GLIèRES - HAUTE-SAVOIE 1944

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RAPPEL DES EVENEMENTS

En janvier 1944. face à la situation quasi-insurrectionnelle créée en Haute-Savoie par la Résistance. les autorités allemandes mettent Vichy en demeure de " nettoyer les nids de terroristes " avant le 12 mars. Si Vichy échoue, l'armée allemande s'en chargera. Le gouvernement de la collaboration instaure les cours martiales, met le département en état de siège et envoie près de 3 000 hommes des Forces du Maintien de l'Ordre.

Par ailleurs, à l'automne précédent. la Haute-Savoie avait reçu une mission d'information franco-britannique chargée d'évaluer la capacité militaire des maquis de la région. Cette mission " Musc " avait estimé à 2 350 le nombre des hommes qui n'attendaient que des armes pour se battre. Suite à ces informations et aux demandes répétées de la France Libre, le 27 janvier, le Cabinet de Guerre britannique. présidé par Winston CHURCHILL décide, pour la première fois, d'envoyer des parachutages d'armes importants en Haute-Savoie pour armer plus de 2 000 maquisards. Le terrain de largage sera le Plateau des Glières.

Le 31 janvier, nommé Chef des Maquis de l'Armée Secrète du département, le lieutenant MOREL (TOM) donne l'ordre à 120 maquisards de monter sur le Plateau réceptionner les parachutages. Leur mission : tenir le Plateau en attendant de pouvoir recevoir les armes et les faire descendre dans les vallées. Un premier parachutage, le 14 février, est limité. Il faut donc attendre la pleine lune suivante. Elle est prévue le 10 mars.

Dès le début de février, les forces de Vichy ceinturent le Plateau et tentent d'y prendre pied. Pendant plus de six semaines leurs attaques sont repoussées. Mais leur blocus est de plus en plus efficace. Le Plateau est obligé de renforcer ses défenses. Sur la proposition de TOM MOREL, les hommes adoptent avec enthousiasme la devise " VIVRE LIBRE OU MOURIR ".

Début mars, le " Bataillon des Glières " atteint 320 hommes (dont 56 Républicains espagnols montés dés le premier jour et deux groupes F.T.P. qui, traqués par les Forces de l'Ordre, ont rejoint le Plateau et se sont placés sous le commandement de TOM MOREL). Le 9 mars, le Capitaine ROSENTHAL (CANTINIER), qui assure depuis les vallées la liaison radio avec la France Libre, apporte un message de Londres affirmant que le Plateau doit se considérer comme une tête de pont qui va recevoir des renforts aéroportés canadiens. Mais TOM est tué dans la nuit du 9 au 10 mars dans un engagement à Entremont contre les G.M.R. (non pas. comme cela est répété trop souvent, parce qu'il aurait accepté de laisser son arme au commandant G.M.R. fait prisonnier, mais par le petit revolver que celui-ci avait dissimulé à l'avance).

La nuit suivante, comme ROSENTHAL l'a annoncé, le grand parachutage attendu arrive : 585 parachutes couvrent le Plateau.

Le 12 mars, l'Armée Secrète fait monter environ 120 hommes supplémentaires. Ce même jour, conformément au plan allemand, l'aviation ennemie commence à bombarder le Plateau. Mais la neige se remet à tomber en abondance, paralysant tous les mouvements. La couche devient si épaisse qu'il est impensable de sortir du Plateau avec les armes reçues. Mais il est tout aussi impensable d'abandonner, sans combattre, ces armes qui sont le premier grand parachutage britannique envoyé à la Résistance.

Le 18 mars, le Capitaine ANJOT rejoint le Plateau et prend le commandement : il s'est porté volontaire pour cette mission au moment où il est évident que le Bataillon des Glières va devoir affronter l'armée allemande. II dispose de 465 hommes qu'il répartit en quatre compagnies.

Le 23 mars, le beau temps est là. Mais avec lui arrive la 157ème division alpine de la Wehrmacht qui prend aussitôt position autour du Plateau. La Milice augmente vainement sa pression. L'aviation détruit systématiquement les chalets.

Le 26 mars, deux bataillons allemands attaquent dans le secteur du Petit-Bornand et Entremont. Ce premier assaut est contenu. À la nuit, jugeant la situation désespérée, mais estimant que l'honneur de la Résistance, aux yeux de nos Alliés et des Français qui doutent encore, est sauf, le capitaine Anjot donne l'ordre de décrochage général. Le Bataillon des Glières a ainsi livré contre les Allemands le premier engagement d'envergure. sur le sol national, depuis 1940, affirmant la solide réalité de la résistance intérieure. C'était aussi sa mission. Malgré l'encerclement, plus de soixante pour cent des maquisards réussissent à s'exfiltrer du Plateau. Malheureusement, la répression qui suit fera encore de nombreuses victimes. Cependant quelques semaines plus tard, la Résistance a repris le contrôle du département.

Dès le début juin, l'ensemble de la Haute-Savoie se mobilise. Le 1er août, sur ce même Plateau des Glières, tenu cette fois par environ 3 000 maquisards, un nouveau parachutage apporte d'un coup plus de 150 tonnes d'armes qui, en quelques jours, équipent tout le département. Ainsi le 13 août les F.F.I. haut savoyards déclenchent les opérations de libération. Entre le 13 et le 19 août, ils font capituler devant eux toutes les garnisons ennemies, faisant plus de 3 800 prisonniers allemands. La Haute-Savoie est ainsi le premier département français à s'être libéré par ses propres moyens, alors que les armées débarquées en Provence atteignent à peine Grenoble.

Au total, les combats des Glières de février mars et la répression qui suivit - dans laquelle la Milice française, alliée à la Gestapo, a donné toute la mesure de son abjection - ont coûté la vie à 129 maquisards (tués, fusillés ou déportés) et à 20 résistants des vallées. La majorité d'entre eux est enterrée à la Nécropole Nationale de Morette.

Mais comme Maurice SCHUMANN porte-parole de la France Libre l'a proclamé dès le début avril sur les ondes de le B.B.C., " l'honneur de Glières c'est d'avoir déjà ramené BIR-HAKEIM en France ".

PLATEAU DES GLIÈRES
HAUTE-SAVOIE 1944

CHRONOLOGIE DES ÉVÉNEMENTS

1943

Septembre: les troupes allemandes remplacent l'occupant italien. La situation devient plus difficile pour les jeunes qui ont " pris le maquis " par refus du Service du Travail Obligatoire en Allemagne.

Londres envoie la première mission d'information (dite " mission MUSC ") avec le lieutenant-colonel HESPOL du SOE britannique et le capitaine ROSENTHAL (dit " CANTINIER ") des FFL, pour évaluer la capacité militaire des maquis de la région frontalière de la Suisse (Ain et Haute-Savoie). Leur rapport fait état de 2 350 hommes prêts à combattre et propose le Plateau des Glières comme terrain de parachutage pour équiper la Haute-Savoie.

1944

20 janvier : compte tenu de la situation " insurrectionnelle " qui règne en Haute-Savoie depuis l'automne, le gouvernement français de la collaboration à Vichy, sur l'injonction des autorités allemandes, décide d'en finir avec le " terrorisme " dans le département : instauration des Cours Martiales, renforts de police, Gendarmerie, Garde Mobile, G.M.R et Milice (au total près de 3 000 hommes), proclamation de l'état de siège (affiché dans toutes les communes le 31 janvier).

27 janvier : sur la demande insistante des représentants du Général De GAULLE, Winston CHURCIIILL décide d'armer les maquis de la région et d'envoyer, pour la première fois, des parachutages importants à la Résistance intérieure. Glières sera la première opération d'envergure dans laquelle les Alliés, même si cela n'est pas dit, vont tester la capacité militaire des maquis, en vue du débarquement.

31 janvier : le lieutenant Théodose MOREL, dit " TOM ", nommé chef des maquis de l'Armée Secrète en Haute-Savoie, ordonne à 120 maquisards des Vallées de Théines de monter au Plateau des Glières (altitude moyenne : 1 400 mètres) pour préparer la réception des parachutages et tenir le Plateau jusqu'à ce que les armes puissent être distribuées dans l'ensemble du département.

Il prend le commandement de ce qui deviendra peu à peu le " Bataillon des Glières " rassemblant un nombre croissant de maquisards d'origines sociales et géographiques très diverses et sensibilités politiques parfois opposées, mais unis en une formation de combat pour préparer la libération du pays. Le bataillon s'organise grâce à l'encadrement d'officiers et sous-officiers issus en majorité du 27ème BCA d'Annecy passés à la clandestinité dès novembre 1942. Les effectifs seront renforcés à mesure que le Plateau devra faire face à une pression croissante des forces de Vichy et que des groupes de maquisards monteront soit sur ordre soit pour échapper au ratissage de tout le département (notamment deux groupes FTP - une cinquantaine d'hommes - qui se placeront aux ordres de TOM).

Grâce à son rayonnement personnel, à l'ardeur de son patriotisme, son énergie communicative et sa compétence militaire et alpine, Tom MOREL insuffle à tous ces hommes " l'esprit des Glières " qui forgera l'unité et la détermination du premier bataillon de maquisards prêts a affronter l'ennemi. Répercuté et magnifié par la radio de Londres, le combat du bataillon des Glières devient aussitôt le symbole du combat de la France Libre sur le sol national. Simple opération de réception de parachutages au départ, Glières devient, aux yeux des Alliés comme aux yeux des Français et finalement des Allemands, la premières bataille de la Résistance. Dès lors les maquisards seront les acteurs d'un enjeu d'une dimension nouvelle.

1er février : 56 maquisards espagnols, anciens soldats de l'armée républicaine ayant combattu dans la guerre civile espagnole, réfugiés dans les montagnes, en contact depuis longtemps avec l'Armée Secrète, rejoignent le Plateau. Ils se mettent aux ordres de Tom MOREL mais demandent à ne pas avoir à tirer sur des Français en souvenir de l'accueil (pourtant particulièrement inhumain...) qu'ils avaient trouvé en France en 1939. Cette réserve sera respectée.

Tom MOREL organise la défense de la zone de parachutage (limitée au centre du Plateau) avec deux compagnies (une – " Joubert " - à l'Ouest du Col des Glières et l'autre – " Humbert " - à l'Est), une Section d'Éclaireurs Skieurs, le Poste de commandement et l'infirmerie au centre, le dépôt de munitions à la périphérie de la zone de largage.

7 février : première intervention de la Garde Mobile qui tire sur des ravitailleurs. Désormais les maquisards ont l'ordre de tirer sur la Garde. Le soir, à la Radio de la France Libre, Maurice SCHUMANN annonce : " la bataille de la Haute-Savoie prend une ampleur nationale ". Vichy met en place le blocus du Plateau.

12 février : la Garde reçoit l'ordre de monter au Plateau par l'Essen. Après sommations, les maquisards tirent. Ils font quatre tués et trois prisonniers qui seront libérés en échange de la garantie que la Garde laissera un couloir d'accès au Plateau. Mais la Garde, jugée trop peu fiable par Vichy, cédera bientôt la place aux GMR (Groupes Mobiles de Réserve qui sont les principales troupes du gouvernement de Vichy).

Nuit du 14 au 15 février : premier parachutage (54 containers) qui permet d'équiper en armes individuelles les hommes du Plateau. Il faudra attendre la pleine lune suivante (en mars) pour recevoir les grands parachutages annoncés.

20 février : sur proposition de Tom MOREL, le bataillon des Glières, rassemblé au pied du mât central où flotte la croix de Lorraine, adopte la devise " Vivre Libre ou Mourir ".

2 mars : le bataillon a reçu divers renforts et atteint 320 hommes. Tom MOREL, pour faire face au blocus des forces de Vichy, en profite pour élargir son périmètre de défense à l'ensemble des accès du Plateau. Il crée une troisième compagnie (" Forestier ") pour tenir les accès sur le côté Nord et Nord-ouest (entre Thorens et la vallée du Borne)

Coup de main réussi sans effusion de sang contre le poste GMR de Saint-Jean de Sixt pour obtenir la libération de l'infirmier du Plateau arrêté la veille dans la vallée (malgré un premier accord de neutralité passé la veille entre Tom MOREL et le commandant GMR LEFEVRE). Les GMR sont laissés libres après que le Colonel LELONG chef des troupes du Maintien de l'Ordre à Annecy ait donné sa parole par téléphone de libérer l'infirmier. Cette promesse ne sera pas tenue (ce sera l'une des raisons du tragique coup de main sur Entremont par la suite).

5 mars : petit parachutage (30 containers), non annoncé, sans doute dû à des avions détournés sur Glières (qui est homologué comme terrain de délestage).

8 mars : attaques de la Milice sur deux accès du Plateau (au Nord-Est Col du Freux et Balme, à l'Ouest le Collet). Elles sont repoussées par les sections qui tiennent ces passages. Un milicien tué.

Premier survol par un avion d'observation allemand.

Sans nouvelles de Londres, Tom MOREL envisage de redescendre du Plateau, mais il doit d'abord monter un coup de main contre le poste de commandement des GMR du Commandant LEFEVRE, qui vient de s'installer à Entremont avec l'ordre d'attaquer le Plateau.

9 mars : CANTINIER, qui assure depuis la région d'Annecy la liaison radio avec Londres, monte au Plateau et déclare : " le débarquement est proche : considérez-vous comme tête de pont ". Il annonce l'arrivée de " parachutages massifs " et le renfort d'un bataillon aéroporté canadien. Il n'est donc plus question de redescendre: le bataillon des Glières devra tenir jusqu'à l'arrivée des renforts annoncés et non plus décrocher dès que possible avec les armes reçues. C'est une nouvelle mission qui marque un tournant stratégique. Mais en fait, la neige qui va se mettre à tomber sans arrêt pendant une semaine, supprimera toute possibilité de décrochage sans mettre toute la région à feu et à sang, c'est à dire en provoquant des représailles que l'AS a toujours voulu éviter pour la population.

Nuit du 9 au 10 mars : Tom MOREL est tué traîtreusement par le Commandant LEFEVRE, au cours de l'attaque du poste de commandement GMR à Entremont. Les maquisards remontent son corps sur le Plateau pour l'enterrer près du mât central et ramènent 57 GMR prisonniers. Le lieutenant JOURDAN (" JOUBERT ") assume le commandement. Il sera remplacé le 14 mars par le lieutenant BASTIAN (" BARRAT ") en attendant l'arrivée du capitaine ANJOT.

10 mars : les maquisards stoppent la montée d'une colonne de GMR en direction de Notre-Dame des Neiges, sur l'accès Ouest, et font dix prisonniers.

Nuit du 10 au 11 mars : deuxième pleine lune, le parachutage annoncé par CANTINIER arrive. Une trentaine d'avions larguent 580 containers, soit environ 60 tonnes d'armes et d'explosifs. Malheureusement dès le lendemain la neige se met à tomber et va dépasser deux mètres de hauteur. Elle rend longue et épuisante la récupération des containers enfoncés dans cette couche épaisse. Certes elle isole le Plateau et le protège. Mais elle empêche de descendre les armes dans les vallées. Le Bataillon des Glières est bloqué sur place: il n'a évidemment pas le droit de partir en abandonnant, sans combattre, ces armes tant réclamées et que nos Alliés avaient accepté d'envoyer pour la première fois en pareille quantité.

Il devra donc tenir le Plateau contre les assauts qui s'annoncent jusqu'à ce que la fonte de la neige lui redonne sa liberté de mouvement...Face aux forces de Vichy, c'est tout à fait possible. Mais déjà la situation change...

12 mars : constatant l'échec de Vichy que les Allemands avaient mis en demeure de régler le problème des Glières avant cette date, la Wehrmacht donne l'ordre à sa 157ème Division Alpine (forte de 14 000 hommes basés principalement à Grenoble) de faire mouvement vers la Haute-Savoie.

Dès ce même jour l'aviation allemande commence le bombardement du Plateau au moment où 120 maquisards commandés par les lieutenants LALANDE et de GRIFFOLET venant du Chablais et du Giffre arrivent en renfort.

18 mars : sachant la situation désespérée, le Capitaine ANJOT (" BAYART "), sur sa demande, monte au Plateau et prend le commandement du bataillon qui compte maintenant 465 hommes. Il forme une quatrième compagnie et renforce les défenses sur la Vallée du Borne par où il s'attend à subir l'assaut principal.

20 mars : au Nord-Ouest (secteur de Thorens) quatre maquisards sont surpris par la Milice : trois sont tués, le quatrième est mortellement blessé ; la Milice attaque le col de Landron ; l'attaque est stoppée par les tires de fusils-mitrailleurs qui contrôlaient le passage et fauchent 12 miliciens.

Au Sud-Ouest (N-D des Neiges, la Rosière) attaque de la Milice également repoussée.

23 mars : attaque aérienne sur les crêtes Est (les Auges) et au Sud-Ouest sur Dran (un mort et un blessé grave). Les chalets sont systématiquement incendiés.

La Milice envoie deux émissaires en proposant de parlementer. Le capitaine ANJOT refuse catégoriquement.

Quatre bataillons allemands ont pris position sur tout le flanc Sud-Ouest, Sud et Est du Plateau (vallées du Fier, du Nom et du Borne). Ils disposent au total de 6 714 hommes avec 116 armes lourdes et 24 engins blindés.

24 mars : attaque de la Milice aux Auges. Un maquisard tué, un blessé. Les Miliciens se retirent en laissant un prisonnier.

L'artillerie allemande commence à pilonner les défenses du Plateau.

25 mars : le pilonnage par l'artillerie s'intensifie.

26 mars : 09 h 00 le temps est clair : l'aviation mitraille en rase-mottes ;

10 h 00 : la Milice attaque au Col du Freux, sans succès ;

trois sections allemandes font une tentative au Lavouillon ;

11 h 00 : la Milice attaque à l'Enclave, sans succès ;

12 h 00 : nouveau bombardement aérien ;

13 h 00 après un pilonnage d'artillerie, deux bataillons allemands montent vers le Plateau depuis Petit-Bornand et Entremont. Vers 15 h 00 leurs unités d'assaut (en tenue alpine blanche) atteignent la position de Monthiévret et sont stoppées par les deux sections qui tiennent le secteur. Les maquisards ont l'avantage du terrain très escarpé. Les Allemands sont bloqués par les tirs des fusils-mitrailleurs et surtout par les jets de grenades défensives lancées

depuis la hauteur qui les surplombe. Ils ont des morts et de nombreux blessés (comme l'a montré l'étude du colonel WYLER de l'armée suisse, qui a rencontré les officiers allemands qui commandaient cette opération et donne le chiffre de 28 morts, confirmant ainsi les déclarations des rescapés de Monthiévret). Le combat dure jusqu'à la nuit. Quelques soldats allemands réussissent à contourner la position en escaladant les rochers qui la dominent. Ils font deux tués et plusieurs blessés, puis se replient. Ce que les maquisards ne peuvent pas savoir c'est que le commandant allemand, devant cette résistance qu'il n'attendait pas à une attaque qu'il juge prématurée, vient de donner l'ordre à ses troupes de redescendre dans la vallée.

22 h 00 : sachant que le bataillon n'a pas les moyens de tenir face à la prochaine attaque qui ne peut qu'être générale, le capitaine ANJOT, considérant que " l'honneur est sauf ", après avoir consulté ses officiers présents au PC, donne l'ordre à toutes les sections de décrocher et de sortir de l'encerclement pour rejoindre leur maquis d'origine. Les principaux axes de replis sont vers l'Ouest (gorges d'Ablon et col du Perthuis) et vers le Nord-Ouest (secteurs boisés de Thorens et Evires tenus par la Milice). Partout, en dehors des pentes ensoleillées, la couche de neige atteint encore un mètre d'épaisseur. C'est une neige de printemps qui casse sous les pas. Des groupes isolés réussiront à s'exfiltrer par des cheminements divers qui prendront plusieurs jours et nuits dans des conditions éprouvantes. Mais au lever du jour le Plateau a été totalement évacué.

Les maquisards ont emporté avec eux le maximum d'armes individuelles que souvent, à bout de forces, ils seront obligés de cacher en route dans l'espoir de revenir les chercher (ce que certains réussiront à faire).

27 mars : au début de l'après-midi, les troupes allemandes remontent sur le Plateau. Il n'y reste que quelques blessés à l'infirmerie qui sont exécutés ;

15 h 00 : le capitaine ANJOT et cinq de ses hommes (dont trois espagnols) sont tués dans une embuscade allemande au dessus de Nâves.

22 H 00 : à Morette, un groupe d'une vingtaine de maquisards ayant franchi le Fier et remontent la vallée sont pris dans une embuscade. Seuls sept d'entre eux réussissent à s'en sortir. Ce sera le lieu de la future nécropole.

29 mars : 22 h 00 le lieutenant de GRIFFOLET, en faisant franchir une route à un groupe qu'il conduit, tombe sous le feu de la Milice près de Thorens avec deux de ses hommes..

Dans les jours sui suivent, tout autour du plateau, des maquisards vont continuer à être pris dans les mailles du filet, principalement aux mains de la Milice et de la police française. Pourtant plus de soixante pour cent des hommes du Plateau réussissent à s'exfiltrer. Mais beaucoup seront repris dans les semaines suivantes où le département continue à subir l'état de siège. Ils seront souvent fusillés soit sur le champ soit après être passés par la prison et la torture. D'autres, après avoir été emprisonnés, seront envoyés en Allemagne. La Milice, la police et la Gestapo mènent la chasse à l'homme avec l'aide des GMR qui avaient été prisonniers sur le Plateau et que les maquisards avaient relâchés avant de décrocher... Des renseignements sont obtenus par la torture et des « sédentaires »qui ont été les ravitailleurs du Plateau sont dénoncés et fusillés. Pourtant le lieutenant BASTIAN, pris le 28 mars, qui était l'organisateur des filières de ravitaillement, torturé pendant trois semaines, ne parlera jamais et sera exécuté sans avoir parlé sauvant ainsi la vie de plusieurs dizaines de ceux qui travaillaient avec lui. Le lieutenant LALANDE qui avait franchi tous les barrages est arrêté trois semaines plus tard à Annecy, reconnu par un milicien. Il meurt le jour même sous la torture milicienne. Bien d'autres subiront les mêmes sévices avant d'être soit fusillés, soit déportés.

Au total, sur les 465 hommes composant le Bataillon des Glières à la mi-mars, on compte finalement (entre le 1er février1944 et la fin de la guerre en 1945, compte non tenu de ceux qui sont morts dans d'autres combats que Glières) :

129 morts soit au combat, soit fusillés par la suite, soit morts en déportation (16) soit disparus (9) ;

90 prisonniers (pour la plupart emmenés en Allemagne) qui survivront ;

Soit un total de 219 maquisards hors de combat auxquels il faut ajouter 20 " sédentaires " fusillés ou morts en déportation du fait des Glières.

On peut donc dire que " l'opération Glières " a coûté la vie à 149 hommes.

Malgré ces événements dramatiques, dès la fin avril les groupes se sont reformés. Le lieutenant JOURDAN, qui a survécu et qui a repris en main les rescapés dans le secteur de Thônes, organise une remontée sur le Plateau pour récupérer les armes qui avaient échappé au ratissage des troupes allemandes.

Rapidement la Résistance reprend le contrôle du département.

Le 1er août, ce qu'on peut appeler " l'Opération Glières " est répétée : les forteresses volantes accompagnées d'avions de chasse apportent, en plein jour, le parachutage dont la Haute-savoie avait besoin et pour lequel les maquisards s'étaient battus en février-mars : plus de 150 tonnes d'armes. Mais cette fois il n'y a plus l'handicap de la neige et l'aviation allemande n'est plus en état d'intervenir. La 157e division est occupée ailleurs. Le commandement départemental des FFI a pu mobiliser 3 000 hommes (dont 700 FTP et 2 300 AS). 750 sous les ordres de JOURDAN assurent la protection du massif. Plus de 2 000 montent sur le Plateau, récupèrent les armes, les redescendent aussitôt et, en quelques jours, les distribuent dans tout le département. La libération va pouvoir commencer dès le 16 août. Elle est terminée le 19 août : les troupes allemandes capitulent devant les maquisards. Le département s'est donc libéré totalement sans attendre l'arrivée de troupes alliés qui n'ont pas encore atteint Grenoble.

Les unités FFI continuent leur marche libératrice soit en direction de Lyon soit surtout en direction de la Tarentaise et de la Maurienne. Constituées en " Division Alpine " elles repousseront l'ennemi jusqu'à la crête des Alpes et d'Italie. C'est bien pour cette victoire que le bataillon des Glières s'était battu.

Le Général De GAULLE a pu déclarer le 4 novembre à Annecy : " c'est grâce à Glières que j'ai pu ensuite obtenir des parachutages importants pour la Résistance ".

Maurice SCHUMANN, porte parole de la France Libre avait pu déclarer le 6 avril sur les ondes de la BBC :

" Héros des Glières, morts, martyrs et vivants, vainqueurs des Glières, quelle est votre plus belle victoire ? "

et il répondait : "...avoir déjà ramené Bir Hakeim en France ".

Cette chronologie a été rédigée en 2002 par jacques GOLLIET avec l'aide des Rescapés des Glières, d'après les travaux de :

- Michel GERMAIN (auteur de " Glières 1944 " publié en 1994 aux éditions La Fontaine de Siloé),

- Jean Louis CREMIEUX-BRILHAC (" Histoire de la France Libre " et " Glières et la Guerre Psychologique "),

- Christian WYLER (livre en préparation),

Au cœur de la Haute-Savoie, entre 1 300 et 1 800 m d'altitude, la plateau des Glières, accessible en voiture en toutes saisons par Thorens-Glières (à 14 km) et le Petit-Bornand (à 8 km sauf pour les cars), se prête admirablement en hiver, au ski de fond et en été, à la promenade tranquille en toute sécurité.

Choisi comme terrain de parachutage par les Alliés, le plateau des Glières abrita, de janvier à mars 1944, d'abord 120 maquisards sous les ordres du lieutenant Tom Morel, puis près de 460 sous les ordres du capitaine Maurice Anjot, pour recevoir les armes destinées à l'ensemble de la Haute-Savoie. Les forces de Vichy encerclèrent le plateau et tentèrent en vain d'y prendre pied.

Le 26 mars 1944, une attaque massive, ne mobilisant pas moins de 10 000 hommes, est menée par les troupes allemandes et les miliciens français. Les moyens mis en œuvre étaient complètement disproportionnés, et le Maquis ne perdit cette bataille inégale qu'après une lutte héroïque.

129 maquisards et 20 résistants des vallées durent tués lors du combat, ou fusillés ou moururent en déportation.

Mais la bataille des Glières fut, dès le début, grâce à la radio de Londres, le symbole de la résistance française. Un mois plus tard, bon nombre de survivants s'étaient déjà regroupés dans les vallées voisines et à l'aide des renforts, d'autres volontaires reçurent un nouveau parachutage sur ce même plateau le 1er août, ce qui leur permit de libérer la Haute-Savoie avant même l'arrivée des troupes alliées, dès le 19 août 1944.

Le 27ème Bataillon de chasseurs alpins, dissous en novembre 1942 fut, de fait, reconstitué par le bataillon des Glières, les chefs qui le commandèrent et l'encadrèrent étaient issus de cette glorieuse unité.

" Qui donc répondrait à la terrible obstination du crime si ce n'est l'obstination du témoignage " (A. Camus).

Plateau des Glières : 1 440 m

De janvier à mars 1944, les maquisards se rassemblent sur le plateau des Glières sous les ordres de Tom Morel et du capitaine Anjot afin de recevoir les parachutages des alliés en vue d'armer les résistants de toute la région. Après avoir tenu tête aux troupes de Vichy, les 465 soldats du bataillon des Glières subissent l'assaut de la 157ème division alpine de Wehrmacht. Ils doivent abandonner le plateau le 26 mars, mais les rescapés y retourneront pour préparer la libération de la Haute-Savoie grâce au parachutage du 1er août. Véritable symbole, Glières représente le premier grand sursaut de la résistance armée.

" Vivre libre ou mourir "les Glières