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L'idée que " der treue
Heinrich " puisse jouer un tel jeu pouvait paraître, de prime abord,
ridicule au Führer, mais celui-ci avait commencé à tenir les SS en quelque
suspicion depuis ce qu'il considérait comme la défection de Steiner. Il téléphona
à Dônitz, qui parla à Himmler. Le Reichsführer SS nia tout en bloc. Mais,
dans la soirée, Lorenz, l'attaché de presse d'Hitler, apporta à celui-ci une
dépêche de Reuter confirmant l'histoire. Alors, tous les ressentiments et les
soupçons du Führer se donnèrent libre cours. Hitler était blanc de colère.
Fegelein fut interrogé, apparemment par le Gruppenführer Müller, le chef de
la Gestapo. Il avoua avoir eu connaissance de la démarche d'Himmler auprès du
comte Bernadotte. Freytag von Loringhoven vit Fegelein remonter, la mine
abattue, sous bonne garde. Ses insignes de grade et ses décorations avaient été
arrachés de son uniforme. Il fut exécuté dans les jardins de la Chancellerie.
Hitler, ensuite, se rendit
tout droit à la chambre où Ritter von Greim, qu'il venait de nommer Marschall
de la Luftwaffe, soignait sa jambe blessée. Il lui donna l'ordre de quitter
Berlin par avion pour aller organiser des attaques aériennes contre les chars
soviétiques qui avaient atteint la Potsdamer Platz et aussi pour s'assurer que
Himmler ne reste pas impuni. " Un traître ne doit en aucun cas me succéder
comme Führer ! clama-t-il à Greim. Vous veillerez à ce qu'il ne le fasse pas
! "
On ne perdit pas une minute.
On appela Hanna Reitsch, qui aida Greim à monter sur ses béquilles l'escalier
de béton. Un véhicule blindé les attendait en haut pour les conduire à un
avion d'entraînement Arado 96 prêt à décoller à proximité de la Porte de
Brandebourg. Des soldats soviétiques de la 3e Armée de choc, qui
venaient juste de parvenir dans le Tiergarten, virent avec stupéfaction
l'appareil prendre l'air sous leurs yeux. Leur crainte immédiate, lorsqu'ils
eurent repris leurs esprits, fut d'avoir laissé échapper Hitler. Mais les tirs
un peu tardifs de mitrailleuses et de canons antiaériens ne parvinrent pas à
toucher l'Arado. Ritter von Greim et Hanna Reitsch s'échappèrent.
Mais, dans le Führerbunker,
on n'était pas encore au bout des surprises et des rebondissements. Adolf
Hitler avait décidé d'épouser la belle-soeur de l'homme qu'il venait de
faire exécuter. Goebbels lui amena dans son petit salon privé un fonctionnaire
de la municipalité de Berlin, Herr Walter Wagner, qui avait qualité pour présider
à un mariage civil. Wagner, sidéré et un peu effrayé par la responsabilité
qui lui incombait soudain, avait été requis d'urgence alors qu'il montait la
garde et portait encore son uniforme marron du Parti nazi, avec un brassard de
la Volkssturm.
Hitler avait sa tenue
habituelle et Eva Braun arborait une robe longue en taffetas noir dont le Führer
lui avait souvent fait compliment.
Très nerveux, Wagner dut
d'abord demander, comme l'exigeait la loi, si Herr Hitler et Fraülein Braun étaient
d'ascendance purement aryenne et exempts de maladies héréditaires. Les
formalités, ensuite, ne prirent pas plus de quelques minutes. Puis on signa le
registre, avec Goebbels et Bormann comme témoins. Eva Braun commença à écrire
son nom habituel, puis s'interrompit, raya le " B " et signa "
Eva Hitler, née Braun ". La signature d'Hitler était totalement
illisible, tant sa main tremblait.
Les nouveaux mariés se
rendirent dans la salle de conférence, où généraux et secrétaires leur présentèrent
leurs félicitations. Puis ils regagnèrent le petit salon pour un petit déjeuner
spécial accompagné de champagne. Eva insista beaucoup pour que ceux qui les
servaient l'appellent " Frau Hitler ". Elle avait été finalement récompensée
de sa loyauté dans un monde où la trahison était partout. Le couple fut
rejoint un peu plus tard par Martin Bormann, Goebbels, sa femme Magda et les
deux secrétaires restées dans le bunker, Gerda Christian et Traudl Junge.
Hitler emmena cette dernière dans une pièce voisine pour lui dicter ses
testaments politique et personnel. Pour le premier, Traudl Junge avait du mal à
dissimuler son excitation, s'attendant à entendre enfin une explication définitive
de la tragique aventure que tous étaient en train de vivre. Mais elle n'eut
droit qu'à l'habituel flot de clichés et de récriminations. Hitler disait
n'avoir voulu la guerre, mais y avoir été contraint par les milieux juifs
internationaux. Cette guerre, ajoutait-il, "en dépit de tous les revers
descendra un jour dans l'histoire comme la plus glorieuse et héroïque
manifestation de la volonté de vivre d'un peuple ".
Le grand amiral Dönitz,
commandant en chef de la Kriegsmarine, était nommé Président du Reich. Hitler
considérait que l'Armée, la Luftwaffe et la SS l'avaient, à des degrés
divers, abandonné. Le loyal Dönitz - le " Jeune Hitlérien Quex "
- devait donc prendre le pas sur tous les intrigants. Cependant, Goebbels devenait
Chancelier du Reich, et "mon plus fidèle camarade du Parti, Martin Bormann
", Chancelier du Parti et exécuteur du testament privé. De toute évidence,
Hitler entendait poursuivre, par-delà la tombe, sa politique de " diviser
pour régner "
Ces courses sous les obus, de
pan de mur à pan de mur, étaient épuisantes pour un homme ayant dépassé la
cinquantaine. Vers treize heures, une heure environ après son retour à son
quartier général, un Sturmführer SS, escorté d'un petit détachement,
arriva de la Chancellerie et lui remit une lettre. L'enveloppe portait l'aigle,
la croix gammée et l'inscription " Der Führer " en lettres dorées.
Hitler y informait Weidling qu'il ne pouvait absolument pas être question d'une
capitulation. Une percée n'était autorisée que si elle visait à rejoindre
d'autres formations combattantes. " Si celles-ci ne peuvent être
trouvées, ajoutait le texte' le combat doit se poursuivre par petits groupes
dans les forêts. " Weidling se sentit soulagé. Il envoya un véhicule de
reconnaissance de la Nordland faire le tour des unités pour prévenir leurs
chefs de se préparer. Ils allaient tenter de percer vers l'ouest par
Charlottenbourg le soir même à vingt-deux heures.
Avant le déjeuner, Hitler
avait convoqué son aide de camp, le Sturmbannführer Otto Günsche, pour lui
donner des instructions détaillées sur la façon dont on devait disposer de
son corps et de celui de sa femme. Selon l'enquête menée par le SMERSH dans
les premiers jours de mai, le chauffeur d'Hitler, Erich Kempka, avait reçu
ordre la veille, 29 avril, de faire venir des bidons d'essence des garages de la
Chancellerie.
Après son entrevue avec Günsche,
Hitler déjeuna avec sa diététicienne, Constanze Manzialy, et ses deux secrétaires,
Traudl junge et Gerda Christian. Eva Hitler ne se joignit pas à eux. Bien
qu'Hitler parût très calme, peu de mots furent échangés au cours du repas.
Après le déjeuner, Hitler
rejoignit sa femme dans sa chambre. Un peu plus tard, tous deux apparurent dans
l'antichambre, où Günsche avait rassemblé les intimes. Goebbels,Martin
Bormann, le général Krebs, le général Burgdorf et les deux secrétaires
firent leurs adieux définitifs au couple. Magda Goebbels, de toute évidence en
état de choc, était restée dans sa chambre. Hitler portait sa tenue
habituelle, " un pantalon noir et une tunique militaire gris-vert ",
avec une chemise blanche et une cravate noire. Eva Hitler avait une robe sombre
" avec des fleurs roses sur le devant ". Hitler serra la main des
personnes présentes de façon presque distante et se retira.
L'étage inférieur du bunker
fut alors évacué. Mais on s'aperçut qu'alors que le silence s'imposait, les
bruits d'une véritable beuverie venaient de la cantine de la Chancellerie, au-dessus.
Rochus Misch, le téléphoniste SS, reçut ordre d'appeler pour faire cesser les
réjouissances, mais personne ne répondit. Un autre garde intervint
personnellement. Günsche et deux autres officiers SS se tenaient dans le
corridor central afin de préserver les derniers moments d'intimité d'Hitler,
mais Magda Goebbels surgit en suppliant de voir le Führer. Elle réussit à
pousser Günsche de côté, mais ce fut Hitler qui la renvoya. Elle regagna sa
chambre en sanglotant.
Nul ne semble avoir entendu
le coup de feu qu'Hitler se tira dans la tête. Peu après 15 heures 15, le
valet d'Hitler, Heinz Linge, suivi de Günsche, de Goebbels, de Bormann et d'Artur
Axmann, qui venait d'arriver, pénétra dans le salon particulier d'Hitler.
D'autres tentèrent de regarder pardessus leurs épaules avant que la porte ne
leur soit fermée au nez. Günsche et Linge transportèrent le corps d'Hitler,
enveloppé dans une couverture, dans le corridor, puis, par l'escalier, jusque
dans les jardins de la Chancellerie. À un certain moment, Linge réussit à
faire main basse sur la montre de son maître - mais il allait devoir s'en débarrasser
avant que les Russes ne le fassent prisonnier. Le corps d'Eva Braun dont les lèvres
avaient été apparemment contractées par le poison fut transporté à
son tour et déposé à côté de celui d'Hitler, non loin de l'entrée du
bunker. Puis les deux cadavres furent arrosés d'essence. Goebbels, Bormann,
Krebs et Burgdorf apparurent pour présenter leurs ultimes respects. Ils saluèrent,
le bras levé, tandis qu'en enflammait l'essence. L'un des SS qui buvaient dans
la cantine regarda par la porte latérale. Il dévala les marches conduisant au
bunker en criant à Rochus Misch : " Le chef est en feu. Tu veux venir voir
? "
Le détachement du SMERSH de
la 3e Armée de choc avait reçu la veille ordre de se diriger vers
le quartier administratif de Berlin. Ses membres apprirent peu après que leur
destination finale était la Chancellerie du Reich. " Les renseignements
dont nous disposions étaient contradictoires et peu sûrs ", écrivit
ensuite Yelena Rjevskaïa, l'interprète du groupe. Une compagnie de
reconnaissance avait reçu pour mission de prendre Hitler vivant, mais sans
savoir de façon certaine où celui-ci se trouvait.
Le groupe du SMERSH avait pu
interroger un prisonnier, mais il ne s'agissait que d'un garçon de la jeunesse
Hitlérienne, âgé de quinze ans, " les yeux injectés de sang et les lèvres
desséchées ". " Il venait de tirer sur nous, nota l'interprète, et
maintenant il était là, assis, regardant autour de lui et ne comprenant rien.
Juste un enfant. "
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Le résultat en était que
son propre peuple, et avant tout les femmes et les enfants de Prusse-Orientale,
devait faire face à des souffrances analogues à celles infligées par les
Allemands aux civils de Pologne et d'Union soviétique.
La nouvelle distribution des
cartes qu'imposa ensuite la Guerre froide permit à de nombreux anciens du
Troisième Reich de se dire qu'en fin de compte, leur seul tort avait été de
venir trop tôt. Cependant, quelque trente années après la défaite,
l'ouverture d'un difficile débat historique, coïncidant avec le miracle économique
allemand, a permis à la vaste majorité de la population de faire face au passé
de la nation. Nul pays traînant derrière lui un pénible héritage n'a fait
autant pour établir et reconnaître la vérité.
Le gouvernement de Bonn s'est
également montré très soucieux de ne pas laisser s'ériger de monument véritable
au nazisme et à son chef. Le corps d'Hitler était resté dissimulé de l'autre
côté du Rideau de fer longtemps après la fin de la campagne de
désinformation
stalinienne tendant à suggérer que le Führer avait pu s'enfuir à l'Ouest
dans les derniers moments des combats de Berlin. En 1970, enfin, le Kremlin décida
de se débarrasser du corps dans le secret le plus absolu. L'opération prit un
caractère assez macabre. Les mâchoires d'Hitler, si soigneusement gardées par
Yelena Rjevskaïa dans leur coffret rouge durant les fêtes de la victoire à
Berlin, avaient été conservées par le SMERSH, tandis que le NKVD s'était
emparé du crâne. Ces restes furent récemment redécouverts dans les
anciennes archives soviétiques. Le reste du corps, qui avait été enterré
sous un terrain de parade de l'Armée rouge à Magdebourg, fat exhumé de nuit
et incinéré. Les cendres furent jetées dans le système d'égouts de la
ville.
Le cadavre d'Hitler n'est pas
le seul de cette guerre à se trouver privé d'une sépulture identifiable.
D'innombrables victimes des combats - soldats et civils - furent enterrées par
des bombes et des obus. Depuis 1945, on retrouve encore près d'un millier de
corps par an autour des Hauteurs de Seelow, dans les forêts de pins au sud de
Berlin et dans les chantiers de construction de la nouvelle capitale d'une
Allemagne réunifiée. La boucherie inutile qui résulta de l'insensée vanité
d'Hitler donne tort à Albert Speer lorsqu'il regrettait que l'Histoire mette
toujours l'accent " sur ce qui vient en dernier ". L'incompétence, le
refus obstiné d'accepter la réalité et l'inhumanité du régime nazi furent
bel et bien révélés par la façon dont il s'est effondré, par ce qui est
venu en dernier.
2 février 962 - Otton est couronné empereur.
Premier Reich.
18 janvier 1871 - Guillaume Ier couronné empereur. Deuxième Reich
(25 États).
On appelle IIIe Reich l'État allemand dirigé par Adolf Hitler après que celui-ci fut parvenu au pouvoir.
Ce régime dura de 1933 (victoire du NSDAP aux élections) à 1945 (défaite militaire lors de la seconde guerre mondiale).
reich : empire (das) m