LES FEMMES DANS LA RESISTANCE
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élèves de seconde, Mars 1997
INTRODUCTION
CADRAGE DES FEMMES EN 1939-40
Il convient tout d'abord de
préciser que les femmes d'avant guerre n'étaient pas aussi reconnues que
celles d'aujourd'hui.
En 1939-40, la population féminine
ne forme pas un groupe homogène. Les femmes vivant dans des milieux sociaux
différents - les modes de vie, l'éducation... ne sont pas les mêmes chez la
paysanne, la bourgeoise, l'intellectuelle... Cependant la condition féminine,
par delà des différences, voire des oppositions, a des traits communs.
Notamment, le statut civil des femmes est un statut de mineure (référence au
code civil de Napoléon). Étant considérées comme " le sexe faible
", ce code place les femmes sous la tutelle du mari ou du père qui sont
" les chefs de famille " : les femmes sont jugées incapables de se débrouiller
seules.
Une des autres injustice est
qu'elles ne sont pas considérées comme des citoyennes à part entière : elles
ne sont ni électrices, ni éligibles, et connaissent de nombreuses inégalités
devant la loi, face au divorce par exemple. La plupart des femmes n'exercent pas
de profession car la France privilégie la fonction domestique de la femme en
tant que maîtresse de la maison, mère et garante de l'unité familiale, c'est
à dire
INVASION ALLEMANDE
Le 3 septembre 1939, deux
jours après l'attaque nazie contre la Pologne, la France et le Royaume Uni
entrent en guerre contre l'Allemagne, mais le territoire français n'est pas
envahi.
Huit mois plus tard, le 10
mai 1940, Hitler lance une fulgurante offensive vers l'ouest et perce le front
français le 14 mai 1940. Le 10 juin 1940, devant l'avancée des troupes
allemandes, le gouvernement de Paul Reynaud quitte Paris pour Bordeaux.
Le 17 juin, le Maréchal Pétain
forme son gouvernement tandis que le Général de Gaulle s'exile à Londres, d'où
il lance son appel à la résistance sur les ondes de la B.B.C. le 18 juin 1940
: " il faut continuer le combat ".
Le 22 juin, l'armistice est
signée à Rethondes par le Maréchal Pétain. La France est divisée en deux :
au Nord, la zone occupée, au Sud, la zone libre. Une semaine plus tard, le
gouvernement Français s'établit à Vichy.
Le 10 juillet, l'Assemblée
Nationale accorde les pleins pouvoirs au Maréchal qui, dès le lendemain, fonde
l'État Français. La République disparaît, le régime démocratique et
parlementaire a vécu. On supprime toute référence républicaine : le
triptyque " Liberté, Égalité, Fraternité " est remplacé par celui
de " Travail, Famille, Patrie ".
Cependant, dès le début de
l'année 1940, certaines personnes manifestent leurs refus de l'occupation par
des actes d'hostilités envers les Allemands en constituant des réseaux et des
mouvements qui formeront un peu plus tard " La Résistance ". C'est
alors que des femmes que rien ne disposaient à agir vont s'affirmer dans la
lutte.
LA RÉSISTANCE AU FÉMININ
La nature même de la Résistance,
l'improvisation au coup par coup qui la caractérise, favorise la participation
des femmes. De plus, la femme considérée comme un être faible, paraît moins
suspecte que les hommes.
Dans leur diversité, venues
de tous les horizons sociaux, les femmes participent à l'ensemble de l'action résistante,
aux côtés des hommes. Il n'y a pas un seul secteur de l'organisation
clandestine où elles ne sont pas en majorité et où elles n'exercent pas des
fonctions importantes de direction.
Certaines d'entres elles
participent aux combats militaires. Elles sont aussi nombreuses dans les
services de renseignements. Et c'est souvent à elles qu'est confié le travail
particulièrement dangereux d'infiltration de l'appareil militaire allemand.
On les retrouve aussi dans
certaines administrations : aux P.T.T où elles peuvent transmettre des
renseignements, acheminer des courriers dans les mairies, où elles peuvent
fournir de faux papiers, dans les hôpitaux, où elles s'avèrent très utiles
pour les services sanitaires de la Résistance.
Elles jouent un rôle
essentiel dans l'aide aux emprisonnés, aux persécutés, notamment aux juifs.
La femme est donc particulièrement désignée pour des actions qui impliquent
une présence au milieu de la population et surtout de l'ennemi : distribution
de tracts.
QUELQUES FEMMES DU RÉSEAU RÉSISTANCE
P.T.T EN NORMANDIE
Parmi les figures féminines
de la résistance P.T.T, nous avons retenu celles-ci :
- Simone MichEl-Lévy :Emma
dans la résistance,
- Melle Germaine de Saint
Jorre : du réseau P.T.T de Beaucoudray.
- Berthe Leblond : des réseaux
P.T.T de Beaucoudray.
Ce dossier sur les femmes
dans la résistance est entièrement basé sur des témoignages, notamment celui
de Melle Germaine de Saint Jorre, et sur des informations recueillies dans des
ouvrages parfois anciens.
Nous vous présenterons ces
femmes dans l'ordre énoncé précédemment en précisant que le Président du
Comité des fusillés de Beaucoudray a porté une attention toute particulière
au cas " Berthe Leblond ".
SIMONE MICHEL LEVY
Née en 1906, elle est l'une
des figures les plus caractéristiques de la Résistance dans les P.T.T. Entrée
dans l'administration en 1924, Simone Michèle LEVY est affectée au département
dit " communication " dont la gestion administrative et financière
lui est confiée.
En janvier 1942, Ernest
Pruvost, rédacteur au ministère des P.T.T réussit avec Debeaumarchais à
coordonner les opérations de résistance dans l'administration des P.T.T, en
particulier en Normandie avec Henri Le Veillé. C'est alors qu'une certaine
Melle Flaubert, tailleur noir, écharpe verte - qui n'était autre que Simone -
arrive en Normandie pour coordonner l'ensemble des opérations de Résistance
P.T.T. dans les cinq départements du Calvados, de l' Orne,de la Manche,de la
Seine inférieure, et de l'Eure.
Les résistants normands,
dont Henri Le Veillé, sont d'abord très sceptiques sur l'intervention de cette
Melle Flaubert, mais vite ils se rendent compte qu'elle mène au mieux ses
missions avec dynamisme, un courage et une volonté remarquables. Simone devient
alors responsable de la radio clandestine du réseau PTT en liaison avec le réseau
C.N.D du colonel Rémi. C'est ainsi qu'elle parvient à installer des postes de
radio en Normandie et ailleurs, par exemple en banlieue parisienne, à
Montgeron, dans la propriété du Général Lelong et dont la rue porte
maintenant ce nom.
En juillet 1943, Simone
retourne en Normandie accompagnée de deux opérateurs spécialistes de radio
pour y installer et desservir un nouveau poste émetteur.
En novembre 1943, ces deux opérateurs
sont arrêtés en même temps que Simone, mais comme elle, malgré les
souffrances endurées, ils ne livrent pas de nom à la Gestapo. Sous le nom
d'Emma, elle participe à un transport de poste radio et d'armes reçues par
parachutage en utilisant les voitures et les services ambulants des P.T.T.
En juillet 1943, Simone
devient adjoint responsable de la radio.
Pendant les dures années
1942-1943, Simone se consacre à ses tâches de résistance avec toute sa foi et
tout son coeur, et sans que ses fonctions administratives n'en souffrirent
jamais. Chargée de la gestion administrative et financière, elle participe à
l'action de son service avec pour objectifs de :
* soustraire ou camoufler le
plus possible de matériel téléphonique et télégraphique de façon à éviter
son incorporation dans les stocks de l'occupant ;
* mener des études et mettre
au point des différents matériels pour usages militaires ou résistants, mais
alors sous des appellations différentes, par exemple un poste militaire de
campagne, créé à la D.R.C.T en même temps que le poste ordinaire U43, est dénommé
" poste portatif pour ouvrier des lignes ".
Elle ne tient alors aucun
compte des conseils de prudence qu'on lui donne et elle sollicite très fréquemment
des missions pour la zone côtière. Rien ne peut entamer son ardeur et la véritable
flamme qui l'anime. Elle a fait son choix et le sacrifice de sa sécurité et de
sa vie à la cause d'une France Libre.
Le 5 novembre 1943, vers
16H30, Simone reçoit un coup de téléphone d'un correspondant, certainement
bien connu d'elle qui lui demande de venir la rejoindre au café voisin. Elle
s'y rend aussitôt sans méfiance, laissant son stylo et ses affaires
personnelles sur son bureau où elle pense revenir bientôt, mais la Gestapo
l'attend et l'emmène. Un dénommé Tilden, pour éviter la torture, l'a dénoncée
ainsi que beaucoup d'autres résistants de son équipe. Soumise à des supplices
dont la baignoire, Simone, elle, ne donne aucun nom. Quelques jours après son
arrestation, elle réussit, on ne sait par quel moyen, à faire parvenir à son
chef de service un rapport détaillé sur les questions administratives et
financières dont elle est chargée et qu'elle a dû laisser en suspens.
Ainsi donc, malgré les pires
tortures physiques et morales qu'elle endure, martyrisée par la Gestapo, elle
garde intacte dans son esprit la préoccupation du fonctionnement du service que
son arrestation lui fait quitter malgré elle.
Après son arrestation,
Simone est envoyée en Allemagne. Elle voyage
En mars 1944, elle est au
camp de Ravensbrück, et ensuite dans une usine d'armement, à Hofleischen, où
elle est chargée du contrôle des postes radio fabriqués par cette usine. Elle
est alors soupçonnée de les avoir trafiqués. Elle est transférée au camp de
Flossenbourg, où elle est jugée, condamnée à mort pour sabotage et pendue le
13 avril 1945. Elle a, à l'époque,
39 ans. La veille de son exécution, elle écrivait à sa malheureuse mère à
Chaussin, en son Jura natal :
" Ne pleure pas, c'est
un ordre. Ne soyez pas triste. Moi je ne le suis pas. Mon coeur est calme,
autant que mon esprit. Dans ma petite cellule, j'interroge le ciel, je pense à
tout ce qui est beau, à tout ce qui est clair ".
Ces phrases si simples
expriment bien la sérénité que donne le véritable sentiment du devoir
accomplit jusqu'au bout.
Grâce à l'impulsion donné
par grâce à l'organisation qu'elle a mise sur pied, grâce aussi à son
silence, tous ses camarades résistants P.T.T ont continués avec acharnement à
mener leur action pour que circulent et soient distribués le courrier
clandestin, l'argent, les armes nécessaires à diverses équipes de résistants.
L'organisation et les moyens radioélectriques mis en place par Simone à partir
de 1942 ont été particulièrement utiles et efficaces au moment du débarquement.
Les mérites de Simone sont
trop peu connus, mais ont été récompensés par de nombreux titres. Un juste
hommage lui a été rendu par l'émission d'un timbre à son effigie en 1958 et
la pose d'une plaque en son pays natal, dans le Jura, inauguré à Chaussin, le
6 Juillet 1952 par le ministre de P.T.T Duchet. Enfin, une plaque posée au
service des P.T.T où elle était affectée pendant les années 1942-1943 veut
montrer qu'aux valeurs techniques doivent s'ajouter les valeurs morales dont
Simone a donné le plus pur exemple.
Melle GERMAINE DE SAINT-JORRE
Nous avons rencontré Melle
Germaine de Saint Jorre, une résistante qui habite Villebaudon et qui a
participé au parachutage d'armes de Sainte Marie Outre L'Eau, le 10 mai 1944.
Née en Juin 1912, elle a vécu
avec sa famille à Percy, où en 1940, elle exerçait la profession de couturière
à domicile. Son entrée dans la Résistance s'est faite par hasard, puisqu'elle
a entendu vaguement parler d'hommes qui n'hésitent pas à s'investir dans des réseaux
pour la libération de la France. Mais elle ne pensait pas qu'un jour elle en
ferait parti.
Ces nombreuses relations lui
ont permis de faire connaissance avec la famille Fillâtre qui tenait une épicerie-tabac
à Villebaudon. Très vite, ils sont devenus des amis et Germaine de Saint Jorre
était toujours prête à les aider quand cela s'avérait nécessaire.
Ce qu'elle ne sait pas en
revanche, c'est que M. Fillâtre est l'un des principaux commanditaires du réseau
de Résistance P.T.T de Villebaudon. C'est ainsi que Germaine de Saint Jorre un
peu malgré elle, est entraînée dans de actions clandestines à la demande de
Mr Fillâtre qui doit trouver des femmes pour porter des messages d'un groupe à
un autre, une grande discrétion était requise.
Germaine de Saint Jorre
accepta de faire partie de cette organisation, sans se soucier des risques
qu'elle encoure. Entre Germaine de Saint Jorre et la famille Fillâtre s'est crée
une relation plus qu'amicale. Ainsi, quand M. Fillâtre a besoin d'elle, il lui téléphone
en lui disant la chose suivante : " Lucienne est malade, viens vite, nous
avons besoin de toi ".
Aussitôt, elle prend sa
bicyclette et part pour Villebaudon. Cette phrase n'est en réalité qu'un code
signifiant qu'une mission l'attend,
Mme Leblond, institutrice à
Villebaudon, est aussi engagée dans la résistance des P.T.T. et elle doit écouter
régulièrement les messages de Londres.
C'est ainsi, que le 10 mai
1944 , à 12 H, elle entend le message " aimer c'est vivre " et qui
annonce un parachutage à Sainte Marie Outre L'Eau la nuit suivante. M. Fillâtre
se rend à Saint-Lô auprès des PTT, mais personne n'a entendu le message.
On pense qu'il y a eu
confusion avec un autre message. A 21 H, le même message passe sur les ondes,
il n'y a plus aucun doute, si l'équipe de Saint-Lô ne réagit pas, Villebaudon
y va. L'équipe de Villebaudon comprend M. Pruvost, M. Fillâtre, Mme Leblond et
M. Abdon. Ce dernier pris de tremblements et ne peut y aller. Il est donc
remplacé par Germaine de Saint Jorre.
C'est à bicyclette qu'ils
partent par groupe de deux : Germaine avec M. Fillâtre, et Mme Leblond avec M.
Pruvost. C'est une période de pleine lune, il fait donc très clair.
Ils doivent passer par Pont-Farcy
qui est occupé par des soldats allemands. Il faut traverser, et M. Fillâtre
demande à Germaine de Saint Jorre d'écouter, du fait de sa bonne audition, si
le pas des allemands se rapproche ou s'il s'éloigne, en maintenant son oreille
sur le sol, d'où son expression " j'entends très bien ". Le pas se
faisant distant, ils continuent donc leur route qui doit les mener dans une
carrière où le parachutage doit avoir lieu.
Soudain,
entend le bruit d'une voiture. Elle descend de bicyclette et prévient M.
Fillâtre qu'elle ne veut pas aller plus loin, mais celui-ci refuse de la croire
jusqu'à ce que le deuxième groupe les rejoigne et leur certifie avoir entendu
le bruit d'une voiture et vu de la lumière.
Pris de panique, ils se réfugient
dans un champ et attendent le passage de la voiture qui finalement est conduite
par un agent des P.T.T. Après avoir repris leurs esprits, ils repartent à
bicyclette et arrivent à la carrière où 10 minutes plus tard le bruit d'un
avion se fait entendre. C'est pour eux le moment de faire leur signal qui est de
reproduire la lettre R en morse avec des lampes électriques : trois blanches et
une rouge pour signaler leur présence.
Après avoir vu le signal,
l'avion doit faire trois tour s « et au troisième, il lance une fusée rouge.
L'avion se met ensuite sur le côté et il largue les onze parachutes. Une fois
l'opération finit, tout le monde se met au travail pour récupérer les
containers et charger le camion. Les membres des P.T.T partent avec le camion et
les autres, parmi lesquels on compte Germaine de Saint Jorre, reprennent leurs
bicyclettes et rentrent à Villebaudon. Le camion est déchargé à Beaucoudray
où les armes sont entreposées et camouflées à l'abri des regards indiscrets.
Ces armes sont destinées à permettre une intervention à l'arrière des lignes
allemandes, ce en collaboration avec les Alliés, au tout dernier moment.
À la suite de cette opération,
ils attendent patiemment le jour du débarquement. Le parachutage de Sainte
Marie Outre L'Eau n'est pas le seul événement marquant de la vie de Germaine
de Saint Jorre.
Une nuit, Germaine de Saint
Jorre, accompagnée d'autres résistants des P.T.T. se rend à Percy dans le but
de saboter les lignes téléphoniques. À l'origine
son rôle consiste à faire le guet, mais à la suite d'une manoeuvre
malencontreuse, l'un de ses compagnons se blesse à la cheville, obligeant
Germaine de Saint Jorre à le remplacer dans sa tâche.
Malgré le manque d'outils,
ils scient les poteaux et Germaine De Saint-Jorre coupe les fils (tâche assez
difficile pour une femme). Une fois le travail achevé, ils rejoignent
Villebaudon à travers champs et se retrouvent chez M. Fillâtre pour se
ravitailler et reprendre le cours normal de leur vie.
Le lendemain matin, une
agitation se fait ressentir dans le bourg de Villebaudon, à la découverte du
sabotage, car la population craint des représailles allemandes. Tous se
demandent alors qui est à l'origine de cette manoeuvre, mais toute l'équipe
fait semblant de ne rien savoir, car ils doivent jouer la comédie en ignorant
tout. Le secret a été gardé et la population n'a subi aucunes persécutions
par les Allemands.
M. Fillâtre, un des
principaux dirigeant des P.T.T à Villebaudon, apprend par un ami que les
Allemands ont l'intention de l'arrêter ainsi que Germaine de Saint Jorre à la
suite de dénonciation. Ils décident de fuir avec Mme Fillâtre, en emportant
des sacs de poivre.
Germaine de Saint Jorre obéit,
mais elle met du temps à comprendre l'utilité d'un tel procédé.
Sur les routes, Germaine de
Saint Jorre doit marcher sur les même pas de Mme Fillâtre qui l'a devance, tout
en saupoudrant du poivre derrière elle. M. Fillâtre qui les suit, doit lui
aussi marcher sur les traces laissées sur le poivre. À ce moment, elle comprend
que le poivre sert à brouiller les pistes face aux chiens allemands qui doivent
être à leur poursuite, C'est ainsi qu'ils rejoignent un champ dans lequel ils
passent la nuit.
Le jour suivant, ils
continuent leur route et décident d'aller à la ferme de M. Feuillet où ils
peuvent se ravitailler. Arrivés au bout du chemin, ils se trouvent face à une
route qui est perpétuellement surveillée par les soldats allemands. Ils
attendent que les soldats s'éloignent pour que Mme Fillâtre passe de l'autre côté
de la route. Arrivé face à la ferme, Mme Fillâtre se mouche longuement pour
signaler à Germaine de Saint Jorre qu'elle peut la rejoindre.
Elle fait le même geste, une
fois passée, pour que M. Fillâtre puisse traverser à son tour.
Une fois l'approvisionnement
effectué chez M. Feuillet, ils repartent se réfugier chez des cousins de M.
Fillâtre. Malheureusement, lors des bombardements, la maison est détruite et
ils doivent se cacher dans une tranchée. Un jour, Germaine de Saint Jorre
entend du bruit sur la route, inquiète, mais courageuse, elle regarde discrètement
et aperçoit des soldats Anglais. Elle prend alors un mouchoir blanc qu'elle lève
pour montrer qu'elle est française.
C'est pour tout le monde un
moment inoubliable, car la vue de ces hommes signifie " La Libération
". Ils rejoignent Villebaudon, mais ils sont attristés de constater que la
maison de la famille Fillâtre a été incendiée.
Nous semble être une femme
gentille, modeste et pour elle, ce qu'elle a fait n'a rien d'extraordinaire, car
chasser l'ennemi est quelque chose de spontané d'après elle.
Elle nous a raconté les événements
tels qu'elle les a vécu.
BERTHE LEBLOND
Institutrice à Tourlaville,
puis déplacée d'office à Villebaudon lorsque Tourlaville a été classé
" zone dangereuse ". Berthe Leblond se retrouve au début 19-43
contrainte de s'installer avec son fils Gilles âgé de onze ans à Villebaudon.
Elle a 33 ans. Elle loge chez Alphonse Fillâtre qui tient un café tabac endroit
qui est un point de ralliement où l'on discute beaucoup entre amis, adversaires
des Nazies et du système Pétainiste. Quelques unes des plus grandes figures de
la Résistance P.T.T vont se rencontrer à Villebaudon.
Elle fait rapidement
connaissance avec Ernest Pruvost qui est " pensionnaire " chez M. Fillâtre,
et Berthe Leblond comprend que celui-ci n'est pas un homme comme les autres.
Bientôt elle est engagée,
un peu par hasard dans la Résistance, et n'aura aucun mal à s'intégrer dans
le réseau P.T.T en devenant l'égérie de
" Nenest " Pruvost
- Ernest Pruvost qu'elle accompagnera notamment lors du parachutage de Sainte Marie Outre L'Eau.
grotte de Bion de Sainte-Marie-Outre-l'Eau
Elle a su conserver chez elle
un gros poste radio - malgré l'interdiction allemande - qui lui permet d'écouter
les messages provenant de Londres. C'est ainsi que le 10 mai 1944, à 12 H, elle
entend le message " Aimer c'est vivre " qui annonce le parachutage
d'armes à Sainte Marie Outre L'Eau prévu la nuit du 10 au 11 mai 1944, auquel
elle participe.
Berthe Leblond est la femme
de confiance, mais dans un petit village où tout le monde se connaît, tout en
s'épiant mutuellement, elle ne s'intègre pas. Elle a des manières qui ne sont
pas celle d'une villageoise - ses tenues vestimentaires - attirent les regards.
Lorsque Berthe Leblond se
verra confier le 13 juin 1944 la lourde tâche d'assurer une liaison entre la
maison du maquis et le bourg de Villebaudon, elle n'a pas le sens aigu de
perspicacité qu'il est nécessaire d'avoir durant une telle mission. Accompagné
de son fils et d'une amie, elle se rend dans la matinée, à la maison du
maquis, malgré l'interdiction pour des raisons de sécurité de Mr Fillâtre.
Elles s'y rendent pour
ravitailler les résistants cachés dans les maquis, en prenant soin de les
cacher dans des lessiveuses. En cours de route, elles se perdent et tombent dans
un cantonnement allemand. Les soldats interrogent les deux femmes qui ne leur révèlent
rien de leur identité. Mais les officiers ne manquent pas de se poser la
question suivant
" où vont-elles donc
avec leurs lessiveuses pleines de vivres ? ".
Cependant les allemands les
laissent repartirent avec comme guide Jacqueline, la fille de la maison du
cantonnement. Mais la curiosité des Allemands ne s'arrête pas là. Après le
retour de la jeune fille, un Allemand et son chien se mettent sur la piste des
deux femmes.
Le lendemain matin, la maison
du maquis est encerclée par des S.S. Berthe LEBLOND et son fils sont interrogés.
Au cours de l'interrogatoire de Gilles - onze ans - un des soldats pointe son
pistolet sur la poitrine de sa mère ce qui oblige l'enfant en larmes à révéler
aux Allemands l'existence des maquisards. Les onze résistants sont donc arrêtés
puis fusillés à Beaucoudray le 15 juin 1944. Cette dénonciation semble leur
avoir permis de garder la vie sauve.
Ce que l'on retiendra, c'est
que les Allemands sont soudain informés de la présence d'un résistant à
Villebaudon qui n'est autre qu'Alphonse Fillâtre. Mais celui-ci prévenu à
temps par un ami réussit à s'enfuir. Mais la question est toujours posée :
" Qui a donné aux Allemands le nom de Fillâtre ? "
Les relations entre Fillâtre
et Berthe Leblond étaient très mauvaises. L'enquête de la gendarmerie, au
lendemain de la Libération n'aura aucune suite.
CONCLUSION
Notre voyage à la découverte
de résistante est maintenant terminé. Nous avons du laisser sur la route
beaucoup d'héroïnes. Des nobles figures comme celle de Simone MICHEL LEVY à
laquelle les nazis réservèrent le plus horrible des supplices mérite bien
d'avoir ici leurs mémoires évoquées.
Nous nous sommes efforcées
de jeter une lumière plus dense sur les militantes qui se sont trouvaient engagées,
parfois dés 1941-42, dans la Résistance - timidement d'abord - faute de moyens
- puis au fur et à mesure que les moyens augmentaient leurs actions ont pu
prendre un tout autre visage.
CONCLUSION
GÉNÉRALE
Il reste à nous demander si
le sacrifice de ces jeunes femmes dans la Résistance, leurs abnégations, leur
courage, peuvent encore, nous guider, nous servir d'exemple, plus d'un demi siècle
après l'événement.
Suite à leur aide durant
cette période, les femmes ont vu les mentalités changer à leur égard. Elles
sont considérées, à partir de 1945, comme des citoyennes à part en tiers, en
ce voyant accorder le droit de vote. Grâce à la loi Veil , les femmes possèdent
la liberté pour l'avortement. À présent, elles ne sont plus seulement des
femmes au foyer, mais exercent des professions similaires à celles des hommes.
De plus, une journée leur a été consacrée pour célébrer leur nouveau
statut.
La seconde Guerre Mondiale a
permis d'améliorer la situation des femmes, mais en revanche cela n'a pas changé
la cruauté humaine.
A l'aube du XXIéme siècle, nous constatons que dans certains pays, les guerres existent encore, les horreurs de la seconde Guerre Mondiale n'ayant pas vraiment servie d'exemple.
T Lavalley, K Piedagnel
***
Madame Leblond (Témoignage)
Visite chez Mme Leblond à
Joinville (Près Réville le dimanche 11 décembre 1983).
Institutrice à Tourlaville
jusqu'en 1943, elle est d'office déplacée à Villebaudon où elle ouvre une
troisième classe (M. Alliet, Mr Abdon et elle-même). Elle a alors 33 ans. Fait
rapidement connaissance avec Mr Pruvost qui est " pensionnaire " chez
Mr Fillâtre, elle aussi pendant un mois car le prix de la pension s'avère supérieur
au salaire. Son fils pensionnaire à Torigni revient avec elle. Rapidement
Madame Leblond comprend que Mr Pruvost n'est pas un pensionnaire comme les
autres. Bientôt elle est engagée dans la résistance. Elle a su conserver chez
elle un gros poste radio - malgré l'interdiction allemande – Sur ce poste qui
fait pick-up, trois lampes peuvent être enlevées, de telle sorte que le poste
ne fait plus récepteur. Mme Leblond écoute Londres régulièrement. Mme
Leblond confirme avoir entendu les deux messages :
Aimer c'est vivre. Aimer est
la raison de vivre. Alors qu'à Saint-Lô, on n'avait entendu à 12 h que le
second qui ne concernait pas Beaucoudray. C'est ainsi que le 10 mai à 12 h,
elle entendra le message " aimer c'est vivre " qui annonce un
parachutage à Sainte Marie Outre l'Eau pour la nuit prochaine. Mr Fillâtre se
rend à Saint-Lô auprès des P.T.T. Personne n'a entendu le message. On pense
qu'il y a eu confusion avec un autre message. À 21 h le même message passe sur
les ondes – plus de doute – Si St Lô ne se remue pas, Villebaudon y va –
c'est à dire Mr Pruvost, Mme
Leblond. Mr Abdon est près d'un malaise cardiaque, il sera remplacé par Mlle
de Saint Jorre. On part à bicyclette, on a du mal à trouver le terrain. La
petite chienne à Mr Fillâtre suit le mouvement. Le groupe doit se cacher dans
un herbage dont la barrière est difficile à manœuvrer. Le véhicule P.T.T.
partant de Saint-Lô passera à Villebaudon. C'est dans la cour de la ferme de
Mr Godemer que R. Robin effectuera le changement de " carburant "
Essence au lieu de Gaz.
Le camion dont on a cru qu'il
était allemand est celui des P.T.T. de Saint-Lô, il passe devant l'herbage où
le groupe Pruvost est caché. Mr Fillâtre le retrouve, l'identifie. C'est bon.
Le signal est lancé. Vite fait. L'avion tourne en rond. La lettre R est faite
à la pile électrique rouge. On invite les femmes à faire leurs besoins car le
spectacle peut impressionner. Les parachutes arrivent corolles blanches –
corolles kakis. On saute sur le matériel. Tout est mis dans le camion P.T.T. Mr
Robin est au volant qui crie " chargez ! chargez ! Le camion ne démarre
pas ! Il part, il est temps, le jour se lève. Une fermière voit le groupe
descendre de la colline. " D'où
ils viennent ceux-là à cette heure ! et il y a deux femmes !
Mr Pruvost prend place à côté
du conducteur, donne son vélo à quelqu'un. Crouzeau est à côté aussi du
conducteur. Direction Villebaudon. Les armes entreposées à la ferme de Mr
Godemer seront ensuite transportées par celui-ci avec son tombereau et son
cheval jusqu'à la maison du bois. Le temps passe et le soir du 6 juin 1944, Mme
Leblond participe à la coupure du
gros câble souterrain St-Lô Villedieu avec Mr Pruvost, Mr Godemer, Mlle de
Saint Jorre. On casse des lames de scies à métaux mais Mr Fodemer est solide,
c'est lui qui fait la fouille. Mr Pruvost n'est pas costaud et il se limite à
aider à la coupure du câble. St-Lô brûle à l'horizon. On a mis en place un
dispositif pour avertir de la venue des allemands. Un autre (Mr Godemer) est en
contre-bas avec une mitrailleuse. Opération terminée. On rebouche. L'herbe est
remise bien, au-dessus et on regagne son domicile. Le 12 juin, le domicile de
Mme Leblond a été cambriolé de jour par des allemands " c'est la guerre
madame ! "
Madame Leblond décide
d'aller coucher à la maison proche du maquis avec son fils.
Le 14 juin vers 6 h, un véhicule
allemand passe et repasse devant sa maison. Il a des branchages sur le toit.
Alerte. Madame Leblond prévient immédiatement le groupe.
Puis c'est le calme. Vers 10
h nouvelle alerte, deux allemands vont à son domicile, l'un a une bouteille de
cidre à la main. Ils demandent à manger et entrent dans la maison. Mme Leblond
envoie son fils au maquis " va chercher le chat ". Le chat est
d'ailleurs au maquis. Il y a des souris dans la maison du maquis. Le jeune
Leblond rapporte le chat auquel on donne à manger une boite de corned beef (du
parachutage). Il refuse ce menu en partie, on jette le reste au feu.
Cette fois, une autre voiture
arrive avec un officier allemand, un interprète et un autre allemand qui a de
la distinction et parle remarquablement le français. Ce serait Dufour de la
gestapo de Saint-Lô, de son vrai nom Junger. Mme Leblond est interrogée : vous
tremblez madame ? Pourquoi tremblez-vous ? – Parce que ma maison a été
cambriolée par des allemands il y a deux jours et j'ai peur des allemands.
À proximité immédiate de
l'unique salle de séjour, il y a une grange où se trouve du bois et Mme
Leblond a profité d'un court répit pour y mettre des documents et objets
divers. Pourquoi avez-vous été dans cette grange ? – pour cacher mon jambon
(c'est d'ailleurs vrai).
Le fils une seconde fois est
allé " chercher le chat ". Il revient tout troublé. Les allemands
sont là bas. Il en a vu 5, arme à la bretelle ; prendre le petit chemin. Il
s'est caché mais en revenant un allemand s'est saisi de lui et lui a appliqué
son pistolet sur la poitrine. – Si tu dis que ta maman est allée les prévenir,
elle ne sera pas fusillée. " Oui je suis allé les prévenir " en
larmes puis se met à proximité de sa mère. Des coups de feu ont claqué. Les
résistants arrivent mains en l'air, face au mur de la maison de Mme Leblond. On
les fouille. On pense que tout le monde va être exécuté mais non. Guy est
amené au groupe les deux jambes atteintes par balle. Les résistants
retourneront à la ferme et devront dégager les armes entreposées sous le tas
de fagots ainsi que 2 véhicules (l'auto du curé Hardy de Villebaudon et celle
des P.T.T.
Crouzeau est interrogé.
Origine de ces armes ? " On les a récupérés dans un avion américain
tombé à Moyon il y a quelque jours ! "
Les explications ne sont pas
admises. Il y a des brassards de la résistance. Le ton monte. Finalement les
allemands posent la question " Êtes pour ou contre nous ? – nous sommes
contre vous !
En fin de journée, Madame
Leblond en tête avec son fils. Les résistants mains liées deux par deux
quittent les lieux et sont conduits à la ferme de Mr. Lallemand où se trouve
le groupe Todt. Ils sont dignes le long du pignon de la maison d'habitation,
puis plus tard introduits dans l'écurie située à gauche en entrant à la
ferme. Le fils dormira dans une mangeoire. Interdit de parler mais un résistants
dira à Madame Leblond : - j'ai des cigarettes anglaises dans une poche, vous
qui n'avez pas les mains liées, pouvez vous les enlever ? ce qu'elle fera.
Vers 4 h du matin, on fait
sortir les résistants, Un fusil est mis en travers et interdit à Madame
Leblond de passer avec son fils. Quelques minutes plus tard un camion démarre,
rafale de mitrailleuse entendue. Mme Leblond et son fils seront emmenés dans
une petite voiture (celle des P.T.T. ?) au château de Domjean pour
interrogatoire.
On connaît Pruvost, Fillâtre. Où sont-ils ? " Je ne les connais point ". " Je ne
connais personne du groupe ". – Où est votre mari ? – À Tourlaville.
Systématiquement madame Leblond va nier avoir eu connaissance des faits et
activités des résistants.
Elle sera transférée à St
Jean du Corail. L'interprète qui est alsacien lui donne des conseils : tenez
bon. Niez tout ! Ce qu'elle fera.
Au château de St Jean du
Corail, elle est occupée à faire du ménage. Mal reçue par les fermiers du château.
Là aussi elle est interrogée et sur le point de céder. Mais non " elle
tient ". Vers le 20 juillet, elle sera relâchée.
Sous réserve qu'elle se
rende à Goron où elle sera en résidence surveillée. (documents des services
allemands).
Les américains arriveront
quelques jours plus tard.
*
**
Madame Leblond explique
l'arrivée des allemand de la manière suivante
Ne pouvant utiliser les
grands axes, les allemands empruntent des petites routes. Ils cherchent des
coins pour se cacher des avions. Le fils Leblond a vu une douzaine de véhicules,
bourrés d'allemands en armes auprès de la ferme, mitrailleuse sur son trépied.
" Ils étaient à la recherche du cantonnement. "
Ce que je ne crois point, ils étaient là pour passer à l'action contre
le maquis qu'ils croyaient plus solide... Une voiture allemande serait le matin
du 14 allée au bout du petit chemin et aurait tourné dans la cour de la ferme
où se trouvait le groupe (?).
Le fils de Madame Leblond a déclaré
: j'ai vu une mitrailleuse allemande montée sur son trépied prête à tirer au
bout de chemin.
Question posée : Les
allemands ont à un moment donné emporté le jeune PATIN chez son patron Mr
Haupais et ont administré une " correction " à Mr Patin qui ne
disait mot. L'objectif était de lui faire avouer que son patron Mr Haupais était
parfaitement au courant de l'affaire. Mme Leblond ne se souvient pas de cette
chose et déclarait ignoré qu'il y avait des allemands (S.S.) au château de
Beaucoudray. Le véhicule à bord duquel elle a été emmenée avec son fils à
Domjean était-il le véhicule administratif (Simca 5) que les allemands avaient
découverts sous les fagots. C'était " un fort petit véhicule
probablement une Simca 5 ". Madame Leblond n'a pas entendu dire qu'il y
avait des allemands dans le bois de Moyon tout proche.
Mme Leblond : - j'avais caché
dans la boite à sel le brassard confectionné par mes soins, à croix de
Lorraine et destiné à Mr Abdon. Quand les allemands m'ont laissée libre, j'en
ai profiter pour le brûler.
- Avez vous entendu dire que
des armes entreposées chez Mr Godemer avaient le 15 juin été balancés dans
la mare juste avant l'arrivée des allemands ?
- non mais par contre j'ai
appris que le matériel radio de mon mari avait été ce jour là balancé dans
la mare où elle doivent toujours être. En curant la mare, on devrait en retrouver trace.
Melle de Saint Jorre : appris
par le boulanger Mr Guillon ce qui s'est passé... Mr Guillon hébergeait le
jeune Albertini.
Mr Lepilleur : tenait café
à Villebaudon.
Mr Lepilleur Auguste. La Réauté.
Frère était du maquis, ne l'ignorait pas. A découvert les 2 fosses dans
l'herbage qu'il louait, un matin, sans doute le 18. terre fraîchement remuée
cachée par des branchages.