Compte rendu entretien avec M. Gilles Leblond

Il raconte alors en détail de manière assez précise ce qu'il a fait, son premier voyage à la maison du maquis. Il va effectivement chercher le chat. Des résistants sont dans la maison. Ils plaisantent avec Gilles : si tu nous prends le chat (il dort dans sa boite sous la fenêtre), nous allons avoir des souris. Si tu prend le chat, tant mieux, nous n'aurons plus de puces. Personne ne s'émeut et il est 10 h environ. Gilles revient chez sa mère avec le chat qu'il tient fort dans ses bras. Il fera un second voyage quelques minutes plus tard puis il ira chercher du lait à la ferme située à 300 m à travers champs. Il va voir un groupe d'allemands, 6 ou 7 fusils à la bretelle. Il est catégorique. Il va chercher le lait, rencontre un jeune garçon de 20 ans, d'origine belge.  Il lui explique ses malheurs. Les allemands sont chez sa mère. Il va rester à la ferme où il a pris du lait, parle, a peur de rentrer. Finalement le jeune belge décide de l'accompagner. Entre temps, il a entendu une dizaine de coup de feu.

Prenant Gilles  par la main, le jeune va faire retour à la maison du guet. Ils escaladent un talus et tombent nez à nez avec des allemands qui se saisissent d'eux. Un allemand présente son pistolet, le braque sur Gilles :

– " Tu est allé le prévenir " Avoue le ! Sinon ta mère va être fusillée ". Gilles va acquiescer sous la menace. Les maquisards sont en face de lui, les bras en l'air avec sa mère d'ailleurs. Il va la rejoindre. Les interrogatoires ? Il en a entendu mais on les a fait rentrer dans leur maison. Sa mère en a profité pour faire de l'ordre. Des documents ont pu ainsi être jetés.

Lorsque nous sommes arrivés chez Mr Lalleman, on a cru que nous allions être fusillés. Mais non, on nous a fait rentrer dans l'écurie. Ma mère et moi puis les résistants les mains attachées.  Gilles reconnaît que les allemands ont commis quelques négligences. La mère n'avait pas les mains liées, ni lui non plus. En outre, les hommes avaient leur briquet dans leur poche. (vrai pour mon père qui en avait deux). Il aurait été possible à ma mère d'en prendre un, l'allumer et le balancer dans le tas de foin au dessus de nous et peut être de détacher des résistants. Nous avons eu je crois une nuit très claire. Il est 4 h sans doute lorsque la porte s'ouvre. Ma mère et moi on reste enfermés. Je n'ai pas entendu de camion démarrer ni de coups de feu. Il fait jour lorsque l'on nous fait monter dans la Simca 5 des P.T.T. (récupérée à la maison du maquis). Direction une ferme de Domjean où l'on reste 3 ou 4 jours sous bonne garde. On est au contact d'une certaine pègre. Dans l'étable, il y a avec nous des putains. Les allemands font l'amour dans le grenier au dessus de nous.

Deux ou trois jours plus tard, on remonte dans la Simca pilotée par un allemand. Un autre est à l'extérieur sur la roue de secours. Il surveille le ciel et frappe sur la carrosserie quand il voit un avion alors tout le monde va au talus. On ressort la voiture après le passage des avions. Arrivée au château de St Jean du Corail. Nous sommes au sous sol. Ma mère aide à la cuisine. Puis vers le 28 juillet on prend la direction de Gorron où nous serons libérés le 5 août. Deux jours plus tard, grâce à un officier américain, il sera possible de remonter vers le nord par camion GMC , cela en passant très rapidement par Villebaudon. Puis on prendra toujours avec les américains la direction de Tourlaville. Notre périple est terminé.

- Je n'ai évidemment pas assisté à l'exhumation ni ma mère. Mais nous étions à l'enterrement le 1 septembre 1944. Gilles n'a, cela est normal, aucune idée sur la manière dont les familles ont pu être informées de leur malheur. Lorsque j'apporte mon idée de savoir que des " responsables " (Pruvost, Richer, Fillâtre) sont parvenus à échapper à la mort et auraient du se manifester. Gilles pense que oui mais il les déculpe rapidement. Pour lui Pruvost est un homme de qualité et Richer aussi bien sur. On sent toujours cette unité soudée autour de Pruvost. Gilles a revu Pruvost maintes fois après le drame soit à Villebaudon soit à Tourlaville chez sa mère. Pruvost qui aurait des plantations à Madagascar voulait en faire son héritier car sa fille était entrée dans les ordres. J'évoque cette affaire à mes yeux importante d'armes qui seraient demeurées à la ferme de Mr Godemer, au village " le Perron ". Ces armes étaient la réserve. Or le 14 juin, les allemands ne les découvrent pas – et ce nombre relativement important de postiers avec des villageois a éclipsé – 11 maquisards ont été faits prisonniers. Une bonne dizaine a réussi à fausser compagnie aux allemands. Il ne paraît pas qu'il y ait eu une tentative de regroupement. Certains disent que cela est impossible mais d'autres (M. . par exemple qui habitait une ferme proche de celle des postiers n'a vu aucun allemand ce 14 juin toute la journée). Mr Godemer informé de ce qui s'était passé balance les armes dans la mare et des équipements radio qui appartenaient au mari de Mme Leblond. Gilles ne sait rien sur cette affaire. Il a bien connu Mr Godemer qu'il dépeint comme un  homme très gentil et particulièrement solide. Pas d'indication concernant la présence à ce moment donné de la gestapo à Beaucoudray,  Gilles évoque l'après libération, les enquêtes par les services secrets français qui ont commencé le lendemain de l'arrivée des alliés, lui aussi a été interrogé.

Gilles Leblond est décédé le 23 Août 1998, sa mère le 27 décembre 1992 à Réville.

le poste de guet

l'étable de la dernière nuit


13 août 1940

- dissolution des loges maçonniques

- révocation des fonctionnaires mal pensants

- Lutte serrée contre les communistes, les juifs, les francs Maçons, aboutira à la création d'une police d'État.