque chose comme une sorte de vaudeville où il y aurait en même temps un peu de sang. Je crois qu'au total et peut-être est-ce votre impression, tout cela n'est pas très sérieux. Si c'était sérieux, ce serait très grave, mais ce n'est pas très sérieux, à condition qu' partir de maintenant, on' veuille bien considérer comme essentielle d'abord la dignité de la France et en second lieu le but, l'idéal pour lequel combattent toutes les Nations Unies.

En tout cas, quelles que soient les vicissitudes, tout le monde sait que la France continuera à combattre et développera son effort tant qu'elle pourra et elle a pleinement confiance, je le sais, en France même, d'avoir ce qui lui revient dans cette affaire qui la concerne, c'est-à-dire le dernier mot.


À tous les français

La France a perdu une bataille !
Mais la France n'a pas perdu la guerre !

Des gouvernants de rencontre ont pu capituler, cédant à la panique, oubliant l'honneur, livrant le pays à la servitude. Cependant, rien n'est perdu :

Rien n'est perdu parce que cette guerre est une guerre mondiale. Dans l'univers libre, des forces immenses n'ont pas encore donné. Un jour, ces forces écraseront l'ennemi. Il faut que la France, ce jour là, soit présente à la victoire. Alors elle retrouvera sa liberté et sa grandeur. Tel est mon but, mon seul but !

Voilà pourquoi je convie tous les français, où qu'ils se trouvent, à s'unir à moi dans l'action, dans le sacrifice et dans l'espérance.

Notre patrie est en péril de mort.

Luttons tous pour la sauver !

VIVE LA FRANCE !

Général de Gaulle
  quartier général
  4, carlton gardens
  London S.W. 1

Affiche apposée en juin 1940 sur les murs de Londres