préface

Je suppose que l'amitié m'a valu l'aimable invite de Monsieur Hardel à préfacer ce livre à moins que ce ne soit le semblable intérêt que nous portons aux gens et choses de chez nous.

Point n'est besoin de vous en présenter l'auteur puisqu'il vit à Tessy depuis 1922 et je pense qu'un si long séjour a dû lui faire perdre sa qualité de " horsain ".

Ses 43 ans au service de la même étude, son appartenance à diverses sociétés locales lui ont permis de connaître parfaitement notre canton.

Dans sa conclusion, Monsieur Hardel s'exprime ainsi :

" Que ceux qui savent aiment à se souvenir " ; - C'est parce que lui-même a beaucoup aimé qu'il a pu entreprendre cet " Historique du canton de Tessy-sur-Vire " . - Pour écrire ce livre, l'auteur, a dû partir à la découverte, par monts et par vaux. - Page après page, votre plaisir sera grand, de mieux connaître les us et coutumes de chez nous, l'origine et l'histoire de nos communes, en même temps que de piquantes anecdotes et de plaisants dictons.

Ajouterai-je que le travail de Monsieur Hardel est totalement désintéressé et que si profit il devait y avoir, il serait versé à l'Œuvre des Cheveux Blancs.

Je souhaite à ce livre le succès qu'il mérite et que jeunes et moins jeunes, après l'avoir lu, se sentent encore plus attachés à leur terroir.

MARCEL BOURDON.

avant-propos

Alors que, sous un soleil printanier, le lilas et le muguet de mon jardin s'épanouissaient, en percevant encore un faible écho des fêtes du Millénaire du Mont Saint-michel, il m'est apparu possible, utile et agréable tout à la fois, de rassembler en un petit ouvrage, l'Historique plus ou moins lointain des communes composant actuellement le canton de Tessy-sur-Vire, en pensant être le premier à l'avoir réalisé, mais je n'en tire pas honneur pour autant...

A l'origine, je disposais de quelques renseignements très succincts, parus dans le journal : " L'Ouest-Éclair " , en mars 1942, conservés sans destination bien précise, mais qui m'ont rendu malgré tout d'appréciés services. - J'ai dû nécessairement les compléter en cherchant çà et là dans le canton tessyais, au greffe de la justice de paix, de même qu'aux Archives départementales à Saint-Lô, puis à Bayeux, en compulsant quelques livres et en rédigeant divers " chapitres " . Cela m'a permis de faire un tout qui relate bon nombre de faits et d'événements que vous connaissez ou que vous avez vécus, d'autres anciens, très anciens même, que vous apprendrez avec plus ou moins de surprise et de plaisir que j'ai moi-même ressentis. Je n'aurais garde d'oublier et de remercier toutes les personnes qui m'ont procuré bon nombre de documents qui se sont avérés indispensables.

En lisant certains passages de ce livre, vous protesterez peut-être contre moi d'avoir relaté trop brièvement tel ou tel fait, - et quelques fois mes renseignements étaient incomplets - ou de n'avoir pas " parlé " de tel autre, mais vous pensez bien que je ne pouvais pas " m'étendre " outre mesure et je le regrette comme vous-même. Acceptez donc bien aimablement ce que j'ai fait, puisque c'est mieux que rien, du moins je le pense...

Tout en " meublant " mes loisirs de retraité, je suppose avoir réalisé ce qui était en mon pouvoir et je le dis en toute modestie, en ayant voulu être agréable à tous, me satisfaire dans mes occupations et, présentement, j'ose le dire, dans mes " préoccupations ". L'Historique du canton de Tessy-sur-Vire se trouve donc " établi " dans ses grandes lignes, car il est bien évident qu'il y a encore beaucoup de choses à raconter - et à découvrir aux Archives Départementales, où le meilleur accueil vous est réservé.

Alors, bonne lecture quand même pour laquelle vous n'en " ahanerez " pas, du moins, je l'espère... Et, nous reconnaîtrons, ensuite, spontanément, en bons normands que " j' sommes " que nous avons appris " biau faire " de notre histoire cantonale ; - moi-même en l'ayant plus ou moins découverte et vous-même en l'ayant lue.

Pour terminer, permettez-moi s'il vous plaît, de vous présenter cette aimable relation de politesse, vieille de plus de trois siècles, à laquelle je m'associe envers vous et qui n'était autre, que le début de chaque contrat, d'équivalence notariale, en la Généralité de Caen ; - cela dit, sans vouloir, le moins du monde, me parer d'un titre qui ne pourrait m'appartenir ... !

A TOUS CEULX QUI CES LETTRES VERRONT.

LE GARDE DU SCEL DES OBLIGATIONS

DE LA VICOMTE DE SAINT-LÔ.

SALUT !

SÇAVOIR FAISONS QUE...

Le canton de TESSY-SUR-VIRE en son ensemble

Un peu de Géographie

Avant d'aborder l'historique même d'une ville, d'une commune ou d'un canton, il est de coutume de relater en une vue d'ensemble la géographie des lieux où se déroule l'action. - Vous êtes alors moins dépaysé, en réalisant plus facilement ce qu'a voulu l'auteur que l'on suit assez aisément : - dans ses promenades par monts, par vaux et par les petits chemins qu'il emprunte ; - dans les villages calmes et charmants où il s'arrête et vous retient ; - enfin, dans les bourgades où tout s'anime un peu chaque jour, voire un peu plus le samedi et le dimanche matin. Il revient, avec vous, en son chef-lieu de canton et c'est de là que rayonnera toute l'histoire du pays tessyais.

Autrefois, voici deux siècles, il existait en notre belle France, une inégalité choquante dans la répartition des charges publiques et une absence complète de contrôle et de liberté ; - certains avaient tous -les droits ; les autres toutes les obligations. Une révolution devint inéluctable et fatidique, pour fonder une société nouvelle où l'égalité de tous devenait la loi commune. Cette révolution se fit, en 1789 et, par voie de conséquence, la division administrative de la France s'en trouva modifiée.

La Vire, tout naturellement, délimitait alors les diocèses de Bayeux et de Coutances.

Sur la rive droite de la rivière, les communes de Domjean, Fourneaux, Beuvrigny, la Chapelle Heuzebrocq et Saint-Louet-sur-Vire, dépendaient des doyenné, bailliage et quart-bouillon de Thorigny-sur-Vire, diocèse de Bayeux et, en outre, de l'élection de Saint-Lô.

Sur la rive gauche, Gouvets, Saint-Vigor-des-Monts et Sainte-Marie-des-Monts ressortissaient du doyenné de Montbray, du bailliage de Vire, du quart-bouillon de Villedieu, diocèse de Coutances et de l'élection de Vire. - Beaucoudray, Chevry, Fervaches, Le Mesnil-Opac, le Mesnil-Raoult, Moyon, Tessy et Troisgots relevaient du doyenné de Percy, des bailliage et diocèse de Coutances et de J'élection de Saint-Lô ; Tessy s'accordait au quart-bouillon de Thorigny et les sept autres communes à celui de Notre-Dame-de-Cenilly.

Et c'est en 1790, que les seize communes sus-nommées formèrent le canton actuel de Tessy-sur-Vire, d'une superficie de 12.918 hectares ; l'arrondissement de Saint-Lô comptait douze cantons, à savoir : Canisy, Carentan, Esglandes, Marigny, Montmartin-en-Graignes, Saint-Clair-sur-Elle, Saint-jean-des-Baisants, Saint-Lô, Saint-Eny, Percy, Thorigny et Tessy, Un nouveau remaniement des cantons, en l'An X (1802) supprima ceux de Montmartin, Saint-Jean-des-Baisants et Saint-Eny, tandis que celui d'Esglandes était transféré à Saint-jean-de-Daye ; par ce fait, le département de la Manche n'eut plus que 48 cantons au lieu de 63 ; l'arrondissement de Saint-Lô ayant 58 kilomètres de longueur sur 35 de largeur.

Le territoire du canton de Tessy présente un certain " enfoncement " en sa partie Sud-Est, puisque les bourgades de Pont-Farcy (Calvados) et de Tessy sont équidistantes de trois kilomètres de leurs limites réciproques. Ses points extrêmes sont : au Nord, le village du " Val " en la commune du Mesnil-Raoult ; au Sud, celui du Hamel ès Roux en celle de Saint-Vigor-des-Monts ; vers l'Est, la ferme de la court (avec un T) de haut cri la commune de Sain t-Louet-sur-Vire et vers Ouest, la terre de : " la Valesquerie " , en Moyon.

En 1829, la commune de la Chapelle Heuzebrocq fut rattachée à celle de Beuvrigny et Sainte-Marie-des-Monts à celle de Saint-Vigor-des-Monts.

La région tessyaise, aux temps fort anciens, fit partie de la Gaule Armorique, dont les habitants étaient les Unellis ou Unelliens et la capitale Cosédia, devenue Constances, puis Coutances.

Il y a un siècle, on ne parlait que de Tessy, sans ajouter " sur Vire " , ainsi qu'en faisaient foi les sceaux du notaire, du juge de paix et du maire.

La population cantonale décrut sans cesse en 1818, elle était de 9.890 habitants ; en 1832, de 9.835 ; en 1874, de 8.865 en 1887, de 8.290 ; en 1940, de 6.650 et, d'après le recensement de 1952, publié par commune dans l'almanach des P.T.T. de 1967, de 6407 seulement.

Les deux points culminants (et l'on parle encore couramment de buttes et non de collines) sont en la commune de Saint-Vigor-des-Monts (d'ailleurs bien nommée), à proximité de la route nationale N° 175 allant de Caen à Rennes et à gauche de celle-ci ; vous avez 272 mètres au-dessus du niveau de la mer au lieu dit : " les hêtres " " bien connu des habitants du canton et 257 mètres au lieudit : " la Récouvière " . D'autres Points élevés vous trouvez 248 mètres à la Berthelimière en Gouvets ; 200 mètres aux " trois Vergées ", en Beuvrigny ; 191 mètres à : " la Vollerie " en Beaucoudray ; 180 mètres à " la Croix Saint-Jacques " en Tessy ; 161 mètres à " La heurtevendière " en Gouvets ; 160 mètres au " Bourbon " en Domjean d'où l'on voit par temps clair, les flèches de la cathédrale de Coutances ; 135 mètres à " La Denisière " , en Moyon ; 133 mètres au bourg du Mesnil Opac ; 130 mètres au bourg de Troisgots. Enfin, la bourgade de Tessy n'est qu'à 36 mètres au-dessus du niveau de la mer, mais vous êtes à 159 mètres aux " Dadinières " en Tessy, bordant Beaucoudray.

La " région " la plus basse est évidemment la Vallée de la Vire, admirable et enchanteresse en tous lieux ; plus ou moinsencadrée de rochers, la Vire s'écoule lentement l'été, nonchalante, laissant apparaître son lit encombré d'herbiers, de nénuphars et de roseaux qui sèment la détresse parmi les pêcheurs utilisant la plus fine ligne possible ; des poissons filent à toute allure, au moindre signe suspect ; des poules d'eau plongent à votre approche, des couleuvres s'éveillent, des sauterelles bondissent ; dans une barque, des promeneurs saluent, par ci, par là, quelques pêcheurs sédentaires à qui ils posent toujours la même question ; par contre, l'hiver, la Vire se fâche et déborde, rien ne peut la retenir, ni la contenir ; elle s'élève par bonds au pies des déversoirs appelés encore des " pérées " ; elle glane tout sur son passage, et les branches à la dérive sont ensuite délaissées en quelques remous, plus calme, mais valsant à plaisir pour le plus grand profit de la gent aquatique en quête de nourriture. Le paysage est magnifique ; le décrire est illogique, car il faut aller sur place l'admirer, le voir et le revoir ; connaissez-vous ces " coins " merveilleux que sont Campeaux et la grotte Saint Ortaire, les rochers de Bures-les-Monts, les planches d'Avenel, la Chapelle-sur-Vire, les roches de Han ou Ham, et ses ruisseaux aux méandres compliqués, quelques labours devenus assez rares ; venez donc à la ferme de " la Campagne " , en Tessy d'où vous verrez la vallée de la Chapelle et les deux flèches de sa " cathédrale " ...à droite le magnifique château de l'Angottière " ; comme toile du fond des bois et la carrière de " Ravigny " impressionnante de hauteur ; enfin, dominant le tout, le clocher de Troisgots, encadré de sa petite bourgade.

La Vire, absorbante et captivante, vous donne le bras et vous retient près d'elle ; des petits cours d'eau disparaissent en son sein pour ne faire ensuite qu'un même corps, plus robuste et aux possibilités plus grandes ; " notre " Vire est gracieuse, parce que la nature l'a voulu ; l' Homme l'aurait-il modelée entre ses doigts qu'elle ne pourrait être ce qu'elle est et pourtant il l'a déformée et défigurée en la canalisant et maintenue en ce même état par l'installation de centrales hydro-électrique ; - il faut admettre, toutefois, que les temps modernes veulent qu'il en soit ainsi, puisque nous en tirons un mieux-être collectif ; nous pensons, malgré tout, que sa beauté originelle, sa renommée d'antan doivent en souffrir en leur for intérieur. La Vire est un fleuve côtier, de 118 kilomètres de parcours, s'écoulant du Sud vers le Nord, pour s'étaler et disparaître dans la mer de la Manche, en la baie des Veys ; elle prend sa source, de même que la Virène, la Sée et le Noireau, au Mont Brimbal de 367 mètres d'altitude, en la commune de Saint-Sauveur-de-Chaulieu, près de Vire ; elle traverse la ville qui lui a donné son nom, après avoir passé entre les Vaux de Vire, chantés par le virois et poète bachique Olivier Basselin, à qui il faut, semble-t-il adjoindre Jean Lehoux, son compatriote. Après un parcours fort sinueux, la Vire aborde le département de la Manche et le canton de Tessy tout à la fois formant, dès son arrivée, une limite naturelle et indiscutable. Tout d'abord, elle délimite Fourneaux sur la rive droite et Pont-Farcv (Calvados) sur la rive gauche ; puis Fourneaux et Tessy, Domjean et Tessy, Domjean et Fervaches, Domjean et Troisgots, Brectouville et Troisgots et, enfin, Condé-sur-Vire et le Mesnil-Raoult.

Tous les ruisseaux convergent vers la Vire

Sur la rive gauche, vous avez : La Drôme, dont la source est à Beslon, traverse le bourg de Montbray, sépare Saint-Vigor de Landelles, et passe au pied des collines de la Bionnière et de la Fertière et près du moulin de Drôme qui refuse maintenant ses services. La Gouvette qui prend sa source au Sud du village de : " la Capellière " , en Gouvets, traverse ceux de la Baconnière et de la Restoudière, salue au passage l'église et l'ancienne baronnie de Gouvefs et côtoye, en fin de parcours, la bourgade de Pontfarcy. Le Fincel dit aussi " le Beaucoudray " ,

venant de Montabot, regarde avec tristesse les vieilles pierres du château de Fincel, en Tessy, et délimite, en fin de parcours, Tessy de Pontfarcy. L'Heudien, recevant le ruisseau de Chevry, prend sa source dans les bois du Buron, dont il porta le nom, en Beaucoudray ; salue au passage la Sénécalerie, Lazerie et Bioville et rejoint le champ Bottin où il se perd en amont du moulin de la Maigrerie maintenant silencieux ; Le Marqueran ou Marcran, s'étonnant de la grandeur du bois de Moyon, quitte ces lieux giboyeux, délimite Fervaches d'une part, Moyon, le

Mesnil-Opac et Troisgots d'autre part, sourit, au passage, à la très coquette bourgade de Moyon, salue " le Vert Oeuillet " , reçoit à " la Marière " , le petit " Dillon " , accepte encore le " Bricqueville " qui a traversé le site admirable du Val la Belle, et, après avoir regardé les bois des Huttereaux et de Troisgots juchés à flanc de coteaux, disparaît près de la Chapelle-sur-Vire, en brandissant un bouquet de myosotis, dont le langage d'amour " Ne m'oubliez pas " ... ! sera toujours

sublime, puisque, ce qui existait, meurt en cet endroit précis.

Et sur la rive droite, vous avez : " le ruet Tison " qui traverse l'étang du superbe château de Beuvrigny et délimite ensuite Fourneaux et Pleines-CEuvres. Le Castillon venant du village de ce nom, en Domjean, se jette au pont de Tessy. La Jacre qui prend sa source près de l'ancienne gare de Guilberville, au village de " la Couaille " , traverse les bois de Breuilly, de la Palière et de'l'Angotière et termine son parcours " au pont à tan " , en Domjean. D'autres ruisseaux sont plus directs, tels " le Servigny " appelé aussi " le caillou " qui délimite Domjean de Brectouville et a son confluent un peu en amont des roches de Ham ; tel aussi le " Manet " qui prend sa source au village du " Champ de l'aval " ; ayant passé au bourg de Domjean et entendu, au lavoir municipal, les " on dit " et " il paraît que " de quelques lavandières aimables, il salue ensuite les prés du " Val d'Orgueil " et rejoint la Vire, après un dernier regard au petit calvaire daté de 1682, placé à l'entrée de l'avenue du château de " Bouttemont " ; ce petit calvaire, soit dit en passant, se trouvait autrefois sur le pont de la Vire, en Tessy, emporté par la crue de 1852, probablement comme celui de Saint-Lô, dans la nuit du 6 au 7 octobre ; tel encore " le Lignerolles " qui grossit le Castillon, tel encore " le bois l'abbé " qui accourt vers la Jacre.

Pour embellir encore un peu cette belle vallée de la Vire, il faut citer M. Henri Ermice, de Vire qui s'exprime ainsi :

C'est un vol odorant de verdure et de mousse

Où le gazon jaunit sous le genêt en fleur

Où l'heure en s'enfuyant se fait exquise et douce

A l'amour qui s'attarde... au bruit du flot berceur

Chaque commune est divisée en villages ou lieux dits dont les noms ont souvent une signification précise ; les fermes isolées ont aussi un nom spécialement choisi. L'utilité de ces appellations est évidente, lorsque l'on veut situer tel endroit précis. Ainsi, vous trouvez bon nombre de noms en relation avec ceux des habitants d'alors, des faits plus ou moins marquants qui s'y sont déroulés, des cultures et des plantations maintenant disparues ; il en est de même pour bon nombre de pièces de terre, pour lesquelles une étude serait très intéressante àfaire ; voyez simplement à Tessy, vous avez : le chapitre, le jardin des tanneries, la grange aux Huguenots, le clos au pistolet, la queue du renard, les vignes, le rouge val, le four à chaux, le moulin à vent, le gibet, et bien d'autres encore.

Voici quelques noms de villages plus ou moins significatifs et vous en trouverez d'autres en cours de lecture. À Tessy-sur-Vire : Les Ferrières, la Pôémellière, la Blosière, la Furetière, l'Alfosse, Béhie, Le Mesnil-Ours, le Nid de Loups, la Queue du Renard, Le Val, Les Croix, La Fresnaie, La Rogerie. À Beaucoudray : Hennequin, Moisson, Faby, Ladroue, Chevallier, Mahomet, Cavey, Bertrand, Pagerie, Feugret, La Mare Auvray, Fauquet, Gabliers, La Vollerie, La Phétairie, Huguet. À Beuvrigny : la Bôtière, la Hervière, la Picotière, la Ferrière, Busnellière, Logerie, le Hamel au Pellerin, le Champ de la Croix. À Chevry : Pinel, Lucas, Blondel, Cornu, Nicollerie. À Domjean : la Villière, Palière, Houillère, Mastière, Fromagère, Tailleferie, Folligny, Petit Aunay, Mort Franc, Cretteville, Bisson, Mazurie, Fouquerie, le Mont-Hébert. À Fervaches : Maigrerie, Vages, Rouvray, Monnerie, Héronnière, Cavey, Bioville, Simonnière, Huttereaux. À Fourneaux : Le Val, la Mazure, Durandière, Hamel de la Voie, la Crocardière, Hamel ès Marchands. À Gouvets : La Havardière, Harlière, Houillère, les Valettes, Baconnière, Mainterie, rues de Gouvets, la Buglière, Beau Chêne. Au Mesnil-Opac : Les Landes, Morandière, Henrière, les Vaux, le Pivelet, le Brisoult, les Hayes, Bricqueville, Beaussemey, la Faverie, le Dillon. Au Mesnil-Raoult : La Bessinerie, la Riquerie, Faverie, Sauvagerie, la Roque Plate. A Moyon : Le Paradis, le fief du Cens, l'Oliverie, l'Ognonnerie, la Forge Mazure, la Blanche Maison, la Réauté, le Buhot, le Carrefour Paris, la Patoyère, la Métairie, le Haut Aunay, Hainneville, Lasserie, la Lande à Bled. À Saint-Louet-sur-Vire : La Vimondière, la Tirelière, le Nid de Loups, Montigny, le Tertre, le Mesnil, l'Esnouverie, la Françaiserie. À Sain t-Vigor-des-Monts : La Éionnière, la Bouillière, la Guérinière, Ricouvière, Villière, Drôme, Poulardière, Fertière, Maugerie, Maugeraie, la Basse Meulerie, L'asselotière, Lorgerie, la Hercerie, le Clos Olivier, le Clos Neuf. À Troisgots : L'Etournière, la Mercerie, le Hamel, la Vaquerie, le Cancer, les jardins, le Boscq Russe, le Moulin Hébert, la Pézerie, le Val de Vire, la Lande Mathieu.

De plus, vous trouvez ou trouviez dans des temps encore récents, des familles Mourocq au village de ce nom en Tessy ; Fauquet au village du même nom en Beaucoudray ; Loisel et Loisellière, en Gouvets ; Lebugleet la Buglière en Gouvets ; Auhel et le village Aubel en Beaucoudray ; Rogerie et Chantepie aux mêmes villages en Tessy ; Lemarchand au village de ce nom en Fourneaux ; Gosselin et la Gosselinière, Binet et la Binetière, Simon et la Simonnière en Fervaches.

Parcourant le canton tessyais, il existait, autrefois, quatre grandes routes, dont trois sont encore fréquentées en tant que chemins ruraux ; les nouvelles routes ont totalement délaissé les précédentes. L'une d'elles, dite de Caen à Granville passait sur le territoire de Domjean, dans le village des Landes de jacre, dans le bourg qu'elle quittait en obliquant à gauche, ensuite dans le village de la Mazurie, coupait alors la grande route actuelle, près du Calvaire, pour aller vers les villages de la Campagne et de la Roquette ; traversait la Vire, près des Ferrières et se dirigeait vers le quartier de la Fontaine Saint-Pierre en Tessy, puis vers l'Alfosse, la Fresnaie et les Dadinières, pour entrer en Beaucoudray, au village du Mont et couper, vers Hambye la route actuelle de Saint-Lô à Villedieu, à quelque deux cents mètres du carrefour de Villebaudon, vers Percy. Sur les cartes anciennes cette même route était dite " et au havre de Bricqueville " (sur mer évidemment), Une autre route était dite de Saint-Lô à Villedieu, à droite de celle actuelle (vers Villedieu) ; en territoire de Moyon des hôtels ou relais pour voyageurs en diligences existaient sur ce parcours où vous trouviez : l'hôtel Meslier, l'hôtel Costé, l'hôtel Mauger, l'auberge, le bourg Groult et l'hôtel Besnard ; ces noms ont été conservés lors de la confection du cadastre, vers 1820-1830. Une troisième grande route, dite de Caen à Rennes, passait en Beuvrigny, au sommet de la colline, près du village des " Trois Vergées " et, tant soit peu, en ce parcours, parallèle à la route nationale actuelle ; elle traversait les bois de Beuvrigny et de Guilberville qui ont la renommée de " renvoyer " les orages toujours violents de la région de Vire. Enfin la quatrième grande route qui n'est plus fréquentable était appelée de " Saint-Lô à Tessy " ; en son parcours dans le canton tessyais, vous la retrouvez facilement en descendant la côte du Mesnil-Opac, sur votre droite ; la route actuelle vers Moyon la coupe en cet endroit, au lieu dit " l'Aubannerie " , puis, plus bas, au lieudit : " l'Ancien Moulin de Fouquet " , elle entrait en Fervavaches, à " la Héronnière " et dans la bourgade, allait vers la Bostière, descendait vers l'Azerie et remontait, en Tessy, après avoir passé l'Heudien, pour aboutir en ligne droite à la place du Marché en traversant la place du Calvaire, appelée plus tard, la place de la Gare.

Bien avant, des voies romaines existaient et M. de Gerville s'exprime ainsi dans son dictionnaire : " Beuvrigny est cité comme possédant d'anciens pavés romains, de même que la Chapelle Heuzebrocq ; une voie romaine passait à la Beunière (la Busnelière en Beuvrigny), venant de Fourneaux où elle traversait à gui, la Vire, au Val " , puis à " la voie " (au Hamel de la Voie en Fourneaux) ; de la Beunière elle gagnait Domjean en passant au " Castillon " (camp romain comme le nom l'indique) ; elle était dite de Pontorson à Bayeux " .

De nouvelles routes furent donc construites, au début du XIXe siècle et même commencées un peu avant ; celles de Saint-Lô à Villedieu et de Caen à Rennes furent décidées par le Conseil du département de la Manche, au cours de sa session de novembre 1790 et, de fait, commencées l'année suivante ; la route de Saint-Lô à Villedieu était alors de seconde classe et l'autre, de première classe. Ces grands travaux résultaient aussi des décisions prises par les Assemblées nationales. D'après les registres de la Commission intermédiaire chargée en 1797 de préparer l'Assemblée provinciale de Basse-Normandie (et je cite) : " on pourrait se convaincre des efforts de ses membres pour établir une répartition plus équitable des impôts, transformer " la corvée " en une prestation en argent et faire exécuter les grands travaux de voirie par les " ateliers de Charité " , moyen très ingénieux de supprimer la mendicité, du moins dans la mesure du possible " . Entre temps, à Domjean par exemple, le Conseil Général, dans sa délibération du 12 mai 1793 décidait de " réparer " la route tendant de Torigny à Tessy, en fixant chaque journée de travail d'un homme à 30 sols, en créant 2 ateliers de 10 hommes chacun avec 2 voitures ; un atelier, commençant par " la Roquette " serait commandé par jean Tricard, fils de Guillaume et l'autre, commençant par Jacre, commandé par joseph Guillet ; délibération tant soit peu protestataire, puisque suivie de 63 signatures !

Les Normands et les Bocains d'hier et d'aujourd'hui !

Dans un livre édité en 1886, Monsieur Pierre Clément, Membre de l'Institut relate, dans les termes suivants, ce qu'étaient les Normands au XVe siècle : " Sur cette terre au rude climat et au sol ingrat vit une population de cinq cent mille âmes, robuste, intelligente et laborieuse. Les femmes ont une belle carnation, le maintien aisé, la démarche légère, la physionomie spirituelle. Les hommes sont solidement bâtis et parviennent à un âge très avancé ; ceux qui abusent du cidre ou du poiré meurent souvent de phtisie ou succombent aux attaques de la colique végétale ; la goutte, les rhumatismes, les catarhes sont fréquents ; par contre, le scorbut et les maladies " calculeuses " sont extrêmement rares. Le bocain est chicaneur, c'est là son moindre défaut ; il est moins disposé que tout autre à endurer les servitudes de passage sur son terrain, l'usurpation d'une haie, le vol d'un arbre ou de ses fruits, les injures portées à son amour-propre. Qu'il soit artisan, journalier ou laboureur, personne ne lui conteste son amour du travail bien fait. La récolte des céréales fournit à peu près la nourriture ; le pain est fait d'un mélange de seigle et de froment et les pauvres sont réduits souvent à vivre de galettes et de bouillie de sarrasin. On s'est adonné à la culture de la pomme de terre, mais, les bocains, ennemis des innovations, se sont longtemps montrés incrédules, "

Voici une décennie d'années, le 31 mars 1957 exactement, le journal : " La Manche Libre " commençait la publication d'un roman dont l'auteur est Monsieur de Heurtaumont, actuellement Maire de Beuvrigny.

Il s'agit de " Champ Micheline " .

Des plaisantins ont cru ou ont voulu reconnaître parmi les personnages " intéressés " , quelques-uns de leurs semblables, communalement parlant, à moins que ce ne soit eux-mêmes en leurs qualités évidentes, voire en leurs péchés mignons ! ... Dans ce roman, les moeurs sont dépeintes de spirituelle manière, d'une plume fine et experte, - tout est vrai, vécu, qualifié et... personnifié, tout est normand " de par chez nous " - Vous découvrez ce qu'est l'art d'écrire, d'émouvoir, de silhouetter des types, de dévoiler des caractères, de graver des traits, de saisir sur le vif des gestes et réflexions. Vous devez vous souvenir (pour ceux qui ont lu ce roman très certainement avec beaucoup de plaisir) de tous ces " acteurs " qu'étaient les deux jeunes Jean et Liliane, Levrel dit jacasse puisqu'on l'appelait ainsi, Madame Levrel qui savait qu'elle était fort belle, Jamois, un solide paysan dont on aurait acheté la santé ; Madame Jamois, simple, presque austère ; Micheline brave femme bien " travaillante " , sans oublier jaunet, Pièsel, Crampette et la charmante Louisette

L'auteur de ce roman s'exprime ainsi en préambule : " Les Normands sont très fiers de leur province ; je les comprends, certes, C'est l'un des plus beaux et des plus riches pays du monde : chacun l'envie ; il s'équilibre bien, Les grasses et verdoyantes prairies s'installent et se prélassent dans les vallons. La culture s'y perche encore aux flancs des collines. Les forêts ne dédaignent pas de jeter leurs taches sombres à tous les horizons ; ses côtes offrent, à l'estivant, ses plages langoureuses de sable fin ou l'aspect sauvage et grandiose de ses rocs millénaires. Les Normands sont sympathiques, attachants pour peu qu'on les connaisse et qu'on veuille les comprendre. On les associe aux Gascons ; c'est une erreur de fabuliste en recherche de rime ; ils ne sont pas vantards ; s'ils rusent ou finassent, ils le font sans bruit. Mieux même, ils détestent les hâbleries ; s'ils les écoutent, ils s'en gaussent ensuite, car ils sont trop fins pour les gober et parce qu'ils possèdent le sens inné de la mesure et de la pondération. Hospitaliers, on les accuse, à tort, de savoir lésiner ; leur coeur est bon et généreux. L'esprit d'économie n'est pas un défaut ; l'amour qu'ils portent à leur terre n'est qu'une qualité. Un seul reproche donc à cette Normandie ; je le fais tout bas, en crainte d'être haché ! ... Il pleut sans trêve ; le soleil est en vacances trois cents jours par an ; la pluie est vénérée ; que dis-je, bénie par ses habitants qui n'ont de soucis qu'en son absence. Le Normand, au beau sec, n'est pas content, un mois sans nuage est une catastrophe ; il geint, il se plaint, il voudrait des orages. La pousse de l'herbe en est la cause ; les torrents du Ciel se transforment " en fleuves de lait i ... " Pour attirer, malgré tout, les touristes et les " plageux " dans notre belle contrée, il faut préciser qu'il n'a plu " que " pendant 196 jours en 1965 et 190 jours en 1966.

Un vieux livre précise encore que les Normands sont recherchés en tous lieux, pour leur bonhommie et ajoute : " Qu'ils sont peu expansifs, laborieux, économes, jaloux de leurs droits (c'est mon drei et mè j'y tiens ... ), méfiants, braves, endurants et dépourvus de jactance... (ce dernier point est à revoir... !) ; qu'ils aiment la bonne chère, le grand air, les vieilles coutumes, les foires et les légendes, la vie calme et tranquille des bourgs et des champs " . En regardant de plus près, force nous est de reconnaître que les Normands sont parfaits...

Monsieur Clément, déjà cité, rappelle aussi ce qu'était la Normandie au XVe siècle ; il s'exprime ainsi, en copiant un vieux parchemin : " Puis y est le païs de Normandie qui est bonne duchié, puissant et riche et est très bon païs de blez et de bestial blanc et rouge et foison de belles forests et petites rivières et grant foison de pommes et poires dont l'on fait le cidre et le poiré dont le peuple boit pour ce qu'il n'y croist point de vin, combien qu'il en vient assez par mer et par la rivière de Seine. En ce païs se font moult bons draps en grant foison et est ce païs de grant revenu au prince. En ce païs à grant noblesse et de grans seigneurs et barons et y a grant foison de bons marchands par mer et par terre et sont lez populaires de grant peine et fort laboureux, hommes et femmes et sont honnestes gens de vestures et de mesnaige et sont grans buveurs en leurs festimens et grans chières se font par boire. Puis y est la duchié de Bretaigne... " .

Plus restrictivement, d'après M. Gilles Roussel, un auteur normand qui mourut au début du XIXe siècle, le Bocage Normand serait et je cite : " La partie boisée qui couvre la contrée méridionale de la Manche et du Calvados ; situé au 17e degré longitude et entre les 48e et 49e degrés de latitude Nord, il s'étend d'Avranches à Condé-sur-Noireau et de Saint-Lô à Mortain, sur une surface quadrangulaire de six myriamètres sur huit environ ; le pays est dominé par le mont Brimbal. Mais, les géographes actuels y ajouteraient une partie du département de l'Orne et en tenant compte du relief, de la proximité moindre de la mer et du climat, il serait limité : au Nord, par le Bessin ; au Sud, par la crète de grès armoricain qui court de la forêt d'Ecouves à Bagnoles, Domfront et Avranches ; à l'Ouest, par le pays mal délimité de l'Avranchin et du Coutançais et à l'Est, par les plaines de Caen, d'Argentan et d'Alençon. Dans -le premier cas, le Bocage, aurait une superficie de 4.800 kilomètres carrés et dans l'autre, de 18.000 kilomètres carrés. Le 28 décembre 1966, Monsieur Terrenoire, député, au cours d'une causerie à la Télévision Française, précisait que le bocage normand comporte 24 cantons du département de la Manche, dix du Calvados et dix de l'Orne. De toute évidence, le canton tessyais en fait partie et nous voilà tous bien contents... !

Les Bocains avaient une langue à part, en rapport avec -la langue celtique elle continua - dit un autre auteur, M. Richard Séguin - même sous les Romains d'être la langue des habitants de la campagne et c'est à cette langue qu'il faut avoir recours pour trouver la signification d'une très grande quantité de mots dont le sens nous est aujourd'hui inconnu. Cependant, sous la domination romaine, la langue latine devint en usage dans le Bocage, surtout dans les villes et les cités, où les langues grecque et phénicienne étaient également parlées " .

" Adveu " en 1460, de Michel d'Estouteville Seigneur et Baron de Moyon et des environs

Il y a cinq siècles, un puissant seigneur nommé Michel d'Estouteville imposait sa maîtrise, sa puissance, sa volonté, à Moyon, où il demeurait, au lieu dit : " La Maugerie " ; il possédait d'importantes propriétés à Tessy, Beaucoudray, Le Mesnil Opac, Villebaudon et en bien d'autres lieux.

Tous s'inclinaient devant lui et l'on ne pouvait discuter, sans craindre les horreurs du gibet. Ses armoiries étaient " d'Or à la Croix engrélée de sable " . Monsieur Descoqs l'a étudié dans un petit opuscule, édité en 1939, qui contient aussi le texte de son " adveu " de 1460, que voici transcrit en ce qu'il concerne le canton de Tessy :

" A tous ceulx qui ces présentes lettres verront. Robert d'Estouteville, Seigneur de Beyne, Conseiller et Chambellan du Roy, notre Sire et Garde en la Provosté de Paris " .

" Sçavoir faisons que, Nous (L'An de Grâce mil quatre centz soixante, le vendredi dix huitième jour de juillet) eusmes une lettre en forme d'adveu et dénombrement, scellée comme il aparoist, en sire vermeille sur double queux, du scel de Noble puissant seigneur Messire Michel d'Estouteville, Chevalier, seigneur et baron de Moïon, desquelles la teneur suit : "

" Du Roy notre sire j'ay Michel d'Estouteville seigneur et baron de Moïon, confesse et advoue tenir en foye et par hommage la terre, baronnve, baillie et vicomté de Moïon, par une baronnye entière à haulte, moyenne et basse justice, avec ses apartenances et dépendances quelzconques dont le fief est assis en la paroisse de Moïon et s'étent ès paroisses de Tessé (Tessy), Mesnil O Parc, Mesnil Herman, Beaucoudré et Villebaudon, en la Vicompté de Coutances et ailleurs ès bailliages de Costentin et de Caen et y soulloit avoir chastel qui, autrefois, par les guerres antiennes fut abbatu ; auquel temps qu'il estovt en estat, les homles d'icelle baronnye estoient subjects faire guet et garde, Ét, depuis, y a manoir auquel mes hommes de la dite sieurie sont tenus et subjects faire plussieurs services, tant de la motte curer que aultrement. En laquelle terre et baronnye de Moïon a coulombier et plussieurs boys que ne soit subjects à tiers danger, ny autres choses, estangs, viviers et pescheries, tant en rivières que aultres, moullins à eau, -tant à bled qu'à aultres usages, avec droitz de ressortz de moullins moultants à meultes vertes et sèches, fours à baon, domaines et hommes, hommages, rentes et revenus en plussieurs et diverses espèces, selon la manière devouair de mes hommes responsifs à la Cour juridiction et Haulte Justice du dit lieu de Moïon. Et y a tabellionnage et sergenterye chacun en son office, comme il appartient et le permet à ceulx qui tiennent par haulte, moyenne. et basse justice. Et y' a garennes à l'eau et à terre, cours d'eau, voyes et chemins, congnoissance de poids et de mesures de l'aulne et aultres mesures et de taxer et faire tenir, garder le poix des bovres (sacs) du bled et du pain avecq les coutumes et trépas. Et m'en apartient la correction, punition et amende de ceulx qui offensent. Et, y a deux marchez coustumiers dont l'un est séant au dit lieu de Tessey (Tessy) au jour du mercredy et l'autre séant à Moïon à jour de dimanche chacune semaine et une foire au jour de la feste Sainct Pierre et Sainct Paoul (à Tessy) en juin. Et y apartient plussieurs autres droitures, franchises, dignitez et libertez selon et par la manière que mes prédécesseurs et moy avons jouy partant et sy longtems qu'il peult et doibt suffir. Et, en est deubt au Roy chacun an de rente, dix sept livres quinze sols un denier maille (tournois) à deux termes en l'an, c'est à sçavoir, etc... Item : Sur le fief du Mesnil Rault (et non Raoult) et sur une portion de fief de Briqueville (en Mesnil 0 Parc) en tant qu'il y en, etc... Item : Jean de Fontenay escuier en tient de moi par hommes un fief de haulbert entier, le fief de Finzel avecques ses apartenances et dépendances quelconques à gage plège, court (avec un t) et usages, dont le chef est assis en la paroisse de Tessey et sestend en la paroisse de Villebaudon et illecques environs. Item : Messire Philippe de la Have, Chevallier tient de moy par hommage à cause de ma dicte baronnye de Moïon, un quart de fief de haulbert assis ès paroisses de Moïon, Beaucoudré, Tessey et Villebaudon. Item : jean Osouf escuier, un huitième de fief de haulbert nommé le fief du Rozel... assis ès paroisses de -Moïon, Tessé, Mesnil O Parc et environ lequel huitième de fief de Jean de Brébeuf à cause de Michelle Letanneur sa mère tient en premier degré de parage du dit fief. Item : le dict Philipp de la Have tient de moy un quart de fief de haulbert nommé le fief de Beaucoudré, lequel quart de fief, Robert de Drossey escuier... et luy apartient le patronage et droict de présenter à la chapelle-cure de Sainct Sauveur de Beaucoudré. Item : Jacques d'Isigny, un fief de haulbert entier nommé le fief au fils Fouques tenu noblement à gage-pleige est assis en Moïon, Beaucoudré, Mesnil 0 Parc. Item : jean Cocquel tient de moy... un quart de fief de haulbert nommé le fief de Mouroc avec ses apartenances est assis en la paroisse de Tessey et s'estend en Villebaudon, Beaucoudré et illec environ. Item : Collin Maillet tien par hommage de ma dicte baronnye de Moïon, une vavassorerie nommée : " la Vavassorrerie des Ferrières " (en Tessv, en bordure de la Vire) laquelle se relève par acres... Et Nous, à ces présentes transcritz en vidimus. En témoins... sellé à double queue et cyre verte par, etc... " .

Ajoutons qu'un fief de haulbert lorsqu'il n'était transmis par succession qu'à des fils était impartageable, mais, transmis à des filles seulement, il était partageable en huit parts au maximum, et que les gages-plèges se rapportaient à la procédure en cas de difficultés et de procès. Monsieur Descoqs, s'occupant beaucoup d'Archéologie, trouvait la plupart de ses renseignements aux Archives départementales de la Côte d'Or, à Dijon, où il se rendait ; et c'est curieux de découvrir là-bas ce qui intéresse notre département.

Nos Ancêtres multi-centenaires

Le Moyen Âge s'est estompé en l'année 1453, après avoir vécu dix siècles et demi... nous précise l'histoire. Nous ne savons rien ou presque, jusqu'à cette date, et il faut en faire notre deuil. Vous lirez, ci-après, le résumé (tel qu'il existe aux Archives départementales), de plusieurs contrats auxquels s'attachent des noms de familles qu'il est intéressant de rappeler surtout si certains d'entre vous croient reconnaître (et reconnaissent en fait) leurs ancêtres lointains traitant d'affaires se renouvelant encore de nos jours, tout au moins pour quelques-unes d'entre elles.

Les voici en leur analyse succincte

Le 17 avril 1606, il est réalisé entre Simon Hue de Guilberville et Philippes, la vente d'une portion de terre contenant cinq vergées et demie et un quartier quatre perches du nombre d'une pièce nommée : " le clos de la Chapelle " , sise en la commune de la Chapelle Heuzebrocq, pour la somme de 627 livres 10 sols de principal et 10 sols de vin.

Il s'agit d'un " traicté " de mariage, conclu le 2 janvier 1660, entre Nicolas Bessin de la paroisse de Montabot et honneste fille Yvonne Ingouf de la paroisse de Chevry ; il doit bien y être question de douaire, de hardes, pots d'airain, d'écuelles, de rouet à fil, de droguet et de capes de camelot !.

Il est question, en août 1450, du fief du Mesnil Raoul (sans t) avec manoir, moulin à bled, domaine, place de coulombier qui de présent est en ruyne et patronage d'église, par Jehan de Tollewast, chevallier Chambellan du Roy, puis, plus tard, on parle de Regnault du Hommet et de jean du Hommet.

Par adveux, allant de décembre 1405 à juin 1571, on traite de la baronnye et de la sergeanterve de Moïon entre Foulques Pavnel et Jacques seigneur d'Estouteville puis entre Jeanne Paynel, Estienne de Bellée, Gilles Gervaise, Guillaume Lambert et Jehan Legrain avec cette précision, pour ce dernier " À la date du 25 juillet 1396 et à cause de sa femme (non nommée) pour la sergeanterve de Moïon s'étendant en plusieurs paroisses dont notamment Agneaulx, Canegie, Saint Samson, Saint Evrémont de Bon Fossey, Quiébouc, Saint Gire, Gourfaleur, la Mansellière, le Val Jonas, Dangie.

Le 14 septembre 1657, il est question devant les tabellions de M6ion, d'un " baille " par Messire François de Matignon à Jacques Hue advocat de la paroisse de Moïon, du greffe de la baronnye de haulte justice de Moïon.

Le 30 décembre 1678, Pardevant Jean Hébert nottaire garde nottes royal commis à Soulle, Charles Le Mauger, sieur de la Branllière en Moïon, baille à pure fieffe, ses immeubles du dit lieu, à Michel Drouin.

Devant Daniel Le Moussu et Martin Ladroue, tabellions au bailliage de Moïon, il est réalisé un " baille " , à la date du premier octobre 1657, par le hault et puissant Messire François de Matignon, Contrôleur des Constitutions du Roy, Conseiller du Roy, Seigneur du lieu, Capitaine, Gouverrneur des chastaux, sittadelles et forteresses de Granville, Saint-Lô et des îles de Chausey, Lieutenant Général de sa Majesté et au Gouvernement de Normandie, à Estienne Masure de la paroisse de Tessy, de la boulangerie, ferronnerie et clouterie sur place et à vendre, tant dans la halle (de Tessy sans doute) ou porter dehors aux foires et marchés de Tessy lui appartenant à cause de la baronnye de Moïon au dit comté de Thorigny.

Le 26 février 1603, il est question de la maison du bailli du Mesnil Opac et, en 1627, des lots entre des de Chantepye, de Fincel (en Tessy) devant (pour ce dernier contrat) Hubert et Pichard tabellions à Tessy. Dans un autre contrat du 6 décembre 1621, il a été relevé ceci : à Tessy, avant midy, devant les dits tabeilions, jour du marché, Fermé ce jour, pour la révérence à la feste Notre Dame.

Par " adveux " d'octobre 1390 à avril 1500, il est traité de la seigneurie de Troisgots (Tresgotz) entre Geuffroy de Quintin, Jehan Savage escuier, Tristan du Perrier, comte de Quintin et Pierre de Rohan. Et devant Pierre et Jehan Cauvelande, tabellions à Quiébouc, il y eut constitution, le 15 septembre 1487 (voilà près de cinq siècles) par Perrin Briard, de Troisgots à Yvon Lucas dit Coulleray, garde et receveur, du lumynaire Notre Dame du dit lieu de Tresgotz, en la CÉapelle Nostre Dame sur Viré, pour et au nom du dit luminaire, de 22 sous-tournois de rente sur tous ses biens moyennant 11 livres tournois et 10 sols de vin. Vidimé par Jehan Le Gascoing escuier, garde du scel des Obligations de la Vicomté de Coutances. Puis, à la date du 23 février 1455, lots et partages devant Hervieu et Bacon tabellions à Marigny, entre Jehan, Simon et Guillaume Gaultier, escuiers, de la succession de leur père sise à Tresgotz ; vidimé par Nicolas de Foullon,ue, Garde du Scel des obligations de la Vicompté de Bayeux,

Enfin, " pardevant Estienne Clément, notaire royal en la vicomté de Coutances, pour le siège de Tessy, Saint Romphaire et paroisses en dépendantes présence de Charles Le Redde tabellion au bailliage de Moyon pris pour adjoint soussigné, le vendredy dixiesmes jour de septembre mil sept cents vingt trois au dit Saint Romphaire avant midy, fut présent Jacques Levilly fils Abel de la paroisse de Gourfalleur, lequel sans contrainte a reconnu avoir passé amortissement et ex tinction pour luy et ses hoirs au nom et bénéfice de Thomas Troisgots de la paroisse de Saint Ebrémont de bon fossey, le fond et nombre de soixante sols de rente hipotèque au denier dix huit.., de la constitution du dit Troisgots..., pour lui et mon sieur de béron... rente dans le jour Saint Mathieu prochain... en présence de jean Baptiste Du Laurent sieur du bisson de la paroisse de Saint Sanson de bon fossey et Estienne Ladroüe de Tessy témoins... " . Signé : Clément, C. Le Redde.

Sergeanteryes de Moyon et de Thorigny-sur-Vire

Aux Archives Départementales, vous trouvez le : " Roole de la Noblesse du bailliage de Costentin qui contien six Vicomtés et premièrement la vicomté de Constances (Coutances) " .

Il s'agit, en fait, des noms des titulaires des sergenteries respectives de Moyon et de Thorigny sur Vire, tout au moins des quelques communes qui nous intéressent.

Tout d'abord, il faut préciser qu'une " sergeanterye " était une circonscription dans laquelle un sergent exerçait sa fonction à l'exclusion de toute autre ; auxiliaire de justice, il procédait à l'exécution des jugements, un peu comme les huissiers d'aujourd'hui ; fieffées héréditairement et nobles, les sergeanterves appartenaient à des familles nobles ; la charge de sergent n'était pas très bien considérée et le titulaire l'affermait à des commis qui en tenaient l'emploi moyennant redevances, Les sergents faisaient exécuter les sentences, les décrets d'ajournements, de prise de corps et autres actes de Justice, faisaient les inventaires, les ventes par autorité de justice et lisaient les contrats officiels à la porte des Églises à l'issue de la Grand'Messe. Ajoutons encore qu'une vicomté était comparable aux justices de Paix cantonales, mais itinérante, allant siéger en différents endroits où elle avait son auditoire ou " Cohue " ; ainsi à Villedieu, vous trouvez encore la rue des Cohues ; à Coutances, cette rue est devenue la rue Quesnel Morinière. Le Bailliage était un peu comparable au Tribunal civil d'Arrondissement d'autrefois. Coutances avait alors 50 avocats, maintenant... un seul ! Toutes ces audiences publiques, après les tentatives de conciliation en privé, donnaient lieu à beaucoup de " remue-ménage " ; les uns et les autres se répandaient dans les cafés ou débits de boissons en racontant à qui voulait les entendre, toutes leurs misères et tous leurs droits... De nos jours, le bon sens semble l'emporter ; la justice, ou plus exactement les auxiliaires de la justice, coûtent chers dit-on ; le calme revient dans les villages ; il est même revenu. De nos jours, Chicaneau et la Comtesse de Pimbêche ont disparu et c'est mieux ainsi, même au grand dam de Racine... ! et de nos greffiers d'Instance que l'on fait mourir à petit feu...

Maintenant, voici le " Roole de la Noblesse au XVII' siècle " en sa teneur intégrale :

" Sergeanterye de Moïon Tessy Estienne de Cantepye, escuier porte l'épée, a 3.000 livres tournois de rente a espouzé sa servante ; Robert de Cantepye escuier, porte l'épée, a 1.500 livres tournois de rente. Ollivier Le Sueur, Jacques de Pinel, Henry de Frestel, Philippes de Frestel, Jehan Le Moussu et Nicolas Le Moussu, tous les six, escuiers, hommes de rien (ce qui veut peut-être dire, sans fortune) " .

" Beaucoudray : Charles de Mathan escuier, sieur du Mont. Est de la maison de Mathan, bonne famille, en reste province et delaquelle il y a plussieurs branches au nombre de 6 ou 7 qui ont du bien provenant d'un Conseiller de la Cour (du Parlement) et qui avait un frère, homme d'Église qui leur a laissé beaucoup de bien, tous gens de repos ; 3.000 livres tournois de rente ; André de Mathan escuier, bon homme et peu de bien " .

" Fervaches : Michel du Hamel escuier, homme de rien " .

" Mesnil au Parc (du Parc) : Jean Pinel escuier, porte l'épée, a 500 livres de rente ! Philippes Le Valloys escuier, bailli de Moïon, a 2.000 livres de rente, vieil homme ; a un filz reçeu en sa charge ; n'est de la race du sieur d'Escoville ; jean Gervaise, escuier, povre et porte l'épée " .

" Mesnil Rault (Rault) : Jacques de Lauberye ; escuier, a quelques biens, mais incommodé (ce qui veut peut-être dire : endetté) " .

" Moyon Appartien à M. de Matignon ; Charles de Saucey escuier, porte l'épée et povre Philippes Le Chartier, de mesme ; Guillaume de Surtainville ; Jacques de Pierre ; Pierre Mauger, Pierre Le Chartier, escuiers ; Jullien Boudier, escuier, homme de rien " .

" Tresgotz (Troisgots) : François Philippes escuier, porte l'épée et n'a point de bien ; Jacques Gaultier escuier, Capitaine au régiment de Canisy ; François Gaultier escuier, prebstre ; Charles Gaultier escuier ; Pierre Philippes, escuier, homme de rien ; Jean de Lauberve, escuier, vieil et povre " .

" Sergeanterye de Thorigny .- - Domjean : Ollivier et Thomas de la Gonnivière escuiers, povres gentilhommes subjects de M. de Matignon ; Théodore Le Valloys escuier, il est mort et peu riche ; Robert du Chastel escuier, gen de petite considération " .

" La Chapelle Heuzebrocq : Néant ; il appartien à M. de Matignon, uny à son Conté " .

" Beuvrigny : Appartien à M. de Matignon, uny à son conté ; jean de la Gonnivière escuier, homme de peu de considération " .

" Fourneaux : Néant " .

" Saint Louet sur Vire : A Monsieur de Matignon, premièrement était baronnye et depuis érigée en conté, soubz M. le Maréchal dont il y a plus de quarante seigneuries qui sont rellevantes, vaut bien quirz,~ mille livres de rente ; Ollivier de la Gonnivière escuier, sieur de la Gonnivière, est de subjetz de M. de Matignon, porte l'épée, riche de 1.20,D livres de rente, inzommodé en son bien, n'a point d'enfans et peut servir ; Jacques de Laulnay escuier ; Nlichel de la Gonnivière escuier, n'a point de bien, porte l'épée, ne peur servir qu'à pied, subjectz de M. de Matignon ; Jacques de la Gonnivière escuier, frère de Michel, même considération ; Adrien Régner et Louis de la Gonnivière escuiers, gens de petite considération et peu de bien et de faict " .

Pour Gouvets, Saint Vigor des Monts et Sainte Maric des Monts, les renseignements se trouvaient peut-être à la Bibliothèque de Vire qui a été détruite (72.000 volumes) en 1944. Chevry parait avoir été omis.

Cahiers de doléances du 1er Mars 1789

Aux États-Généraux de 1789, les députés du Tiers-État du Grand Bailliage de Coutances reçurent des cahiers de doléances remis par les représentants des habitants de ce bailliage ; c'est ainsi que, cinq bureaux de onze commissaires furent nommés pour la rédaction de ces cahiers, en chacun des Districts des villes de Coutances et de Granville et des bourgs de Villedieu, Tessy et Gavray.

Il semble que, huit paroisses seulement sur seize, en la région tessyaise, rédigèrent des cahiers de doléances qui, tous, sont datés du premier mars 1789 et l'auteur qui les a résumés en un livre s'exprime ainsi :

" Un seul nom se détache sur l'ensemble, celui de M. Léonord Havin avocat au bailliage de Thorigny, syndic en 1788, membre de l'Assemblée de l'Élection de Saint Lô et du bureau du Bien Public, et député de la petite paroisse du Mesnil Opac ; nous le retrouvons, à Coutances, Commissaire-Rédacteur du cahier du bailliage, puis, à l'Assemblée Générale, comme député du quart-réduit ; il apparaissait comme le représentant autorisé, car les signataires sont de simples laboureurs qui n'en peuvent être les auteurs " .

" Tessy s'exprime ainsi : La Communauté de Tessy, considérant que le Rov sans cesse occupé du bonheur de ses sujets a cherché tous les moyens de l'effectuer ; des obstacles sans nombre se sont opposés aux opérations de son Conseil l'envie de remplir ses vues l'a porté à convoquer les États Généraux du royaume il espère trouver, dans les représentations des députés des différents ordres, les moyens d'améliorer l'état de ses finances et de porter une réforme générale dans toutes les parties de l'Administration " .

L'auteur de ces cahiers expose les points choquants au regard du peuple, par exemple trop d'impôts, de contrôle et de vérifications, manque de blé et de pain, manque d'hospices et d'écoles publiques ; le peuple demande la liberté, le respect de chaque individu, l'égalité devant l'impôt suivant les ressources ou la fortune de chacun ; suppression des gabelles pour en reporter les ressources sous forme d'impôts fonciers ; l'auteur présente encore les remèdes possibles, justes et logiques et conclut en ces termes :

" La Communauté donne, au surplus, pouvoirs aux dits députés de suivre le voeu de leur conscience dans tout ce qui sera proposé sur la réforme d'une infinité d'abus, s'en rapportant à leurs lumières et à leur honneur de voter ce qu'ils croiront de plus utile et avantageux pour la félicité publique " . Un exemple, précis entre tous, est cité en ces termes : " De remontrer que les taillables de la dite paroisse (de Moyon) sont chargés en des sommes considérables pour le paiement des rentes seigneuriales dûes à M. le Prince de Monaco sur lesquelles le dit seigneur n'en fait aucunes déductions, depuis plussieurs années ; au contraire, il exige qu'elles lui soient payées en la nouvelle mesure, ce qui est une aggravation considérable et qui oblige le laboureur et paysan à vendre sa propre substance. Les vassaux du prince ne travaillent que pour lui et sont des esclaves. Un petit fief contenant 280 vergées (56 hectares) situé à Moyon, nommé : " le fief de la branlière " , de valeur de 770 livres paie annuellement pour rentes seigneuriales 700 livres ; il ne reste donc aux possesseurs des dits fonds que 70 livres pour la culture, les frais et réparations de maisons. Ce sort est commun aux dix mille habitants au moins que composent la dite baronnye, dix mille citoyens qui sont réduits à la plus grande misère " . Tout commentaire est superflu... !

À titre documentaire et indicatif, tout à la fois, l'auteur du résumé de ces cahiers de doléances précise, pour chaque paroisse, le nombre de feux et la population de 1787, les noms des signataires, parmi lesquels deux ou trois députés et les noms des privilégiés exemptés d'impôts, alors que les laboureurs et autres gens de considération modeste étaient taillables et corvéables... à merci. Vous ne lirez ces quelques précisions que pour huit communes seulement ; pour les autres, il faudrait les trouver, soit à Bayeux, soit à Vire.

Voici donc ces précisions :

Nombre de feux

Tessy 310 ; Beaucoudray 68 ; Chevry 69 ; Fervaches 91 ; Le Mesnil Opac 77 ; Le Mesnil Raoult, pas de précisions ; Moyon 207 ; Troisgots 108.

Population :

Tessy : pas d'indication, mais seulement cette précision 25 naissances, 3 mariages, 22 décès ; Beaucoudrav 243 habitants ; Chevry 192 Fervaches 404 Le Mesnil Opac 322 ; Le Mesnii Raoult 301 Moyon 1.103 et Troisgots 486.

Signataires :

Quelques noms seront cités par commune qui comporte chacune de 20 à 30 signatures. Tessy : Pinel de la Millerie, Lemutricy, Louis, Hervieu, Hébert, Godard, Besnehard ; aucune précision pour les députés. Beaucoudray : Léonord Papillon et Louis Le Roy députés ; Lebédel, Aubel, Montigny, Talbot. Chevry Jacques Cahours et François Addes députés, pas d'autres précisions. Fervaches Charles Lemarié et François Osmond députés, Deshées (Deshayes), Simon, Aumont-Duhamel, Boulligny, Mabire. Le Mesnil Opac : Havin et Gervaise députés, Fontaine, Vibert, Rihouey. Le Mesnil Rault : Pierre Clément et Jean-Baptiste Le Prêtre députés, Jullien Lerebourg, Carpentier, Huault, James, Moyon : Abel jean Gautier, Charles François Le Saulnier et Jean Houel députés, Duval, Ladroue, Jamblin, Desvageî, Conte, Montigny. Troisgots : Pierre Gautier et Jean Beaufils laboureurs et députés, Vallée, Montrocq, Aumond, Herman, Lemercère, de la Fosse, Goulet.

Privilégiés :

Tessy : Le Curé Maître Jean-François Badin ; le seigneur Prince de Monaco ; Guillaume Douessey, Conseiller en la Grande Chambre du Parlement de Normandie, propriétaire des fiefs de Fincel et de Bonnefonds ; deux nobles non possédant fiefs, Jean-Baptiste de Chantepye d'Orville, ancien officier d'Infanterie et Claude Chantepye de Ferrière (des Ferrières) ; pour le Tiers-État, Gohier de Basse-Cour ; Gohier de Haute Épine, ancien garde du corps ; Fr. Addes, directeur de la Poste aux lettres ; Jean Godard et son fils commis buraliste

le curé de Tessy n'était pas décimateur.

Beaucoudrey (avec ey) : Le Curé Maître Alleaume et le titulaire de la chapelle de Beaucoudrey, Maitre Gallien de Préval ; le seigneur et patron Jean-Jullien Ganne et le sieur Le Tellier de Montaure, seuls nobles de la paroisse. La baronnye de Moyon à laquelle appartenait Beaucoudrey avec les paroisses voisines de Tessv, Villebaudon, Mesnil Opac et Mesnil Herman avait une haute justice dont le siège avait été transporté à Tessy depuis le milieu du XVIIIe siècle ; le haut justicier, en 1789, était Maître Jean-Baptiste Regnault, présent à ce titre à Coutances, à l'assise du lundi 20 avril ; les dîmes de la paroisse de Beaucoudrey appartenaient en entier au Curé.

Chevry : L'auteur n'ayant pas retrouvé de cahier ne précise que ceci Habitants en 1787 : 192 ; naissances 3, mariages 4, décès 1.

Fervaches : Le Curé Maître Jacques Brisson et le seigneur Nicolas Louis de Gohier, chevalier de Saint Louis, capitaine noble ; la paroisse de Fervaches tirait à la milice avec la plupart des autres paroisses de la baronnye de Moyon, le Chefresne, Montabot, etc... En 1788, pour huit paroisses, nous trouvons 156 garçons inscrits, 144 exemptés ou réformés, 6 seulement ont tiré pour fournir un milicien. La répartition des dîmes était fort compliquée le curé possédait le tiers des grosses dîmes, des novales et toutes les menues les religieux de l'Abbaye de Thorigny possédaient un autre tiers des grosses ; le marquis de Rancey, comme patron, les deux tiers d'un tiers et le troisième tiers de ce tiers était possédé par la Fabrique de l'Eglise.

Le Mesnil Opac : Le Curé Maître Augustin Barbe ; le prince de Monaco, seigneur pour extension de terres ; la dame Marie-Anne Le Brey, veuve de Messire Besnard, seigneur des fiefs de Bricqueville et du manoir du Mesnil Rault ; le sieur Banville, capitaine noble et le sieur de Bricqueville, l'aîné non possédant fief ; le curé est seul décimateur ; la grange du curé devait 50 rasières d'avoine à l'Abbaye de Saint Lô, livrables à la Saint Michel.

Le Mesnil Raoult : Le curé Maître Pierre Le Cannelier, la dame Besnard (voir le Mesnil Opac) et le sieur de Laubrie.

Moyon : Le Curé Maître Richard Pavin ; Jean Pierre Anne Le Tellier, propriétaire du fief du Cens ; le sieur Mauger de la Maugerie, capitaine noble ; Gohier de la Héronnière ; de Cussy ; la dame veuve du sieur Mauger de la Persillière et la dame veuve et héritiers du sieur Bouclier de Neuville, nobles non possédant fiefs et, pour le Tiers-État, la dame veuve et les héritiers du sieur Le Vallois, exempts de taille.

Troisgots : Le Curé Maître François Blin ; noble dame Marie Gabrielle Potier-Novion, comtesse de Brassac, demeurant à Paris, possédant la seigneurie du lieu (village des jardins) et, pour le Tiers-État, 2 miliciens Julien et Jacques Vallée.

De leur côté, les nobles présentèrent aussi des cahiers, par l'intermédiaire de Thouret avocat au Parlement de Normandie, qui publia, en février 1789, une brochure titrée : " Avis aux bons Normands " . Ces nobles admettaient le principe de l'égalité de l'impôt, mais entendaient maintenir tous leurs droits féodaux, leurs prérogatives réelles, leurs distinctions honorifiques, comme consacrés par l'Ordre public et les principes de la Constitution Monarchique. Vous savez ce qu'il advint quelques mois plus tard...

Première Assemblée Cantonale

En 1790, à la suite de la nouvelle division administrative de la France et... du département de la Manche et comme dépendant du district de Saint-Lô, le canton de Tessy-sur-Vire était ainsi " découpé " et représenté lors de sa première Assemblée faite en divers endroits, savoir :

A Tessy, elle comprenait : Tessy, Montbray, Gouvets, Sainte-Marie-desMonts, Saint-Vigor-des-Monts, et Morigny. Ses représentants étaient : Jean-Pierre Mauger et La Fosse en Saint-Vigor ; Tenneguy Pierre Sévaux, de la Valette en Gouvets ; Pierre Le Gorgu, de la Crière, en Saint-Vigor ; Louis Havin, de Tessy et Jean-François Badin, curé de Tessy.

A Fervaches, elle réunissait : Fervaches, Saint-Romphaire, le Mesnil-Opac, Troisgots, Moyon, Chevry, Beaucoudray et le Mesnil-Raoult. Ses représentants étaient : Charles Le Saulnier de Moyon, Pierre Jacques Gautier de Troisgots ; jean-Baptiste Le Prêtre du Mesnil-Raoult ; julien Le Monnier de Beaucoudray, Louis Osmond de Fervaches et Gilles Beaufils, de Moyon.

À Saint-Laurent-de-Thorigny elle comptait notamment : Domjean, Fourneaux, Beuvrigny et la Chapelle-Heuzebrocq et ses représentants étaient : François Aumont des Monts, de Domjean ; Louis Busnel, officier municipal à Domjean ; Pierre Richard Boisramey, maire de Beuvrigny et Jean Tricard, fils Guillaume, laboureur à Domjean.

Saint-Louet-sur-Vire était de l'Assemblée de Saint-Amand-de-Thorigny, pour laquelle rien ne semble subsister.

La chouannerie dans le canton de Tessy

Les chercheurs, ainsi qualifiés par les Services des Archives départementales, se sont toujours plus ou moins intéressés à l'époque de la Chouannerie. Archiviste en Chef du département de la Manche, Monsieur Lacroix, la relate, pour la région tessyaise dans les termes suivants, textuellement rapportés :

" Le Sud du département de la Manche a été, pendant la Révolution de 1789, le théâtre principal de la chouannerie normande. Il est cependant, dans l'arrondissement de Saint-Lô, une région où des troubles assez violents ont eu lieu ; c'est celle qui comprend les cantons de Torigny, Percy et Tessy ; elle est, en effet, en contact avec le bocage virois, pavs où de nombreuses bandes de chouans ont évolué. Le canton de Tessy est alors divisé en deux sections : la première groupe Tessy, Gouvets, Sainte-Marie-des-Monts, Saint-Vigor-des-Monts, Montbrav, Morigny et la seconde Fervaches, Saint-Romphaire, le Mesnil-Opac, Troisgot~, le Mesnil-Raoult, Moyon, Chevry, Beaucoudray. Les autres communes du canton : Domjean, Fourneaux, Beuvrigny, La Chapelle-Heuzebrocq et Saint-Louet-sur-Vire dépendaient de la troisième section de Torigni, dont le siège principal était Giéville. Le malaise est provoqué par les troubles religieux résultant de la cessation du culte et des vexations dont sont victimes les prêtres, tant réfractaires, que constitutionnels. Jacques Bisson curé de Fervaches (qui avait prêté serment à la Constitution) se rétracta en l'An II, lors du nouveau serment qu'on lui imposait " .

" À Tessy, les habitants manifestent ; dans l'Église devenue salle décadaire, les hommes relèvent les statues abattues, les jeunes filles les ornent de " bouquets " et raccommodent avec du papier peint la tête de Saint Pierre que les républicains ont décapité - on chante le " Magnificat " , pendant que des enfants joyeux d'imiter leurs parents relèvent les Croix des tombes du cimetière. Le Maire explique quelque temps après au District qu'il est impuissant à réprimer ces désordres, car les gardes nationaux refusent d'intervenir quand il s'agit de religion. "

" Des bandes de chouans, commandées par le Poitevin, Le Forestier de .Mobecq et le célèbre de la Mariouze pénètrent dans le pays où, désormais, de nombreux partisans sont acquis, Parties des alentours de Gavray et de Hambye, elles se portent le 17 juillet 1795 sur Percy. Les républicains, pris de panique, s'enfuient laissant piller et brûler les archives de la mairie ; le lendemain seulement, une colonne mobile envoyée de Saint-Lô, refoule les insurgés sur Pont-Farcy, mais, par suite d'une méprise, elle tire sur la garnison de cette localité et tue le chef de la Garde Nationale, A peine les troupes républicaines ont-elles quitté le pays que, dans la nuit du 25 au 26 juillet, les chouans envahissent Beslon, détruisant les archives et enlevant la caisse du tambour municipal. Heureusement, deux détachements de 50 hommes sont envoyés à Tessy et Percy ; ils débusquent les chouans à Carville, mais avant perdu leur trace, ils les laissent s'enfuir et saccager le bourg de Campeaux. On enferme à Torigni tous les nobles de la région qui sont suspects ; parmi eux : Le Poitevin, père du chef chouan, Le Forestier ; Le Chartier de la Varignière de Torigni, le baron de Montbray et les de Saint Fraguaire. Dans la même prison, mais à part, se trouve une colonie d'anglais, prisonniers et suspects qui seront surveillés spécialement pendant 4 ans. "

" On recense les habitants des cantons et défense leur est faite de circuler sans passeports ; on fouille les auberges, pour découvrir les émissaires des chouans. Les communes qui ont laissé s'effectuer des pillages et des meurtres sur leur territoire sont condamnées à de fortes amendes ; les gardes nationaux sont mis en état de réquisition permanente. "

" En juin 1795, quand Louis de Frotté organise sa première campagne à la tête des troupes royalistes, le pays entier se soulève à son appel ; les chouans que commande de La Mariouze pénètrent le 19 décembre à Gouvets, détruisant les archives et laissent au Curé constitutionnel qui les gardait un reçu pour se décharge. "

" Au printemps de 1796, Morigny et Saint-Vigor sont saccagés. Les chouans emmènent les jeunes gens pour les incorporer dans leurs troupes ; une bande ainsi formée de 60 hommes est commandée par un noble nommé des Closeries. L'épisode le plus important de l'année 1796 est le saccage de Tessv, le 9 février, par une troupe de 80 royalistes commandés par du Rozel. Avertis de leur arrivée, les officiers municipaux essayent d'organiser la résistance, mais à la vue des fusils, les malheureux gardes-nationaux qui n'ont que des piques prennent la fuite, sans combat ; aussitôt, le bourg est mis à sac ; les chouans se retirent ensuite à Saint-Vigor où, le lendemain, une colonne mobile leur livre combat ; quelques hommes sont blessés dont du Rozel lui-même ; celui-ci ramène les troupes à Montbrav où il fait enterrer solennellement, après une Messe en plein air, au pied de la Croix de la Lande, le corps d'un des leurs tué la veille. "

" À Tessy, la consternation est grande ; les bureaux de la municipalité sont devenus inhabitables et, par les fenêtres béantes, les archives s'envolent ; c'est une catastrophe. "

" Le Commissaire du Directoire exécutif se sachant recherché par les chouans S'enfuit à Saint-Lô, avec le maire et le juge de paix ; il est tellement terrorisé qu'il préfère démissionner que de retourner à Tessy ; il invoque, dans son rapport au District, la misère qui règne dans le pays depuis le passage des royalistes et des colonnes mobiles qui se ravitaillent sans payer ; il rappelle aussi l'exemple des municipalités voisines de Troisgots, Fervaches, Saint-Romphaire, Le Mesnil-Raoult et Gouvets qui ont décidé d'exercer de loin leurs fonctions jusqu'à l'arrivée des forces républicaines ; les insurgés recrutent surtout leurs troupes dans le Calvados et les communes limitrophes, notamment Morigny, Saint-Vigor-desMonts et Montbray. Pour les mâter, il faudrait, non des gardes nationaux, sans armes, mais des soldats de métier. "

" Voyant qu'il ne peut obtenir d'aide du District, le Commissaire de Tessy s'adresse directement au Général Hoche, le 8 avril 1796, lui donnant par lettre une idée assez exacte des combats qui se livrent dans le pays, lui explique la cause de l'insuccès des républicains et précise : " depuis qu'il n'y a plus de troupes en cantonnement à Tessy, Saint-Vigor et Percy, les chouans n'ont cessé de ravager ces contrées, de voler, piller, et massacrer les meilleurs patriotes ; leur parti s'est grossi de jour en jour ; ils forcent les personnes en état de marcher à prendre leur parti et à les suivre. " Pour toute réponse, Hoche le renvoie au Général Lemoine qui se décide au mois de mai à établir deux cantonnements à Percy et à Tessy. Cette mesure est opportune, car l'audace des chouans grandit. À Fervaches, une troupe des leurs pille les maisons et force l'ancien curé réfractaire, vieillard de 70 ans, à remettre une assez forte somme en assignats. Un épisode plus tragique et encore inconnu se déroule le 17 juin, à Gouvets, où les deux assermentés sont massacrés ; ils pillent aussi les archives communales. Par mesure de précaution, on établit quatre postes de surveillance, pour prévenir rapidement les officiers municipaux des délits commis sur le territoire du canton ; le principal, à Tessy, est composé d'un chef et de cinq éclaireurs recrutés dans la Garde-Nationale ; les trois autres postes sont à Villebaudon, au Chefresne et àBeslon ; les journaux sont soumis à une grande surveillance et le District, pour empêcher leur passage en Angleterre, interdit leur libre circulation, à l'exception de quelques feuilles traitant de " la Muse du jour " , de médecine populaire, d'éducation, d'économie et de chant. Deux prêtres réfractaires sont arrêtés à Saint-Amand et emprisonnés au Mont Saint-Michel. Le désarroi est à son comble et pour réagir contre cet état d'esprit, la municipalité de Tessy célèbre le 20 mars 1799, la fête de la Souveraineté du peuple ; les autorités constituées, fonctionnaires publics et autres, avec un détachement de la Garde Nationale sous les armes se sont rendus dans la salle décadaire où l'on a chanté différents hymnes et couplets patriotiques ; un vieillard présenta un manifeste aux autorités, en précisant que la souveraineté du peuple était inaliénable ; le reste de la journée se passa en divertissements. "

" Le retour de de Frotté et sa nouvelle campagne en septembre 1799 ne semble pas avoir ranimé la chouannerie dans la région ; on se contente d'organiser des perquisitions pour découvrir quelques-uns des vaincus du combat du 31 octobre à " la Fosse " en Carantilly. Une grande lassitude se manifeste alors, de part et d'autre. La soumission de de Frotté, en 1850 et sa mort tragique qui marquent l'heure tant attendue de la pacification générale permettent enfin au pays de se relever de ses ruines. " Ainsi s'explique l'auteur cité. plus haut et voici donc ce qui intéressait le canton Tessyais.

Il faut ajouter que de Frotté aspirait dit-on à devenir " le rov des genêts " et que du Rozel était originaire de la Colombe ; les chasseurs se iaisaient appeler " les chasseurs du Roy " . Au nombre de 600, de passage à Gavray, les chouans tuèrent un gendarme et le boulanger Loisel ; on ajoute aussi qu'il n'y avait pas eu de spectacle aussi pittoresque depuis le jour où Lafontaine-La Rigaudière passa par là, en 1639 avec ses " Va nus pieds " , la veille de la foire Saint-Luc. Les chouans séjournèrent plus ou moins longtemps à Percy, Montabot, Fourneaux, Pontfarcy et Saint-Martin-des-Besaces, puis, dans le château de la Haye-Bellefonds, après leur dur combat de Carantilly ; ensuite, ils allèrent dans les bois de Soulles et de Moyon, où des déserteurs furent arrêtés, de même qu'au Mesnil-Herman. D'après l'abbé Fautrin qui, en 1869, aurait écrit l'historique de Troisgots, la chouannerie ne se manifesta pas en cette commune ; il y eut fausse alerte. le tocsin sonna et ce fut tout.

Le canton de Tessy est en émoi !

Les deux assassinats commis en la commune de Gouvets ont, tout au moins de prime abord, une relation de cause à effet en cette période si troublée de la Chouannerie. À la lecture des faits et propos ci-après relatés, un doute, un soupçon apparaît au regard du baron Larsonneur qui ne s'entendait pas avec les deux prêtres réfractaires assassinés ; profita-t-il des circonstances pour assouvir au degré suprême sa folle vengeance envers eux puisqu'ils avaient prêté serment au nouveau régime de la France.

Voici donc la relation, en abrégeant un peu, des faits de la part de Monsieur Auguste Davodet Inspecteur primaire à Saint-Lô.

" Sous le Directoire, deux prêtres assermentés sont assassinés en la commune de Gouvets, au cours de la nuit du 25 au 26 Prairial de l'An IV (14 juin 1796). Le 27 Prairial, le juge de Paix de Tessy (M. jean Pierre Le Chapon) accompagné de son greffier ordinaire (M. Voisin) et de la Force Armée se rendit sur les lieux du crime, fit son rapport sur ce qu'il vit et apprit et permit la levée des corps. Les auteurs du massacre, n'étaient paraissait-il que deux et un guide, d'après le rapport de l'agent de Gouvets. Ils avaient dû souper, la veille, à Montbray et y prendre des chevaux. Il apparaissait trop que l'agent et l'adjoint de Gouvets nommés Mauger et Larsonneur ne voulaient pas remplir les obligations attachées à leur " place " et qu'ils ne s'étaient pas transportés aux endroits où les deux personnes avaient été " homicidées " , pour en dresser procès-verbal ; leur position est critique et il fallait avoir du courage pour faire son devoir. Le citoyen Jacques Le Monnier, de Chevry, chez qui on avait trouvé un fusil caché et que, pour ce sujet, on a conduit à Saint-Lô est relâché d'hier ; il était soupçonné, mais le général Varin l'a remis en liberé ; les cadavres étaient criblés de blessures et, suivant l'expression même de l'officier de santé Hécan requis pour les examiner, une seule était plus que suffisante pour causer la mort. "

" Guillaume Criquet était curé de la seconde portion de Gouvets depuis 17 ans et Jean-Baptiste Binard, de la première portion, depuis 3 ans. Le général Varin précise, dans une lettre : " Si l'on avoit point relevé les cantonnements de ces places, notamment Tessy, les brigands n'auroient point dévasté cette contrée, le peuple n'auroit point perdu de son énergie, l'esprit républicain se seroit maintenu, les propriétés n'auroient point été pillées, les bons citoyens n'auroient point abandonné leur demeure, l'honnête laboureur n'auroit pas été obligé de se réfugier dans les grandes villes, les vrais patriotes ne seroient point égorgés, les fonctionnaires publics n'auroient point abandonné leur poste, les papiers de l'Administration municipale du canton de Tessy ne seroient point brûlés, ainsi que ceux des communes environnantes. "

" Il y eut aussi une tentative de viol, de la part de soldats républicains du cantonnement de Tessy, sur une jeune fille de seize ans et demi, Marie Le Breton servante chez Jacques Ladrove, de Tessy. "

" D'autre part, il convenait de remarquer que l'abbé Binard avait comme tout proche voisin, le baron Larsonneur de Gouvets, qui émigra dès 1791, mais qui avait conservé des relations dans le pays et même son personnel domestique à " la Baronnie " ; d'après la tradition, les rapports entre le baron et les prêtres de Gouvets étaient fort tendus ; on parle même d'une haie haute et touffue qu'il avait fait planter sur la cour de la baronnie, pour ne pas voir les curés passer. Fallait-il en inférer que ce baron était l'instigateur de l'assassinat ; rien ne l'a prouvé, mais on pouvait supposer qu'il avait été servi par des amis trop zélés, "

" Voici également un fait troublant révélé par un document officiel conservé aux Archives Départementales : - Armée Catholique et royale. - je soussigné reconnais avoir pris chez M. Criquet curé de Gouvets, un drapeau, un tambour et ses bâtons et brûlé tous les papiers républicains. - Fait à Gouvets, le 19 décembre 1795 (signé) : Moustache " .

" Qui était Moustache ? Moustache était le nom de guerre de " de la Mariouze " , chef des chouans, capitaine à la division Duhamel, originaire de Clinchamps, près Vire " .

" Or, les de la Mariouze étaient apparentés aux Larsonneur, de Gouvets.

En 1715, ainsi qu'en font foi les registres paroissiaux, un Larsonneur épousa à Gouvets une demoiselle de la Mariouze. En 1795 et 1796, il y avait des de la Mariouze à Montbray, commune limitrophe d'où étaient censés venir les assassins (deux hommes, plus un guide dit le Commissaire du Directoire exécutif que l'Administration municipale du canton de Tessy, dans une lettre adressée au Commissaire du Directoire, près le département). Ce guide ne serait-il pas Moustache lui-même qui connaissait admirablement les lieux, puisque six mois auparavant, il avait cambriolé " pour la bonne cause " ... le presbytère du curé Criquet... ; il ne s'en cachait pas, bien au contraire, ainsi qu'en témoignait le reçu reproduit plus haut. "

" D'après le registre des décès, l'abbé Criquet est porté décédé à quatre heures du matin et l'abbé Binard à cinq heures. En arrivant au presbytère de ce dernier, les chouans demandèrent si le recteur était là. Ils s'entretinrent quelques instants avec la servante qu'ils bâillonnèrent, puis l'un d'eux monta dans la chambre du curé alors que l'autre faisait le guet aux abords de la maison. Pendant ce temps, une lutte sauvage s'engageait entre l'assassin et l'abbé Binard ; ce prêtre très robuste se défendait courageusement et serait venu à bout de son agresseur, sans l'intervention du complice de ce dernier. En effet, au milieu du corps à corps, le chouan voyant la partie perdue et sur le point d'être jeté par la fenêtre cria de toutes ses forces " à moi Moustache. Celui-ci s'empressa de prêter main-forte et l'abbé Binard. succomba aux coups qu'il reçut. La servante de la baronnie entendit les appels et les cris mais n'osa aller sur les lieux du drame ; (à ce moment, le baron n'était pas encore rentré de l'émigration). "

* On ne connaît aucun détail sur l'assassinat de l'abbé Criquet " .

* Les assassins ne craignaient pas d'être arrêtés, puisqu'ils se vantaient eux-mêmes de leur sinistre exploit. En route, ils rencontrèrent quelqu'un à qui ils dirent " les curés de Gouvets allaient bien hier soir, mais, ils vont encore mieux ce matin. " En passant au " Chêne Guérin " (en la commune de Margueray, limitrophe de celle de Gouvets) ils s'arrêtèrent à l'auberge Delaune (aujourd'hui auberge Lemazurier). Une fois attablés, ils dirent également " Vous connaissiez les curés de Gouvets, eh bien on vient de leur faire leur affaire ! Et pour justifier leurs paroles ils montrèrent la montre d'un des curés assassinés. La bonne qui les servait eut un mouvement de recul, mais, les chouans reprirent " ne crains rien, on ne va pas te faire de mal " . Ensuite ils demandèrent à voir la fille Delaune récemment convertie à la religion Catholique (la famille Delaune était protestante et ne tarda pas à se convertir) et s'aperçurent bien de sa grande timidité. Et elle de répondre, tout en tremblant " On aurait peur à moins ". La mère Delaune reprit " Dame, la mort ça fait toujours quelque chose " ,

" Pendant les jours qui suivirent ce tragique événement, des bandes de chouans passèrent au " Chêne Guérin " ; plusieurs d'entre eux demandèrent à l'auberge Delaune, six aunes de drap vert, vraisemblablement pour confectionner des uniformes, le blanc, le gris et le vert étaient, en effet, les couleurs adoptées par les chouans ; Madame Delaune n'en avait pas. "

" Et ces meurtriers qui étaient-ils au juste et d'où venaient-ils ? Le terme de " recteur " dont ils se servirent pour désigner le curé Binard, terme qui est surtout usité en Bretagne, semblerait indiquer qu'ils venaient de cette province " .

" Il y a dans les dessous de cette affaire, quelque chose de déconcertant. Il s'agit d'une lettre adressée le 8 Nivose An IV, par le Directeur du jury d'accusation de l'arrondissement de Saint-Lô au citoyen accusateur public près le tribunal criminel du département de la Manche, à Coutances, pour l'informer de l'arrestation d'un nommé François Hécan de Gouvets, accusé d'avoir enlevé, de chez l'agent municipal de cette commune, les fusils et autres armes, ainsi que celle du ci-devant curé Binard, accusé de complicité avec les chouans. "

L'auteur de cette relation (Monsieur Davodet) pense que quelques points restent et resteront très obscurs faisant spécialement allusion au baron Larsonneur.

Et il termine en ces termes : " Soucieux de rétablir la paix en France, aussi bien dans le domaine politique, que dans le domaine religieux, Bonaparte, Premier Consul, après la féroce exécution de de Frotté et de son État-Major, à Verneuil (le 18 février 1800) exécution qui rappelle en bien des points celle du Duc d'Enghien, à Vincennes, Bonaparte disons-nous, fit bénéficier d'une large amnistie les chefs de la chouannerie normande. La Restauration fit davantage encore ; aux chefs, elle accorda des distinctions et des honneurs ; aux soldats, des gratifications en argent. Ajoutons que de la Mariouze et Le Poitevin du Rozel étaient au nombre des libérateurs du " Chevalier des Touches " , lors de l'enlèvement de ce dernier de la prison de Coutances, le 21 Pluviose, An VII (9 février 1799). "

" Le presbytère de l'abbé Binard est occupé par le curé actuel de la paroisse. Espérons que ses songes ne sont pas hantés par le souvenir de la fin tragique de son malheureux prédécesseur. Un groupe scolaire a été installé dans l'ancien presbytère de l'abbé Criquet qui en forme le bâtiment principal ; ce bâtiment dont la construction remonte au XVIIIe siècle a encore fière allure ; la salle à manger, vaste et bien éclairée, renferme une belle cheminée de pur style Louis XV. L'abbé Criquet était originaire de Vire et l'abbé Binard, de Saultchevreuil-du-Tronchet " .

Aux Archives de Bayeux, annexées à la bibliothèque municipale, sont déposés les cahiers manuscrits de l'abbé Arsène Danguy, décédé en 1915, curé de la Graverie, près de Vire, ils indiquent, avec très peu d'annotations historiques, les noms des prêtres successifs dans de nombreuses paroisses, notamment Gouvets, Saint-Vigor-des-Monts et Sainte-Marie-des-Monts. L'abbé Danguy a écrit ceci : - " 3 novembre 1787 et 3 juillet 1788. - Curés : Binard, 1re portion, en procès contre les héritiers de Gilles Larsonneur et les fait condamner à réparer choeur, grange et pressoir ; Criquet, 2e portion, autorisé par le bailliage à ouvrir le chemin fermé par de la Mariouze, seigneur. En 1742, le baron de Gouvets gendarme du Roy est dangereusement malade et le curé est en procès de bailliage " .

Alors, chers lecteurs, si ce récit retient votre attention, vous, jugerez " en votre Âme et conscience " comme dit M. Frédéric Potecher, à la Télévision Française !

Autres conséquences de la Révolution Française

Les écrits du faux Evêque Bécherel sont probablement assez rares, puisqu'il fut en fonctions pendant peu de temps. Voici ce que conserve la bibliothèque, de Bayeux : " François Bécherel, par la Miséricorde Divine et dans la Communion du Saint Siège Apostolique, évêque de département de la Manche. Sur la réquisition du sieur curé de la paroisse de Marchésieux de notre diocèse et après nous être assuré de la foi, moeurs, titres et capacités du sieur Louis Voisin, prêtre de la paroisse de Tessy, nous lui avons accordé et lui accordons, par ces présentes, les pouvoirs ordinaires requis et nécessaires pour exercer les fonctions de vicaire de la dite paroisse de Marchésieux, Donné à Coutances, sous notre seing, notre sceau et le Contre-seing de notre secrétaire, le vingt deuxième jour du mois de juin, l'an 1792. F. Bécherel ; par mandement : Lecallier vicaire épiscopal, pour le secrétaire. Les présents pouvoirs invalidés, en tant que de besoin, pour la paroisse de Montmartin-en-Graignes, de la réquisition du citoyen curé du lieu, le 18 avril 1793, l'An Il de la République ; signé illisiblement

pas de cachet.

Le registre des délibérations du Conseil Municipal de Troisgots contient la " curieuse " consignation ci-après transcrite littéralement et qui semblait mettre son auteur à " couvert " , d'une manière officielle au regard de qui de droit. " Du premier Frimaire, l'An deuxième (21 novembre 1793) de la République Française, une et indivisible. En conséquence de la réquisition de la municipalité de Tessy, en date du 27 Brumaire, adressée à la municipalité de Troisgots, sur la réquisition des officiers municipaux de la dite commune de Troisgots, tous les citoyens composant la Garde Nationale se sont transportés devant la maison commune du chef-lieu de canton de Tessy, le 28 Brumaire, armés et munis de vivres, suivant la dite réquisition ; le citoyen Gauguin Commissaire du représentant du Peuple a nommé le citoyen Laforge dit des Jardins, de la commune de Condé-sur-Vire pour Commandant Général des communes de Troisgots et plusieurs autres. Du bourg de Tessy, nous avons été conduits sur la bruyère de Saint-Vigor ; de là, nous sommes revenus au bourg de Pont-Farcy où nous avons couché et resté pendant trois jours, sans avoir reçu d'ordres, ni de nouvelles ; les citoyens composant la Garde Nationale manquant de vivres se sont retirés dans leurs foyers ; les citoyens Jean-Baptiste Goullet, Capitaine, Jacques Mourocq nommé provisoirement lieutenant, Laurent de la Fosse nommé aussi provisoirement sous-lieutenant et Antoine Goullet sous-lieutenant n'ayant plus personne à leurs ordres ! ... ont jugé à propos de se retirer et ont parti du PontFarcy à trois heures d'après-midi et sont arrivés au lieu ordinaire des séances publiques et permanentes de la municipalité de Troisgots, à cinq heures et ont déclaré vouloir rester en permanence en la dite commune et partir à la première réquisition bien fondée et fait au nom de la Loi et du Salut Public et ont demandé la rédaction du présent " . - Suivent les signatures.

Voici encore autre chose... " Du trente Messidor, l'An IIIe (18 juillet 1795) s'est présenté Pierre André Mourocq prêtre de la commune de Troisgots, lequel nous a requis de porter sur notre registre l'acte suivant et d'en envoyer un extrait au Directoire du district de Saint-Lô. " Du 21 janvier 1795. Si tout Chrétien doit, lorsque les circonstances l'exigent, rendre un témoignage extérieur aux vérités de la Foi et de la religion, cette obligation est encore bien plus stricte pour un prêtre, surtout lorsque son silence pourroit être un sujet de scandale. En conséquence, je déclare à la face du Ciel et de la Terre, que mes opinions religieuses ont toujours été et sont les mêmes que celles des dignes ecclésiastiques qui ont constamment refusé de prêter les serments exigés par l'Assemblée Nationale ; qu'ainsi je rétracte, comme contraire à la foi et à la discipline de l'église catholique, apostolique et romaine, aux décisions de laquelle je me soumets entièrement, le fatal serment de liberté et d'égalité que, par ignorance et dans la bonne foi, j'eus le malheur de prêter au mois de septembre 1792. J'en demande à Dieu pardon du plus profond de mon coeur, comme des crimes et sacrilèges qui en ont été la suite dans la disposition sincère où je suis de tout souffrir, moyennant l'aide du Seigneur, plutôt que de retomber jamais dans de pareilles erreurs, je fais les plus humbles excuses à tous ceux auxquels ma conduite et ma communication avec les anciens curés qui, par quel acte schismatique, ont reconnu le faux évêque Bécherel auroient été un sujet de scandale les priant instamment d'être bien convaincus que c'étoient les mêmes opinions qui m'ont constamment fait refuser le premier serment et empêché de vouloir être compté au nombre des fonctionnaires publics. je me dévoue et me consacre dès ce moment à la pénitence et promets de ne faire aucunes fonctions sacerdotales, le cas d'une extrême nécessité excepté, que mes supérieurs catholiques ne m'ayant jugé digne de les excuser. Tels sont les sentiments dans lesquels est décidé à vivre mourir (signé) P. A. Mourocq, prêtre " . En écrivant ces derniers mots, l'abbé Mourocq semble particulièrement ému.

Autre variante encore prouvant un peu plus, l'équivoque qui régnait dans l'esprit de beaucoup d'habitants du canton de Tessy " : " Mois de Pluviose. - Département de la Manche, arrondissement de Saint-Lô ; mairie de la commune de Beuvrigny. Aujourd'hui dimanche premier jour de Pluviose de la Rp. Fr. -

Nous Pierre de la ville maire de cette commune, d'après les ordres du citoyen prélat, avons été présent à l'installation du citoyen Jacques Le Renard nommé succursaire de cette commune, faisant le chef-lieu de celle de Fourneaux et de la Chapelle Heuzebrocq y réunis, lequel a été installé dans les fonctions par le Cen Louis François Le Mutricy curé de Tessy, chef-lieu de ce canton qui a donné lecture au public de tous les actes concernant la nomination et acceptation du dit Le Renard, des fonctions qui lui sont déléguées par le gouvernement et par Monsieur (il faut lire : Monsieur) l'Evesque de ce département. À Beuvrigny, ce dit jour, mois et an que dessus. " Ce procès-verbal n'est suivi d'aucune signature, et ne précise pas l'année.

En septembre et octobre 1792, le clergé de Domjean (Messieurs Desmortreux, curé, Jean-Baptiste Boullot, Pierre Desnost, Charles Lesouef, Joseph Estur prêtres et Guénier vicaire) de même que tout le Conseil Général, M. Pierre Lamoureux, maître d'école et Mlle Marie-Jeanne Leneveu, maîtresse d'école prêtent serment à la nouvelle constitution, mais, plus tard, trois prêtres se rétracteront.

Voici le texte du procès-verbal concernant l'un d'eux

" Du dimanche neuf septembre du dit An 1792, le Conseil Général de la commune, assemblé en la Maison commune, sur les quatre heures d'après-midi, composé des personnes qui suivent : jean Hervieu premier officier municipal occupant pour le sieur Tricard maire étant à l'Assemblée Électorale à Coutances, Louis Busnel, Henry Desnost et Louis Boullot officiers municipaux revêtus de leurs marques distinctives ; Michel Roger, Jacques Clément, Antoine Le Monnier, Pierre Godard, Louis Charles Binet, jean Lamoureux et Charles Duval notables, tous requis par le sieur Charles Le Souef prêtre de recevoir sa prestation de serment aux termes des lois de l'Assemblée Nationale. - Lequel a dit : -" Depuis plusieurs années, par un défaut de santé et d'un âge avancé, j'ai interrompu d'être fonctionnaire public dans le tems du décret du 27 novembre 1790 et autres après ; je me présentai et on fit observer qu'ils étaient (les serments) décrettés pour ceux qui étaient fonctionnaires actuels ; j'étais, dans ce terris et suis encore également, à présent, très soumis aux lois émanées de l'Assemblée Nationale. Et quoique indigne, ne cesserai d'offrir mes prières et mes voeux au Suprême, afin que son saint Nom soit béni, adoré et glorifié pour la Paix, la tranquillité et le plus grand bien de l'Etat ; en foi de quoi, je jure d'être fidèle à la Nation, à la loi et au Roi et de maintenir de tout mon pouvoir la Constitution du royaume décrettée par l'Assemblée Nationale et acceptée par le Roi et s'est obligé le dit Le Souef de réitérer le présent sermen en public toutes fois et quantes qu'il en sera requis, ce qu'il a signé " . - (Suivent les signatures).

14 Juillet 1790 - 1er Juillet 1792 - 10 Août 1793 -30 Ventôse An VI - 1er Vendémiaire An IX.

Puisque les dates parlent d'elles-mêmes, il est plus simple d'entrer directement dans le vif du sujet.

Le premier anniversaire de la prise de la Bastille fut célébré le ... 14 juillet 1790, sous le nom de " fête de la Fédération ". À Paris, de grandioses fêtes marquèrent l'événement, puisque les députés des 83 départements nouvellement établis s'y trouvèrent réunis, au nombre de ... soixante mille ! En province, ce fut plus calme et plus terre à terre tout à la fois.

Voici le procès-verbal de la cérémonie tessyaise : " Du 14 juillet 1790, devant les sieurs curés de l'église du dit lieu. Se sont assemblés les officiers municipaux de ce lieu, les sieurs curés, prêtres, les gardes-nationaux en armes et plusieurs autres citoyens de cette communauté, lesquels, après avoir assisté à la haute Messe ont prêté le serment civique, ainsi qu'il suit : " Le Maire a d'abord prêté, en présence de l'Assemblée, le serment d'être fidèle à la Nation, à la loy et au Roy, de maintenir de tout son pouvoir la constitution du royaume et de se comporter avec courage dans les fonctions qui pourraient lui être confiées. Ensuite, il a prononcé le même serment au nom de l'Assemblée et les sieurs Officiers municipaux, curés, prêtres, gardes-nationaux et autres citoyens ont répondu, les uns après les autres : " je le jure " . Le tout en présence des sieurs jean Michel Robert Sévaux, maire et député de la paroisse de Gouvets ; André Louis Osmond, de celle de Fervaches ; Louis Mauger, maire et député de Chtvry ; Étienne Hamel, de Saint-Romphaire et Pierre Clément, du Mesnil-Raoult. Ont signé : Pinel de la Millerie, maire de Tessy, Bouillie, Voisin, Guillaume, Godard, Lemutricy ; Pouchin officiers municipaux ; Sévaux maire de Gouvets, Beaufils maire de Troisgots ; Mauger, de Chevry, Badin curé et notable de Tessy, Mauger prêtre de Tessy ; Paris et Lemutricy vicaires de Tessy, Chantepie colonel de la milice nationale de Tessy ; Regnault capitaine ; Hécan, médecin-officier, porte drapeau ; Hastey lieutenant (alors chirurgien) ; Collée adjudant - Gilles Génevin sergent, etc... "

Entre temps, le 1er juillet 1792, le Conseil " général " de Beuvrigny, présidé par Monsieur Richard Boisramey, prenait acte de l'article 18 de la loi du 20 avril 1791 ordonnant : 1° de faire retirer des choeurs des églises et chapelles publiques, les bancs patronaux et seigneuriaux pouvant s'y trouver ; 2° de faire supprimer les titres et marques funèbres ; 3° et de faire démolir les fourches patibulaires et les piloris cy-devant érigés à titre de justice seigneuriale.

Le Samedi 10 Août 1793, Domjean fêtait aussi à sa manière en faisant sonner les 3 cloches pendant une heure et battre les tambours des deux Compagnies de gardes, depuis la Croix du haut du bourg jusqu'à la Mazurie pour " faire assembler le peuple, afin de se jurer Unité et Indivisibilité envers la République et une haine implacable au Fédéralisme, à la tyrannie et à l'anarchie "

Troisgots ne semble avoir manifesté des sentiments patriotiques que... plus tard, alors que d'autres événements s'étaient produits. Voici le texte d'une délibération du Conseil municipal de l'époque : " Du trente Ventôse, l'An VI de la République Française, à Troisgots. Conformément à la loi du 13 Pluvios dernier qui ordonne la célébration annuelle d'une fête de la Souveraineté du Peuple dans toutes les communes de la République et ponctuellement au désir de l'arrêté du Directoire exécutif du 28 sus-dit qui en prescrit le mode et l'exécution. En conséquence, les convocations ont été régulièrement faites et tout le monde s'est trouvé chacun à son poste, et à dix heures du matin on s'est transporté au lieu destiné où tout ce qui est prescrit a été exécuté dans l'allégresse avec le meilleur appareil que les circonstances ont permises. L'Assemblée de retour, dans un ordre édifiant s'est décidée à prendre des divertissements dans des chants patriotiques et porter des toasts à la République, à la Souveraineté du peuple, aux législateurs, au Directoire, aux défenseurs de la Patrie, à l'armée d'Angleterre avec les cris mille fois répétés de " Vive la République " . (signé :) Beaufils ; Godard.

Et le premier Vendémiaire de l'An IX de la République Française, " le Maire et l'adjoint de la commune de Beuvrigny constataient que, faute d'argent, ils ne pouvaient donner un grand éclat à la " feste " de ce jour destinée à manifester des sentiments d'affection et d'amour envers la République " ! ... Mais, étaient-ils contrariés outre mesure ?

La famine apparaissait...

Les mêmes événements de la Chouannerie avaient aussi d'autres conséquences, notamment de priver les marchés hebdomadaires des grains nécessaires aux habitants des villes et des bourgades ou plus exactement aux meuniers et boulangers. Une lettre du 19 Fructidor, An Il de la République Une et Indivisible, adressée aux citoyens représentants du peuple composant le Comité de Salut Public est ainsi libellée : " - Citoyens représentants - Malgré l'espoir consolant que nous donne la récolte abondante qui couvre nos campagnes nous nous voyons réduits à mourir de faim si des mesures promptes et certaines ne sont prises à l'instant même, pour notre approvisonnement. Jusqu'ici nos malheureux concitoyens ont trouvé, à force de fatigue, une petite partie de leurs subsistances qu'ils ont recueillies dans toutes les communes, Ils les achetaient avec des marchandises, avec leurs bardes et leurs meubles qu'ils donnaient en échange au cultivateur qui les aurait vus sans pitié expirer de faim, s'ils n'avaient eu à leur offrir que des assignats ; il eut peut-être encore été possible de vivre de cette triste manière, si la loi du 4 Thermidor n'avait interdit la vente des grains, ailleurs que dans les marchés. Nous rendons hommage à la sagesse qui a dicté cette loi, mais elle suppose que les marchés seront approvisonnés et une trop cruelle expérience nous a appris depuis trois ans que le nôtre ne pouvait l'être que par réquisition ; elles ont toujours été insuffisantes et sans effet ; elles le seraient encore aujourd'hui davantage, puisque presque toutes les municipalités n'exercent plus de fonctions à cause des chouans qui les " ravagent " . Déjà, nous avons ressenti les funestes effets de ce que nous vous annonçons, etc. ... Dès le 24 Fructidor, le Comité de Salut Public prenait des dispositions inhérentes à la situation alors présente ; des réquisitions étaient permises, même en employant la force au regard des communes réticentes, réparties en divers groupes,

En ce livre, la période de la chouannerie est terminée...

Petites promenades cantonale

Parlons, maintenant, si vous le voulez bien, de la circulation routière d'autrefois, en notre canton et, sans plus d'apprêt, vous apprendrez peut-être que :

" Louis, par la grâce de Dieu, Roy de France et de Navarre ordonne ce qui suit, en son château des Tuileries, le 20 mai 1814 : Les prix des chevaux de Poste seront payés jusqu'à nouvel ordre, par les courriers sur le pied du tarif ci-annexé ; le prix actuel du transport des malles et celui des estafettes est maintenu (sans autre précision). Chaque cheval -effectuant un certain parcours ou trajet entre deux postes (ou relais) sera payé 1 franc 75. Cabriolets : 1 personne, 2 chevaux : 1 fr 75 par poste, soit 3 fr 50 -1 2 personnes, 3 chevaux par poste 5 fr 25 ; 4 personnes, 5 chevaux, 8 fr 75. Limonnières : 1 et 2 personnes, 3 chevaux par poste, soit 5 fr. 25 ; 3 personnes, 4 chevaux, soit 7 fr, etc... Berlines : 1 et 2 personnes, 4 chevaux par poste, 7 fr ; 3 personnes, 5 chevaux par poste, 8 fr 75, etc._ Un enfant de six ans et au-dessous ne pourra être considéré comme voyageur ; deux enfants au-dessous de six ans tiendront toujours lieu d'un voyageur ; chaque voiture pourra être chargée d'une vache (lisez bien : une vache !) soit entière ou en deux parties ! ... et d'une malle. Sont assimilées aux cabriolets, les petites voitures à quatre roues connues sous le nom de " chariot allemand " lorsqu'elles ne peuvent contenir que deux personnes. Les calèches qui peuvent transporter plus de deux personnes rentrent dans la classe des limonières lorsqu'elles sont à brancards et dans celle des berlines lorsqu'elles sont à timon.

En ce temps là, il y avait aussi des piétons... Mais, au fait, qu'est-ce qu'un piéton ? Poser la question est insensé, pensez-vous, et pourtant un cultivateur parlant dans son langage fermier vous répondra tout autrement qu'un commerçant, par exemple ; renseignez-vous. En 1810, dans le langage " préfectoral " , un piéton était un homme chargé de porter la correspondance des fonctionnaires publics ; neuf piétons sillonnaient l'arrondissement de Saint-Lô, deux fois par semaine et " le sieur Hervieu " sans autre précision, était attaché au bureau de Torigny où il se rendait les mardi et vendredi de chaque semaine ; il desservait alors 16 communes du canton et son traitement était de deux cent cinquante francs annuellement.

Après vous avoir entretenu des cabriolets, limonières et berlines, il faut s'intéresser aux... banneaux que l'on devait peser sur une bascule qui n'existait pas ou plus exactement il n'y en avait qu'une pour tout le... département ! C'est ainsi que, le Conseil Municipal de la commune de Troisgots fut amené, le 11 août 1814, à prendre la délibération suivante : " Considérant que depuis longtemps le pesage des voitures par le moyen des ponts à bascule est une calamité pour les agriculteurs et un motif de découragement pour eux, qui, malgré toutes les précautions possibles, se voient très fréquemment condamnés à des amendes de police. Attendu : 1° le peu de distance que parcourent ordinairement les voitures chargées d'engrais et la difficulté de passer dans les chemins de traverses avec des roues à larges jantes ; 2° l'impossibilité dans laquelle les dits cultivateurs sont de connaître le poids des engrais qu'ils portent et qui varie selon les circonstances, par exemple : le poids du fumier varie selon qu'il est plus ou moins consumé ; celui de la chaux selon qu'elle est plus ou moins cuite ; celui de la tangue selon qu'elle est plus ou moins mouillée et 3° que le pesage des voitures par le moyen des bascules ne peut être regardé comme une mesure générale, mais bien comme une mesure vexatoire pour les uns et nulle pour les autres, puisqu'il n'y a qu'une bascule pour le département ! ... Le Conseil demande, en conséquence, que les voitures d'engrais soient dispensées du pesage " . Il ne semble pas qu'il y ait lieu d'insister... La largeur des bandages des roues était réglementée, suivant le poids du contenu des banneaux.

Au cours d'une petite promenade supplémentaire, vous apprendrez que dans notre " contrée " , les pierres sont de nature différente ; ainsi, à Fervaches, vous trouvez des pierres dites de : " Grauwake " ; à Beuvrigny, des schistes de grès avec trace de marne crayeuse et de fer puis quelques bancs d'agile ; à Tessy (à la Crocardière et à la Botinière) et à Moyon, des phyllades et, dans les autres carrières du grès intermédiaire. On remarquait, paraît-il, près de Saint-Vigor-desMonts (mais où exactement ?) une carrière de granit blanc qui se taillait facilement, dès son extraction, mais durcissait au contact de l'air ; les pierres de Troisgots et du Mesnil-Opac, d'un grès rouge feuilleté, avaient la propriété de pouvoir aiguiser les outils de menuisier. Il existe aussi un filon de quartz blanc, à Tessy, mais où exactement ?

En supposant que notre promenade se soit effectuée en... 1855, vous auriez appris que Beuvrigny, Chevry et Fourneaux n'avaient pas de carrière à ciel ouvert, mais que les autres communes en étaient pourvues. Ainsi vous auriez trouvé : à Beaucoudray, la carrière des Nouveries appartenant à M. Jean-Baptiste Papillon ; celle de l'écluse à M. Désiré Papillon ; du Feugret à M. Le Monnier, et celle du village Moisson appartenant à la commune ; - à Domjean : la carrière du bois l'abbé appartenait à Messieurs Mariette et Leconte; celle de la bruyère à M.M. Briard et Papillon ; le champ Boullot à Madame Lerenard ; celle du haut du bourg à M. Decaen. et celle du Mont Hébert à M. Deslandes. À Fervaches : la carrière de Fouquet était à M. Lefileur et celle des Vages à M. Gosselin ; A Gouvets : la carrière de la bruyère était à MM. Bécherel, Le Bugle, Richer et à Mme Guérin celle de la lande Fautra à M. Michel Gogo et celle de la Capelle à Simon Loisel au Mesnil-Opac celle du Brisoult à M. de Béranger et celle de la Trévoudière à M. Gaumain au Mesnil-Raoult : la carrière de la Roque était à Mme Guilbert ; à Moyon la carrière des Hayes était à M. Gaumain et celle de la Maugerie à M. d'Auray de Saint-Poix ; à Saint-Louet, la carrière du glu Hébert était pour M. Louis Gesnouin ; à Saint-Vigor-des-Monts : la carrière de la Bionnière à MM. Gilbert, Lechevallier, Félix Forest et Brochet celle du champ de la mare à Mme Charles Guilbert et la Faverie à Mme Lepetit à Tessy-sur-Vire, la carrière de Mourocq à Messieurs Catherine et Lait ; la Botinière àMM. David et Lesage et la roche de Fincel à M. Bossard ; et à Troisgots, la carrière du val la belle était à MM. Pierre Marie et Bretonnière, celle du bois àM. de la Fosse ; la Henrière à M. Billet et la fosse aux loups à M. Goulet.

La France exsangue et la France renaissante

Paris capitulait le 30 mars, sous la pression des troupes étrangères liguées contre Napoléon Ier qui voulait dominer l'Europe ; ce dernier, à Fontainebleau signait l'acte d'addication, le 11 avril suivant, puis à l'île d'Elbe, pourvu d'une pension annuelle, pour lui et sa famille, de six millions de francs (de l'époque) il méditait sur son passé. Louis XVIII résidait aux Tuileries. Nous étions donc en 1814 ; la France, saignée à blanc, ne pouvait plus réagir ; les impôts fonciers subissaient une augmentation de 50 %, les autres étaient doublés. En cette année, le jour de la mi-août, avait lieu la distribution des prix aux élèves du collège de Saint-Lô, sous la présidence du baron de Bossi nouveau Préfet du département de la Manche ; M. Vieillard de Boismartin maire de Saint-Lô, fit le discours d'usage.

Quelques jours avant cette fête, les élèves avaient eu à discuter du plaidoyer littéraire suivant, influencé par les événements du moment : " Le Prince voulant élever l'État au plus haut degré de prospérité possible, lequel du cultivateur, du commerçant, du militaire ou du savant est le plus utile à l'exécution de ses projets ? "

Le palmarès des prix, et c'est là qu'il faut en venir, faisait ressortir que le canton de Tessy était à l'Honneur, en cette année 1814, puisque parmi les 32 nommés pour le département, comme premiers et deuxièmes prix, quatre d'entre eux représentaient " notre " canton. Ainsi, vous trouviez : En rhétorique : 1er prix, discours latin, Jacques Cornu, de Beaucoudray ; 1er prix, discours français, le même ; 2e prix, vers latins, le même ; 2e prix, version latine, encore le même ; version grecque : 1er prix : Pierre Aumond, de Troisgots ; 2e prix : Charles Hervieu, de Fervaches. Et en première année d'Humanités : Ier prix : thème latin, Louis-Alexandre Mauviel, de Moyon ; 1er prix, version grecque, le même.

Autocratie royale

En ce temps là... le Roi régnait en maître absolu et par ordonnances qu'il signait lui-même, il autorisait telle ou telle commune à s'imposer " extraordinairement " en centimes additionnels " .. dont on parle encore de nos jours, alors qu'une commune moyenne, a un budget de millions... d'anciens francs !

Ainsi, la commune de Domjean, par ordonnance du 13 novembre 1816, pouvait s'imposer extraordinairement, pour une somme annuelle de 400 francs destinée au traitement d'un vicaire ; le 31 mars suivant, celle de Chevry s'imposait de 265 francs, en une année, pour réparer l'église ; la commune de Fourneaux, le même jour, s'imposait de 700 francs, en trois ans pour réparer le presbytère ; celle de Troisgots, le même jour, de 1.381 francs, en deux années, pour réparer église et presbytère ; le 23 juillet 1817, les communes, les communes de Saint-Vigor-des-Monts et de Sainte-Marie-des-Monts, réunies quant au spirituel, s'imposaient de 965 francs pour réparer église et presbytère de... Saint-Vigor, sans doute ; le 16 Décembre 1819, la commune de Beuvrigny pouvait s'imposer de 2.600 francs aux fins d'acheter, du sieur Louis Courtin inspecteur forestier, une maison destinée au desservant, l'amortissement étant accompli en 7 ans ; enfin, le 20 mai 1829, la commune de Saint-Louet-sur-Vire, s'imposait de 3.341 francs, en cinq ans, pour la construction d'un presbytère, alors que le budget annuel était d'environ 1.200 francs !

Et pour " étoffer " ces temps de pouvoir absolu, vous apprendrai-je que " le 12 septembre 1815, le 21e de Notre règne le Roi s'exprimait ainsi : " Nous avons ordonné et ordonnons que l'habit des députés sera bleu de roi, boutonnant sur le devant, boutons blancs portant trois fleurs de lys et orné au collet et aux manches d'une broderie de fleurs de lys en argent " ! ... Nous pensons qu'ils devaient être beaux " nos chers poupins " d'autrefois, sans bedon et bien obéissants ! ...

Nos Édiles... en 1828

Les noms de ces Messieurs " figurent " dans le premier Annuaire de la Manche paru en 1829. Pour plus de simplicité voici les abréviations employées : le nombre indique la population en 1820 ; le premier nommé est le maire ; le second, l'adjoint au maire ; le troisième, le curé et, suivant le cas, le vicaire ; le dernier nommé est le percepteur... communal.

Tessy : 1.715 Louis, Hinet ; Le Mutricy et Havel ; Bellegarde ;

Beaucoudray : 331 Hennequin ; Vauclair, Vaugeois, Bellegarde ;

Beuvrigny : 260 Briquet, Godard, Huet et Desnost ; Desportes ;

Chevry 261 : Le Cauchois, Lamoureux, Hervieu, Bellegarde ;

Domjean : 1.368 Regnault de Bouttemont ; Tricard ; Boudet et Lefranc ; Desportes.

Fervaches : 562 ; Valette, Mabire, Chipel, Bellegarde.

Fourneaux : 240 ; Le Duc, Le Foulon, pas de curé ; Desportes.

Gouvets : 917 Alix la Crière, Lasquer, Gardin, Motel ;

La Chapelle Heuzebrocq 148 Delaville, Delaville ; pas de curé, Desportes.

Le Mesnil-Opac : 384 ; Gervaise, Sébert, Le Cardonnel, Duquesne.

Le Mesnil-Raoult : 395 Le Canu, Chouquais, Laforge, Duquesne.

Moyon : 1.231 Gautier, Le Chartier. Besnard et Longrais, Duquesne ;

Saint-Louet 490 de Moran, Enguerrand, Duré, Desportes ;

Ste-Marie-des-Monts : 126 : Larsonneur, Boudin, pas de curé, Morel.

Saint-Vigor-des-Monts : 965 ; Chasles, Lemélorel, Vimard et Godard, Le Charpentier.

Troisgots : 555 ; Mourocq la Crette ; Mourocq ; Hulmel, Duquesne.

Puis-je ajouter, que, dix ans plus tard, le jury d'expropriation pour cause d'utilité publique, dans le canton de Tessy comprenait : Messieurs Gilles Beaufils maire à Moyon, Jean Chasles à St-Vigor ; Pierre Goulet à Troisgots et Jean-Gilles Lemarchand à Fourneaux, tous cultivateurs.

Les miséreux de " nos " campagnes...

Si vous lisiez dans une petite mairie du canton tessyais, la liste des mendiants qui s'y trouvaient " légalement " recensés, en... 1830, vous seriez effarés. Il est plus simple de la préciser, puisqu'il s'agit de Fourneaux. Cinquante mendiants v sont répertoriés alphabétiquement par leurs noms et leurs prénoms usuels, leur âge présumé et leur domicile connu ou supposé ; il est encore rapporté que plus de soixante venaient... assez souvent, mais qu'on ignorait leurs noms ; en voilà donc 110 ; la statistique des 50 comprend : 25 enfants de 4 à 11 ans ; 11 hommes et femmes de 20 à 50 ans, 14 plus âgés. Voulez-vous quelques noms pris au hasard : Le Marié, Aumond, Jeanne, Douchin, Hulmel, Le Bret ; bon nombre d'entre eux habitaient le canton, d'autres dans une commune toute proche.

Ne les appelait-on pas : " les déshérédités de la fortune " ; c'était vrai, au regard de " ceux " qui étalaient la leur, qui entendaient en " imposer " par ce fait même, qui avaient des droits interdits à d'autres... à ces pauvres bougres qui représentaient tout au moins le mérite, le travail, voire la vertu et aussi d'aimables qualités qu'il n'y a pas lieu de préciser présentement.

On les soulageait un peu, en leur donnant une bouchée de pain qu'ils recevaient avec beaucoup de déférence obligatoire, la casquette à la main. Ainsi, le 9 juillet 1817, par ordonnance du Roi, la commune de Moyon (à titre d'exemple) était autorisée à " s'imposer extraordinairement au marc le franc de ses contributions pour secourir la classe indigente " .

Qui plus est : Le 6 juin 1811, Napoléon Ier signait personnellement le décret suivant (et je cite) : " Le dépôt de Mendicité établi à Coutances sera disposé de manière à contenir quatre cents individus ; cette dépense sera faite aux frais du département et il y sera affecté un fonds de quarante mille francs " .

N'y avait-il pas, à Coutances, la maison et le jardin des " pauvres honteux " ..., cela en 1758... Faut-il ajouter encore, qu'en 1849, dans le canton de Tessy, il n'existait de bureaux de bienfaisance qu'à Fervaches et Troisgots.

La force armée cantonale

En raison des événements intérieurs, la France fut pourvue, au temps de Louis-Philippe, de gardes nationaux répartis en bataillons cantonaux ou Plus exactement semi-cantonaux. Le bataillon de Tessy (il devait y en avoir un autre à Moyon) comprenait huit Compagnies réparties comme suit : à Tessy, 2 compagnies pour un effectif total de 175 hommes ; les autres communes n'avaient qu'une compagnie ; Beuvrigny fournissait 51 hommes, Domjean 168 ; Fourneaux 53 ; Gouvets 184 ; Saint-Louet 76 et Saint-Vigor-des-Monts 180 ; soit en totalité 887 hommes, plus les officiers et sous-officiers choisis par les hornmes. À Tessy, les capitaines respectifs étaient pour chaque compagnie : Le Corps du Mont et Jourdan ; les lieutenants : Godard du Parc et Regnault.

L'intronisation des officiers se faisait dans les termes suivants : - " Gardes-Nationaux, en exécution de la loi, vous reconnaîtrez pour votre (capitaine ou lieutenant) Monsieur X et vous lui obéirez en tout ce qu'il commandera pour défendre la Royauté constitutionnelle, la Charte et les droits qu'elle a consacrés pour maintenir l'obéissance aux lois, conserver ou établir l'ordre et la paix publiques " - après quoi, l'officier public prêtait serment entre les mains du maire de sa commune de " Fidélité au roy des français, d'obéissance à la Charte Constitutionnelle et aux lois du royaume. "

Un compte de fabrique

Par simple curiosité, mais aussi pour apporter quelque variante dans le menu qui vous est présenté, voici relevés en mairie de Fourneaux, les comptes de la Fabrique de cette commune, en 1844, comptes semblables à beaucoup d'autres probablement et qu'il est tant soit peu curieux de découvrir :

Recettes : Rente Le Marchand (contrat sous seing privé du 24 juin 1764) 29 fr 90 rente Le Marchand (contrat notariat de Tessy du 28 décembre 1820) 77 fr 40 Location chaises,de l'église : 63 fr 00 ; Oblations : 12 fr 30 ; Cire 9 fr 00 inhumations : 16 fr 50 ; soit un total en recettes de.208 fr 10.

Dépenses : Paint d'autel : 2 fr 00 ; Vin . 14 fr 00 ; Cire : 38 fr 00 Encens 3 fr 00 Blanchissage : 20 fr 00 ; Réparations (à quoi ?) 7 fr 50 Custos 40 fr 00 Papier, plume, encre : 2 fr 00 ; Confessionnal 30 fr 00 Réparation du Calice : 23 fr 00 ; Armoire pour la bannière (achat sans doute) 24 fr 00 ; formules-comptes : 1 fr 20, soit un total, en dépenses, de 204 fr 70.

Cet état de recettes et de dépenses est signé du Curé de la paroisse, l'abbé Simon et des marguilliers, Messieurs Duval et Godard.

Les écrits de Monsieur l'Abbé Voisin

Monsieur l'Abbé Pierre Voisin, né au village de ~ " la Poëmellière " , en Tessy, le 2 avril 1815, a rédigé - le plus souvent très sommairement et c'est fort regrettable - quelques écrits qui paraissent, les uns des résumés ou copies plus ou moins partiels de documents intéressants le canton tessyais et, les autres, simplement un aide-mémoire de renseignements recueillis au cours de promenades lorsqu'il était en vacances à Tessy, chez ses parents, de 1833 à 1844.

Ce chapitre dont il faut conserver la particularité, présente un intérêt certain puisqu'il relate, sous forme de copie in extenso, ce que M. l'abbé Voisin consignait, sans doute au fur et à mesure de " ses " découvertes. Il n'existe plus que 4 petits registres, qui ont beaucoup de pages en blanc, des textes en latin, d'autres en anglais ; l'ensemble devait être de 7 ou 8 registres, d'après la table des matières contenue dans l'un de ceux qui m'ont été remis.

Monsieur l'abbé Voisin s'exprime ainsi :

" Beaucoudray : L'Église de Beaucoudray est moderne et jolie, mais sans ornements ; la chasse est la plus belle que j'ai rencontrée ; l'épine du vieux jardin de Beaucoudray jouit d'une grande réputation " comme étant de l'espèce de celle qui servit au couronnement de notre Seigneur ; aussi, bien des promeneurs en emportent comme une relique précieuse ; serait-ce un souvenir des Croisades ou d'un pèlerinage en Terre Sainte, puisque la chapelle était dédiée à la Sainte Trinité, nom sous lequel est connue la foire qui se tient dans un vaste cirque et tout après, comme saint Laurent est le patron de la paroisse. J'ai vu dans le " thrésor " des Chartes de l'ancienne maison de la Haye Hue, un acte par lequel Guillaume de la Haye escuver rendit adveu le 22 novembre 1354 à Ollivier Paisnel seigneur de Hambye de certains fiefs ès paroisses de Beaucoudray, Moyon, Tessy et Villebaudon ; M. Ganne de Beaucoudray était un des Conservateurs des monuments historiques ; il est mort dans son avenue et ses restes sont à Granville. "

" Chevry : Il a été découvert une espèce de marbre, entre Chevry et Montabot, mais j'ignore le nom de l'endroit. "

" Domjean : Château de Bouttemont ; Mme de Bouttemont élève un château magnifique en granit, pierre de Caen et pierre de Domjean ; c'est le facteur qui m'apprend cette nouvelle ; les murs sont au deuxième étage et l'architecte est M. Vérolles de Caen ; il paraît que c'est magnifique et sur un nouveau plan ; on se repend de ne l'avoir point fait 3 ou 4 mètres plus long ; ses deux fils n'auraient jamais entrepris cette construction " .

" Fervaches : Geoffroy Annoix, sieur de Giéville, époux en deuxièmes noces d'Esther Mauger (de la Maugerie en Moyon) habitait à Fervaches, en 1685 " ; il n'y a pas d'autres précisions.

" Gouvets : À la Barlière, en Gouvets, il y avait une grange décimale profitant au Chapitre de Coutances ; le fief de la Buglière, en Gouvets, fournissait à l'abbaye de Hambye " .

" Le Mesnil-Opac : Le procès-verbal de l'inhumation de M. de Billy se trouve sur un carteled collé sur la couverture du manuscrit de M. de derville et avait été délivré à sa demande. Le dix huitième jour du mois d'avril mil sept cent neuf, le corps de noble est discrette personne Maitre René Toustain prestrecuré de cette paroisse, décédé du jour précédent, âgé de 66 ans, a été inhumé dans le choeur de la dite église par Maître Jacques Lemière curé de Troisgots, en présence de noble homme Maistre André Pinel prestre, Maistre Léonord Havin prestre et plussieurs autres. Le présent délivré et certifié conforme par nous soussigné, maire le 25 juin 1826. (Signé) Gervaise, maire " .

Movon : La mare Saint Germain, en Moyon, est fameuse par ses traditions militaires et religieuses ; à ce sujet, mon compagnon de voyage m'a dit que Saint Germain avait apporté la vraie Croix, à Moyon, dans le mollet de sa jambe, pour la soustraire aux profanations des infidèles. Il y a dix ans que j'ai commencé à recueillir des traditions populaires sur Moyon et Saint Germain ; ces traditions attestent que Saint Germain vint dans cette paroisse, mais, jamais je n'aurais espéré les voir confirmées par des auteurs si estimables, tels Toustain de Billy, Le Chartier, Mauviel, Beausire, Barbe, Fauvel, Briquet et Le Cornu. Les murailles de l'église de Moyon ont été restaurées et la maçonnerie oblique est attribuée aux Anglais lorsqu'ils occupèrent la Normandie ; à Fincel, en Tessy, il en était de même. Les seigneurs de la Maugerie et de la Luzerne, en désaccord, tiraient l'épée quand ils se rencontraient dans les rues de Saint-Lô ; Regnault du Désert est bailli de haute justice de Moyon, séant à Tessy, de 1774 à 1781 ; Jean-Baptiste Regnault est conseiller du Rov et lieutenant au bailliage de Moyon en 1702 et Jacques Regnault, même bailliage de 1773, Moyon est vraiment une paroisse antique, féodale, historique et pacifique ; la commune de Béhie, naguère inculte, est maintenant fertile depuis que la commune de Moyon l'a vendue à des particuliers. Sur notre droite, à peu de distance vers Est, nous n'avons pas tardé à découvrir le château de la Porte, autrefois habité par les Le Valloys, dont 2 frères figurent parmi les victimes de Quiberon ; il n'y a guère que quelques jours, c'était une résidence du noble et savant vicomte de Bérenger ; le village de l'Isle, en Moyon, figurait au chartier de 1314. L'abbé Voisin relate longuement une affaire à empoissement, jugée en Cour d'Assises le 12 décembre 1817 ; la coupable qu'il nomme s'appelait Elisabeth C. épouse Philippe M. elle fut condamnée à la peine de mort à subir sur la place publique à Saint-Lô ; une complainte fut écrite et en voici les quatre derniers vers : " Ah ! Priez pour moi l'Éternel. Que sa bonté me soit propice. Il pardonne au plus criminel. Quand son coeur sent l'horreur du vice " . On trouva, près d'un château de Moyon, des médailles en or et on en vendait dix à la fois, au plus ; c'est je crois le filleul de M. de Beaucoudray qui les trouva. En 1231, la terre de Moyon est donnée à l'abbaye de Saint Etienne de Fontenay ; en 1290, Jehanne de Moïon veuve Gislain de la Pommeraye donne la dime de son domaine à l'abbaye d'Ardennes pour le repos de l'âme de son mari, de ses père et mère, de Henri de Moïon son frère et de Guillaume de Courcy son oncle ; en 1261, le doyen de Saint-Lô autorise l'abbaye de Troarn à jouir de la dime de Moïon conformément à l'échange que cette abbaye a fait avec le prieuré de Brewethon, en Angleterre. En 1750, André et Antoine Pouchin frères prennent " à ferme " le notariat de Tessy et Saint-Romphaire avec aussi le tabeEionage de Moïon et le greffe de la juridiction de Tessy. "

" Saint-Louet-sur-Vire : Monsieur l'abbé Beaussire, curé de " la Gloriette " ou des jésuites et de Notre-Dame de Caen où il est mort est originaire de Saint-Louet-sur-Vire. "

" Tessy-sur-Vire : On a découvert à Tessy, plusieurs sarcophages et M. Louis Estienne de Saint-Lô en a dressé un rapport qui est dans les manuscrits de Vire. M. Lambert, Bibliothécaire à Bayeux que j'ai vu pendant mes vacances m'a fait voir, dans son musée, un échantillon du calcaire de Caen détaché d'un tombeau, tel que j'en ai vu à Tessy lorsqu'on ouvrit la rue neuve, descendante de la butte (c'est-à-dire en face de la pharmacie actuelle de M. Hacquin) ; on y trouva, à 7 ou 8 pieds de profondeur, dans la terre, des jardins traversés par la rue, trois tombeaux ou sarcophages contenant encore quelques ossements ; chacun se composait d'une auge sépulchrale recouverte par une pierre tubulaire ; les cercueils pierreux restèrent quelques jours exposés sur les terrassements et disparurent, je ne sais comment ; nos plus savants curieux disaient qu'ils avaient servi à des huguenots, explication ordinaire ici des antiquités religieuses, comme on attribue aux Anglais les antiquités féodales ; d'après M. Lambert, ces tombeaux remontent au Ve siècle et l'usage s'en est conservé jusqu'au quinzième siècle. Soixante treize chouans arrivèrent à Tessy, un jour de marché, ayant des rubans blancs aux épaules, à leurs vestes et à leurs chapeaux ; ils étaient saouls et tout le monde essaimait ; il y avait devant l'audience un arbre de la liberté ; c'était un grand morceau de bois dolé peint en tricolore en haut duquel était un bonnet rouge. La municipalité était dans la maison de M. Dumont ; devant, sur la butte, était planté l'arbre de vie, un chêne parfaitement repris qui eut le sort de son confrère ; les papiers furent d'abord portés au haut des halles où les chouans voulaient les brûler ; M. Godard, père du percepteur obtint qu'ils fussent brûlés au " Chapitre " avec le drapeau qu'il conservait dans sa maison du " Malabri " .

Desloriers serrurier qui avait mis des étoiles et des coeurs au calvaire de 1784, planta un poteau devant la maison de Ory, autre démocrate enragé qui menaçait les aristocrates de la lanterne, et de citer parmi ceux-ci, le docteur Duteil, Lecauchois corroyeur, Tricard de la Minoterie adjoint et bien d'autres. Les prédicateurs n'abordent la chaire de Tessy qu'avec timidité ; M. Quédeville curé de Giéville, le curé de Fervaches et l'abbé Mourocq de Troisgots refusent de venir. Le veau de Tessy a conservé sa qualité et sa réputation.

Quand M. le Curé va dans la ville épiscopale ce qu'il peut présenter de plus précieux est une longe de veau. La chapelle de l'hôpital, dite de la Charité, est proche du pont de Tessy et dédiée à Saint Michel Archange (c'était en fait un hospice géré par des soeurs ; dans la partie sans étage se trouvait -la chapelle garnie de nombreuses statues en pierre de Caen qui furent dispersées dans les églises environnantes vers 1886, époque à laquelle M. Armand Asselot marchand de bestiaux à Pontfarcy s'en était rendu propriétaire). Quoique le bourg de Tessy ne soit point pavé, il est moins crotté que les autres voisins, car il est situé sur carrière. Louis Lequesne-Blot chanoine honoraire, curé-doyen de Tessy est directeur et échevin de la Confrèrie de la Charité fondée en l'église paroissiale de Tessy et érigée en 1555 en remplacement et comme réunion des confréries : 10 de Notre Dame ; 20 de St Pierre et de St Mathurin ; 30 de St Sébastien et de St Roch ; 40 et des trépassés. La maison du Rosaire était au Nord-Ouest de la tour de Tessy, devant l'école actuelle des filles, sur un terrain isolé du cimetière, appartenant à M. de Fincel, vendu à M. de Chantepie et rétrocédé à la commune qui en a fait une adjonction au cimetière ; j'ai encore vu ce terrain (dit l'abbé Voisin) inculte, recouvert de vieilles pierres et vu refaire le nouveau mur d'enceinte. Il y avait douze frères de la Charité, plus un échevin ou supérieur et le curé ; ils portaient un chaperon sur l'épaule ; le jour de l'échevin, on allait le chercher en procession ; quatre frères se trouvaient aux entrées du bourg pour prendre les morts et on sonnait neuf coups d'avertissement. Le curé (de Tessy) possède 3 ou 4 vergées de terre en aumône et dit avoir avec l'emplacement de son presbytère, une vergée de terre estimée dix francs. Le fief de Fincel donné à Chesnel fut restitué à Robin de Fontenay. Le calvaire de 1784 avait été donné aux Missionnaires capucins par M. Ourry, le premier établi, car il n'y en avait pas auparavant. La Croix Nicolle est placée sur un tertre à l'angle du chemin de Saint-Lô et de celui de la grange Blantière. François Bécherel, arrivé à Coutances, le 3 avril 1791 ne tarda pas à parcourir son évêché ; plus de cent mille personnes reçurent la confirmation ; il vint à Tessy, pour la confirmation, où M. l'abbé Bradin était prêtre réfractaire. Bécherel fut reçu par des bourdonnements, on le traita d'intrus ; cela arriva comme une ventée, on y courait comme au feu. A peine un an s'était-il écoulé que Bécherel se réfugia dans sa famille pour se soustraire à la persécution. Et pourtant, le 13 mai 1792, à Valognes, la présence de cet Evêque constitutionnel est ainsi relatée dans un livre rappelant l'historique de cette ville (cela ajouté à titre documentaire) : " Mais quel objet attire à la fois tous les regards. La religion elle-même, sous les traits d'un patriarche des premiers siècles s'avance majestueusement. Quelle leçon va-t-elle donner aux hommes. O citoyens, la plus belle de toutes les leçons. Elle va bénir les signes civiques et militaires du ralliement des peuples qui peuvent être admis sans professer les mêmes dogmes. Les étendards de la France, de l'Angleterre, de l'Amérique et de la Pologne, quatre nations qui ont entrevu chacune à sa manière la perspective de la liberté sont religieusement consacrés, philosophiquement déployés. " .L'abbé Voisin écrit encore : " On dit Tessy et avant on disait Tessevum ; la dime est pour 2/3 au Chapitre de Coutances et 1/3 à l'abbé de la Lucerne. Bord fils aîné, à la date du 12 Floréal de l'An VI (31 mai 1798) a commandé le détachement de la 2e compagnie du 3e bataillon de la 17e demi-brigade d'Infanterie de Ligne, en garnison à Tessy. 1734, 3 mai, le bourg de Tessy est incendié ; toutes les maisons entièrement consumées par le feu en moins de deux heures ; une grande place, dans le milieu du bourg, sur laquelle sont dix-neuf piliers en " maçonnage " sur laquelle les balles, appartenant au Duc de Valentinois seigneur du lieu, étaient construites, entièrement consumées jusqu'au bout. Il est possible de préciser que le feu prit chez Thomas Duval près le pont et que le roi Louis XV, eu égard à la destruction totale de la bourgade fit remise des droits alors dûs à l'Etat ; l'incendie de 1634 eut lieu à " la fontaine St Pierre " . Olivier de Chantepie, sieur de Fincel est mort le 20 février 1595 et son tombeau est devant l'autel du Rosaire ; Jean-Jacques Auvray, seigneur de Fincel a épousé Catherine de Chantepie qui possédait en 1715, la terre du Hamel ès Montais, louée alors à Olivier Rogerie. Françoise de Chantepie de Fincel avait épousé Gabriel de Bonnefond. Regnouf et Lemazurier étaient avocats au bailliage de Tessy, en 1733, Pézeril de 1778 à 1784, puis Havin en 1790. Lair-Deslonchamps était avocat au Parlement et procureur fiscal au même bailliage de 1774 à 1781. Je-an Costils était notaire royal à Tessy, en 1768. "

" Armoiries : M. l'abbé Voisin a décrit (et dessiné) les armoiries des nobles d'après les écrits de Charnillard ; en voici quelques-unes : de Béton, sieur de Bricville, au Mesnil-Opac, d'argent semé d'hermines, accompagnée de 6 roses de gueules " . de Frestel, Henry, de la Fresnaie en Tessy, d'azur bordé d'argent et de gueules à 3 écussons, frêtés d'or. de Garaby Nicolas, sieur de l'Isle, en Moyon, de Gueule, au lion d'argent rampant. de Geffroy Michel, sieur de la Mare en St-Vigor-des-Monts, d'argent à 3 mains de gueule ; de Mathan jean, sieur de Beaucoudré, de gueules à 2 jumelles d'or surmontées d'un lion d'or. Le Sueur François, sieur de la Ferrière, en Fervaches, d'or semé d'hermines, un chevron de gueule chargé de 3 trèfles d'argent de Gouvets, sieur de Loiselière et de Clinchamps, d'un quart supérieur blanc avec chat au coeur sur lignes. Auvray de Fincel en Tessy, de 3 coquilles sur champ d'azur. Le Moussu, écuier, sieur de la Millerie, en Tessy, de triangle avec 3 étoiles à 6 pointes engrêlées de sable " . Charles Mauger, sieur du Boscq, en Moyon, d'argent à la Croix de gueule cantonnée au premier et dernier quart de 4 chevrons de sable et aux 2e et 3' de 2 lions de même " . Les prêtres aussi avaient leurs armoiries plus ou moins modestes ou orgueilleuses, de même que les notaires, les maires " perpétuels " , les corporations, les prieuré, les avocats, les colonels des bourgeois ! les villes, On avait souvent la " maladie " d'allonger son nom en y ajoutant celui de son village ou de sa ferme. Mais revenons à nos armoiries : Ainsi René Toustain de Billy curé du Mesnil-Opac avait pour armoirie d'argent à 2 faces d'azur accompagnées de 3 merlettes de sable, 2 en chef et l'autre entre les 2 faces ; les de la Gonnivière, d'argent à 2 pals d'azur et 1 chef d'or. Charles de Laubrye, prêtre du Mesnil-Raoult, de gueules à 3 moutons, passans d'argent. Sébastien Bardoul prêtre à Chevry, de gueules à 1 léopard d'or. Guillaume Cahours curé de Gouvets, de gueule à une main dextre d'argent tenant une rose d'or tigée, feuillée et pointée de sinople. Charles Bonnet curé de Ste-Marie-des-Monts, d'or à un bonnet " quarré " de sable " , Et l'on pourrait en citer bien d'autres...

" Table des matières : Le contenu de cette table des matières nous apprend encore quelque chose, en deux mots évidemment : Campagne de Montrocq, en Tessy ? destruction des fleurs de lys, où ? incendies du village Lucas (en Chevry) et de Domjean, en 1752 ; droit de jambage du baron de Gouvets ; abbaye et prieuré de Domjean ; forteresse de Domjean (qui devait se trouver à Lignerolles, où un herbage bordant la route de Beuvrigny, à l'entrée de l'avenue de la ferme s'appelle " la Touraille " ) la chapelle St Michel ; les courts (avec un t) de Beaucoudray, Fourneaux, Domjean et Moyon ; (une court était une bourgade " vivant " à l'ombre d'un manoir seigneurial) ; la tour de Dupray de Pierreville, en Fourneaux ; Chaussée et moulin de Bouttemont ; moulin à tan de la Crocardière ; la prison de Tessy ; la haute justice à St Vigor-des-Monts ; les capucins, trapistes ; pénitents, moines blancs ; les soirières et dentellières de Tessy ; les fiefs de la Poêmellière (en Tessy), de la Provosterie et de la Sabinière (en Moyon) le supplice du " Gibet " ; enquête du poids royal (en Tessy) ; histoire des ponts de Bioville et de la Roque. "

La canalisation de la Vire

Avant de décider la canalisation de la Vire, tout au moins sur le parcours réalisé, des calculs avaient permis de faire ressortir les chiffres suivants : le transport d'un tonneau de chaux, par terre, revenait à 6 francs et par eau, à 2 fr 65 ; d'un tonneau de tangue, par terre, à 3 fr et par eau à 1 fr 73 ; d'un tonneau de granit, par terre, 11 f r 25 et par eau à 5 f r 00. Il passait, annuellement, à Vire environ cinquante mille tonneaux de chaux pour l'agriculture, venant d'une distance moyenne de 36 kilomètres, autant de tangue et 36.000 tonneaux de granit portés à une distance moyenne de 48 Km.

La longueur du canal alors envisagé de Vire à Saint-Lô était de 69 km 600, dont 6 km 880 de Pontfarcy à Tessy et 29 km 810, de Tessy au pont de SaintLô.

Vous savez qu'en définitive, sans doute en raison des frais de construction d'ouvrages et d'achats préalables des terrains, ce canal ne fut décidé que de Pontfarcy à Saint-Lô ; (celui en aval de Saint-Lô existant déjà). Les frais se seraient élevés à deux millions et demi de francs de l'époque ; la distance, par les routes royales d'alors Nos 174 et 177, était d'environ 38 Km.

La rivière présente une pente totale de 91 mètres 30 entre Vire et Saint-Lô et seulement 12 mètres 30 entre Saint-Lô et le pont du Vey. De Vire à Saint-Lô, il existait alors 33 moulins et la pente rachetée par 38 écluses prévues ; les bâtiments des moulins de Fourneaux et de la Mancellière-sur-Vire furent, à la suite des ouvrages effectués, endommagés par les eaux des canaux de dérivation des écluses.

Il existait 7 ponts, de Vire à Saint-Lô, notamment à Pontfarcy, Tessy, Gourfaleur et Candol et 7 passerelles, entr'autres aux Planches d'Avenel, Troisgots et la Roque de Ham.

Les travaux furent entrepris, en vertu de la loi du 31 mai 1845, pour la partie définitivement retenue de Pontfarcy à Saint-Lô, et le canal ouvert aux usagers en 1852 ; le canal en aval de Saint-Lô était en service depuis le 15 septembre 1839. Les écluses, maintenant désaffectées, subsistent encore, ont 4 mètres 20 de largeur, 20 mètres 50 de longueur de sâs, 29 mètres 50 entre les têtes et permettaient alors le passage de bateaux de 50 et même 55 tonneaux.

Pour la retenue des eaux, des barrages s'imposaient, à plan incliné, accompagnés de pertuis de 3 mètres ou 5 mètres de largeur. Douze ports devaient être aménagés de cent mètres de longueur sur vingt de large, dont un à Tessy qui fut, en fait, établi sur Domjean, rive droite de la rivière on l'appelait " le  quai " . Trente neuf biefs devaient être créés, de Vire à Saint-Lô et il en fut ainsi à Fourneaux, lieu dit : le Val " ; à Tessy, lieu dit : " le champ Bottin ; à Domjean, lieu dit " les landes de Vire " et l'on dit couramment et à tort l'écluse de Fervaches ; en la commune de Troisgots, lieux dits : " la Chapelle-sur-Vire " et " le Moulin Hébert " , tout cela sur le parcours du canton tessyais. Outre, les prix des terrains alors évalués in globo à 600.000 francs, les devis des travaux étaient arrêtés, pour le bief de Fourneaux à 56.781 fr 72, celui de Tessy à45.088 fr 25 ; Domiean à 66.807 fr 99 ; la Chapelle-sur-Vire à 39.727 fr 40 ; le moulin Hébert à 41,754 fr 20 ; la Roque de Ham à 40.986 fr 97, etc... Le chemin de halage devait avoir une largeur de trois mètres, compte-tenu des " courbures " de la rivière - une servitude légale de passage était ainsi créée que supporterait chaque propriétaire ayant des prés en bordure de la Vire, et cela pour le halage des bateaux ou gabarres.

Celles-ci qu'on qualifiait parfois de " guibarres " étaient tirées ou halées par des chevaux occasionnellement aussi par des hommes attelés à un grelin ; celles transportant uniquement de la chaux s'appelaient des tôlières ; leur chargement comportait quelquefois aussi de 18 à 20 tonnes de tangue chacune, soit environ 14 mètres cubes, valant à peu près 18 francs ; la " vitesse " moyenne horaire variait de 6 à 7 kilomètres.

Avant 1914, date limite pratique du trafic organisé, les éclusiers (Messieurs Pacary à Tessy et Mariette à Fourneaux, notamment) touchaient de l'État, 40 centimes par gabarre éclusée de jour et... 50 centimes la nuit ; (vous devinez le reste). Les passages de nuit s'avéraient plus fréquents... (Il y eut à Tessy, 632 passages en 1900, 302 en 1910, 288 en 1912, M. Jean, habitant à la Meauffe semble avoir été le dernier " navigateur " ; les gabarriers étaient inscrits maritimes et, comme tels, pavaient un rôle de navigation ; citons aussi les dragueurs de sable et parmi eux, M. le Maître, du Mesnil-Raoult, M. Sauvage, de Pontfarcy et Messieurs Voisin père et fils, de Saint-Lô. Lors de l'établissement du projet de canalisation, il avait été prévu que, moyennant un salaire convenable, les meuniers pourraient écluser, d'autant plus, précisait-on, que les moulins n'avaient plus une grande activité, mais il n'en fut pas ainsi. Aux jours des grands pèlerinages, à la Chapelle-sur-Vire, 50 à 60 passagers pouvaient prendre place dans une gabarre qu'ils ornaient de drapeaux et de fleurs.

Les écluses sont maintenant inutilisables comme telles et l'on a aménagé des usines hydro-électriques, tout au moins dans celles présentant une chute d'eau suffisante,

Le chemin de halage et l'on dit couramment le halage était fréquenté des pêcheurs calmes et tranquilles, opérant sans bruit et aussi par des promeneurs aimant la marche, tout en admirant les,beautés du paysage ; le dimanche, ils allaient de Tessy à la Chapelle-sur-Vire, en empruntant ce même " halage " pour le retour accomplissant ainsi de 11 à 12 kilomètres. De leur côté, les pèlerins tessyais, le lundi des Rogations, partaient de bon matin (dès 5 heures ou 5 heures trente) pour aller " faire " leurs dévotions à la Chapelle ; les premiers " rabattant " la rosée ; chemin faisant, ils chantaient des cantiques en l'honneur de la Vierge " à la figue " , accompagnés par deux ou trois musiciens tessyais soufflant dans des instruments dits " instruments à vent " ! On prenait soin de se " restaurer " à l'Hostellerie Notre Dame ou au " restaurant de la gare " , devenu le " restaurant des pêcheurs " , puis l'auberge " Fouchard " .

Contemplatif, le poète Louis Beuve, a glorifié " nos " gabarres, en ces termes :

Sous les pommiers des hautes sentes

Dans un dernier rayon qui fuit

Vous passez mes gabarres lentes

Comme un beau songe dans la nuit ! ...

Recommandations spéciales...

Le 26 octobre 1870, par une circulaire judiciaire, les juges de paix de chaque canton de l'arrondissement de Saint-Lô étaient invités d'une manière toute spéciale à surveiller les individus qui feraient des achats destinés au ravitaillement des... étrangers. A Tessy-sur-Vire, le juge de paix était Monsieur Payen de la Garanderie.

Cette circulaire précisait ceci : " Vous savez quels sont à cet égard, les préoccupations de l'opinion publique. Je n'ai besoin d'insister, ni sur la légitimité de ces préoccupations, ni sur la nécessité d'une répression énergique. La défense du pays, l'intérêt social s'y trouvent engagés. Aussi, lorsque vous vous trouverez en présence de faits de cette nature, vous n'hésiterez pas à les poursuivre. Mais, ces faits que caractérise seulement le dernier acte d'une série d'opérations " la livraison à l'ennemi " pourraient échapper à votre action, si vous n'aviez recours à certaines mesures de précaution, que les circonstances où se trouve le pays légitime. Vous ferez donc exercer une surveillance attentive sur les foires et marchés et vous vous ferez renseigner sur les achats faits à domicile par les personnes étrangères au pays et qui prendraient des proportions anormales.

Il faut obtenir des acheteurs ou convoyeurs qu'ils indiquent la destination de leurs achats, notamment pour les boeufs et les grains et quand ces achats devront être dirigés hors de votre canton, vous vous ferez indiquer les cantons et arrondissements par lesquels les transports devront s'effectuer. De cette façon, il sera toujours facile de vérifier la vraie destination des convois et les spéculateurs qui nourrissaient une pensée coupable pourront être arrêtés par la crainte d'être certainement découverts.

Je n'ai pas besoin de vous dire que des mesures de cette nature doivent être appliquées avec beaucoup de tact et de mesure et éviter ce qui pourrait paraître une vexation inutile ; il faut que les acheteurs honnêtes comprennent que ces mesures sont prises dans leur intérêt même. Vous veillerez donc avec soin, etc... Et soixante dix ans plus tard ?...

L'incendie du 1er Juillet 1880 et ses conséquences... indirectes

Onze jours plus tard, le Conseil Municipal de Tessy, au cours d'une discussion passionnée... conclut, en sa délibération relative à cet incendie, dans les termes suivants :

" Le Conseil prend lecture de la circulaire de Monsieur le Préfet relative à la fête nationale du 14 juillet et, après en avoir délibéré, il est d'avis unanime, tous les habitants étant dans le deuil, par suite du sinistre qui a eu lieu dans la nuit du 30 juin au 1er juillet, de ne pas organiser de réjouissances publiques, pour mercredi prochain. Ces jours-ci, il sera quêté en faveur des " incendiés ", non assurés qui sont dans le besoin. Le Conseil vote, à l'unanimité, une somme de cent cinquante francs pour une distribution extraordinaire de pain et de graisse aux pauvres, le mercredi 14 juillet. Le jeudi matin du 1er juillet, Monsieur le maire crut devoir faire servir un repas chez Motel aubergiste, aux pompiers de Moyon qui accoururent avec tant d'empressement pour aider à arrêter l'incendie et approuve la dépense de vingt cinq francs " . Le Conseil, après s'être longuement entretenu du sinistre qui vient d'avoir lieu et qui aurait pu devenir un désastre, car tout le bourg de Tessy pouvait être incendié, est d'avis unanime que M. le Maire prenne immédiatement un arrêté à l'effet de défendre d'employer à l'avenir le chaume ou toute autre matière inflammable pour couvrir les bâtiments et les maisons ; cette mesure sera applicable dans le bourg et dans les villages de : " la Minoterie " , du quai de ville et de la Croix Nicolle " qui en font partie. Une quête sera faite pour secourir les sinistrés " .

Quelques mois plus tard !...

" Le Conseil, après avoir pris communication de la démission de M. JeanFrançois Morel, sous-lieutenant de la Compagnie des sapeurs-pompiers et après s'être entretenu de l'extrême négligence avec laquelle les pompiers se rendent aux convocations qui leur sont adressées, soit pour exercices des pompes, soit pour fêtes publiques ou autres réunions quoi qu'ils reçoivent chaque fois une indemnité de cinquante centimes et qu'il leur soit fait remise de leurs prestations. "

" Considérant que la Compagnie fait preuve d'une indiscipline des plus regrettables à tous les points de vue et qu'il importe de faire un règlement sévère qui devra être signé par tous les pompiers " .

" Est d'avis unanime de demander à Monsieur le Préfet de vouloir bien dissoudre la présente Compagnie et d'autoriser l'organisation d'une nouvelle Compagnie pour la formation de laquelle on devra choisit, surtout parmi les anciens militaires et parmi les ouvriers, les hommes les plus zélés et (lisez bien !) les plus intelligents... " .

Voilà qui est net et sans appel de la part de " ceux " qui jugeaient les autres ; mais là, n'est pas la question. Ces hommes du " feu " , étaient-ils si pleutres que ça ? car il faut bien admettre qu'ils sont " fortement " abîmés...

Et vous apprendrez que précédemment, le Conseil avait accordé trente francs à la Compagnie de pompiers, le 5 août 1866, pour fêter le 15 août en l'honneur de sa Majesté l'Empereur et que le 9 août 1874, il avait alloué 25 francs au " sieur " Rodez plafonneur à Tessy, pour le récompenser de sa bonne conduite et de son dévouement, dans plusieurs incendies et notamment celui du village de la Fontaine Saint Pierre.

Les budgets communaux en... 1906

Ils sont maintenant plus que sexagénaires et c'est peut-être une raison pour les respecter ! Il est tout de même curieux de les connaître, ne serait-ce que pour les comparaître à ceux d'aujourd'hui. Bien entendu, il faut tenir compte de la dépréciation de la monnaie et des travaux entrepris depuis une vingtaine d'années dans l'intérêt collectif et dont nous profitons tous. Les Conseils municipaux voient grand, ne travaillent plus à la petite semaine et c'est mieux ainsi. Puisque nous parlons de temps à autre de francs - Or, voyons ensemble ce qu'ils étaient.


Tessy sur Vire

Recettes ordinaires : 15.541 F

Dépenses ordinaires : 11.574 F

Produit des centimes : 3.664 F

Valeur du centime : 134 F 59

Dettes au 31-12-1906 : 30.635 F

Beaucoudray

Recettes ordinaires : 974

Dépenses ordinaires : 966

Produit des centimes : 576

Valeur du centime : 19 F 12

Dettes au 31-12-1906 : 3.053

Beuvrigny

Recettes ordinaires : 1.708

Dépenses ordinaires : 1.708

Produit des centimes : 772

Valeur du centime : 26 F 91

Dettes au 31-12-1906 : 698

Chevry

Recettes ordinaires : 1.114

Dépenses ordinaires : 1.114

Produit des centimes : 608

Valeur du centime : 18 F 46

Dettes au 31-12-1906 : 400

Domjean

Recettes ordinaires : 4.336

Dépenses ordinaires : 4.345

Produit des centimes : 2.512

Valeur du centime : 76 F 96

Dettes au 31-12-1906 : 16.642

Fervaches

Recettes ordinaires : 1.928

Dépenses ordinaires : 1.897

Produit des centimes : 1.315

Valeur du centime : 31 F 62

Dettes au 31-12-1906 : 8.082

Fourneaux

Recettes ordinaires : 717

Dépenses ordinaires : 717

Produit des centimes : 276

Valeur du centime : 13 F 96

Dettes au 31-12-1906 : -----

Gouvets

Recettes ordinaires : 2.521

Dépenses ordinaires : 2.520

Produit des centimes : 1.020

Valeur du centime : 42 F 70

Dettes au 31-12-1906 : 2.223

Le Mesnil-Opac

Recettes ordinaires : 1.797

Dépenses ordinaires : 1.797

Produit des centimes : 1.133

Valeur du centime : 31 F 14

Dettes au 31-12-1906 : 4.318

Le Mesnil-Raoult

Recettes ordinaires : 1.500

Dépenses ordinaires : 1.510

Produit des centimes : 564

Valeur du centime : 28 F 97

Dettes au 31-12-1906 : 529

Moyon

Recettes ordinaires : 6.362

Dépenses ordinaires : 6.527

Produit des centimes : 2.756

Valeur du centime : 100 F 42

Dettes au 31-12-1906 : 14.465

Saint Louet

Recettes ordinaires : 1.623

Dépenses ordinaires : 1.611

Produit des centimes : 1.280

Valeur du centime : 34 F 20

Dettes au 31-12-1906 : 3.883

Saint Vigor des Monts

Recettes ordinaires : 4.610

Dépenses ordinaires : 4.610

Produit des centimes : 1.925

Valeur du centime : 84 F 21

Dettes au 31-12-1906 : -----

Troisgots

Recettes ordinaires : 2.260

Dépenses ordinaires : 2.348

Produit des centimes : 1.703

Valeur du centime : 44 F 37

Dettes au 31-12-1906 : 15.172

Totaux

Recettes ordinaires : 46.991

Dépenses ordinaires : 43.244

Produit des centimes : 20.104

Valeur du centime : 687 F 63

Dettes au 31-12-1906 : 98.100


Le 136... ! " C'était le régiment de par chez nous... ! "

" Les cheveux blancs " du canton de Tessy ont souvent entendu cette expression ; ils l'ont souvent prononcée, au cours de leur jeunesse, en disant plus exactement : " le 136 ", c'est le régiment de par chez nous... " . C'est le régiment qui partit de Saint-Lô, en août 1914, musique en tête, fleur au fusil, accrochant aux wagons des pancartes portant cette inscription : " À Berlin dans 15 jours " et le reste à l'avenant qu'il vaut mieux ne pas écrire, ne pas préciser.

Eh oui... le 136e régiment d'Infanterie de ligne était de chez nous ; c'était le régiment de bon nombre de tessyais, de jeunes d'alors du canton de Tessy que nous pouvons nommer, en leur rendant l'hommage qui leur est dû. Qui ne connaît Monsieur Charles Le Bourgeois et Monsieur Martial Murie, l'un et l'autre tessyais ; qui ne connaît un tessyais d'adoption Monsieur jean Louail qui vient souvent nous voir. D'autres noms devraient certainement être cités,

En parlant de ce régiment, il faut entendre les morts et les vivants, sans oublier tous les hommes du canton tessyais qui furent incorporés dans d'autres formations. Il partit le 7 août 1914, commandé par le Colonel de Cadoudal, avant sous ses ordres, les chefs de bataillon Humbert, Cruèche et Géant, 57 officiers subalternes, 227 sous-officiers et 3.105 caporaux et soldats. Le 21 août, il prit contact avec l'ennemi et le 22 au matin, à Aiseaux-Falisolles ; écrasés sur place par le nombre des adversaires, les 3 bataillons résistent jusqu'à onze heures, mais sont obligés de se retirer sur Biesmes ; ce combat leur a coûté 14 officiers et 768 hommes, soit une perte de 23 de l'effectif ; au cours des jours suivants, ils se battent encore farouchement et le nombre des morts s'élèvera alors à 1.050 soit 33 % ; un homme sur trois était mort...

Le 136 connaît Charleroi, Guise, Richaumont, puis l'Artois, l'Argonne, la Somme, Saint-Quentin, le chemin des Dames et la seconde bataille de la Marne. Entre temps, le 4 septembre 1916, il se bat héroïquement à Chilly ; il est cité à l'ordre du Corps d'Armée, puis de l'Armée... pour avoir atteint en 22 minutes, les objectifs assignés, situés à onze cents mètres de la ligne de départ. L'Historique du 136e d'Infanterie précise encore ceci : " Chilly ! Nom désormais fameux dans les annales du 136e et qui pourrait avoir sa place sur les plis du drapeau, à côté des noms de bLutzen, Bautzen, Montmirail et Paris, où resplendit la Gloire de nos pères " ; En 1918, il est à nouveau cité à l'Ordre de l'Armée pour ses actions d'éclat, faisant 250 prisonniers et capturant 15 mitrailleuses. La veille de l'Armistice, le 136 arrive à Saint-Etienne au Temple, puis se rend par étapes, en Alsace.

Le 16 mai 1919, le général Gouraud remettait la Fourragère aux couleurs de la Croix de Guerre, pour aussi rappeler aux jeunes, les efforts, les sacrifices, l'héroïsme, les souffrances, les succès de leur " anciens " puisque cette guerre devait aussi être " la der des der " , ce qui veut dire la dernière des dernières guerres ! ...

Le maréchal Foch précisait encore ceci (et je cite) : " Quand sur un point quelconque du front, j'avais placé des régiments normands, j'étais sûr que l'ennemi ne passerait pas " . Je vous laisse méditer tout cela, sur ce que furent leurs souffrances et leurs sacrifices, en vous demandant aussi d'avoir une pensée pour tous, les vivants et les morts.

Le Ministre des Beaux-Arts est passé par là...

La présentation des divers chapitres semble accuser un certain désordre, mais, elle suit, tout simplement et dans la mesure du possible, quelques dates puisque, pour cet ensemble du canton tessyais, nous arriverons plus ou moins aux temps présents ! ...

De toute évidence, il s'agit sous ce titre des objets classés par les Beaux Arts qui entendent les conserver, les sauver ; qui entendent sauvegarder " nos " vieilles pierres et, " nos vieilles peintures " . Toutes nous raconteraient de bien belles choses, des faits que nous ignorons si elles pouvaient nous parler ; malgré leur mutisme, leur naïveté, leur simplicité naturelle et gracieuse, elles nous retiennent et nous laissent rêveurs ; des siècles sont là, impassibles, indiscutables, alors que nos parents, nos amis et bien d'autres que nous aimions, disparaissent plus ou moins vite dans l'oubli public, voire, hélas, dans l'oubli privé !

Ainsi, vous trouverez et remarquerez, en différentes églises de notre canton, quelques vieilles pierres fort intéressantes, voire une charpente, que voici :

A Domjean : 1° - Les apôtres (bas-relief en pierre du XVe siècle) classé par arrêté du 4 novembre 1908 ; 2° La Vierge et l'enfant (statue de bois du

XVIIe siècle ; 3° Saint Jacques (statue de pierre du XVe siècle ; Ecce Homo (statue de pierre du XVIe siècle) ; ces trois dernières statues classées par arrêté du 5 octobre 1923.

Au Mesnil-Raoult : La Vierge et l'enfant (statue de pierre de la fin du XIVe siècle) classée par arrêté du 5 octobre 1923.

À Beuvrigny : La statue de bois de Saint-Laurent, classée en mai 1958 et la statue en bois polychromé du XVe siècle de l'Evêque Saint Martin ou Saint Gerbold, classée le 19 mai 1959.

A Saint-Louet-sur-Vire : La cloche faite par Michel du Parc, en 1659 et classée le 4 mars 1959, grâce à l'initiative de Monsieur l'Abbé Lelégard, de La Lucerne-d'Outre-Mer, où sa " superbe abbaye " l'intéresse tant.

À la Chapelle Heuzebrocq : la cloche de l'église datée de 1714 et classée le 3 janvier 1957 ; dans l'église, le fauteuil du célébrant (époque Louis XIII) ; puis les trois belles poutres, les sablières de la charpente apparente de l'église, classées en 1959, grâce à l'initiative de M. l'abbé Lelégard ; cet ensemble, daté de 1536, porte les inscriptions suivantes : " Mestre Pierès ce dieu plest en l'An mil Vee XXXVI fist lever ce boys neuf et prest en ce lieu où il est assis. Ce boys a été charpenté levey par Germain Lemonnier le jeudy avans la Trinité l'An M. Vee XXXVI " .

Monsieur André Rostand, dans une étude sur les rétables en pierre, précise que dans certaines de nos églises rurales ceux-ci sont bien conservés, mais que d'autres sont dédaignés ou dissimulés ou, ce qui est plus grave encore, ont été détruits. Puis il ajoute ceci :

. A Domjean, servant de devant d'autel (ce qui n'est d'ailleurs pas sa place, prétend-il) un rétable est en valeur ; un simple mouvement rapproche les interlocuteurs qui se " parlent " de façon plus intime, qu'à Chevry. Il est écrit quelque part, que ce rétable est replacé sous la table de l'autel néo-gothique.

Et à Chevry : le bas-relief représente la scène centrale, la crucifixion et la série des six apôtres, côté de l'Évangile ; le bas-relief, inséré dans le mur Nord de la travée, sous le clocher, date de 1730. St Jacques, le majeur, a le chef couvert du vaste chapeau du pélerin, où est fixée une coquille ; vous remarquez aussi Madeleine agenouillée auprès de la Croix qu'elle entoure de ses bras ; un personnage décapité lui fait face. ; est-ce le donateur ? Il conclut que c'est assurément la plus pathétique représentation du drame du Calvaire, dans cette petite série de gestes, aéré comme composition ; St Mathieu tient, de la main droite, une hallebarde appuyée sur l'épaule " .

Il est mort tout adolescent... !

Ne vous alarmez pas et pourtant ce fut très simple, trop simple peut-être, lorsque vous saurez que pour sa " disparition " il n'y eut ni fleurs, ni couronnes, ni discours, ni réunion de personnalités plus ou moins " voyantes " ! Il est mort au lendemain ou presque de sa majorité, après avoir fait les délices des " gens " qui aimaient se déplacer doucement, admirer le paysage, avoir quelques sensations d'instabilité, être conduits par des spécialistes de la... bonne conduite ;

être enviés, en passant devant les " hommes de la voie " (ses serviteurs) suant à grosses gouttes. On disait aussi (mais que ne dit-on pas !) que les vaches le regardaient passer, de même que les pêcheurs en rupture d'attention et les amoureux assis au bord de l'eau.

Le deuil n'en fut point porté, Hélas ! Ses père et mère dont il suivait ponctuellement les ordres se désolèrent, fort contrariés, mais demeurèrent à Granville, où ils modifièrent leurs activités ; ses frères qui entretenaient sa voie dite " ferrée " s'éparpillèrent, n'ayant plus de travail en son honneur ; ses soeurs, appelées " cheffesses " restèrent bouches bées, les larmes aux yeux, en songeant qu'elles ne le reverraient plus et n'entendraient plus son cri rauque, qu'elles ne verraient plus son oeil énorme qui vous éblouissait la nuit, ni sa chevelure bouclée, bien noire et quelquefois étirée face au vent.

C'était un malheur irréparable ! La vitesse folle, alors naissante, étranglait sa lenteur raisonnable ; son destin était écrit ; on ne voulait plus le voir ; par la volonté des hommes, sa vie fut courte, très courte et la voici donc relatée sous forme d'oraison funèbre à laquelle l'Aigle de Meaux n'a rien apporté... !

Vous devinez aisément et vous l'avez compris depuis un instant qu'il s'agit du tramway dont l'établissement ne fut pas de tout repos. L'évidence vous dit qu'il fallut acheter le terrain nécessaire au passage de cette ligne du tramway qu'on appelait aussi " le Tortillard " et à la construction des gares et voies de manoeuvre ; tout ne se fit pas comme par enchantement. Quoique cette ligne fut déclarée d'utilité publique par la loi du 23 juillet 1904, les ventes de terrains ne se réalisèrent pas pour autant à l'amiable et souvent l'huissier de Tessy, Me Hardy, dut signifier aux propriétaires terriens qu'ils étaient dépossédés malgré eux ; les protestations fusaient de toutes parts ; ceux qui n'étaient intéressés en aucune manière à la dépossession des terres prenaient fait et cause pour autrui et parlaient même de spoliation ! certaines pièces de terre étaient divisées et réduites quelquefois à une superficie insignifiante ; des terrassements s'imposaient ; et pour comble ne voyait-on pas déjà les vaches affolées, les volailles " évarées " , les carrioles renversées aux passages à niveau non gardés, les gens et les chevaux écrasés.

Cette ligne de chemin de fer à voie d'un mètre se fit tout de même ; les gares se construisirent, de même que les " pipes " ou réservoirs d'eau.

L'inauguration de ce tramway eut lieu le lundi de la Pentecôte, en 1910, le 16 mai, en présence - comme il se devait - de personnalités qui n'y avaient pas travaillé le moins du monde, mais accompagnées, tout de même, des ingénieurs responsables ; les lampistes (nous voulons dire les ouvriers) étaient là... pour allumer les fanals ! Ces personnalités eurent-elles en souvenir, un petit sifflet grelottant, voire un signal aux trois couleurs réglementaires (blanc, vert, rouge) ; nul ne le sait ; mais la fanfare " L'Indépendante " qui avait alors trois ans d'existence, reçut, pour sa part, une tune de cinq francs. Pour bien mettre cette " nouveauté " en marche, il faut dire en " train " , le banquet diurne de circonstance se tint à l'Hôtel de France, à Tessy. Aux temps de ma jeunesse, Madame David-Sanson, excellente hôtelière, me raconta cette fête mémorable. Nos inaugurants, pour faciliter leur digestion laborieuse et se remettre en train... refirent tout bonnement une petite promenade dans le petit train qui roulait bon train, faisait du train (bruit) changeait le train de vie de chacun, sans modifier pour autant le train de maison des uns et des autres ; (c'est assez plaisanté !).

Pour l'époque, il rendit tout de même d'appréciés services et ne comportait d'ordinaire, que deux wagons, l'un, de marchandises placé derrière la locomotive et l'autre, de voyageurs, divisé en compartiments de première classe et de deuxième classe. Quelques voyageurs (il y avait de la place pour tous) s'installaient " doucètement " , après avoir essuyé les banquettes dont la propreté laissait toujours à désirer, de même que les vitres que l'on montait ou baissait à volonté. Monsieur le Conseiller Général de Tessy (et de l'époque) le Meître séant, était peut-être son plus fidèle client ; il voyageait en première classe, gratuitement, disposant de banquettes recouvertes de velours et d'un miroir encastré dans la porte de communication entre les deux compartiments. Ainsi donc, le confort des premières classes, la distinction du voyageur et la splendeur des pays traversés s'unissaient parfaitement pour le bon renom du canton de Tessy s'éveillant dès l'aurore, puisque, de Percy, tête de ligne, partait dès cinq heures trente, le premier train allant vers Condé-sur-Vire, où il arrivait très régulièrement après le passage du train ordinaire allant de Saint-Lô vers Guilberville, alors qu'il aurait dû être en gare un quart d'heure avant l'autre !

Un horaire rarement suivi (vous venez de le savoir) était logiquement et obligatoirement établi ; les retards ne se discutaient pas. Voulez-vous un comble ? Lorsqu'il m'arrivait d'aller de Condé vers Tessy, à l'arrêt du Mesnil-Raoult pendant que le chauffeur du train nous faisait patienter en martelant les roues de sa locomotive, le mécanicien courait à la ferme voisine (au village de l'angle) remplir sa dive bouteille de " deux pots " ; personne n'osait protester hautement ; heureuse époque tout de même...

A l'origine, il s'agissait de la ligne dite de Condé-sur-Vire à Granville (par Percy, Hambye, Gavray, Cérences, Bréhal) mais, plus tard, alors âgé d'environ seize ou dix-sept ans, son parcours fut allongé en plaçant de Condé à Saint-Lô un rail intermédiaire entre ceux du chemin de fer de l'État espacés d'un mètre quarante-quatre.

Sur le parcours dans le canton tessyais, la Chapelle- sur-Vire (en Troisgots), Tessy et Gouvets eurent une gare et une cheffesse de gare, sans casquette, ni signe distinctif, ni sifflet ; La Gare, en la commune de Gouvets était au lieu dit " Le Hamel Binet " à 180 mètres d'altitude, en bordure et à droite du chemin vicinal allant vers le bourg de Gouvets, et au sud du carrefour des Valettes de la Houillière. Plus tard, Saint-Lô eut aussi sa gare, en bordure de la Vire. Tessy était, de plus, pourvue d'une halle avec quai d'embarquement, d'un réservoir d'eau et de voies de manoeuvre. Des arrêts facultatifs s'imposaient sur le parcours, avec poteaux indicateurs, aux villages de l'Angle " dit le Mesnil-Raoult " , et plus exactement en Condé-sur-Vire ; " la Maigrerie " dit " Fervaches " ; " la Hervière " en Tessy, au delà de la gare, vers Gouvets.

À Tessy, le service des colis à domicile était assuré par M. joseph Péresse, employé à l'Hôtel de France ; il parcourait la bourgade, poussant son chariot tiré par son fidèle " Dick " .

Ainsi a vécu notre " tramway " qui fut, pendant quelques années remplacé par une Micheline qui roulant trop vite eu égard aux " courbes " fut à son tour délaissée et remplacée par des cars aujourd'hui encore en service.

L'emplacement des lignes fut vendu aux uns et aux autres, et par préférence aux propriétaires des pièces de terre d'où il avait été détaché ; les gares furent aussi vendues ; celle de Tessy est encore " debout " !

Alors, chers lecteurs disons ensemble : Paix à notre " défunt tramway ", paix à sa fumée, à ses escarbilles et à ses cendres... !

Le bureau d'enregistrement

Depuis le mois d'août 1942, le bureau cantonal d'Enregistrement de Tessy n'existe plus et cela ne simplifie pas les obligations fiscales de chacun d'entre nous, ni le travail des notaires.

Monsieur le Receveur (on ne disait pas encore Monsieur l'Inspecteur, pour ce même travail) avait son bureau Place du Marché, face à la mairie d'alors. Le dernier receveur tessyais qui occupa ce poste était là depuis vingt ans et quelques mois. Aimable, connaissant les uns et les autres, les relations qu'il avait avec eux n'en étaient que plus faciles et plus compréhensives.

L'abord de ce bureau était quelque peu sévère ; on y apportait son argent, pour n'en recevoir que très rarement ; quelques marches extérieures, devant une porte pleine couleur marron ; vous entriez dans un couloir au dallage fort ancien fait de grandes pierres plates ; souvent, vous vous cogniez le bras gauche à une petite planchette rehaussée, dans le mur, d'une petite niche de quarante centimètres de tous côtés et qui n'était autre que l'ancien guichet (bouché avec une planche) du premier bureau des Postes aux lettres de Tessy dont l'une des receveuses fut Madame de Dreux-Nancé. Le soir, lorsque le bureau de " la Poste aux lettres " était fermé au public, et les contre-vents également fermés, vous glissiez alors vos lettres par une fente pratiquée dans un de ces contre-vents ; cette fente, encore visible en 1944, a intrigué plus d'un curieux.

Le bureau comportait un parquet ; face à la porte d'entrée, une cheminée au-dessus de laquelle une glace encadrée ; chaque client pouvait s'admirer bien gentiment et se rendre compte de son degré de timidité lorsqu'il allait se trouver quelques instants plus tard en discussion avec M. le Receveur momentanément absent ; une table-bureau avec pupitre et classeurs, un fauteuil même époque ; le tout ancien ; face aux fenêtres, des étagères encombrées de vieux papiers et registres ; tout à côté, une petite table supportant un fichier en rupture d'équilibre ou en donnant une très nette impression. Là, vous étiez fiché, de même que vos ancêtres morts depuis plus d'un siècle, mais toujours vivants, si Monsieur le Receveur n'avait pas eu à contrôler leurs décès.

Deux ans plus tard, fin juillet 1944, cette maison, toute la " rangée " de maisons de cette Place du Marché étaient détruites ; du vieux Tessy qui disparaissait à tout jamais. Maintenant, la Cité Administrative de Saint-Lô accueille les même contribuables, dans un décor moderne, au goût du jour.

Pendant l'occupation

L'Historique du canton de Tessy-sur-Vire, qu'on le veuille ou non, doit comporter un chapitre sur l'occupation. Le voici, en pensant qu'il ne contrariera personne :

Bon nombre d'entre vous, habitants de notre canton, ont vu passer et défiler l'armée feldgrau, impeccable lorsqu'elle domine, lamentable dans le cas contraire ; il en est ainsi de toutes les armées du monde.

Les occupants, puisque telle était leur appellation, logeaient le plus souvent chez les habitants qui ne pouvaient refuser, se réunissaient pour l'exercice et défilaient dans les rues de Tessy, principalement le dimanche matin.

Cela dit, il connurent les beaux jours - (si l'on peut parler ainsi) - de la première année ; d'autres jours, moins brillants après Stalingrad et, enfin, ceux de 1944 qui devaient décider du sort de l'Europe.

Tessy, Domjean, Moyon connurent différentes formations, depuis les fanatiques S.S. et les non moins fanatiques parachutistes, les mongols aux yeux bridés (en 1944 seulement) et flanqués de leurs minuscules chevaux ; les fantassins qui creusaient des trous individuels en bordure de la Vire et les formations hippomobiles composées plus ou moins de cultivateurs dont l'esprit militaire ne paraissait pas très relevé.

Entre temps, les autorités d'occupation s'imposèrent de plus en plus au regard de la population civile qui connut des jours vexants et humiliants et dut se plier aux ordres, plus ou moins contresignés par le Gouvernement de Vichy. Entr'autres faits, obligations ou restrictions, il faut citer ceux-ci : L'heure de l'Europe Centrale devint de rigueur et le mark avait cours forcé à vingt francs, alors qu'il ne valait, tout au moins officiellement, que 5 fr 25 ; les occupants pouvaient donc acheter à bon compte ce que bon leur semblait et où ils voulaient des affiches tantôt bordées de rouge, tantôt de noir, recouvraient les murs le texte démontrait la stupidité de leurs auteurs, en prenant les Françans pour des imbéciles, en prétendant que la " Kollaboration " était un fait accompli et en relatant la mort d'otages innocents pavant de leurs vies pour des coupables non découverts ; parlant de sabotage et de terrorisme, les occupants demandaient aux Français de s'engager dans la " Légion Tricolore " pour combattre en Russie contre le bolchevisme. Certains officiers, cantonnant à Tessy, demandèrent par avance, une liste d'otages, mais le maire refusa toujours, car c'eut été un crime de sa part ; il fallut déclarer les bicyclettes, mais, à vrai dire, au profit de qui ? Les cafés étaient interdits aux civils après 21 heures, de même qu'il était interdit d'écouter la radio de Londres (sur ce dernier point, toutes précautions prises, les uns et les autres écoutaient quand même les émissions londonniennes) ; les tickets d'alimentation apparurent, de même que les bons pour achats de vêtements, lingerie, chaussures et pneus ; des Français achetèrent légalement des bestiaux pour les occupants et les cultivateurs continuèrent les concours de leurs plus belles vaches et de leurs plus belles juments ; le contrôle des prix fonctionna et le bois de chauffage réquisitionné dans les campagnes, puisque le charbon manquait ; l'examen prénuptial devint obligatoire ; les occupants réquisitionnèrent les métaux non ferreux et des Tessyais jetèrent leurs cuivres dans la Vire ; les pièces en nickel restèrent dans les porte-monnaie ; les camions roulèrent au charbon de bois et l'essence fut rationnée pour beaucoup d'automobilistes. L'autorisation préfectorale devint obligatoire pour l'achat des terres et l'acquéreur éventuel devait préciser qu'il n'était pas juif ; peu avant le débarquement de 1944, les postes de radio furent obligatoirement déposés en mairie et la monnaie-matière instituée pour la majeure partie de la quincaillerie, les fers à chevaux et les clous. Bref, tout cela démontre très clairement où nous étions " emmenés " et ce que nous serions devenus si les occupants avaient pu être les maîtres de l'Europe.

Quelques faits, parmi tant d'autres peuvent être rappelés : un soldat mourut d'indigestion et, pensant qu'il eut pu être empoisonné par des civils, il fut autopsié ; deux autres soldats se brûlèrent la cervelle après Stalingrad, en apprenant peut-être la mort des leurs ; un autre se cassa la jambe après boire, plus que de raison ; un autre fut roué de coups pour avoir enfreint les ordres reçus.

Des habitants tessyais furent enfermés, pendant quelques jours, dans des greniers ou des pièces isolées ; l'un pour n'avoir pas obéi,plus rapidement à une demande de renseignements qui lui était présentée ; un autre, pour avoir flanqué son pied quelque part à un militaire qui écoutait la radio ; un autre civil, pour avoir protesté, eut sa maison vidée de ses meubles ; le secrétaire de mairie fut enfermé pour avoir délivré des fausses cartes d'identité à des civils qui en avaient besoin pour une raison quelconque.

NIonsieur Woëlfling, diamantaire et juif d'origine, homme bien calme, est mort dans un camp de concentration où le nazisme s'exprimait pleinement ; peu avant son arrestation nous avons conversé, pour la dernière fois, dans le bureau des P.T.T. à Tessy ; il me dit à voix basse : " Les Allemands perdront la guerre " , et me serra longuement la main ; avait-il quelque pressentiment de ce qui devait lui arriver ? il faut penser que oui.

Comme en maints endroits, les Tessyais eurent l'obligation de monter la garde, les bras ballants, sur le parcours d'un câble téléphonique qui avait été sectionné par un gamin de dix ans ; c'était en février, sous la neige et il fallait être sur place, dès 5 heures du matin ; un cavalier passait, arrogant, et

nous lui tournions le dos, ce qui n'avait pas le don de lui plaire et, encore moins, lorsque M. et Mme Eugène Desvages, de la Poterie, apportaient aux sentinelles civiles de leur quartier, une soupe bien chaude " . étayée " d'un café normand... !

Puis, vint le jour le plus long... le 6 juin 1944,

Ce jour-là, une formation hippo était à Tessy ; au petit jour, grand branlebas aux cris de : " Schnell, Schnell ". Les occupants partirent en campagne, dans les chemins creux et ombragés, se camouflant tant et plus. L'état-major de Saint-Lô arriva dans le courant de la journée de ce 6 juin et repartit le lendemain ; des groupes de 4 avions américains sillonnaient le Ciel, prêts à mitrailler tout convoi routier ; les premières bombes destinées au pont de Tessy ne firent que l'ébrécher ; aucune ne l'a jamais atteint en " plein " , puisque après la Libération, une pancarte fut trouvée portant cette inscription : " Langsam, Fhareri ; bruck minen " - roulez doucement, le pont est miné - ; la 3e ou 4e bombe tomba sur les maisons proches de ce pont, tuant trois personnes, M. et Mme André Renault qui laissèrent deux petites filles et Mme Victor Brivoine, dont les corps furent retrouvés recroquevillés, cinquante mètres plus loin. Un bombardier américain, au petit jour de ce 6 juin, tombait en flammes sur une ferme à Beuvrigny, au lieu dit : " la haute Ferrière " , où peu après, en cette même commune, un hôpital allemand était installé dans le château et un camp improvisé à la Chapelle-sur-Vire, pour les aviateurs américains faits prisonniers. Dans des champs avoisinant le château, 400 soldats allemands furent inhumés sans cercueil ; en octobre suivant, 100 Américains téléphonistes occupèrent aussi le château.

Des réfugiés saint-lois et des communes plus au Nord de Saint-Lô, passaient journellement, n'emportant, certains, que peu de choses à bout de bras, d'autres avaient un chargement énorme sur une brouette en rupture d'équilibre ; d'autres encore, avec cheval et voiture ou banneau, emportaient du linge et quelques objets plus ou moins précieux pris au hasard et en toute hâte.

Le canton de Tessy, alors libéré - Tessy le fut le 2 août après avoir été pris et repris trois fois, maison par maison depuis le 28 juillet - certains habitants coupèrent les cheveux à une dame et à sa fille, réfugiées de Cherbourg depuis un certain temps et qui avaient incité à la collaboration ; d'autres furent poursuivis judiciairement pour profits illicites ou indignité nationale, quelquefois, pour l'un et l'autre.

On pleurait aussi les morts, quelquefois laissés sur place, où ils étaient tombés ; on pansait les blessés ; chacun racontait où il était allé en exode et parmi ceux qui avaient tout perdu, mobilièrement parlant, beaucoup s'estimaient malgré tout heureux d'être revenus sains et saufs, après avoir connu les durs combats dont ils avaient été les témoins oculaires ; d'autres encore avaient soigné les leurs, blessés un jour et tués le lendemain.

La guerre en Europe prit fin le 8 mai 1945 ; les prisonniers de guerre, après cinq années de captivité, revinrent ; la vie reprit ses droits, des baraquements s'édifièrent à l'emplacement des ruines déblayées ; la reconstruction intervint, suivant en cela, les opérations de remembrement et d'Urbanisme, plus ou moins compliquées.

Ainsi, vous voyez l'ensemble des faits plus ou moins marquants qui se sont déroulés pendant quatre années dites d'occupation, au cours desquelles les bureaux des P.T.T. ruraux furent souvent encombrés de colis de ravitaillement destinés à des parents et à des amis urbains qualifiés généralement de " parisiens " . Avant de clore, il faut relater le supplice dont fut victime un Tessyais, Monsieur René M... qui, à deux reprises, s'était introduit dans un fourgon allemand de ravitaillement, en juillet 1944, en pleine bataille sur le front de Normandie ; sa faute était énorme ; la première fois le maire de Tessy intervint et après une " raclée " en règle, il fut relâché ; il recommença, pris à nouveau sur le fait, il fut jeté vivant dans le puits de l'école Saint-Joseph, d'où un officier allemand le retira quelques jours plus tard, soutenu par un cordage que tenaient trois Tessyais.

Et au cours des mois suivant la libération de notre territoire, la liste des morts devait encore augmenter du fait des mines et munitions de guerre laissées d'un côté et de l'autre à l'abandon. Un cultivateur de Saint-Louet, M. Charles Vastel, était tué par une torpille à ailette ; un garçonnet de Domjean (Maurice Grente) et les trois frères Auvray, de Moyon étaient déchiquetés également ; à la Busnelière, en Beuvrigny, un enfant était tué par une mine ; un cultivateur de Domjean (M. Arthur Mauduit) sautait sur une mine en passant la brèche d'un champ. J'en oublie certainement, puisque je cite de mémoire et m'en excuse.

L'ancienne caserne de gendarmerie

Vous savez que, pour chaque canton, il existe une caserne de gendarmerie plus ou moins confortable et plus ou moins bien adaptée aux besoins du service et du logement ; c'est le cas évidemment des casernes - puisque telle est leur appellation - qui n'étaient pas destinées à cela lors de leur construction, entre autres celle de Tessy, étant alors à l'angle de la place du marché et de la rue des halles (les halles furent détruites en 1944).

La brigade de Tessy fut créée en 1830.

Le chef de brigade (non encore qualifié de maréchal des logis chef) et ses subordonnés dits gendarmes à pied - au regard de ceux qui étaient à cheval -et leurs familles occupaient cet ensemble tout juste assez grand pour s'y loger ; le somble et sévère bureau était, à droite, en entrant dans le couloir avec, y attenant, les quatre mètres carrés réservés aux malheureuses victimes " du gros hère " et " du sou de café " trop arrosé... ; l'ordre y régnait le mobilier vétuste et tant soit peu branlant paraissait plus que centenaire un copie-lettres permettait aussi de quintupler chaque original d'un procèsverbal calligraphié contenant des mots écrits en cursive, en ronde et en bâtarde... à l'extérieur, peint sur le mur, " entrée du bureau " ; puis à hauteur d'homme, " sonnette de service " ; des affiches : " Engagez-vous ; rengagez-vous " ._

Cette caserne - mes souvenirs sont exacts et précis - fut vendue en 1923, au département de la Manche (dont le Préfet était M. Blet) par M. Louis Asselot, ancien quincaillier à Tessy, pour le prix de quarante mille francs ; le vendeur voulait se débarrasser (c'était son mot) d'un immeuble qui rapportait peu, n'avait jamais été entretenu pour cette raison et dans lequel d'énormes travaux s'imposaient à plus ou moins longue échéance. Mauvais Prince, le département s'en tint au Code Civil qui n'oblige qu' " au clôs et au couvert " ... !

Maintenant, depuis cinq ou six ans, une nouvelle et superbe caserne existe route de Saint-Lô et l'ancienne caserne est occupée par plusieurs familles locataires de l'acquéreur.

Pour le plaisir et la distraction de tous

Nous avons tous plus ou moins en mémoire, les faits et exploits - voire ce qu'on appelle la gloire - de ceux que l'on considère comme des grands hommes, presque des surhommes. Leurs noms se perpétuent dans l'histoire de France ou dans le département de la Manche seulement,fout cela eu égard à leurs mérites plus ou moins certains, plus ou moins " gonflés " évidemment.

Mais, avez-vous quelquefois médité et réfléchi, en songeant aux tout-petits, aux très modestes, à tous ceux qui travaillent bénévolement, sans bruit, dont le nom est rarement cité, parce qu'ils sont discrets et compréhensifs, qui, dépensant leur argent, étalent toutes les qualités requises pour mener à bien ce qu'ils entreprennent, supportant quelques médisances et même quelques calomnies, mais ne voyant qu'une chose, qu'un seul résultat : rendre service à d'autres, les aider dans leurs plaisirs et leurs distractions et par cela même revivifier et ranimer le commerce local, tout en retenant les jeunes et les moins jeunes dans nos petites côtés pour qu'elles ne se désolent pas trop, surtout le dimanche.

Alors, vous souvenez-vous entre'autres et parmi ceux-ci de M. François Gouëdard, gendarme retraité qu. fonda " Tessy-Sports " ; de M. Pierre Guérin, principal clerc de notaire qui dirigea la fanfare " L'indépendante ", pendant 48 ans et dont il fut le créateur ; de M. Paul Hastey, de Moyon qui créa la fanfare " Sainte-Cécile " et qu'il dirigea pendant de nombreuses années ; de M. Georges Briault qui lui succéda ; de M. Louis Delafosse et de M. Olivier Tabard qui songèrent aux " Amis de la Vire " .

Pensez-vous, présentement, aux dirigeants des associations sportives, amicalistes, halieutiques, musicales, touristiques, agricoles et autres qui organisent des fêtes et manifestations, des réunions de toutes sortes dans l'activité de leurs Associations respectives, avant ainsi des " à-côtés " de leur travail habituel s'ajoutant à celui-ci , aux instituteurs et aux institutrices qui éprouvent un peu plus leur patience en préparant des fêtes scolaires, toujours très réussies et applaudies.

En résumé, nous devons un grand merci à tous ces " bénévoles " , battre un triple ban en leur honneur, en pensant qu'ils sont désintéressés pécuniairement parlant - et encore leur donnerait-on un petit dédommagement - et qu'ils appartiennent à l'historique du canton de Tessy-sur-Vire, aux mêmes droits que bien d'autres ; en tout cela, il faut penser aux morts, qu'ils soient cités ou non, et aux vivants toujours sur la brèche.

En précisant ainsi, il ne faut pas non plus oublier les municipalités et les associations de commerçants, par exemple, qui organisent de temps à autre, de grandes manifestations très réussies qui font l'admiration de tous, gens d'ici et d'ailleurs.

Les communes du canton de Tessy sur Vire

Beaucoudray

L'abbé Bernard explique que ce nom doit tirer son origine du bois de Moyon tout proche ; belle coudraie, c'est-à-dire lieu planté de beaux et grands coudriers. Près de Saint-Lô, vous trouvez en la commune d'Agneaux, dans le village de " la Fouquelinière ", le fief de Beaucoudray d'où était originaire Julienne Couillard qui s'illustra pour la défense de Saint-Lô, en 1574. D'un autre côté, dans l'aveu de Michel d'Estouteville cité plus haut, vous avez remarqué " Beaucoudré " et " Beaucoudrey ". Dans le Sud du département de la Manche, beaucoup de communes ont un nom se terminant par « ey »

alors que penser ?

Couvrant 469 hectares, cette commune avait en 1818 372 habitants ; en 1832 : 325 ; en 1872 : 314 ; en 1887 : 285 ; vers 1941 : 215 et lors du dernier recensement de 1952 : 228 seulement.

Les dictons populaires disparaissent tant soit peu ; autrefois on disait paraît-il, les blaireaux de Beaucoudray et aussi les bérets de Beaucoudray ; le premier dicton peut s'expliquer par la proximité du bois de Moyon, mais le second bien moins, de prime abord.

La seigneurie de l'endroit relevait de la baronnie de Moyon, sous le fief de la Haye-Hue, aujourd'hui la Haye-Bellefonds. Du grand fief de Beaucoudray, en dépendaient vingt-et-un autres moins importants et du petit fief de Beaucoudray, sept autres. De la sieurie de la Trinité relevaient également quatorze fiefs ; c'est sur ce dernier que se trouvait le manoir seigneurial. Le premier seigneur connu, Jean de la Haye-Hue accompagna, en 1066, le duc Robert à la première Croisade et ses descendants possédèrent jusqu'au XIIIe siècle cette seigneurie qui passa ensuite dans la famille Le Moussu, puis dans celle des de Mathan vers 1630 et successivement dans les familles Le Breton vers 1710, puis Ganne de Grand'Maison et actuellement Ganne de Beaucoudray.

Il existait, autrefois, une chapelle attenante au manoir seigneurial de la Trinité ; les textes anciens la désignent sous le nom de chapelle du Mesnil-Raoul et de Beaucoudrey.

Il y a environ un siècle se tenait à Beaucoudrav la foire dite de la Trinité vous trouviez aussi des charbonniers qui faisaient du... charbon de bois c'est ainsi qu'en 1858 un nommé Auguste Havel, 28 ans, était qualifié de charbonnier.

Maintenant, il faut relater le martyr des résistants de Beaucoudray tombés à l'aube du jeudi 15 juin 1944. Ce récit est emprunté au livre de Monsieur l'Abbé David, alors curé à Villebaudon, grand résistant aussi qui a écrit : " Du bagne français au bagne nazi : 1941-1945 ". Dans ce livre, l'auteur relate ce qu'il a enduré et souffert, les vexations et les humiliations que tous les captifs durent subir ; à qui il a pardonné malgré tout, en pensant, en espérant que les hommes se réconcilieront. Ces onze grands Français étaient réunis dans une petite maison, à l'orée du bois de Moyon, au bout d'un chemin rural, en attendant les messages secrets émis par Londres et les -invitant à agir comme il convenait.

Voici maintenant le texte de ce récit

" Prologue : Dans la nuit du 9 au 10 mai 1944, des avions ronronnent au-dessus de la petite commune de Sainte-Marie-Outre-l'Eau, canton de Saint-Sever (Calvados). Tapis dans les champs, les intéressés attendent anxieux, le regard tourné vers le ciel. Tout à coup, ombres dans l'ombre, surgissent des parachutes ; aucun être vivant ne s'agite au bout des multiples câbles ; ce sont des containers remplis d'armes, de munitions et d'explosifs formant un poids de trois tonnes. Rapidement, tous se dirigent silencieusement vers les points de chute et la cueillette est vite faite ; les camionnettes des P.T.T., dissimulées à proximité, sont chargées avec célérité, puis prennent la direction du maquis de Beaucoudray ".

" Dans une ferme inhabitée, perdue à l'extrémité d'un dédale de chemins vicinaux et ruraux, en bordure du bois de Moyon, armes et explosifs sont entreposés dans le grenier ; il y a tout ce qu'il faut pour de l'excellent travail à accomplir par le Groupe des Résistants des P.T.T. dont le responsable est Ernest Pruvost ".

" Le drame : Vingt-six jours ont passé. Nous voici à quelques heures du débarquement ; déjà les parachutistes alliés ont pris pied sur le sol. Avec calme et méthode, conformément aux instructions reçues, les postiers-résistants coupent les lignes et les câbles téléphoniques de la région de Saint-Lô, puis, leur besogne accomplie, ils regagnent séparément, le 6 juin au matin, la petite ferme du Bois. Là se retrouvent : René Crouzeau, Inspecteur du Service technique, Etienne Bobo, contrôleur des installations électro-mécaniques, Marcel Richer, agent des installations ; Raymond Robin, mécanicien-dépanneur ; Jean Sanson et Maurice Deschamps, commis ; Auguste Lerable, Auguste Raoult et Auguste Sénécal, agents des lignes, bientôt rejoints par la section O.C.M. d'Alphonse Fillâtre qui groupe des résistants de la région de Percy, Villebaudon, Villedieu et d'ailleurs. Abdon, Le Couturier, Hamel, Albertini, Alliet, Guy, Patin et Martin, auxquels vient fréquemment rendre visite une institutrice, Madame Leblond ".

" Le petit groupe auquel doit parvenir des renforts et qui a l'ordre d'attendre un message lui indiquant où et comment il doit venir en aide à des troupes aéroportées, organise sa vie ; Lerable est cuisinier, Sanson s'occupe des armes et tous s'y intéressent. Un tour de garde est établi et deux hommes font constamment le guet ; un jour, une lampe du poste récepteur radio claque ; Monsieur Haupais, cultivateur-voisin, prête le sien ".

" Huit jours s'écoulent sans incident, puis d'un seul coup, le 14, le drame éclate. Peu avant midi, une auto montée par deux Allemands arrive àproximité du refuge, puis repart rapidement, comme si le chauffeur s'était trompé de chemin ; pas un homme n'a bougé ; les Allemands, pense-t-on, n'ont rien vu ".

" Soudain c'est l'attaque ; venant de trois côtés à la fois, des soldats armés se dirigent vers la ferme ; Robin qui était de faction au chemin principal est capturé et ne peut prévenir personne ; derrière la maison, du côté du bois, Richer qui vient de se lever prend le " frais " ; Deschamps et Guy ramassent des branches sèches ; Pruvost, Alliet et Sénécal sont également dehors, de même que Raoult de faction ; les autres, à l'exception d'Abdon, qui revient de Villebaudon, en compagnie de sa femme, sont dans la salle commune (Abdon qui apportait dans une brouette divers ustensiles de ménage fut arrêté par les Allemands auxquels il expliqua qu'il était sinistré de Saint-Lô et ne fut pas inquiété) ".

" Puis la fusillade crépite : ceux de l'intérieur sont mis hors d'état de nuire avant d'avoir pu réaliser ce qui leur arrivait ; les autres prennent la fuite ; le malheureux Guy blessé, tombe et il est capturé ; par une chance inouïe, ses camarades ne sont pas touchés. Nul ne sait ce qui s'est ensuite passé. Nous pouvons imaginer qu'ils subirent un interrogatoire en règle ; qu'ils subirent des violences puisque, lors de leur exhumation, quelques-uns d'entre-eux portaient des brûlures et qu'un autre avait des côtes brisées ; mais, nous pouvons être sûrs qu'ils n'ont pas parlé car pas un seul des rescapés n'a été inquiété ".

" Six corps ont été retrouvés dans une fosse ; cinq dans l'autre ; tous, à l'exception de Guy blessé, avaient les mains attachées av ' ec du fil de fer et c'est une balle dans la nuque qui a mis fin à leur vie d'hommes loyaux et droits avant choisi avec simplicité la route la plus rude et la plus belle... celle de l'Honneur ".

"« Le monument élevé à leur mémoire en la commune de Beaucoudray, en bordure d'un chemin vicinal, représente une Croix de Lorraine posée sur un socle ; une inscription rappelle leurs noms que voici :

" Aux onze résistants fusillés par les Allemands

le 15 juin 1944

Crouzeau René

Bobo Etienne Albertini Jacques

Guy Alfred Hamel Ernest

Lerable Auguste Le Couturier jean

Robin Raymond Vartin Francis

Sanson Jean Patin André

Un peu en arrière du monument, deux fosses sont restées ouvertes et indiquent l'endroit précis où tous ces héros avaient été inhumés provisoirement ; ils furent transférés dans le cimetière de Beaucoudray, au cours d'une cérémonie à laquelle le canton avait pris part. Ce monument et ces fosses sont entourés d'arbustes et de clôtures bien entretenus.

L'inauguration de ce monument eut lieu le 15 juin 1947, un dimanche, de dix heures à midi. Il fut béni, en présence de nombreuses personnalités qu'il serait fastidieux de citer, entre'autres Monsieur le Ministre des Anciens Combattants et Victimes de Guerre et tous les groupements d'anciens combattants et patriotes. Monsieur le Sous-Préfet de Saint-Lô (la Préfecture et le Préfet étant alors provisoirement à Coutances) stigmatisa tout d'abord le crime commis par les Allemands, tira la leçon du drame et termina ainsi : " Comme au long d'un sentier à moitié caché par les broussailles se dresse parfois une flèche pour indiquer sa route au voyageur perdu ; de tels monuments guident la pauvre humanité vers le chemin de la Sérénité. Méditons leur exemple et c'est d'un pas plus alerte qu'ayant jeté dans les fossés, amertume et désespoir nous reprendrons tous ensemble la voie que nous a tracé leur espérance, celle qui mène à la terre promise aux hommes de bonne volonté ".

Une cérémonie religieuse et patriotique a lieu annuellement devant ce monument du souvenir et du respect. Le 7 juin 1953, le général de Gaulle assistait à cette manifestation dans le recueillement le plus complet.

La commune de Beaucoudray, en 1944, connut de très durs combats sur son territoire, combats de tanks, combats au corps à corps, que ie's Américains appelaient " la guerre des haies ". En septembre 1949, cette commune était citée à l'ordre de la Nation en ces termes : " Beaucoudray : Village ravagé aux six dizièmes pendant la bataille de libération et dont la population a accepté ce sacrifice avec courage et abnégation ; cette citation comporte l'attribution de la Croix de Guerre avec étoile de bronze ".

Monument élevé à la mémoire des fusillés de Beaucoudray qui étaient de grands français.

 

Beuvrigny

Cette commune de Beuvrigny se confond avec celle de la Chapelle-Heuzebrocq qui lui fut rattachée le 29 avril 1829, en vertu d'une ordonnance royale et, par le fait accompli, le 25 octobre suivant ; Monsieur le Préfet de la Manche ayant par arrêté du 17 septembre même année, nommé maire de Beuvrigny Monsieur Jacques Delaville, précédemment maire de la Chapelle-Heuzebrocq ; Monsieur Briquet, alors maire de Beuvrigny, rentrait dans le rang et peu après, le 11 novembre 1829, Monsieur Guillaume Godard devenait adjoint. Le Conseil municipal était complété par la nomination de dix membres dont six de Beuvrigny qui étaient : Pierre Hue, Jean-Baptiste Leménorel, Pierre Le Fèvre, Pierre Du Val, Jacques Laforge et Jean Lefrançois et quatre de la commune de la Chapelle qui étaient : Jean Duval, François Michel, Pierre Aumont et Jacques Louis. Ils prêtaient alors serment dans les termes suivants : " je jure fidélité au Roy, obéissance à la Charte Constitutionnelle et aux lois du royaume " . A la suite de la fusion de ces deux communes, la population était de 110 personnes du sexe masculin et 184 du sexe féminin ; cette nouvelle commune se divisait en trois sections électorales ; la première section dite de l'Église fournissait 19 électeurs élisant 4 conseillers municipaux ; la 2e section dite de la côte, 8 électeurs nommant 2 conseillers et la 3e section, comprenant la totalité de l'ancienne commune de la Chapelle, 15 électeurs nommant 4 conseillers ; ce faisant, la paix semblait régner en cette commune de Beuvrigny agrandie ; une longue séance de ces deux conseils municipaux avait, le 2 juillet 1828, exposé tous les arguments en faveur de ce rattachement et précisé aussi que... l'instituteur serait également " custos " .

Cette nouvelle commune avait, de ce fait, une superficie de 669 hectares, 354 habitants en 1831 ; 347 en 1863 ; 244 en 1899 ; 264 en 1910 ; 251 en 1919. En l'an VIII la seule commune de Beuvrigny avait 39 hommes 48 femmes, 55 garçons et 69 filles, soit en tout 211 habitants ; 267 en 1940 et 196 seulement d'après le plus récent recensement. De 1801 à 1950, il y eut en cette commune et celle de la Chapelle Heuzebrocq : 1250 naissances, 426 mariages et 847 décès.

Ses origines sont fort anciennes ; les uns prétendent que sa désinence " igny " peut en faire le pays de certain " Beuvry " , d'autres que Beuvrigny signifie pays des castors, puisque l'on disait autrefois : les castors de Beuvrigny.

Accrochée aux derniers contre-forts des escarpements qui enserrent la Vire, Beuvrigny est l'une des plus petites communes de la Manche ; encore faudrait-il citer : La Luzerne 61 habitants, Eculeville 51 seulement et bien d'autres. Ses sites sont enchanteurs et peu connus des promeneurs qui vont souvent bien loin pour n'en pas trouver de plus beaux. Des hauteurs du Parc et de la Hervière, des Bruyères ou des Hogues, l'oeil plonge sur un horizon barré par le mont Robin en Mont Abot (sur lequel se trouve un très haut calvaire érigé et inauguré par Monseigneur Louvard, le 20 septembre 1925 à276 mètres d'altitude) où la ligne plus sombre de la forêt de Saint-Sever.

L'église offre un aspect net et pimpant. Dans l'annuaire de la Manche de 1849, vous lisez ceci : " l'église paroissiale Saint-Martin de Beuvrigny dépend, pour le patronage du seigneur du lieu ; l'évêque de Bayeux donne la colation au curé qui jouit des dîmes avec les offrandes de la chapelle SainteAnne qui est située dans un des angles du cimetière ". Dans l'église une épitaphe y rappelle le souvenir des : " de la Gonnivière " qui en furent les seigneurs, de même qu'à Fourneaux et Domiean, paroisses limitrophes ; vous remarquez aussi une délicieuse vierge, en bois, du XVIIe siècle et un antique saint Martin en fort mauvais état ; vous voyez également deux remarquables tableaux virois de la famille des de la Vente, et une statue en pierre, de SaintLoup, avec le blason des de la Gonnivière et une vierge à l'enfant.

Faut-il ajouter que Jean de la Gonnivière, fils d'Olivier et de Jacqueline du Mesnildot, pourvu des fiefs de Bazenville (en Saint-Louet) et de Saussey,

épousa, avant 1572, Louise Douessey (que ~l'on trouve en Tessy) qui lui apporta la baronnie de Gouvets ; il acheta, le 14 août 1555 à Christophe Coquet, le fief de Beuvrigny, vécut au manoir où il mourut sans postérité le 16 mars 1606 ; précédemment julien Coquet seigneur de Beuvrigny en septembre 1521, paya le 4 janvier 1529, 100 sols à la Vicomté de Bayeux, pour la moitié de ce

qu'il disait tenir noblement de la dite vicomté pour la raison du roy.

Le Château, bâti au XVIIe siècle, offre aux regards sa masse imposante au fond d'une superbe avenue ; deux tours indépendantes présentent un certain caractère, l'une est un colombier aux multiples niches et l'autre une boulangerie renfermant trois fours, vraisemblablement la boulangerie banale et seigneuriale d'autrefois ; les vieux papiers précisent, pour ce domaine, avec moulin à eau faisant de bled farine. En ce château mourut, en 1869, le général Michel Armand Le Chartier de la Varignière, d'une vieille famille de militaires et dont le père, colonel de la Légion de la Manche, avait été maire de Torigni ; le général Le Chartier, engagé à 17 ans au 3e Hussards, participa à la campagne napoléonnienne et prit part aux batailles d'Austerlitz, Iéna, Eylau ; il se bat en Espagne où il se fait décorer pour sa bravoure ; en 1812, il participe à la campagne de Russie, où il se signala à la bataille de Poloteck ; lieutenant-colonel à 32 ans, il est nommé Chef d'État-Major à la 13e division à Rennes et aide de Camp du Maréchal Gouvion de Saint-Cyr, au 4e Corps d'Armée d'Espagne, pour revenir, en cette qualité, commander le département de la Manche. Ajoutons aussi, qu'à Poloteck, ce général blessé, fut sauvé par un Polonais nommé Zimmermann qui revint avec lui à Beuvrigny, où ils sont l'un et l'autre inhumés. En 1811, il acheta le domaine de Beuvrigny.

Pour rester en cette commune de Beuvrigny, non alors agrandie, voici la relation de quelques délibérations du Conseil Municipal tant soit peu curieuses : en 1790, le Maire note la réception de lettres-patentes du Roy sur le décret de l'Assemblée Nationale des 3, 8 et 9 novembre 1790 concernant les impositions ordonnées en remplacement de la gabelle, dé l'abonnement des droits de la marque des fers et des cuirs et sur ceux de la fabrication de l'amidon, des huiles et des savons ; le 1er juillet 1792, le Conseil général assemblé (il n'est plus question de municipal) avant remarqué la non exécution, de la part de Georges de Saint-Questin, des ordres donnés, en ce qui le concerne, dans l'église de " notre " commune a arresté, d'après l'avis reçu de Monsieur le Procureur du Roy, que Jean Duval procureur de la commune sera tenu de faire effacer les armoiries et autres marques cy-devant seigneuriales qui peuvent se trouver dans la dite église de Beuvrigny ; le 12 juillet même année, la Patrie est déclarée en danger et les habitants font recenser leurs fusils, couteaux de chasse, bayonnettes et piques ; trois mois après (le 7 octobre) en l'église paroissiale de Beuvrigny s'est présenté en chaire, le sieur Jean-Baptiste Le Renard curé du dit lieu, lequel conformément à la loi du 15 août dernier au sujet du serment des fonctionnaires publics a dit, après avoir affiché son intention 24 heures auparavant : " je jure d'être fidèle à la Nation et de maintenir de tout mon pouvoir la liberté et l'égalité ou de mourir à mon poste " ; le 17 décembre suivant, l'abbé Duval remet au maire tous les registres de baptesmes, mariages et sépultures et celui des délibérations de la Confrèrie du Rosaire qui étaient entre ses mains ; le 17 mars 1793, la commune qui doit fournir deux hommes pour les armées de la République propose " en échange " cinq cents livres, puis un volontaire se présente : Léonord Mazure, 21 ans, taille cinq pieds 2 pouces, le nez bien fait, la bouche moyenne et 3 lentilles sur le côté gauche du visage... ! ; en 1825, François Pierre habitant à Beuvrigny est remmplacé au 45e Régiment d'Infanterie en garnison à Saint-Brieuc par François Tardivel, ainsi que le permet l'instruction militaire du 3 décembre 1818 ; le 27 septembre 1818, le maire consigne sur son registre que " la nommée Anne L. lui a déclaré être enceinte d'environ cinq mois des " oeuvres " de Pierre L. du Chefresne, la dite déclaration faite de bonne foi et sans déguisement... " il n'y a pas d'autres précisions... ! ; en 1819, longue discussion sur le rattachement de la commune de Fourneaux à celle de Beuvrigny - le maire réfute les arguments de son collègue de Fourneaux (sans les préciser) et ajoute notamment que l'église de Beuvrigny est solidement bâtie, dans une très belle " position " , saine et richement décorée, alors que celle de Fourneaux, qui peut à peine contenir ses habitants est presque en ruines et ne tient debout qu'au moyen de crochets de fer, dénuée d'ornements, qu'elle a des chandeliers de bois et n'a pas même une cloche capable d'appeler les fidèles à l'office... ! il est même proposé qu'un ingénieur-géomètre fasse un plan de trois communes pour prouver que Beuvrigny est bien au centre... en 1818, il est encore question du rattachement de Fourneaux à Beuvrigny (à la suite d'une lettre du Préfet) car aucune commune ne lui convient mieux que Beuvrigny ; le 25 juillet 1830, le Conseil municipal et " les hauts cotisés " décident la construction d'une école pour les enfants du sexe masculin, arrêtent le devis à 1.800 francs et fixent le traitement de l'instituteur, qui sera aussi custos, à 200 francs annuellement ; en 1855, le sieur François Duval demande de pouvoir débiter du cidre, le 22 juillet, jour de la fête patronale, et à continuer jusqu'au premier octobre, pour achever le tonneau qu'il entamera le premier jour (qu'est-il advenu ?) ; en 1860, les bancs et chaises de l'église sont loués annuellement deux centimes et le maire demande au Directeur de la Monnaie cinquante francs de pièces de un centime pour... rendre la monnaie sur cinq centimes, mais on lui a répondu que les pièces de un centime ne se fabriquaient plus... 1 ; en 1836 (revenons un peu en arrière) le Conseil refuse de s'occuper de la construction de l'école qui, d'après la dernière conclusion de Monsieur le Chartier de Banville, aura sa façade au soleil de onze heures, 24 pieds de long et 20 de large ; le 2 mai 1868, le maire demande une subvention pour l'entretien de l'église et du cimetière de la Chapelle Heuzebrocq ; dans ce cimetière où l'on n'enterre plus depuis 1838 reposent notamment les familles de Bois-Yvon, de Borel et de Moges qui, les unes après les autres, ont possédé le domaine de cette ancienne commune, la famille de Moges habitant alors à Saint-Georges d'Aunay (Calvados) ; le 28 février 1869, à la suite du décès arrivé ce jour, de M. le Général Le Chartier de la Varignière, Commandeur de l'Ordre Impérial de la Légion d'Honneur, le maire s'informe si, sur l'acte de décès, il peut faire précéder le nom du père du général du mot " Messire " et celui de sa mère, du mot " Noble Dame " -, le 6 février 1882, le Conseil municipal demande que la gare qui doit être établie entre Torigni et le Bény-Bocage et le point d'embranchement de la ligne de Caen, soit placée au lieu dit : " la Croix étêtée " territoire de Guilberville ; puis, à la date du 11 novembre 1888, il est consigné ceci : " Inscription de l'ancienne cloche, l'An 1736, j'ai été nommée Madelaine ; par Messire Augustin de Couvert, seigneur de Coulons, seigneur et patron de Beuvrigny, Mithois gouverneur de Bayeux, escuyer de la Reine et par noble dame Madelaine George son épouze " ; poids des nouvelles cloches : 501 kgrs ; 347 kgrs et 252 kgrs ; enfin, le 21 novembre 1906, le règlement sanitaire imposé, à la commune de Beuvrigny... par le Conseil départemental d'hygiène, est transcrit sur le registre des délibérations municipales, mais rien n'indique que ces Messieurs du Conseil en aient délibéré sur son application, ni mis les habitants au courant... de la question ; on y parle pourtant de fosses à purin, de cuvages, de routoirs, vidanges et gadoues... ! À la même époque, des incidents sérieux se produisirent au sujet de l'inventaire des biens mobiliers se trouvant dans l'église ; il y eut des rassemblements, la gendarmerie, puis l'armée intervinrent, des condamnations furent prononcées et le calme revint. Ces événements qui contrariaient bien des " gens " étaient estompés par la visite très heureuse de Monseigneur de Bonfils évêque du Mans venu suppléer dans les cérémonies du baptême de sa nièce, née le 27 juillet 1907 ; (par déférence, nous n'en dirons pas plus !).

Voici maintenant quelques renseignements concernant l'ancienne commune de la Chapelle-Heuzebrocq qui, en 1818 avait 258 habitants. D'après le savant évêque d'Avranches Daniel Huet, ce nom s'expliquerait par " maison du marais " ou " du pont " et pourtant rien ne semble accréditer cette précision.

L'habitation principale devait être le manoir qui existe encore en tant que ferme ; partant d'un étang une avenue y conduit ; ce manoir, jusqu'à la Révolution, était habité par des familles nobles, les de Bois-Yvon, et de Moges-Buton ; la pierre tombale, placée dans le choeur de l'église, est celle d'un membre de cette dernière famille. Aux Archives départementales, vous trouvez cette précision : " Un de Bois Yvon est mort, sans postérité, le 15 mai 1669 et l'on disait autrefois " Notre-Dame de la Chapelle-Heuzebrocq, dans laquelle (paroisse) on aperçoit encore les ruines d'un vieux château dont les murailles étaient fortement bâties " .

Son territoire était délimité : au Nord, par le ruisseau qui descend de l'étang de la Chapelle vers celui de Beuvrigny ; au Sud, par l'ancienne route de Caen qui court sur la crète du Parc à la Haute Ferrière ; puis, du côté de la Hervière, par la commune de Guilberville et, du côté de la Martinière et de la Picotière, par celle de Fourneaux.

L'aspect de l'église - d'une petite église d'autrefois - a varié au cours des siècles, notamment vers la fin du XVIIIe siècle ; la chaire et les bancs sont de cette époque et la chaire construite avec le bois d'une ancienne tribune ; la couverture, autrefois en chaume, et la voûte de bois, ont été refaites entre 1800 et 1810, Dans la sacristie, un tableau représente un personnage assis près d'une bibliothèque et devant, une table de travail, où l'un des papiers qu'il examine avec une loupe porte cette inscription : " Michel Porquêt, philalète et misocosme, né à Neuville, près Vire, en may 1696, curé de la Chapelle-Heuzebrocq depuis 1742 jusques au 6 avril 1770, âgé d'aujourd'hui de 75 ans, revenu dans sa patrie après la démission volontaire de sa cure (1770) " . Ses Adieux en distiques latins sont écrits sur le registre des baptêmes, mariages et inhumations, à la date du 6 avril 1770. Dans le cimetière, vous trouvez la pierre tombale de Nicolas Louis, sieur des Fossés, décédé le 8 mai 1767, âgé de 49 ans et docteur en médecine. En 1793, les titres seigneuriaux ont été brûlés dans la chasse, derrière la sacristie ; des pierres tombales ont été enlevées, brisées et jetées à l'empierrement des chemins ; l'if du cimetière devait être de forte taille, puisque ses branches soutenaient la cloche paroissiale, avant la construction du clocher.

En 1789, le Curé de cette commune de la Chapelle-Heuzebrocq est membre de l'Assemblée d'Election de Saint-Lô, pour " l'arrondissement de Thorigny " , en même temps que Messieurs de la Gonnivière du Burel, de Saint-Symphorien, Guérard d'Argancby de Condé-sur-Vire et Osmond de Thorigny, A la même époque, deux prêtres réfractaires se cachèrent, l'un dans le village de la Busnelière, et l'autre dans la famille Le Bret, au village de la Hervière.

Les plus anciens registres d'état-civil remontent à l'année 1634 ; les mêmes noms se retrouvent encore présentement, tels que Duval, Delafosse, Corbel, Louis, Létot, Hue, Havin et Massier ; le village de " la Hervière " semblait être le plus important ; les habitants étaient surtout des laboureurs et cependant il y avait aussi un barbier, un charpentier, un boucher et un marchand de porcs.

Aux Archives bayocasses, vous trouvez 5 ou 6 parchemins calligraphiés relatifs à une demande en réduction du nombre de Messes devant être célébrées en l'église de la Chapelle-Heuzebrocq, à la mémoire de noble dame Marie Niahias, veuve en premières noces dEtienne Blanchard écuyer, seigneur d'Aucyerville et en secondes noces d'Alexandre de Moges, seigneur de Saint-Georges, bisaïeule du demandeur jean, Marquis de Moges-Buron, seigneur et patron du lieu ; cette fondation de messes résultait de contrats devant les notaires de Thorigny du 28 avril 1709 et grevait douze vergées de terre en trois morceaux, en la dite paroisse ; la réduction du nombre des messes fut accordée le 23 septembre 1767 par Mgr de Rochechoir évêque de Bayeux. Et par contrat du 28 février 1769, cette dame de Moges donnait à perpétuité, au bénéfice d'un chapelain en l'église de la Chapelle, 145 livres de rente foncière à prendre sur des sieurs Delaville, Le Bret et Lepilleur.

Pour clore, reprenons encore une notice historique qui révèle ceci : " Un révolutionnaire vint cependant agiter la commune, un certain Bois Ramey (qui fut adjoint au maire de Beuvrigny !) - homme rapace dit un mémoire du temps -, Il se fit adjuger, pour une somme dérisoire qu'il ne paya peut-être jamais, le presbytère de Beuvrigny et ses dépendances, alors vendus comme domaines nationaux, ce fut lui qui fit effacer sur les tombes de l'église les mots " Seigneur et Patron " des de la Gonnivière et des de Saint-Quentin, sous prétexte qu'ils eussent pu attirer sur la paroisse, les plus grands malheurs, et à la fin de la Révolution, tout rentra dans l'ordre " .

Chevry

D'une étendue de 364 hectares, cette petite commune avait en 1818 : 241 habitants ; en 1832 : 246 ; en 1874 : 261 ; en 1887 : 221 ; vers 1941 184 et en 1952 : 143 seulement.

Un dicton populaire parle des " renards de Chevry " , peut être en raison de la proximité du bois de Moyon et de quelques méfaits de ces animaux.

Avant la Révolution, en droit féodal, Chevry relevait en partie de la châtellerie de Hambye et de la baronnie de " la Roche Tesson, à la Colombe " .

Cette commune ne semble pas avoir d'histoire locale. M. Gaëtan Guillot, dans une superbe édition de 1889, titrée : " La Normandie monumentale " , écrit longuement sur le château de : " la Millerie " dont il fournit une superbe gravure. Ce château appartient actuellement, à la famille Noël et il faut préciser que Monsieur Pierre Noël, récemment décédé, fut longtemps le maire de " sa " petite commune, qu'il connaissait dans ses moindres détails et à laquelle, il était tout dévoué. Cette superbe propriété, entourée d'arbres plus que centenaires et de belles pièces d'eau, se trouve, en fait, en la commune de Tessysur-Vire, mais, paraît-il, à la suite d'une " rectification " de frontière. Alors, choisissons Chevry... !

Voici ce que Monsieur Guillot écrit, en résumant un peu, car le texte est très long :

" L'origine de ce nom : " la Millerie " vient probablement de ce que la première habitation élevée dans ce domaine appartenait à une famille de Milles, sur laquelle nous avons trouvé dans les papiers du château, quelques renseignements. Peu d'années après la fin du XVe siècle, apparaît dans les actes, le titre de sieur de : " la Millerie " , possédé par des " Le Moussu " de race noble dont l'un, en 1612, était lieutenant général du bailli de Moyon ; un autre, Nicolas, fut enterré dans l'église de Chevry, où l'on voit encore son tombeau ; à côté de lui fut enterrée sa femme " demoiselle " Louise Germain que des pièces historiques nous signalent sous le nom de Louise Germain de la Conté, originaire de Saint-Jean-de-Daye " . En 1658, Nicolas Le Moussu avait obtenu de Monseigneur de Loménie de Brienne l'autorisation d'ouvrir une chapelle dans sa maison de : " la Millerie " ; de ce sanctuaire familial, il ne reste que deux tableaux qui ornaient jadis et que l'on conserve encore de nos jours. Il faut ajouter que le château, en sa partie centrale la plus ancienne, remonte au début du XVIIe siècle très reconnaissable à ses toits élevés et pointus ; ses propriétaires successifs l'ont remanié quelque peu au XVIIIe siècle, mais sans en retirer le caractère. Antoine Le Moussu fut le dernier du nom ; ses deux nièces dont

l'une avait épousé Antoine des Marets, sieur de Bavent et de Mont Chaton et l'autre Louis Le Roy, sieur de la Bretonnière, vendirent le domaine de la iMillerie à Gilles Raoul bury, Conseiller du Roy, en l'élection de Saint-Lô ; une fille de ce dernier, Magdeleine, épousa La Folley de Sorteval ; ce fut de leur fils Philippe Henri La Folley, sieur d'Artilly que Jean-Baptiste Pinel du Hamel, architecte du roi dans le corps des Ponts et Chaussées, bourgeois de Thorigny, acquit le domaine en question. Trois architectes, descendants du précédent, qui avaient donné le plan de plusieurs églises du pays et du clocher de Saint-Romphaire, s'employèrent à la construction, puis à l'ornement de l'église de Chevry ; la paroisse de ce nom, siège d'un fief relevant de la seigneurie de la Roche, dépendait de l'archidiaconé du Val-de-Vire et du doyenné de Percy ; elle paraît avoir été constituée fort anciennement. En 1271, nous trouvons dans le dénombrement de l'Ost de Foix (exercitus Feixansis) le nom de Guillaume Bertram, détenteur du fief de Chevry " .

" Il fut cédé, vers 1783 à Jean François Christophe Pinel qui s'intitula depuis lors, seigneur et patron de Chevry. Au centre de ce fief s'élevait jadis une église fort ancienne dont il ne restait plus que quelques pierres employées à la construction du presbytère de Chevry ; sur l'une d'elle, on lit une date du XVIIe siècle " (que M. Guillot ne précise pas).

" Nicolas Pinel mourut à Tessy, en 1757, six mois après l'acquisition faite par son fils du domaine de la Millerie. - Le fils de Jacques Pinel qui hérita de son père et de son oncle fut, comme eux, bourgeois de Thorigny. - Il acheta la seigneurie et le patronage de Chcvry, des princes de Monaco, s'intitula seigneur et patron de la paroisse et prit femme dans la noblesse du pays. De " Mademoiselle " de Billeheust de Boëssé, il n'eut qu'une fille Marie Thérèse Victoire qu'épousa François joseph Leconte écuyer, sieur de Sainte SUzanne qui devint, sous le Premier Empire et la Restauration, Membre du Conseil Général et juge de paix à Tescsy. Il ne laissait qu'un fils, Sigismond, né à Chevry en 1797 qui servit sous la Restauration comme officier de cavalerie et fut garde du corps de Charles X. Il épousa, en 1836, Mademoiselle Epron de la Fossardière et murut en 1854 ; il habitait constamment la Millerie ; son fils Sigismond Charles Joseph mourut célibataire en 1864 ; Madame de Sainte Suzanne hérita de son fils ; elle mourut en 1884 laissant tous ses biens à ses neveux Léon et Alfred Prémont, membres du Conseil Général de la Manche " . Il faut ajouter, pour compléter cette relation héréditaire, que M. Alfred Prémont célibataire, était conseiller général de Ste-Marie-duMont et que M. Léon Prémont, Conseiller général du Canton de Tessy, épousa en secondes noces Mlle Félicie Noël ; qu'il décéda en 1893, laissant ses biens à sa femme, qui, avant d'entrer en religion, les distribua entre ses frères dont l'un d'eux eut le domaine de la Millerie.

Notons encore quelques décès, en faisant par là même un peu d'histoire locale : le 1er mai 1758 est décédée Anne de Laubrie ; le 6 mars 1778, Marie Pinel, fille de Désiré et de noble dame Anne Charlotte de Billeheust et le 13 juin 1757, Nicolas Pinel, sieur de la Croix, 82 ans, architecte. Il est curieux de trouver à Chevry, la famille de Laubrie, du Mesnil-Raoult et celle des de Billeheust, de Saint-Vigor-des-Monts ; de prime abord, rien ne l'explique.

Domjean

L'étymologie de ce nom, d'après l'abbé Bernard, s'expliquerait par le titre de Dominus, devenu Domjean et qui précédait le titulaire de l'église Saint-Jean-Baptiste patron de la paroisse. Au moyen Âge, explique-t-il, les titulaires des églises avaient, non le titre de saint, comme de nos jours, mais celui de Dommes, diminutif de Dominus.

D'une étendue territoriale de 1.656 hectares, cette commune avait en 1818 : 1.295 habitants ; en 1832 : 1.300 ; en 1874 : 1.180 ; en 1887 : 1.100 ; vers 1942 : 906 et actuellement 904 d'après le recensement de 1952.

En raison des faits de sorcellerie qui auraient eu lieu autrefois, il est courant de parler des " sorciers de Domjean " dont on ne précise pas les méfaits.

L'église de Domjean a cette particularité, qu'à la base de la flèche, vous remarquez aux angles, quatre autres petites flèches ; le tout agrémenté de clochettes extérieures, rehaussé d'un coq.

Au carrefour de la grande route et de celle allant vers la Chapelle-sur-Vire, vous trouvez un calvaire, sur le piédestal duquel est gravée dans le granit l'inscription suivante : " Cette Croix réparée aux frais de M' Gilles Lemesle père qui a fondé à perpétuité l'école, trois mois de mission par an à Constances (Coutances) et une messe tous les jours, dans cette paroisse ; lecteur) en sa mémoire, dites Pater et Ave 1695 " .

Autrefois, une maladrerie dite du " Goulet " existait en la paroisse de Condé-sur-Vire, pour cette paroisse et celles de Sainte-Suzanne-sur-Vire, Brectouville, Saint-Louet, Giéville, Domiean et Fourneaux afin d'y loger les malades contagieux des dites paroisses ; par la suite, elle devint une léproserie quand la lèpre apparut en 1100, apportée par les Croisés de Palestine ; cette maladrerie résultait d'une charte de 1.035 fondée à Condé-sur-Vire, fief de la Charbonnière, près du village de " Villeneuve " .

La seigneurie de Domjean, au lieu dit " Bouttemont " fit, dans le principe partie du domaine ducal et la donation faite vers l'an 1.100 de l'église de la paroisse à l'Abbaye du Mont St-Michel en est, écrit l'abbé Bernard, une preuve suffisante.

Vous trouvez, dans la côte de Jacre, une fontaine appelée : " la fontaine Saint Maur " , dont l'eau aurait la propriété de guérir les enfants marchant difficilement. Autrefois, il existait " la chapelle St Maur " , dans un champ appelé " le clos St Maur " .

Il est possible de préciser que ce champ est longé par l'ancienne grande route, que la chapelle en question était à 15 mètres de celle-ci, qu'elle avait une longueur de 12 mètres 02, une largeur de 5 mètres vers Est et de 6 mètres 02 vers Ouest et qu'elle était à 7 mètres 06 de la ligne séparative du terrain contigu n'en dépendant pas. Après la Révolution de 1789, elle fut vendue avec le terrain en dépendant, comme bien national, le 16 décembre 1791, pour 1.400 francs à Messieurs Jean Tricard dont l'un était maire et à M, Charles Binet procureur de la commune. Le Conseil Général de Domjean (dans sa délibération du 29 mai 1792) voulait en faire une mairie mais le tout fut vendu à Messieurs Guillet par contrat devant le notaire de Thorigny du 3 novembre 1794. Il y eut un très long procès au sujet d'un échange non réalisé et dans un rapport d'experts de 1819, il est précisé que la chapelle est en ruines et la toiture tombée à l'intérieur, et, de plus, que les biens de la Cure comprennent notamment une ancienne boulangerie servant actuellement de bureau pour la mairie !

Chamillard cite à Domjean, en 1666, des " de Gouvetz " dont l'un d'eux Théodore épousa la fille de jean de Brébeuf, sieur du pont en Condé-sur-Vire ; aux archives du Calvados, vous trouvez le même quafifié de sieur de l'Angottiète " . Le même auteur précise encore, qu'un siècle plus tard, donc vers 1766 une nouvelle famille noble s'établissait à Domjean, sur les bords de la Vire, celle des Regnault de Bouttemont qui fournit plusieurs baillis à Tessy et à Thorigny. Pourtant, dans son livre sur Saint-Lô, l'abbé Bernard cite Guillaume de Bouttemont, chevalier, sans préciser toutefois, d'où il était, en tant que bienfaiteur de l'Hôtel Dieu de Saint-Lô et cela d'après un ancien parchemin conservé en cet hôtel et datant des environs de 1665 ; il cite, au même titre, notamment jean de St Ouen de Baudre, Raoul de Quiébouc, chanoine de Coutances, Pierre de Trégotz, Jean de Soule et Guillaume de St Gilles.

Les uns et les autres parlant de Bouttemont, pensaient pouvoir modifier ce nom et le traduire en " bout du Mont " ; qu'à cela ne tienne ! ...

1° L'Annuaire de la Manche, de 1849, au titre de Domiean, (et je cite), précise ceci : " Il est fait mention de St Jean de Domjean, dans une bulle du pape Adrien (Monastère Angleterre, Tome II, page 903) cette paroisse dépend, pour le patronage, de l'abbé du Mont Saint-Michel, qui jouit des 2/3 des dimes et le curé possède le dernier tiers avec un trait de dime nommée : " l'Outre Jacques " , qui lui rapporte plus de 400 livres de rente suivant un jugement ou concordat passé en 1676. L'évêque de Bayeux donne la collation du bénéfice ; le sieur Le Foulon a fondé le Trésor de l'église et une école pour l'instruction de la jeunesse " .

2° Dans un livre très documenté qui fait grand honneur à la Société d'Archéologie d'Avranches (édité en 1966 à l'occasion du Millénaire monastique) et consacré uniquement au Mont Saint-Michel, il est question de conventions qualifiées de concordats entre la Congrégation de Saint-Maur et l'abbaye de Mont Saint-Michel, par le moyen desquelles l'abbaye du Mont passa sous l'obédience de la dite Congrégation ; le premier concordat est du 11 octobre 1622, entre le Cardinal de Lorraine et les religieux de la Congrégation de Saint-Maur, Sous l'article premier, il est précisé ceci : Que la dite abbaye du Mont Saint Michel sera dorénavant à l'avenir et à perpétuité, unie et incorporée à la Congrégation de Saint Maur, régie et gouvernée par leur Supérieur et selon leur institution, sans néanmoins aucune diminution, ni changement de la dignité abbatiale' ni des droits qui en dépendent, lesquels demeureront en leur état, tant pour ce qui concerne la nomination du Roy, que pour les autres droits et prérogatives appartenant au seigneur abbé et à ses successeurs abbés, ni aux présentations, collations et aucune disposition des bénéfices dépendant de la dite abbaye. Le quatrième concordat, du 17 août 1676, conclut entre M. d'Hautefeuille alors abbé du Mont St-Michel, Chevalier de Malte, Commandeur de Villedieu et des religieux précise que : " Disant que les parties aù dit nom ont fait et accordé entre elles ce qui suit, c'est à savoir qu'étant de même accord que suivant les concordats cy devant faits... les dits religieux sont fondès à prendre et à percevoir chaque année sur la Manse abbatiale, la somme de 1024 livres plus 20 livres pour l'Aumône, 18 sols pour la Chanterie, 1 livre 13 sols pour les droits des Innocents, plus 37 livres de cire pour la chapelle des 30 cierges, sur les terres de Domjean et de Bouttemont. " Il s'agit, de toute évidence, des terres du bois l'abbé et du boscq l'abbé s'entretenant et du domaine de Bouttemont dont il sera encore question plus loin ; le bois l'abbé et le boscq l'abbé voulant dire de l'abbé... du Mont St-Michel.

3° Ce même livre précise encore que les religieux du Mont possédaient un nombre important de cures et de prieurés représentant dix mille livres de revenus, provenant précisément de Domiean, à concurrence de 50Q livres et, de plus, que la manse abbatiale avait plus d'aisance, puisqu'en 1776 la baronnie de Saint Paër (St Pair) près Granville, lui rapportait 35.000 livres, celle de Bretteville-sur-Odon 26.000 livres et la seigneurie de Domjean, 1.800 livres " .

Voici un autre fait, simple coïncidence peut-être, pouvant étayer tant soit peu les relations précédentes. En 1938, M. Émile Lemonnier cultivateur à Domjean trouva dans son champ, derrière sa maison, en bordure d'un chemin rural pouvant conduire à Bouttemont, en passant par : " le mort Franc " des monnaies anciennes qui étaient semblables à celles de l'époque de Jacques Duc de Bretagne et d'Henri V d'Angleterre, trouvées au Mont Saint-Michel et telles que vous pouvez en voir au musée de ce mont.

Le château de Bouttemont d'alors, encore existant, est masqué par un superbe bois en coteau, au pied duquel s'écoule la Vire ; un autre château et une chapelle un peu de côté ont été construits depuis, le tout s'aperçoit de la route allant à la Chapelle- sur-Vire, d'où l'on embrasse cet ensemble entouré d'arbres magnifiques et de belles prairies au milieu desquelles une pièce d'eau. Au passage il faut préciser, qu'en 1925, Monsieur Gaston Regnault de Bouttemont était le cinquième maire plus ancien en fonction dans le département, comme ayant été élu à cette fonction en 1884 ; en 1816, M. Agapith Regnault de Bouttemont était également maire de Domjean.

Un autre château, appartenant à Monsieur le Marquis de Sédouy, domine la vallée de la Vire, près de la Chapelle-sur-Vire, au lieu dit : " L'Angottière " . La façade est du XVIe siècle avec, dans un angle, une tourelle très gracieuse ; cette propriété caractéristique du bocage bas-normand, avec ses communs couverts de chaume, est du plus bel effet de groupe de constructions échelonnées du XVe au XIXe siècle et démontre l'évolution d'une famille pendant plusieurs centaines d'années ; ce château est meublé de superbes tableaux, portraits, gravures, notamment une très grande tapisserie d'Aubusson, ayant appartenu à la famille de Brémond d'Ars ; dans les vitrines sont de très beaux bibelots et le mobilier est à l'avenant ; le tout flatte l'oeil des visiteurs qui remarquent aussi une fort belle cheminée de granit dont le manteau porte des inscriptions nobiliaires ; un sceau comporte les 3 fleurs de lys d'un notaire apostolique, ce qui est très curieux ; une date aussi : 1717 ; au bas de la cheminée de la cuisine, vous remarquez, en granit, une tête d'incas. Peu après le débarquement allié de 1944, cinq officiers allemands se querellèrent dans le salon du château et l'un d'eux, face à la glace de la cheminée fut abattu par les autres ; la raison devait être défaitisme ou propos anti-nazis.

En son château, Monsieur le Marquis présente souvent des expositions de peintures et de gravures d'artistes contemporains renommés ; il est Président de l'Association des vieilles maisons de France et des Chevaliers de la Croix de Malte. La visite du château vous est proposée et un guide vous accompagne ; de là aussi, vous jouissez d'un superbe panorama et de belles promenades sont permises dans les bois et les allées de la propriété ; les bois s'appelant respectivement le bois des Soupirs, le bois des Amours et le bois des Regrets... ! Le colombier, couvert de chaume, comportait 750 trous correspondant au nombre de pigeons que pouvait avoir le seigneur d'alors et ce, à raison de 50 ares de terre par volatile ; le domaine avait donc, en ce temps-là, 375 hectares. Près du château, vous remarquez un petit bâtiment qui abritait un four banal et, probablement, seigneurial d'autrefois.

Vous trouviez encore en cette commune de Domjean, les fiefs de Lignerolles et de Feuguerolles ; pour le premier cité, il existe aux Archives départementales de la Manche, dans la série des Chartiers, deux liasses de parchemins traitant de ce fief, mais la lecture en est fort incommode ; à Feuguerolles, en bordure de la route, devant la propriété de M. Mauger, une pièce de terre, signe des temps &iens s'appelle : " l'Us de devant " .

Alors que les 41/50e du siècle précédant le nôtre étaient accomplis, un journal : " le Causeur Normand " relate certaines difficultés qui se produisirent à Domjean. La scène se passe, en épilogue, au chef-lieu de canton, un mercredi. Depuis quinze jours, la présence des vingt-cinq pendus de Domiean (cette expression est employée) devant le juge de paix avait quelque peu intrigué dans la " contrée " (ce mot est aussi écrit). Le juge de paix prétendant le cas délicat - et il devait l'être - avait demandé quinze jours de réflexion pour rendre son jugement ; le mercredi 31 janvier ceux qui tiraient la langue (les pendus) ou que l'on considérait comme tels, se retrouvent à l'audience ; deux messieurs ayant fait leur devoir légal sont en cause ; un avocat St Lois les accuse d'illégalité et rappelle les incidents du 15 octobre précédent. L'auteur de l'article conclut en ces termes : C'en est fait, le juge de paix ne fait rien contre nous (c'est qu'ils étaient probablement coupables) et ajoutent, rien contre les autres non Plus. C'était, somme toute, un bon jugement destiné à calmer les esprits échauffés, voire surchauffés.

Transportons-nous, maintenant en 1944. Un résistant de Domjean, M. Julien Hinet cultivateur au " Vau Patin " , grand de coeur et de taille - mourut atrocement, ainsi que 42 autres détenus, en la prison de Saint-Lô, à la suite du bombardement aérien dont la ville éprouva les horreurs, dès le 6 juin, à 20 heures 05 ; à la prison, quand le bombardement commença, les geôliers allemands vérifièrent la fermeture des serrures et allèrent se mettre à l'abri - tous les " détenus " furent tués ou brûlés vifs ; Monsieur Hinet était parmi eux ; il faisait partie du groupe de résistants de Torigny, découvert quelques jours avant le débarquement et ses membres emprisonnés . Domjeannais, lorsque vous entendez parler des résistants de Beaucoudray, songez à M. Hinet qui a le droit aux mêmes égards et au même souvenir ému.

En août 1960, Madame Louis Mourocq cultivatrice à Domjean, lieu dit " la Prioreté " (il était alors 19 heures 30 ; il pleuvait) trayait ses vaches dans un champ, près de sa maison. Tout à coup, sans le moindre bruit, une grande clarté se fit et Madame Mourocq pensa que deux phares d'auto l'éclairaient tout en ne concevant pas cela possible derrière elle ; revenue de sa première surprise, elle se leva et regarda autour d'elle, mais ne vit rien ; cette grande clarté persistant, elle leva les yeux vers le Ciel et aperçut une lueur aux couleurs très vives et se dit en elle-même à plusieurs reprises " que c'est beau " ... ! Cette clarté résultait d'une traînée lumineuse en forme de queue de paon, qu'elle vit pendant près d'une minute et dont la longueur pouvait être de 200 mètres sur 10 ou 20 mètres, à une hauteur difficile à évaluer de 2.000 mètres, peut-être le double. Cette " queue de paon " se déplaçait lentement d'Est vers Ouest et précise-t-elle encore, de Guilberville vers Fervaches. Au même moment, le petit commis de M. Yves Rabec fermier voisin, occupé à traire également, vit cette même lueur, mais, pris de peur, rentra en courant chez son patron. Faut-il mettre cette lueur au rang des soucoupes volantes et des cigares ? c'est possible et quoi qu'il en soit, beaucoup de personnes en ont vu de semblables.

L'an dernier, (le 28 juillet) la commune de Domiean fêtait sa centenaire Madame joseph Françoise née Victorine Binet qui naquit au village de : " la Villière " qu'elle n'a jamais quitté ; autre détail : un avion américain, dès les premiers jours de juin 1944 s'abattit devant la maison de cette dame qui en fut quitte pour une sérieuse peur et l'aviateur capturé par l'ennemi.

Dans un registre titré : " Notice historique sur l'église et la paroisse de Domjean " , j'ai relevé divers renseignements que voici groupés, afin d'en conserver toutes les précisions : " On ne connaît pas le nom que portait Domjean avant la conversion de notre pays au Christianisme ; il paraît que Domjean s'appela " Saint Maur " . Au Xe siècle, Domjean était un fief des ducs de Normandie que Richard I donna en dot à la princesse Eléonore sa seconde femme ;

devenue veuve, elle donna Domjean, aux abbés et religieux du Mont Saint Michel qui en devinrent légitimes possesseurs, du moins, pour toute la partie

au midi du ruisseau de Jacre, désigné par la suite, fief du Mont St-Michel et fief de Bouttemont ; le bois l'abbé appartint aussi au Mont Saint-Michel ; (il semble que ce bois fut vendu au moment de la Révolution à des torignais qui le cédèrent ensuite à un M. Caillemer que l'on trouve, à cette époque, propriétaire du domaine de Breuilly, en la commune de Saint-Louet). Les droits des dimes du Mont St-Michel étaient prélevés à Domjean, dans la grange qui servait à cet usage et se trouvant derrière le choeur actuel de l'église ; elle fut

vendue pendant la Révolution de 1789, pour devenir une boutique ; il y avait deux autres granges, l>une au village de " l'Epinière " et l'autre à " la Palière " ;

cette dernière servait le quartier de Jacre sur lequel, seul, le curé de Domjean avait le droit de dîme ; les deux autres parts étaient pour les abbés du Mont

St-Michel. Lorsqu'il fut question de la construction de l'église actuelle, les habitants, avant de prendre une décision, députèrent l'un d'eux Charles Binet

Lafontaine, à l'intendant du Mont Saint-Michel pour obtenir le consentement de Monsieur de Broglie alors abbé du lieu ; des documents anciens prouvent

la condamnation encourue, en 1605, par les abbés du Mont, à réparer le chœur de l'église. On voyait dans l'église, avant la Révolution, les armoiries du Mont St-Michel, détruites en 1792. L'église fut détruite le dimanche 23 juin 1754 et le  choeur était, dans le principe, la chapelle de la Communauté. Dans un contrat de fondation de 1570, on lit ceci ; " cette pièce sur laquelle est affectée la rente de jean Turgis touche d'un côté au manoir priorial de bout en bout, duquel coule le petit ruisseau de " Jourdan " ; cette prairie et ce lavoir sont encore nommés " le manoir " et par déformation " le manet ". La Chapelle St Maur fut acquises en 1794, par Pierre Guillet, moins 22 perches de terrain conservées pour la Cure ; il y eut, quelques années après, un procès avec Guillet au sujet de ce terrain conservé et pendant ce temps, assez long sans doute, la chapelle tomba en ruines. Avant 1681, le clocher de l'église formait une pyramide élevée sur le bois de la nef, près du choeur ; en 1695, il est fait mention d'une tour élevée sur le bois de la nef et le 31 décembre 1720, la foudre tomba dessus ; la nouvelle tour, surmontée d'une bâtière, fut exhaussée en 1849 et la flèche actuelle

y fut placée. Jusqu'en 1824, le cimetière entourant l'église était planté de pommiers ; on enterre dans le cimetière actuel depuis l'année 1921 et, dans celui-ci, en bordure de la route remarquez une petite chapelle élégante, ayant cette inscription gravée dans le granit : " Érigée par Mlle Fare, sa famille et J. L. Rohée et bénie par Mgr l'Evêque le 9 7bre 1865 " , Le presbytère fut incendié en 1713. En l'An XII, Michel Regnault de la Brémonnière, natif de Domjean, était curé succursaire de la paroisse, La chapelle de l'Angottière, disparue depuis longtemps, était sous le vocable de Saint Louis, roi de France. Par contrat de 1655, Michel Le Foulon prêtre originaire de Domjean fonda une maîtrise d'école et donna pour cela 200 livres de rente, le jardin " Saint Jean " de 3 vergées (qui s'appelait précédemment " le clos Labrousse " , parce qu'il était sans doute mal entretenu et la maison nécessaire pour le maître et les élèves, sous condition que le maître serait prêtre ; (ajoutons, pour plus de précisions, que ce contrat est du 20 juin 1655, devant Philippe et Robert Cauchard tabellions à Thorigny-sur-Vire et NI. Le Foulon étant alors économe au Collège Royal de Navarree; et que dans un inventaire communal de 1842, il est précisé que ce contrat de neuf feuillets est dans le tiroir de la table de la mairie... " Et de 1655 à 1710, vous trouvez comme maître d'école-prêtre, l'abbé Lepeinteur, puis, l'abbé Boullot, originaire de Domjean, pendant les 26 dernières années. En 1666, on fit un état des fiefs nobles, ainsi précisés : le fief de Domjean (qui était sans doute, les biens du bois et du boscq l'abbé) et le fief de Bouttemont, tous les deux possédés par les religieux du Mont Saint-Michel ; le fief de Lignerolles possédé par les de la Gonnivière et le fief de Servigny possédé par le Chevalier de ? (le nom est laissé en blanc). Il n'est pas plus question du fief de Feuguerolles ; Au moment de la Révolution, 2 cloches sur 3 furent portées à Saint-Lô, pour faire des canons " . Voilà donc cette notice transcrite.

Il faut aussi ajouter qu'en montant le bourg de Domjean sud votre droite, vous trouvez " le jardin du Couvent " , sans doute bien nommé autrefois et que Monsieur Jean Launay, du Castillon, militaire de carrière, émigra aux temps anciens, évidemment.

Enfin, pour terminer, voici un peu d'histoire ancienne. - Saviez-vous, par exemple ? :

Que le dimanche 5 août 1792, à l'issue des vêpres, le " Conseil Général " de Domjean assemblé dans " la cour de l'abbé " déclarait la Patrie en danger et cela, en " présence du Commandant en Chef du bataillon de Domjean, des capitaines et officiers des deux compagnies et des formations de celles-ci " . Que le 22 août 1792, après examen fait par le Procureur de la commune conjointement avec les Officiers municipaux, le Conseil Général décidait que le drapeau des bataillons des gardes nationales serait fourni par toutes les Compagnies qui les composaient et faisait défense à Etienne Hervieu " député " d'en faire l'achat qui est pavé... par la commune. Que le samedi 8 septembre 1792, Monsieur Louis Bune officier municipal et M. François Picot marchand, sont nommés commissaires pour le recrutement. Que le 10 février 1793, ce dernier est accepté pour la perception des contributions, dans la commune de Domjean, mais qu'il doit être cautionné par son frère Jacques. Et qu'en 1792 et 1793, il y eut de longs palabres pour l'établissement des contributions communales, mais aussi pour l'évaluation des revenus fonciers... ! C'est ainsi que plusieurs réclamations sont faites par des contribuables et que l'une d'elles est consignée sur le registre des délibérations du Conseil Général, à la date du 30 juin 1793 ; en voici quelques passages : " ... À cet effet, leurs plaintes, ainsi que de ceux sur lesquels ils se sont plaints, nous y avons opéré... il se trouve que les citoyens... (pourquoi pas le nommer !) jean Tricard, jean Aumont, Charles Godard, Antoine Le Monnier et Louis Boullot étant commissaires en 1791 se trouvent augmentés par nous... sans doute qu'ils ne voudraient point que leur fraude fut connue, mais il est trop tard... ! il fallait donc s'opposer à nos visites ou demander plus tôt que la vérification de tous les fonds de notre commune... parce qu'ils savaient qu'il n'était plus temps, vu que les bleds étant en épi et en fleur... et les augmentations ou diminutions faites par nous seront portées sur la ditte matrice... " Ça au moins, c'est énergique ! surtout qu'il s'agissait de Monsieur... le Maire et de " gens " qui l'entouraient " souvent " ...

Fervaches

D'après un Monsieur Lecanu, l'étymologie de ce nom serait " Fervidoë aquoë " ou... eaux chaudes ; cela s'expliquerait par la présence d'une source d'eau minérale et chaude dans la commune ou de quelque therme ; mais, rien n'est venu étayer cette explication ; en toute naïveté, évidemment, l'explication serait endroit où l'on ferrait les vaches de labour ou endroit où l'on fabriquait des fers à vaches... !

Cette petite commune, d'une superficie de 489 hectares comptait : en 1818 : 533 habitants ; en 1832 : 565 ; en 1874 : 541 ; en 1887 507 ; en 1941 : 323 et en 1952 : 291 seulement.

L'église paroissiale, sous le vocable de Saint Pierre ès liens, est fort élégante et a bien l'aspect d'une petite église de campagne très endommagée en 1944, au moment des combats de libération, elle a été rapidement réparée, grâce aux actives démarches de Monsieur Alfred Marie, commis principal d'architecte alors maire de la commune ; trois nouvelles cloches furent placées, à cette occasion. et une très 'belle fête eut lieu le 7 décembre 1948 ; le choeur de l'église est d'architecture romane ; cette fête, disons-nous, était rehaussée par la présence de Monseigneur Simonne, vicaire général de l'Évêché ; les cloches portent ces inscriptions : la plus grosse : j'ai été nommée Madeleine Thérèse Marguerite Germaine par M. A. Marie maire, M. P. Delaunay ; Mme L. Jeanne, Mme E. Lerendu ; la moyenne : j'ai été nommée : Maryvonne Georgette Paulette Germaine par M. R. Dessoulles, Mr G. Poulard, Mme TH. Delaunay, Mme L. Desmonts ; et la petite, j'ai été nommée : Yvonne Fernande Anne-Marie Léonne Germaine par Mr. E Gosselin, Mr. A Lemonnier, Mme ~A. Giot et Mme *P. Beaufils ".

La seigneurie du lieu semble avoir appartenu au XIIIe siècle et au XIVe siècle à la famille le Campion ; en 1463 vous trouvez Jehan de Brébeuf et en 1546 Jean Lejolivet ; l'un et l'autre qualifiés du titre de seigneur de Fervaches ; en 1682, cette seigneurie avec celles de Troisgots et de St-Romphaire appartenait au marquis de Renty. Fervaches avait-elle " son " château ? on ne le sait, à moins que, par intuition de notre part, au village des Huttereaux ?

Lorsque vous allez de Tessy à la Chapelle, en empruntant la rive droite de la Vire, vous apercevez sur votre gauche, à flanc de coteau, en descendant la côte précédant le pont à tan, " enjambant " le ruisseau de la Jacre, une grosse pierre appelée communément " la grotte du diable " dont la raison est inconnue ; cette grotte se trouve sur le territoire de Fervaches, lieu dit " les vages "et même le Val de Vire, dominant ainsi la rivière qu'elle regarde c'est un bloc de pierre travaillé au cours du siècle dernier par un M. Duval-Duperron alors juge de paix et qui possédait des terres dans le village ; à l'intérieur de cette pierre, faisant bloc avec elle, se trouve un banc ; le tout est rectangulaire et 5 ou 6 personnes peuvent se tenir à l'intérieur, " l'architecte " de cette pierre venait y passer de longues heures dans le calme et la tranquillité ; c'était sans doute un sage. !

Fervaches a aussi son " évêque ", comme une autre commune a " son "politicien plus ou moins célèbre... ! Saviez-vous qu'en cette paroisse - car il s'agissait alors de paroisse - est né le 29 octobre 1757, Guillaume Mauviel qui fut évêque constitutionnel à Saint-Domingue, pendant plusieurs années ; revenu à Paris, il mourut à Cizé-sur-Yonne, en 1814, où il était en traitement ; auteur de plusieurs éloges funèbres d'évêques, il a aussi laissé divers mémoires qui ne furent publiés que bien longtemps après sa mort.

Monsieur Matinée, Vice-Président de la Société d'Archéologie de la Manche, a publié dans les Notices de 1882 que l'on trouve aux Archives Départementales, les mémoires de Guillaume Mauviel concernant son séjour à Saint Domingue et qu'il avait titrées : " Anecdotes de la Révolution de Saint-Domingue racontées par Guillaume Mauviel évêque de la colonie de 1799 à 1804 ". " Guillaume Mauviel fut envoyé à Saint-Domingue, avec le général Kerversan, commandant deux mille hommes de troupe, embarqués sur quelques frégates ; ils partirent de Dieppe, dans les premiers jours de l'An VII ; l'évêque avait droit, évidemment, au passage gratuit sur un vaisseau de l'État, mais, il se crut plus assuré d'arriver promptement et sans encombre, en ayant recours, à ses frais, à un navire neutre américain ; mal lui en prit ; la traversée fut longue et périlleuse ; deux fois pris et dépouillé par les Anglais, ce ne fut qu'au bout de quatre vingt dix jours qu'il prit pied sur la côte de Saint-Domingue, à Puerto Plata, dans le département du Cibao. Le général Kerversan et ses hommes prirent possession d'une moitié de la partie espagnole de l'île, où dominait Paul Louverture, frère de Toussaint ; la bonne entente était loin de régner entre tous. De son côté, le capitaine Magon, établi à Fort Dauphin réussissait par d'adroites négociations et sous l'influence du même évêque, à gagner à sa cause, le général mulâtre Clervaux et à lui arracher la riche plaine de Saint Yogo. L'auteur (M. Matinée) précise encore que le retard apporté à la publication des mémoires de Guillaume Mauviel s'explique aisément si l'on se reporte au commencement du siècle. L'abandon de Saint-Domingue fut le seul événement qui fit ombre à la gloire de Bonaparte, premier Consul. Au moment où le vainqueur de Marengo envoyait à Saint-Domingue une armée commandée par son beau-frère, le capitaine-général Leclerc, tout souriait à sa fortune, La République Cisalpine le reconnaissait comme Président ; la République ligurienne acceptait un Doge désigné par lui ; une consulte de députés suisses, réunie à Paris, s'inspirait de ses préférences et substituait le régime fédératif, à la République Une et Indivisible du Directoire. Lorsque le fracas étourdissant de gloire de Napoléon se fut un peu calmé, Mauviel retiré aux environs de Paris avait tout disposé pour livrer ses manuscrits à l'impression. Une mort prématurée vint l'enlever à son projet ; c'est ce que nous apprend un prospectus de 1821 qui précise que la générosité qui le conduisit à sacrifier sa fortune pour venir en aide aux malheureux colons avait privé ses héritiers des moyens d'achever une si louable entreprise ".

" Les mémoires de Guillaume Mauviel étaient aux mains de M. et Mme Selmours Hervieu ses parents, c'est-à-dire ses notes et manuscrits qui sont fort longs et très circonstanciés sur Saint-Domingue. "

" À son retour en France, Guillaume Mauviel fut péniblement affecté de voir avec quelle légèreté et quelle persistance l'opinion publique se déclarait en faveur de Toussaint Louverture, ce nègre considéré français de coeur et à qui on témoignait plus de confiance, en pensant qu'on aurait pu tirer parti de ses talents et de son crédit. Il y avait trois mois que Toussaint s'était emparé de la partie espagnole lorsque Mauviel y débarqua avec ses compagnons ; mais, on ne tarda pas longtemps à se rendre compte que Toussaint agissait uniquement pour son propre compte et qu'il visait à se rendre indépendant. Enfin, l'Evêque Mauviel raconte tout ce qui se passa à Saint-Domingue pendant son séjour et qu'il n'y a pas lieu de transcrire ici, eu égard à la vie du canton tessyais ; il obtint nombre de soumissions pacifiques et voulut faire le bonheur du peuple qui le considérait convenablement. Il fit la critique des ordres reçus - le gouvernement ne semblant pas réaliser ce qu'il convenait de faire en pareille criconstance. Lors de son départ de Saint-Domingue, Desfourneaux, le vainqueur de Plaisance, lui écrivait (et je cite) : " je vous fais mes adieux, digne et respectable évêque. je n'oublierai jamais les bons conseils et les preuves d'intérêt que vous m'avez si souvent donnés. J'aime à reconnaître que si j'ai l'affection des habitants, c'est à vous surtout que j'en suis redevable. Continuez à faire le bien, tant que vous le pourrez je contribuerai, du moins par mes voeux, à celui que ne pourrai plus opérer moi-même de concert avec vous. Agréez l'assurance d'un attachement vrai et qui ne finira qu'avec la vie " (signé) : Desfourneaux ".

Enfin l'auteur de cet article conclut en ces termes :

" Quand il eut rendu compte au Gouvernement de sa mission dans l'île de Saint-Domingue, Guillaume INfauviel éprouva le désir bien naturel de revoir l'humble village où s'était écoulée toute son enfance. Bon cavalier, comme il en a fourni la preuve dans un de ses récits, il fit l'emplette d'un cheval de modique valeur et entreprit à petites journées un voyage aussi long que celui qu'il avait effectué aller et retour de Santiago à Fort Dauphin. Il touchait au but, lorsque son cheval se trouva déferré et s'arrêta chez le maréchal-ferrant du lieu (qui n'est pas précisé) et qui s'empressa d'appeler son aide habituelle. Quelle fut l'émotion du voyageur, quand il vit condamnée à cette besogne sa plus jeune soeur, mariée depuis son départ de France, à cet honnête artisan (qui n'est pas nommé). Ils s'embrassèrent en versant des larmes et " notre " évêque mit le plus d'aisance qu'il put dans l'humble ménage. Le dimanche suivant fut fête carillonnée dans la paroisse de l'évêque. On s'y rendit de plusieurs lieux à la ronde, pour voir et entendre cet enfant du pays qui revenait de si loin. Il fit cadeau à-l'église de la chasuble qu'il avait emportée en voyage. Ses concitoyens la conservent comme un pieux souvenir et peut-être y attacheront-ils plus de prix encore s'ils viennent à lire quelques pages extraites du journal du vaillant prélat qui soutint jusqu'au bout les droit et l'honneur de la France dans la première et la plus précieuse des colonies du Nouveau-Monde ".

Maintenant, passons à un autre sujet ! Saviez-vous qu'en 1800, la chute du sommet de la tour de l'église endommagea le nef et la chapelle Saint Martin y attenant ; faute d'argent, les réparations ne furent faites que... 35 ans plus tard et s'élevèrent à 3.339 fr 50 ; qu'en 1819 et les années subséquentes, à la suite de demandes réitérées, le conseil municipal, prétextant de difficultés pécuniaires communales, refuse de payer sa quote-part des frais de reconstruction du pont de Gourfaleur-Baudre détruit à l'époque chouanique, en l'An II ; ce conseil précise encore que les communes rurales qu'on isolait un peu plus de Saint-Lô, de ce fait, ne devaient rien verser et en fin de compte on ne sait ce qu'il est advenu ; entre temps on passait au-dessus de la Vire, à Sainte-Suzanne-surVire, au moyen de planches et de madriers ; que le 24 août 1823, le Conseil acceptait la donation faite par M. Chipel pour une école primaire et cela écrit sans plus de précisions ; que par ordonnance royale du 23 juin 1830, la commune était autorisée à acquérir pour deux mille francs une maison devant être convertie en presbytère, mais alors estimée 3.250 fr ; l'affaire est conclue à 2.732 fr -, qu'en 1838, la mairie étant alors à : " la Héronnière ", est transférée, après décès du maire Monsieur Beaufils, au bourg, et l'inventaire du matériel et des archives est dressé par M. Loyer, maire de Tessy, délégué par M. le Préfet ; et qu'en 1852, unanimement, le Conseil Municipal demande le rétablissement de l'Empire, ainsi du reste que toutes les autres communes du département, sauf 22 seulement ; une manifestation imposante avait eu lieu en ce sens, à Saint-Lô probablement.

Pour clore, il faut vous entretenir des événements de juillet 1944, en ce qu'ils intéressent spécialement la commune de Fervaches. La présence du feldmaréchal Rommel est " signalée " à la ferme des : " Hersonnières ", tout au moins on prétend que c'est lui. Toujours est-il que le 8 juillet Madame Théodore Delaunay, veuve de l'ancien maire de la commune et sa fille Renée recevaient la visite inattendue pour elles d'un imposant groupe de hauts gradés allemands ; une dizaine de bureaux d'État-Major étaient installés dans les bâtiments de la ferme ; des fils téléphoniques partent en tous sens ; des sentinelles prennent place un peu partout ; des tentes se dressent, sous les pommiers. Cet officier général ne sortait guère et jamais en grande tenue ; de la fenêtre de sa chambre, il scrutait l'horizon, vers le Nord, muni de jumelles ; personne ne prononçait son nom, pas plus que son " cuistot ", un étudiant alsacien déjà feld-webell. Un grand déjeuner allait être servi pour le 53e anniversaire de... Rommel, si toutefois c'était bien lui ; - (ce dernier était né le 15 novembre 1891 et aurait eu 53 ans quelques mois plus tard). - Le " gueuleton " (excusez ce mot) se fit autour d'une table de 40 convives et rien ne manquait en ce 14 juillet. Deux jours plus tard, vers 21 heures, une bombe tomba dans la cour de la ferme ; les Allemands, aux dires de Madame Delaunay et de sa fille, parlèrent de sabotage, car cette bombe était allemande ; c'était, en effet, assez curieux et le hasard doit être rejeté, de prime abord. Ces dames demandèrent le nom de ce général en l'honneur de qui eut lieu ce banquet ; on leur répondit " Rommel ", mais, il apparaît maintenant qu'il pourrait s'agir du général Mierndl ; la consonance est trompeuse, mais il faut conclure que le maréchal et le général étaient là et que les deux noms pouvaient donc être prononcés. Et Pourtant en ce 14 juillet personne ne riait plus de bon coeur parmi les hauts gradés et il faut préciser que le maréchal Rommel était sans doute venu de Sain t-Vigor-des-Monts, distant de 15 kilomètres de Fervaches, et où il avait séjourné à ce moment-là.

Fourneaux

Le poète bien connu, Louis Beuve, dans ses " Adieux à la Chapelle-surVire ", parle de Fourneaux, en ces termes :

Fourneaux, très typique paroisse

où le feu lent des charbonniers

Tord sa fumée et son angoisse

sur les halliers !

Le nom de cette commune est, probablement, en rapport avec les charbonniers que l'on trouvait encore au travail, vers 1900, dans les bois de Guilberville. Cette commune englobe 234 hectares, pour une population actuelle de 127 habitants, sans école depuis la rentrée scolaire de 1966... faute d'élèves en nombre suffisant et sans prêtre depuis longtemps.

Dans le principe, la paroisse n'avait qu'une chapelle dépendant de celle de Domjean et qui n'obtint son autonomie paroissiale que vers l'année 1208. Une église de style roman fut construite et dans les archives municipales figure cette relation : " Ce jeudi 19 du mois de janvier, année 1775, les deux cloches de la paroisse Saint jean Baptiste de Fourneaux ont été bénites dans la nef de l'église de la ditte paroisse avec toutes les cérémonies perscrites par Notre Mère la Sainte-Église par Moy discrette personne Maistre Jean Thomas Louis prestre originaire de la paroisse Notre Dame de Cuves, curé de la ditte paroisse Saint Jean-Baptiste dont la plus grosse a été nommée Jeanne Pétronille et nommée par Messire Pierre du Pré de Pierreville prestre, ancien curé de Henneville, diocèse de Coutances et seigneur et patron de cette ditte paroisse Saint Jean-Baptiste et la seconde nommée par les paroissiens représentés par Maistre François Le Marchand prestre de cette paroisse et vicaire de la paroisse Sainte Marie Outre l'Eau, diocèse de Coutances " Marie Françoise " en présence de plusieurs paroissiens soussignés. P. Thurige ; V. Duval ; Duval, Legendre, Masure ; J. Delaville, Jean Le Marchand, Louis curé de Fourneaux. Au moment de la Révolution, probablement, ces cloches furent enlevées et remplacées ensuite par une seule. La tour de l'église fut démolie en 1885 et reconstruite en 1892 par Lepeltier maçon à Pleines-Oeuvres ; l'unique cloche a cette inscription : " J'ai été bénie par Pierre Desnost curé de Fourneaux et nommée Françoise Clémence par Pierre François Lecanu bourgeois de Thorigny et par Françoise Clémence Lesaulnier sa nièce et refondue par les soins de Charles Desnost maire. Anno Domini 1821 ."

La commune ne fut pas toujours pourvue d'un prêtre ; c'est ainsi que le 10 janvier 1827, à la suite de difficultés avec la commune voisine de Beuvrigny, l'évêque de Coutances fixait à... 5 fr 85, la part de la paroisse de Fourneaux dans les frais de réparations de l'église et du presbytère de Beuvrigny, les habitans de Fourneaux allant probablement aux offices à Beuvrigny. En 1838 et 1842, le Conseil Municipal demandait que l'église soit érigée en succursale, prétendant aussi que les habitants avaient une extrême difficulté à se rendre à l'église succursale de Beuvrigny et s'engageait même à fournir les secours nécessaires à la Fabrique de la paroisse dont les revenus étaient insuffisants.

Vers 1330, il y eut des " de Fourneaux " et vers le milieu du XVe siècle, un Robert des Fontaines, puis, plus tard, notamment vers 1572, un Louis Thessard ou Thésart, sieur de Fourneaux, puis des Louvel, Lecourt, Duprey et de la Gonnivière du Butel ; tous ces noms ont disparu. D'après une carte géographique de 1736, il existait une maison " notable " qui devait être la ferme actuellement exploitée par M. et Mme Ledésert et d'ailleurs au-dessus de la cheminée de la cuisine de cette ferme, le manteau de granit comporte un blason avec trois fleurs de lys ; il pouvait s'agir de la maison des de la Gonnivière, à moins toutefois qu'il s'agisse du fief de Feuguerolles, tout proche, en Domjean, car il est impossible de situer avec une grande précision ; dans ce cas, il s'agirait vraisemblablement de la propriété de M. et Mme Mauger.

Les revenus des fabriques des églises étaient très modestes et voici l'état " complet " des ressources dressé par le maire de Fourneaux qui était alors M. Leduc domicilié à Thorigny-sur-Vire... !

1° Onze livres de rente foncière, échéant à la Saint Michel dues par Désiré Le Marchand, fils de Paul, suivant titre recognitif devant les tabellions de Tessy du 21 juin 1665 reconnue en marge du dit acte, le 15 juillet 1764, par jean Le Marchand.

2° Trente-cinq sols de rente créée au denier dix-huit par Gilles Le Huby devant Godard, le 5 janvier 1688, reconnue par Pierre Thurin, le 15 juillet 1764.

3° Seize sous par Huby, fils Nicolas, devant Morel notaire à Pontfarcv, le Il octobre 1684, reconnue en marge de l'acte le 15 juillet 1764, par le dit'Thurin. 4° Six boisseaux de froment, dix-sept sous de rente et obligation de faire le couturage de l'église de Fourneaux, dùes par jean François et Pierre Le Marchand, suivant titre recognitif devant le notaire de Pontfarcy, le 17 octobre 1753 et du notariat de Tessy, pour les six boisseaux de froment et les fonctions de custos, les 22 mai 1784 et 28 décembre 1820.

En 1815, la commune de Fourneaux avait obligation de souscrire, comme toutes les communes de France, à l'emprunt au titre de : " la Contribution extraordinaire à verser au Trésor Royal " comme réquisitions de guerre en application de l'ordonnance royale du 16 août 1815 et cela évidemment comme conséquence des guerres napoléonniennes ; le département de la Manche avait été imposé pour une somme de deux millions six cent quatre-vingt mille francs de l'époque, alors que l'emprunt, sur le plan national, s'élevait à cent millions ; il était à la charge dit l'ordonnance de " Tous les principaux propriétaires, capitalistes et patentables de chaque ville et commune " et qu'ils pouvaient être

contraints au versement des fonds par voie de garnissaires, saisie et vente de leurs meubles. Parmi les redevables ayant versés rapidement leurs impositions, on trouve Monsieur Le Valloys de la Porte, de Moyon, et M. Regnault du Désert de Domjean. La trésorerie de l'État, sous ce règne de Louis XVIII ne " s'arrangeait " pas du tout ; ainsi la commune de Fourneaux (autrement dit les habitants qui avaient souscrit obligatoirement à cet emprunt) était admise (à la faillite de la France, de toute évidence) comme créancière de 342 fr. 65 sur lesquels elle ne touchait qu'un dividende de 71 %, soit 244 fr. 02 ; les prêteurs avaient été Charles Desnost, François Duval, Louis et Pierre Le Marchand et René César de la Gonnivière ; (les fonds, pour ce dernier, étaient encaissés par son homonyme, maire de St-Louet).

Par arrêté du Ministre de l'Instruction publique, Grand Maître de l'Université de France, en date du 6 décembre 1837, la commune de Fourneaux était autorisée à se réunir à celle de Tessy, pour l'entretien d'une école primaire publique, mais, trois ans plus tard, elle décidait la construction d'une école et d'une mairie s'y confondant, suivant le devis de M. Lioult, géomètre-expert à Villebaudon.

Les habitants étaient pourvus (comme bien d'autres et cela sans doute fort stupidement) d'un sobriquet peu aimable : " les bégauds " ou les " les bégâs de Fourneaux " ; que l'on veuille bien excuser ce " méchant " rappel.

Et maintenant, voici quelques lieux dits que l'on semble ignorer : au carrefour de la route de Beuvrigny, près du " Pallis ", vous aviez la grange Taquenet ; auprès de M. Louis Amiot, au hamel ès Marchands, le carrefour de la Croix de Lignerolles ; entre Fourneaux et la commune de Pleines Oeuvres (autrefois on écrivait Plaines Soeuvres), vous trouvez " la planche au notaire ", à l'endroit où le ruisseau du ruet Tison sépare les deux communes, au-dessous du pont du chemin vicinal ; un certain jour, un notaire fut-il " mal en point " en ces lieux quelque peu déserts ? ; entre les prés et costils des villages du " Bois "et de : " la Mazure ", vous trouvez " le pré aux clercs ", peut être ainsi nommé comme servant de lieu de rendez-vous pour les affaires d'honneur, telles qu'elles se traitaient autrefois à St Germain-des-Prés ? - à la limite des communes de Fourneaux et Domjean, près de la rivière, vous trouvez " le coteau des moulins à Pierre Genvrin " (de Tessy, très certainement) ; on voit mal un moulin, voire des moulins, puisque l'on emploie le pluriel ; pourtant dans le pré bordant la rivière communément appelé : " le pré bateau "), une dérivation qu'on appelle couramment " la digue ", laisse supposer que des moulins auraient existé en cet endroit, à moins que sur la hauteur avoisinante un moulin à vent ? ; il est vrai qu'à Tessy, au village de : " l'alfosse ", en face de " Tabernaculo ", une pièce de terre bordant la route s'appelle " le moulin à vent ", ce qui a évidemment une signification ancienne.

Parlons maintenant, un peu de spéléologie superficielle ! Dans le bois de : " la Taille ", dominant le village du " Val ", vous trouvez à la base de ce bois, l'entrée d'un souterrain, peut être d'une caverne ou grotte, que les habitants appellent " le trou de Feury " ; pourquoi ce nom ?; autrefois, les charbonniers faisaient du feu dans les bois ? Selon la légende de... certains, ce souterrain aboutirait au château de Torigni distant de plus de dix kilomètres, ce qui paraît impossible de parcourir une telle distance sous terre ; selon la légende des autres ce souterrain aboutirait au château de Fincel, pourvu d'oubliettes et pour aller jusque " là-bas " on passait sous le lit de la Vire, en parcourant ainsi près de deux kilomètres ; nous pensons que rien n'est vrai ; d'autant qu'un de mes amis, maintenant Caumontais d'adoption, M. Louis Mesnil, m'a dit y avoir pénétré lorsqu'il était tout gosse, avec d'autres camarades, et qu'ils n'y avaient rien trouvé ; ce trou, d'après lui, aurait de 8 à 10 mètres. À côté de ces lieux, il y avait aussi un moulin portant le même nom, dont les meuniers furent notamment Desnot, Jean Herman et Jean-Baptiste Tricard. Du point de vue géologique la colline en question est constituée de poudingues pourpres de la base de Cambrien, c'est-à-dire une roche dure et compacte qui contraste avec la fissilité des schistes du lit de la Vire, à quelques mètres de là.

Vers 1946, dans le pré bateau, bordant la Vire, des recherches hydrographiques furent entreprises, sans résultat, mais dans le puits creusé à 6 ou 8 mètres, les puisatiers ont trouvé des galets arrondis, de toutes grosseurs, semblables à ceux des plages de la Manche ; en 1924, au bourg de Denneville, près de La Have-du-Puits, un puisatier a découvert, à huit mètres de profondeur, entre deux couches de pierres, l'empreinte d'un squelette de raie ; alors, faut-il conclure que la mer vint ici, il y a... quelques millions d'années ?

Fourneaux semble bien avoir son " Histoire " fort ancienne puisque l'on trouve sur une superficie de terrain très restreinte, en y adjoignant un peu du territoire de Domjean : La tour de du Pré de Pierreville, aux abords immédiats de l'ancien fief de Feuguerolles ; " le Pallis (camp militaire sur lequel nous ne savons rien) et la court de Fourneaux cet ensemble dominant la Vire et la bourgade de Tessy y attenant formait un tout s'accordant parfaitement à tous points de vue, eu égard aux temps d'alors l'eau que l'on pouvait prendre dans la rivière devait être amenée par un aqueduc passant au milieu de l'herbage vallonné qui paraît avoir été aménagé et qui, actuellement, se trouve par moitié sur le territoire des deux communes.

En 1913, dans une notice très brève, Mademoiselle Trépoz, institutrice, raconte un peu la vie de Fourneaux ; il faut y relever ceci : la mare face à l'école s'appelle " la Cabotière " ; vous trouvez le costil " Pot " ou " peau " ; en 1870, le beurre valait 2 fr. 50 le kilo et même prix en 1913 ; la fête locale s'appelait autrefois " la poupette " ; en 1913, il y avait encore 10 illettrés sur 162 habitants ; on ne va plus au marché en maringotte, mais en carriole peinte ; L'école a coûté 6.615 francs ; (c'est bref, c'est vrai, c'est bien... !)

Gouvets

Cette commune semble tirer son nom - disent des auteurs - de la famille des : " de Gouvetz " ou " de Gouvix ", originaire du Calvados -, quoi qu'il en soit les de Gouvetz étaient fort nombreux dans le département de la Manche, voilà deux siècles, et des représentants de ces familles figurent dans les cartulaires des abbayes normandes,

D'une superficie territoriale de 1.101 hectares, le terrain est dans l'ensemble de qualité moyenne, avec une grande étendue de landes et de bruyères, traversées par la route nationale de Caen à Rennes. Gouvets avait en 1818 : 84 habitants ; en 1832 : 877 ; en 1874 : 739 ; en 1887 : 683 ; vers 19,41 552 et en 1952 : 489.

L'église du XIIe siècle est fort simple, mais elle est aussi un vrai cimetière vingt-et-un inhumés dans le choeur et cent dix-huit sous les bancs et la nef parmi tous ces " défunts ", il faut citer : 16 avril 1742 : Louis de la Mariouze ; 6 décembre 1751 Marie de la Mariouze ; 13 juillet 1763 Charles Tenneguy de Billeheust ; 5 17 janvier 1692 ; Louis Lebugle du Pilon ; 22 mai 1703 : Gilles Sévaux custos et maître d'école ; 9 février 1777 : Gilles Langlois, 42 ans, chez le baron de Gouvets ; vous trouvez évidemment d'autres noms, tels que Manson, Sévaux, Laville, Guérin, Deux, Bossard, Bouillie, Huillot. Des protestants abjurèrent, tels Théodore Rault, le 6 janvier 1760 ; Louis Villain, le 19 mars 1782 ; Jeanne Costil, le 21 juillet suivant.

La famille des de Gouvetz, devenue de Gouvets, occupe une place importante dans les archives départementales, recueils et autres écrits, mais ne semble pas, fait curieux, avoir habité la localité et n'en avoir pas possédé la seigneurie ce qui signifierait tant soit peu l'origine de Gouvix.

Dès le Moyen-Age, il y avait deux seigneuries distinctes qui se sont manifestées jusqu'à la révolution de 1789 ; l'une vers la fin du XIIe siècle appartenait à Robert Patriz et fut donnée en 1231, par le roi Saint Louis, à André de Vitré et, l'année suivante, elle appartenait au seigneur de Coulonces, puis, vers 1562 à jean Turgot, seigneur de la Ruaudière et à jean de Sainte Marie, propagandiste de la religion réformée qui en conservèrent le titre jusqu'à la Révolution ; l'autre seigneurie appartenait, en 1252, à Guillaume de Pont Farcy puis en 1332 à Richard Carbonnel - trois siècles plus tard, Jacques de Laulnay, sieur de la Villarmois en est le propriétaire, puis vous trouvez les Larsonneur dont vous avez déjà lu le nom ; cette seconde seigneurie était donc près de l'église et l'autre devait être vers les bruyères et varignières.

Dans son livre sur Saint-Lô, Toustain de Billy, alors curé du Mesnil-Opac, précise ceci " Villarmois de Launev s'appelait de son vrai nom : Launev de la Villarmois il est à supposer que le Villarmois de 1566 était ce Gilles dont il est parlé dans le livre de Chamillard ; son fils jean eut pour enfants, Louis de Launey, seigneur de Villarmois et Jacques, seigneur de Courcy, domicilié à Gouvets, canton de Tessy ; ces deux derniers justifièrent devant Chamillard, en 1666, de quatre degrés de noblesse ; Chamillard leur donne pour armoiries : semé d'hermines sans nombre à trois pals de gueules, tandis que Chevillard marque trois pots de gueules ; pots, vieux mot français voulant dire poteaux ".

Vous trouvez aussi des de Gouvets ou Gouvetz dans les communes du Petit Celland et de Vernix ; l'un d'eux Louis-Georges de Gouvets fut chanoine et assassiné le 15 avril 1796, par les bleus républicains, au moment de la chouannerie évidemment, alors que trois jours avant il avait marié sa nièce à Avranches ; il possédait la propriété de la Fouquière en la commune du Petit Celland. Vous trouvez encore un sieur Thomas de Sainte-Marie, seigneur d'Agneaux, Gouvetz, Pontfarcy et Courson ; il mourut le 30 mars 1728, âgé de 60 ans ; son fils également seigneur de Gouvets et Marquis de Ste Marie épousa la même année, Catherine jacquier de Fontenay et mourut en 1763, laissant un fils du même nom, chevalier de l'Ordre royal et militaire de Saint Louis. Vous trouvez encore Renée de Gouvets qui épousa Jean Payen, sieur de Beaulinges ; ils eurent trois fils, dont Louis et Robert qui allèrent à Malte et moururent au service du roi ; le troisième François épousa Marie Le Chevallier.

D'autres de Gouvets étaient " sieurs " de Clinchamps, de Pontfarcy, du Niesnil-Robert et même de Loiselière en Gouvets, un autre, sieur de la Varignière.

Pendant la Révolution de 1789, l'abbé Goret, religieux des Carmes, réfugié à Gouvets, fut fusillé par les bleus, près de St-Sever. L'abbé Postel vivait caché dans la famille Lebugle (dont le nom se retrouve encore aujourd'hui avec jules et Maria, au demeurant bien sympathiques) ; cet abbé Postel fut curé de Gouvets de 1794 à 1804. Vous trouvez aussi un Larsonneur dit " la Groudière " ; revenue d'Angleterre où il s'était réfugié depuis le début de la Terreur il fut curé jusqu'en 1811.

Près de l'église, vous avez la ferme de la baronnie dont les fossés entourant bâtiments et jardins ne sont que partiellement comblés ; il existerait un souterrain dépendant de cette baronnie ? Dans la bruyère de Gouvets, vous trouvez aussi le tracé d'une voie romaine et le " pont au diable ".

Dans une notice fort longue et très documentée, rédigée en 1913, par M. et Mme Louis Delafosse alors instituteurs en la commune de Gouvets, il est permis de relever quelques renseignements qui méritent d'être connus.

Ils précisent que de 1843 à 1852, il y eut 202 naissances contre 54 mariages et 186 décès ; de 1873 à 1882 inclus : 162 naissances, 126 mariages et 196 décès et de 1903 à 1912 : 104 naissances, 42 mariages et 116 décès. Sur un registre de 1668, (voilà donc trois siècles) ils relevèrent les signatures de Messieurs Deux, Le Bugle, Manson, Bouillie, Fossard, Huillot, Guérin, Sévaux, Lenoble, etc... Les fêtes du " Fricot de porc " n'existent plus ; depuis trois ans, on fête à Gouvets la Sainte Marthe ; il y a plus de dix ans que l'huissier n'est venu ici, puisque les fermiers payent bien leurs fermages ; les cultivateurs achètent de la terre, mais les alambics fonctionnent journellement et ils concluent, en conséquence. En 1835, il existait 51 villages ou hameaux et en 1913. 44 seulement, les autres sont donc sans vie... Ils rappellent aussi la légende de l'église : " Au XIIe siècle, époque à laquelle l'église fut construite, elle devait l'être sur le coteau situé au Sud de l'emplacement qu'elle occupe aujourd'hui. Le maître maçon commença donc à construire à l'endroit retenu, mais en revenant à son travail le lendemain qu'elle ne fut pas sa surprise de voir son ouvrage éboulé ; cela se renouvela plusieurs jours de suite ; alors, impatienté, ne sachant à quel saint se vouer, il prit une pierre et la lança de toute sa force en disant : là où tu tomberas, on bâtira l'église et peut-être tiendra-t-elle debout cette fois- ; la pierre tomba dans la vallée et au lieu ainsi déterminé, le maçon commença sa construction qui fut, menée à bonne fin, cette fois, puisque l'église existe encore en cet endroit et on l'appelle " Notre-Dame des Marais ".

Pour terminer, faut-il encore citer les sobriquets " appartenant " à chaque commune du canton ? On appelait les Gouvillons, " les troncs de choux " ; c'est peu aimable vraiment et que les habitants de Gouvets n'en soient pas contrariés outre mesure ! ne dit-on pas les " poussifs de Margueray " et " les faux témoins de Rouxeville ".

Le Mesnil Opac

La dénomination de cettc commune est due, dit-on, à un nom de famille en effet, une charte de 1027 mentionne parmi les témoins Gérard Opac et Bernard Opac ; en 1198, un Hugues Opac ; une carte géographique de 1736, indique " Mesnil au Parc " qui voudrait dire maison du parc ; d'Estouteville, dans son aveu de 1460, indique Mesnil O Parc. Alors qu'en dites-vous ?

D'une étendue territoriale de 557 hectares, cette commune accusait 399 habitants en 1818 ; 386 en 1832 ; 366 en 1871 343 en 1887 ; 271 vers 1940 et en 1952 : 285.

En 1363, vous trouviez Jean de Mathan en 1598, des " le Valloys "annoblis quatre ans plus tôt et les : " de Pinel " ; un siècle plus tard, Éénédic de Béton et Jean Le Moussu de la Martinière.

L'église primitive, précédant celle qui fut brûlée, se trouvait du côté du Couchant, vers la commune du Mesnil-Herman, à l'endroit connu sous le nom de : " la Hédouvière ", où il existe un champ nommé au cadastre : " le Champ de la Croix ". L'église, détruite en 1944, paraît avoir été bâtie sur l'initiative de deux moines appartenant à un petit monastère qui aurait existé au-dessous de l'emplacement actuel de l'église placée sous le vocable de Notre-Dame. L'église brûlée contenait les reliques de St Vincent.

Depuis Henri II jusqu'à la Révolution, le patronage de l'église du Mesnil-Opac appartint à l'abbaye de Saint-Lô qui avait d'ailleurs le patronage de 22 églises, En 1944, l'église a été totalement détruite par faits de guerre ; elle se trouvait à l'extrémité d'un chemin vicinal, sans issue, à trois cents mètres de la grande route, en bordure de laquelle elle a été reconstruite ; elle est d'une grande simplicité et pourvue d'un préau y attenant d'où vous apercevez l'unique magasin de la localité ; les cloches ont, comme premier prénom : " Georges, jean et Marie-Vincent ".

Pour conserver la mémoire et le souvenir de Toustain de Billy, le chemin vicinal allant de la grande route jusqu'au cimetière et à l'emplacement de l'église qui était au centre, porte maintenant le nom de " rue Toustain de Billy " et une plaque a été placée à l'entrée de ce chemin ; une rue de Saint-Lô porte également le nom de ce prêtre fort érudit.

Auprès du Calvaire, en bordure également de la grande route, une autre plaque a été placée sur un piédestal, voici quelques années et son inscription comporte ces simples mots : " Place Cardinal Grente " ; cette place n'est autre que le terrain entourant le calvaire et, par ce fait même, la Municipalité

a voulu rappeler la mémoire de ce cardinal, originaire de Percy, venu au cours de sa jeunesse, en cette commune du Mesnil-Opac, prendre des leçons de latin du prêtre y exerçant alors son ministère et qu'il connaissait particulièrement. Dans sa jeunesse, ce cardinal aimait les facéties et l'on raconte celle de la boîte à musique qu'il fit fonctionner pendant la messe de minuit lors d'une fête de Noël.

Parmi les oeuvres fort nombreuses de Toustain de Billy il faut citer : " les îles du Cotentin, l'histoire du Cotentin, l'histoire des évêques de Coutances, l'histoire de la ville de Mortain et de sa collégiale ; l'histoire de Saint-Lô et de Carentan et bien d'autres encore. Il précise aussi ceci concernant sa commune : L'année suivante, au mois d'août 1279, Robert de Bricqueville, écuyer, fils de Robert, chevalier, vendit au Chapitre de Coutances, trente quartiers de froment, mesure de Tessy, à prendre et avoir annuellement sur son moulin du dit Tessy, par le prix et somme de 80 livres dont il fut payé comptant ".

Le deuxième jeudi de mai 1883, au cours d'une séance de la Société d'Archéologie de la Manche, Monsieur Matinée fait l'apologie de Toustain de Billy

la notice la relatant est de 38 pages que voici résumées :

" Au moment ou votre Société s'apprête à faire sceller dans le choeur de la petite église qu'il desservit pendant trente trois ans et tout près du tombeau où il repose, l'épitaphe de Toustain de Billy restituée pax vos soins, il a paru opportun de rassembler, sous forme de notice, les renseignements qui nous ont été conservés sur la personne de l'Historien du Cotentin ".

" René Toustain, sieur de Billy, est né au Bény (Calvados) sergenterie de Vire, élection de Vire en 1643 ; il est mort le 16 ou le 17 avril 1709 ; sa famille habitait le Bény, village du Mesnil-Aumont, depuis 1594 ; son père y a toujours demeuré ; ses deux soeurs s'y sont mariées. Sa famille fut maintenue au Nobiliaire, lors des recherches faites par Raimond de Mont Fault, en 14631/64. Il a exalté les vertus du bienheureux Thomas Hélye de Biville ".

" Toustain eut pour père François Toustain, sieur de la Valette et pour mère Marie-Magdeleine de Baudre dont les cendres reposent à côté de celles de son fils, dans l'église du Mesnil-Opac. je n'aurais rien de plus à dire de cette famille, si elle ne s'était alliée par la suite à une maison dont on garde à Saint-Lô un souvenir respectueux, Mademoiselle Marie de Baudre des Noyers, épouse de M, de Grimouville Larchand qui descendait, par sa mère, de Charles Toustain de la Goderie, oncle de notre historien ; plusieurs cousins de René entrèrent, comme lui, dans les ordres ".

" Toustain combla son église, fit bâtir une sacristie à ses frais, par des ouvriers du Bény et, en 1679, fait peindre à ses frais, le rétable ; en 1680,   fait de neuf, le bois de la nef dont les matériaux sont fournis par les principaux paroissiens ".

" Mais pourquoi, cet historien qui fait des vers, qui cite des poètes et les imite, préfère-t-il habituellement le nom de : " Mesnil au Parc ", qui ne répond à aucune particularité locale, au gracieux Mesnil Opac qu'il connaissait puisqu'il l'a écrit de sa propre main sur l'acte de décès de sa mère ? Il ne s'en est nulle part expliqué, Pourtant, cette seconde dénomination vint-elle d'une famille Ospac dont on rencontre le nom au cours des XIe et XIIe siècles, méritait encore d'être préférée à un nom de pure fantaisie ".

" La Société d'Archéologie avait décidé, en août 1882, qu'une plaque de marbre noir de un mètre sur soixante-dix centimètres serait scellée dans le mur méridional du choeur de l'église du Mesnil-Opac du côté où repose Toustain de Billy, Monsieur Lémeray étant maire et Monsieur Desvages, curé du

Mesnil-Opac ".

Monsieur Matinée rapporte encore de nombreux propos sur Toustain de Billy et s'exprime ainsi pour, dit-il, porter témoignage à la vérité :

" Toustain disait souvent et pour cela il devait y avoir une raison majeure. je ne suis pas flatteur et je n'ai aucun sujet de l'être ; je n'ai jamais eu de faveur de ce prélat (l'évêque Loménie de Brienne) et je n'en prétends, ni n'en demande aucune. Vous avez bien raison, sage curé, demeurez toujours au Mesnil-Opac, au milieu des rochers, des prés, des bois ; la brusque franchise qui nous plaît en vous ne pourrait que s'affadir ; les bêtes féroces sont moins à redouter pour l'écrivain que certains animaux trop civilisés... ! Ne vous privez pas de l'honneur de protéger quelque jour votre mémoire contre l'indifférence coupable qui envahit le monde. Ce qui constitue son originalité, c'est qu'il demeure partout, avant tout normand et normand de son diocèse

discuter, vérifier une date, voilà son triomphe ".

Les autographes de Toustain de Billy étaient aux mains de Monsieur de Bérenger de Trelly.

Pendant que Monsieur l'abbé Toustain de Billy administr'ait la paroisse du Mesnil-Opac, il y avait dans son église un graduel manuscrit ainsi rédigé

L'An de Grâce mille quatre cents

Et trente deux, en celuy tems

Fut fait ce livre et accomply

Pour Alesnil au Parc, Dieu mercy

Jean L'Aignel et jehan

Furent trésoriers cet an.

Et Raoul Gambier si le fit

Son âme soit à Jésus-Christ.

Le testament de Toustain de Billy, daté du 4 avril 1709 fut déposé en l'étude du notaire de Tessy, le mardi 30 avril suivant, au nom de la Très Sainte Trinité ; le contenu en est rapporté dans " Le Trait d'Union de Saint-Romphaire et du Mesnil-Opac " de mai 1957.

En 1888, Monsieur de la Garanderie recevant, dans une cérémonie mémorable, la Société d'Archéologie de la Manche, venue rendre hommage à Messire Toustain de Billy, terminait une belle poésie par ces mots :

Sachons nous rappeler qu'autrefois ce bocage

Fut empreint de ses pas, qu'il franchit nos côteaux, Imprimant en tous lieux, sa belle et douce image. Écoutons bien ! Son nom murmure en nos ruisseaux.

Et maintenant de l'historien, passons au politique !

Le conventionnel Léonor Edouard Havin est né en cette commune du Mesnil-Opac en 1755. Lors du Procès de Louis XVI, il vota la mort de ce roi, mais avec le bénéfice du sursis et l'appel au peuple ; en 1796, il entra au Conseil des Anciens, puis, en 1798, commença une carrière de magistrat qu'il termina comme juge à la Cour d'Appel de Caen ; banni de France à la Restauration, en 1816, il obtint peu après l'autorisation de rentrer et meurt à Caen en juillet 1829 ; il avait été avocat au bailliage de Torigni, membre de l'Assemblée d'élection de Saint-Lô et du bureau du Bien Public ; zélé partisan des idées nouvelles, il fut élu député à la Convention ; il"est l'auteur de deux commentaires sur le Code pénal et sur le Code d'instruction criminelle.

Son fils Léonor-Joseph, né à Paris, en 1799, est décédé à Torigni-surVire, le 12 novembre 1868 ; député de Saint-Lô dès 1831, Conseiller-Commissaire du Gouvernement provisoire de la Manche, en février 1848, maire de Torigni, de 1840 à 1852, Directeur politique du journal : " Le Siècle ". Ludovic Halévy, en 1860, écrit que deux hommes gouvernent la France, l'empereur et M. Havin ; vraisemblablement, en beaucoup de matières, le Directeur du " Siècle " a plus de poids que l'hôte des Tuileries ; Havin est le fils d'un Conventionnel, donc paré de la légende des Grands Ancêtres ! Il a donné son nom à des rues de Saint-Lô et de Torigni. Un monument à sa mémoire avait été inauguré en 1888 et placé dans le plan coupé du Musée de Saint-Lô avec les rues Havin et des Halles ; deux attributs le personnifiaient : la trompette de la Renommée et le Miroir de la Vérité ; ce monument a été détruit en 1944 !

Le Mesnil Raoult

Cette commune doit probablement son nom à ses premiers seigneurs ; Mesnil veut dire maison ou demeure de Raoult ; notons, toutefois, que dans les temps anciens, on orthographait : Raul, Raoul ou Rault. On prononce toujours " Rô ".

D'une étendue territoriale de 399 hectares, sa population avait en 1818 465 habitants ; en 1832 : 393 ; en 1874 : 388 ; en 1887 : 368 ; vers 1940 255 et d'après le dernier recensement (de 1952) 258.

Dans l'église, on aurait trouvé, voilà une dizaine d'années, sous le dallage, une statue de Saint Jean, et cela demande confirmation.

La seigneurie de l'endroit était, suivant des avis partagés, à " la Prunerie " ou au " Manoir " ; en ce dernier endroit habite actuellement la famille Miette de Laubrie ou Lauberve ; il est à flanc de coteau, dominant la rive gauche de la Vire. Cette seigneurie aurait été possédée en 1204, ainsi que des contrats en feraient foi par Godefroy du Mesnil Raoult (ou Rault), puis par Carbonnel qui était alors le patron de l'église. Vers la fin du XVIe siècle, vous trouvez alors la famille Miette de Laubrie, originaire de la Chapelle-enjuger ; il faut assez facilement conclure qu'il s'agit bien du " Manoir ".

Aux Archives départementales, vous trouvez qu'un Pierre Miette de Laubrie avait été annobli, en 1470 ; qu'il eut un fils Gilles Ier, sieur de Coudeville ; que ce dernier eut 3 enfants, Guillaume paraissant décédé sans postérité Mathurin qui eut un fils Jehan, sieur de Grouchy, puis Gilles II qui épousa Philippine Pigache ; de ce mariage est issu un fils Gilles III, sieur de Lauberie qui épousa Guillemette de Pierrepont ; de ce mariage sont issus Jacques et jean et là s'arrêtent les renseignements un sieur de Laubrie domicilié à La Chapelle-en-juger obtint une lettre de changement de nom en novembre 1603, maintenue le 13 mars 1614 et " informé " le 13 janvier suivant.

D'un autre côté, en 1778, René du Frestel, seigneur de St-Clair est qualifié de seigneur du Mesnil-Raoult ; serait-ce alors le seigneur de " la Prunerie "

c'est fort possible.

En 1600, vous trouvez un Hervieu de Carbonnel de Canisy comme seigneur de Trégoz (Troisgots) qui vend son fief de Trégoz à Miette de Laubrie, seigneur de Grouchy, de La Chapelle-en-juger, puis nous savons que par un aveu de 1625 jean de Lauberie tenait la seigneurie de Trégoz par un fief de

haubert, le tout relevant du Roy, à cause de la châtellerie de Gavray. En 1790, un de Laubrie est Conseiller au Parlement de Normandie -, il reçut de Jacques Engerran (le vrai nom serait Enguerrand) Membre de la Convention, une protestation contre les attentats du despotisme... à la suite de la Révolution de 1789.

Une autre famille se trouvait aussi au Mesnil-Raoult: ; il s'agit des Regnault du Hommet, dont l'un d'eux est Chevalier, sieur de la Varengère, du Mesnil Raoul (sans t) et de Soligny, de 1403 à 1456 ; il était le fils aîné de Jean II du Hommet, sire de la Varengère et du Mesnil-Raoult ; il appartenait à la branche cadette encore existante voilà 50 ans de la maison du Hommet, seigneur de Gourfaleur, la Vendelée et autres lieux, cinquième fils du connétable Guillaume Il du Hommet et le Luze de Brix.

Le 9 juillet 1404, le roi Charles VI lui accorda un délai pour le dénombrement et l'aveu des fiefs de la Varengère et du Mesnil-Raoul, nouvellement " eschus et subcédés par le trépas de feu Jehan du Hommet passa les aveux des son père ". Le 28 novembre suivant, Regnault du Hommet passa les aveux des fiefs de la Varengère et du Mesnil-Raoult relevant directement du Roi. Il tenait, en outre, de l'abbé du Mont St-Michel, le fief et la vavassorerie de Soligny à Curev à charge de prendre part à la défense du Mont, en temps de guerre ; il figure sur la liste des défenseurs du Mont - né vers 1380, il avait épousé Françoise Louvel ; eut un fils Guillaume ; en secondes noces, il épousa Marguerite d'Argouges et mourut en 1456.

Un autre seigneur " bien pâle " semble-t-il, a existé aussi au Mesnil-Raoult, puisque dans le " journal de la Manche " du 23 novembre 1808, vous trouvez la vente par expropriation forcée en l'audience des criées du Tribunal civil de Saint-Lô, de la propriété de : " la Corbinière ", de sept hectares dépendant de la succession de Jacques Guillaume de la Gonnivière, succession alors appréhendée par Mme Jeanne Adam, épouse de Maître Culleron, avocat àTorigni.

Enfin, dans une notice rédigée en 1913, par Madame l'Institutrice du Mesnil-Raoult, vous relevez ceci :

! Au milieu du bourg, la mare dite du " Presbytère " appartient à un particulier (non cité) et sert de lavoir public. Le Mesnil-Raoult renferme peu de vestiges du passé ; la grange des dîmes, sise près du presbytère a été transformée en pressoir ; sa grande porte d'entrée, bouchée en maçonnerie, se dessine encore dans le mur. Les seigneurs et patrons du Mesnil-Raoult habitaient le manoir de : " la Prunerie " ; on ne trouve rien dans cette ferme qui rappelle le passé. A la ferme du Manoir, appartenant en 1793 à une noble dame " la dame de Bricqueville " du Nlesnil-Opac, on remarque une cheminée vaste

et ancienne et d'un genre indiscutablement féodal. Dans l'église, vous remarquez deux stalles qui datent de l'époque ou l'on payait la dîme et un fermier nommé Chamberland fut poursuivi pour cette question de dîme sur laquelle se greffait une affaire de stalles... ! Au Mesnil-Raoult, on parlait autrefois des " juifs du Mesnil-Raoult " et des " belettes du Mesnil-Raoult " - quelle explication pensez-vous donner ? Enfin une légende ancienne veut que chaque nuit, sur la route de Troisgots, une brebis noire se manifeste en parlant et " barrant " la route aux voyageurs ; un beau jour, l'instituteur de Troisgots afirma l'avoir vue, se dirigeant vers Le Mesnil-Raoult, mais " venant du bois de Moyon " ... ! Ainsi s'exprimait, Madame l'Institutrice du Mesnil-Raoult, en 1913.

Nous pensons que Madame l'Institutrice fait erreur en indiquant que le Manoir appartint, en 1793, à Madame de Bricqueville, alors qu'il était depuis longtemps et sans interruption, semble-t-il, dans la famille Miette de Laubrie.

Moyon

Moyon, d'après M. Masserville, vient de Moon et veut dire " maison ".

Autrefois, l'importance de Moyon ne se discutait pas ; c'était une vicomté avec siège de bailliage et de sergenterie. Fortement sinistrée en 1944, la bourgade est maintenant très coquette, bien entretenue et légèrement plus étendue.

Lors de l'inauguration du groupe Mairie-École, le 3 juin 1956, le Colonel Le Nulzec, Commandant la subdivision de Caen, lui remettait la Croix de Guerre avec étoile de bronze accordée par le Gouvernement, avec citation à l'ordre du régiment : " Village ravagé aux deux tiers pendant la bataille de la Libération et dont la population a accepté ce sacrifice avec courage et abnégation ".

Pourvue d'un très grand bois, cette commune a une superficie de 2.344 hectares ; sa population était en 1818 de 1367 habitants ; en 1832, de 1469 ; en 1874, de 1250 ; en 1887 de 1162 ; vers 1940, de 987 et en 1952, de 884 seulement,

D'après Monsieur Descoqs qui a écrit en 1938, un superbe petit livret sur " Moyon, sa seigneurie et ses barons "; les origines de Moyon seraient fort reculées, comme dépendant, tout d'abord du domaine ducal ; le nom de Moyon, comme celui de Marqueran auraient une survivance celte ou préceltique. Le dotalilliurn Adeloë " rédigé en 1027, le nomme " la court de Moyon " et parle de ses dépendances, sans plus spécifier ; l'expression " court " nous reporterait à l'occupation franque puisque, les francs possédèrent, en effet, de nombreux établissements dans notre région.

Guillaume de Moïon, premier du nom, participa en 1066 à la conquête de l'Angleterre ; il reçut, pour ses services, de nombreuses possessions là-bas et, entre autres, plus de cinquante manoirs ; Dunster, dans le comté de Sommerset devint le siège de sa baronnie où il fonda un prieuré de bénédictins et y fut inhumé, ainsi que plusieurs de ses descendants. Réginald de Moïon mis en demeure d'opter entre l'Angleterre ou la Normandie, quand cette province passa sous la domination française, choisit la première et ses terres du Cotentin furent confisquées ; la famille de Moïon continua, écrit M. de Gerville, à être très puissante en Angleterre jusqu'à la fin du règne de Edouard III ; Jean de Moïon, dernier de cette branche, mourut sans postérité masculine.

Il y eut, Guillaume Ier, puis Guillaume II dont on ne sait rien, ensuite Guillaume III, aussi Comte de Dorset et de Sommerset, en 1136, qui fonda

le prieuré de Brewton et aumôna, entre autres biens, le patronage des églises de Moïonet de Tessy. Son fils, Guillaume IV, en 1186 donnait à l'Abbaye de La Lucerne, ses moulins de Moyon, Tessy et Beaucoudray. Le roi d'Angleterre (de 1154 à 1189) Henri IL tuteur de Renaud de Moïon , fils de Lucie) afferma la baronnie de Moïon à Richard du Hommet qui la délaissa peu après, en 1194 ; puis il le remplaça par Guillaume de Tracy, Guillaume de Sainte Margueritte, Thomas de Périers et Nicolas, fils Le Boeuf.

En 1204, la baronnie de Moïon fut donnée par le roi Philippe Auguste (qui en était donc devenu propriétaire en dépossédant les de Moïon, restés en

Angleterre) à Guérin-Glapion qui ne la conserva pas longtemps puisqu'elle fit retour au dernier né royal et le roi Saint Louis l'échangea contre le château de Pont Orson avec Henri d'Avaugour qui devint seignèur de Moïon, dont le petit-fils la céda et c'est ainsi qu'elle entra dans la famille Paisnel, seigneur de Hambye (ou Ambie) et par le mariage de Jeanne Paisnel, dans la famille d'Estouteville, en 1415 (dont vous avez lu l'aveu de Michel, en 1460).

Il est superflu de rappeler longuement les faits d'armes de Louis d'Estouteville, mari de Jeanne Paisnel, défenseur du Mont Saint-Michel. Le 2 mars

1263, Alain d'Avaugour (descendant d'Henri sus-nommé) alors seigneur de Moïon vendait pour huit mille livres aux religieux de Savigny, la terre de Moïon et du pont de Tessy (les Ferrières) avec tout ce qu'il pouvait avoir en l'évêché et diocèse de Coutances, en vertu de l'accord de Pont Orson, mais le roi ne ratifia pas ce contrat. C'est alors qu'Agnès, veuve d'Olivier Paisnel, sire de La Haye-Pesnel et fils de Foulques obtint la possession de la baronnie de Moïon et de ses dépendances. Olivier Paisnel, deuxième du nom, succéda à sa mère ; de son mariage avec Isabelle de Meulan, il eut une fille Jeanne, dame de Moïon qui épousa son cousin Guillaume Paisnel, sire de Hambye ; de ce mariage, il y eut 4 fils, dont seul Nicolas a vécu. Plus tard, Marie de Bourbon, dame de M6ion, née à La Ferté-sur-Oise, le 31 mai 1539 fut une des plus riches héritières du royaume et duchesse d'Estouteville, comtesse de Saint-Pol, vicomtesse de Roncheville et de Honfleur et " enfin " baronne de Moïon et de Hambye.

Et c'est ainsi, que, par alliance, la baronnie de Moïon passa successivement à jean de Bourbon, aux Enghien en 1557, à Léonore d'Orléans, duchesse de Longueville en 1563, puis à la fille de ce dernier Eléonore d'Orléans qui épousa Charles de Matignon, comte de Thorigny, en 1596 ; lequel était aussi baron de Saint-Lô et prince de Mortagne. Un Île ses descendants épousa en 1715, Louise de Grimaldi, fille unique d'Antoine Grimaldi, prince de Monaco, dont il prit le nom et les armes. Dernier baron de Moyon, Honoré-Gabriel Grimaldi, mourut en 1793.

L'abbé Bernard cite, dans son livre sur Saint-Lô, Guillaume de Moïon comme témoin parmi tant d'autres, d'un arrangement survenu en 1192, entre les religieux de l'abbaye de Cerisy-la-Forêt et ceux du Couvent de Saint-Lô.

Un manoir et une grange à dimes, acquis en 1262, par les religieux de Troarn, de Guillaume de Grippel, vicomte de Falaise bordaient-le chemin de Chevry, entre " la ville et l'eau du Marcran ". ,,Ioïon avait le privilège d'être une franche bourgeoisie, c'est-à-dire que les habitants du bourg disposaient de certaines franchises et libertés. Moïon possédait aussi un poids du roy, c'est-à-dire un office royal des poids et mesures dont, en 1741, Jean Mauviel était fermier au prix de 27 livres 10 sous. Le domaine de Moïon devait comprendre quarante-quatre fiefs dont dix-neuf d'entre eux d'une superficie de deux mille hectares ou deux mille cinq cents acres (avec des terres évidemment hors paroisse) fiefs qui fournissaient à qui de droit et en nature, savoir et notamment : le fief du Haut Ponçon, un coq blanc et vingt oeufs à Pâques ; celui de la Goutelle, un porc à Noël, 29 gélines et 220 oeufs, à Pâques : celui du Bas Ponçon, un porc à Noël, de 3 ans en 3 ans, 28 gélines et 142 oeufs à Pâques ; celui des landes de blanc Agnel, une livre de poivre, une pelote de cuir et 70 oeufs à Pâques ; celui de la Pétellerie, un pot de moutarde, 4 chapons, 2 gélines et un chevreau à Carême prenant ; il existait encore et notamment les fiefs de la Denisière, Larquerie, la Lionnière, la Métayrie, la Picardière, la Valesquerie ; en un mot, toutes les grandes fermes d'alors et d'aujourd'hui étaient fieffées.

Monsieur Descoqs dont il est déjà parlé nous raconte encore ceci " A la fin du XVe siècle, le marché de Tessy " valait " deux mille francs, somme énorme pour l'époque et qui laisse supposer de son importance très grande. À diverses reprises, en 1585, 1608, 1627 et 1634, la peste décima la population. Au XVIe siècle, les nouveaux " châtelains " s'annoblirent moyennant finance... ! ; les Le Moussu en 1554, les Boudier en 1585, les Le Chartier et les Le Vallovs en 1593. François de Matignon fondait et donnait " la Maison Dieu " sise Ins le bourg de Tessy (sans autre précision) dont le prieur était, en 1646, Eidyé Frestel, prêtre et vicomte de Coutances. En 1697, le bailliage de Movon s'installait à Tessy, en la maison de Gabrielle Adde, veuve de Jacques Érestel (mais où exactement ?). Précédemment, le bailli de Moyon et tous les autres dignitaires habitaient les belles demeures de la Brannière, la Réaulté, la Maugerie (en Moyon), la Millerie en Tessy (ou peut-être encore à cette époque Chevry), la Pouchinière en Mesnil-Herman et le Brisoult en le Mesnil-Opac. En 17§3, Honoré III, vingt-sixième et, en fait, dernier baron de Moyon vendait, par contrat au notariat de Percy, le bois de Moyon de deux mille vergées (400 hectares aux sieurs Pompault et Tilleul, pour 80.000 livres. Par ce même contrat du 18 juillet, il vendait aussi le bois Fouquet sis à Moyon et, en outre, les deux petits fiefs roturiers sis à Beaucoudray qui dépendaient de la baronnie de Moyon ; - le 1er mai 1777, Honoré Camille Léonard de Grimaldi, prince de Monaco aux multiples titres louait à Guillaume Marie Jourdan demeurant à Tessy, le greffe civil et criminel du bailliage de haute justice de Moyon ainsi que les notariats et tabellionnages du dit lieu, de Saint-Romphaire et autres paroisses y annexées moyennant 800 livres annuellement ; - antérieurement, dans un pleds à gage plège du 14 novembre 1719, intéressant la seigneurie de Pontfarcy, on remarque que " Jacques Antoine Le Masurier est licentié aux loix, advocat au Grand Conseil postulant en la 'Vicomté de Gavray et en la haute justice et baronnie de Moyon, pour le siège de Tessy. "

En 1820, il fut trouvé dans ce bois, plus de quatre livres de pièces d'or des rois Philippe VI et Charles V qui régnèrent de 1328 à 1350 ; c'est un habitant de Villebaudon qui fit cette découverte en défrichant une partie du bois et les plus curieuses de ces pièces sont des pavillons du Roi Philippe ; elles furent vendues à Saint-Lô, Vire et Baveux et à un marchand de Villedieu, qui en acheta dix-huit onces en une seule fois. Le fief du Cens (encore dénommé comme tel actuellement) contenait 100 acres ou 77 hectares et l'abbé de la Lucerne en percevait la dime, en vertu du don fait en 1186, par Guillaume de Moïon, quatrième du nom ; ce fief fut longtemps dans la famille Saulée ", De l'ancien domaine des " de Moïon " dont la seigneurie occupait le centre dépendaient donc les fiefs de Moyon, Villebaudon, Beaucoudray, le Mesnil-Herman, de Montrocq-en-Tessy, la vavassorerie des Ferrières-en-Tessy, le fief du fils Fouques (Fouquet en Moyon) et du Rosel ; le fief de Fincel-en-Tessy provenait à Michel d'Estouteville d'un échange fait avec Olivier Paisnel et le roi de Navarre qui reçut en contre-échange Ponts-sous-Avranches et Lolif, La maison des Paisnel ou Paînel, originaire de Norvège, donna son nom à la commune de La Haye-Pesnel, à laquelle fut rattachée la paroisse de Grippon. Les étangs étaient fort nombreux dont trois pour le château et, de son côté, Monsieur de Gerville précise que ce château était protégé par un large et profond fossé plein d'eau et du donjon central entouré d'une double enceinte, il ne reste plus que l'emplacement ou à peu près, entre la Maugerie et le bourg. En bordure du chemin vicinal actuel, près du bourg, vous avez la mare de " Cricqueville " et au Nord de celle-ci, de chaque côté du ruisseau, des prés appelés : " les prés des Huguenots " ce qui a évidemment une signification très précise et plus au Nord encore " les buttes et retranchements " ; le tout ainsi nommé au cadastre primitif de 1820 ; le grand château était vers Nord-Ouest du petit château, à quelque cinquante mètres l'un de l'autre ; au cadastre ce lieu dit s'appelle " la mare ès châtias " (aux châteaux).

Un village, à la limite de Moyon et de Tessy, porte encore le nom de la mare Saint-Clerc ou Clair " ; L'étang le plus important était dans le bois de Moyon ; le Marqueran l'alimentait et lui doit son nom qui signifie " l'eau de la mare ". La ferme de l'Isle était, à l'origine même de Moyon, où il dut y avoir un château. Les barons de Moyon siégeaient à l'Échiquier entre ceux de la Luthumière et de Marcey. L'église de Moyon est sous le vocable de

Saint-Germain, évêque d'Auxerre.

La Sergenterie de Moyon comprenait, sous sa juridiction, vingt-sept paroisses parmi lesquelles (pour le canton tessyais) Moyon, Tessy, Beaucoudray, Chevry, Fervaches, le Mesnil-Opac, le Mesnil-Raoult et Troisgots ; elle était, depuis de longues années, héréditaire dans la famille Gervaise de Bricqueville (en Mesnil-Opac) quand elle passa en 1629, par contrat de vente à Guillaume Le Campion, sieur de Saint-Martin en Percy.

Dans un contrat du 30 mai 1691, fut présent devant le tabellion moyonnais Marguerin Le Bugle (qui semble avoir été ensuite notaire à Tessy, ou l'un de ses descendants ayant le même prénom) Jacques Le Navigand, sieur de Hautevive, secrétaire des finances de Monsieur le Duc d'Orléans et bailli de Moïon lequel " baillait (louait) en pure fieffe divers immeubles faisant joints et buts au chemin sortissant du bourg de Tessy à Saint-Lô, scis et situés dans la franche bourgeoisie de Tessy dépendant de la baronnie de Moyon, moyennant soixante dix livres tournois " ; (ces immeubles sont actuellement aux mains de Monsieur Maurice Daguet, à l'angle de la rue de l'ancienne gare et de celle du 2 août).

En cette commune de Moyon, instrumentaient vers 1710, les tabellions au bailliage de Moyon, Le Redde et Clément ; devant eux se signaient les contrats de fieffe conclus moyennant tant de livres de rente sur hypothèque au taux du Roy, Ensuite, vous trouvez Antoine Pouchin, tabellion au bailliage de haulte Justice, souvent assisté de François Mabire sergent royal. Dans un contrat passé devant eux, le 16 juin 1751, les parties au contrat et les témoins sont tous qualifiés de " maistres " ; ainsi l'on cite Maistre Estienne Madeline, sieur de Mésevey son frère ; Maistre Robert Le Chaptois prestre-curé de Tessy Maistre jean Mauduit acolyte et Guillaume Jean de la paroisse de Tessy à cette époque, ce moi a remplacé ceux de sieur et de messire ; après la Révolution de 1789, on parlait de " citoyen " et... de " citoyenne " !

Dans un livre sur Hambye, Monsieur Marc Havel parle de " la tour de Moyon " ce qui prouve les rapports qui existaient autrefois entre ces deux paroisses ; cette tour défendait l'angle Nord-Est du château, vers le bourg et le donjon, l'angle Sud-Ouest, vers le taillis et la rivière.

Et dans son livre sur Moyon, l'abbé Bernard cite comme témoins, en un contrat de fieffe de 1586 un sieur de : " la Maugerie " de Moyon, archet des gardes du corps du roi. Il existait effectivement, en Moyon, le domaine ou fief de : " la Maugerie " que possédait encore en 1920, la famille d'Auray de Saint-Poix qui le vendit à cette époque à M. et Mme Louis Vallée, domaine maintenant partagé entre leurs enfants ; les acquéreurs payèrent un quart du prix d'achat en vendant de nombreux arbres ; l'avenue d'accès à cette propriété est encore bien tracée et partait de l'ancienne grande route de SaintLô à Villedieu ; vous pouvez voir dans la grande salle à manger de ce " petit château ", des boiseries de toute beauté et, en entrant, l'énorme garde-manger en granit.

Vous trouvez aussi au " Boscq Lambert ", route de Villedieu, un manoir du XVIe siècle ; vous devez remarquer la disposition spéciale des pierres dans l'angle droit de la façade et la porte en deux morceaux, chose commune seulement dans le Mortainais ; au XVIIIe siècle, ce manoir appartint à Hurel du Boscq Lambert et en 1812, il fut vendu à Bernardin Le Maitre, puis transmis ensuite à la famille Auvray que l'on retrouve encore de nos jours.

Le dicton populaire : " les loups de Moyen " est encore très vivace, puisque la société sportive actuelle porte ce nom et obtient d'ailleurs en championnat de football de très bons résultats.

Le 7 juin 1944, au lendemain du " jour le plus long " - celui du débarquement des troupes alliées sur les côtes normandes - Monsieur jules Guérin propriétaire à : " la Pétellerie " en Moyon était tué sur la toute par un aviateur américain qui s'est sans doute mépris. Au cours de la première guerre mondiale, ce Monsieur Guérin fut prisonnier de guerre en Allemagne et au cours de la guerre suivante, il eut la surprise et la visite inattendue d'un officier allemand venu, avec d'autres, lui demander par où aller dans le bois de Moyon, pour y chasser ; cet officier que Monsieur Guérin avait connu pendant sa captivité était le fils des cultivateurs qui l'avaient employé, quelque vingt-cinq ans plus tôt.

Du clocher de Moyon, transformé en tour de guet, le 28 juillet 1944, un Allemand dirigeait son artillerie, ce qui valut à la tour de l'église, de même qu'à la bourgade un " arrosage " copieux de la part des Américains ; renseignées de cet endroit, les batteries allemandes concentraient leurs tirs sur la route de Saint-Lô à Villedieu, causant des pertes énormes aux troupes et aux convois alliés ; le haut État-Major allié s'inquiéta beaucoup de cette situation qui ne pouvait durer d'autant plus qu'un " piper-cub ", communément appelé " mouchard " envoyé pour survoler les lieux ne pouvait garder l'air, en raison du mitraillage dont il était l'objet. M. Désiré Frémy, cultivateur au " fief du Cens " en Moyon, renseigna un officier allié qui lui avait demandé où pouvaient être les batteries allemandes ; il répondit qu'elles étaient sûrement sur les hauteurs de Troisgots puisqu'un câble téléphonique partant du clocher de Moyon allait vers cet endroit ; le renseignement étant exact, les batteries allemandes et l'église de Moyen (avec elle, le bourg) furent " arrosées " comme il se devait ; quelques heures plus tard, la route de Saint-Lô à Villedieu était libre et la libération du sol français avançait à grands pas, vers Villebaudon et Percy !, puis vers Avranches d'où eut lieu la " fameuse percée " ; c'est sur cet itinéraire que vous trouvez les bornes placées en bordure de la route dite : " la Voie de la Liberté ", liberté retrouvée au prix d'énormes sacrifices, de morts et de destructions.

Saint Louet-sur-Vire

Cette commune devrait son nom, d'après certains auteurs, au titulaire de son église Saint-Lô, évêque de Coutances ! Dans notre département, vous avez auprès de Portbail, Saint-Lô d'Ourville qui est plus précis et plus acceptable au regard de Saint-Lô évêque. Saint-Louet semble, de ce fait, avoir une autre origine que nous ignorons. Vous aviez, autrefois, Saint-Louet-sur-Lozon et Saint-Louet-sur-Sienne, comme il existe Saint-Louet- sur-Seulles, dans le Calvados ; pour cette dernière commune, l'évêque en question n'a donc rien à voir puisqu'elle a toujours dépendu du diocèse de Bayeux. Alors que penser ? Quoi qu'il en soit, Saint-Louet " sur Vire " est illogique puisque la rivière n'y passe pas et ne borde pas cette commune ; il en est de même pour Torigny " sur-Vire ", que l'on pourrait appeler Torigny les Matignons ou les  étangs... !

Pour une étendue de 733 hectares, y compris les bois, Saint-Louet avait 464 habitants en 1818 ; 433 en 1832 ; 321 en 1874 ; 309 en 1887 ; 262 vers 1940 et 228 seulement en 1952.

L'architecture de l'église est romane, sauf le portail et les deux chapelles. Le modeste campanille de l'église renferme deux cloches qui ont, chacune, leur histoire ; la,grosse cloche nommée : " Thérèse ", de 83 kilos, fut fondue à Villedieu en 1914 ; elle était destinée, comme son inscription l'indique, à la mission de Linzolo, diocèse de Brazzaville en A.E.F. ; au début de l'année 1915, l'ancienne cloche ayant été fêlée (elle pesait 175 kgs 500) et la fonderie de Villedieu, du fait de la guerre, n'ayant pu envoyer la cloche destinée à Linzolo, la prêta à l'église de Saint-Louet, pendant la durée des hostilités ; le 13 mars 1919, un accord intervint entre la maison Cornille-Havard, de Villedieu et la commune de Saint-Louet et, de ce fait, la cloche resta là,.. Quant à la petite cloche, de 37 centimètres de diamètre, elle vient de l'ancienne Chapelle du Château de Breuilly et fut amenée à l'église paroissiale, après la Révolution de 1789 ; voici son inscription : " Michel de la Gonnivière escr (écuyer), sieur de Breuilly et Jaceuline Gautier Dammle son épouze m'ont faicte refaire. Michel du Parc m'a faicte 1659 ".

Au début de 1960, un Oratoire contenant une Vierge à la Rose a été construit, puis béni le 26 avril suivant.

Certains vieux papiers précisent que le fief de Bazenville appartint seulement à deux familles du XIIIe siècle à la Révolution ; le premier seigneur connu est Jamin Farcy, cité en 1281 ; cette famille conserva ce fief jusqu'au XVe siècle et l'abandonna dans des circonstances restées inconnues. La grande

famille des : " de la Gonnivière " serait d'origine anglaise (d'après la tradition), passa en Bretagne au temps de Guillaume le Conquérant et suivit en Normandie Gouvon de Matignon lorsqu'il épousa, en 1420, Marguerite de Mauny, baronne de Thorigny. En 1557, vous trouviez Julien de la Gonnivière curé de Beuvrigny, puis de 1668 à 1680 Charles de la Gonnivière prêtre en la même paroisse. Le nom des de la Gonnivière s'éteignit à Avranches, en 1913, par la mort de Anne Félicité de la Gonnivière. Saint-Louet, d'après de vieux papiers avait cinq " sieuries ", tenues noblement, à savoir

les Mares, Breuilly, Bazenville, La Torelière et Montigny.

À Saint-Louet, vous trouvez bon nombre de pièces de terre appelées " l'Aumône " ce qui prouve qu'autrefois, le curé de la paroisse disposait du revenu de ces terres. A chaque inhumation, suivant le corbillard, un homme porte une lanterne contenant une bougie allumée ; ce qui est évidemment une coutume que l'on a voulu conserver.

Dans un annuaire de la Manche (de 1849) vous lisez cette relation : " Le Chapitre de Bayeux présentait à la Cure de Saint-Louet et jouissait des deux tiers des dîmes ; le curé avait l'autre tiers ; l'évêque de Bayeux donnait la collation et il y avait dans cette paroisse une école fondée ".

Il existait, autrefois, une chapelle maintenant disparue, au village de " la Rogerie ".

Les de la Gonnivière furent puissants en cette commune de Saint-Louet l'un d'eux Édouard Anne, avait été nommé par le Préfet, maire en 1816 et un M. Pierre Enguerrand, nommé adjoint ; ce dernier alors cultivateur aux " Nouveries " et l'on écrit parfois : " l'Esnouveries ". Le 10 Fructidor de l'An XIII (1805) Jacques de la Gonnivière des Mares était nommé percepteur ordinaire des impôts pour la commune de... Beuvrigny, et le 14 Vendémiaire, An XIV, Jean Tostain était nommé garde-champêtre de la même commune, avec traitement annuel de trente francs ; Saint-Louet se " défendait " mal.., '.

De plus, vous avez des : " de Breuilly ", du nom de ce domaine existant en cette commune de Saint-Louet. Vous trouvez un Thomas de Breuilly, comme défenseur, sous les ordres d'Estouteville, du Mont Saint-Michel, attaqué, en 1434, par les Anglais commandés par Lord Scalles. Un de Breuilly de la Gonnivière (les deux noms sont réunis) aurait été parmi les émigrés du département de la Manche, à la suite de la Révolution de 89 et, en 1754, on cite un Hervé François de la Gonnivière de Breuilly (les deux noms sont encore réunis) comme curé d'Agneaux, près Saint-Lô, où il mourut en 1782. En la commune de Chavoy, près d'Avranches, il existait une famille de Breuilly, aux XIVe et XVe siècles, probablement parente de celle de Saint-Louet.

Vers 1902, lors du décès de M. Millet, Agent de Change à Paris, gros propriétaire terrien en la région, le domaine de Breuilly, avec son très beau château et sa superbe avenue d'accès, furent acquis par Monsieur Henri Friteau, alors Inspecteur d'Enregistrement et qui fut Conseiller d'Arrondissement pour le canton de Tessy ; décédé en 1933 cette propriété revint à son fils unique Monsieur Jean Friteau (décédé en 1953 alors qu'il était maire de Saint-Louet et Vice-Président du Conseil Général de la Manche) ; - Monsieur jean Friteau fut très souvent Président du jury, assisté du Directeur et du Sous-Directeur du haras de Saint-Lô, dans les concours cantonaux de chevaux, pouliches et juments suitées ; actuellement, cette propriété est aux mains de la famille Friteau-Le Monnier de Gouville.

Monsieur Louis Millet semblait être devenu propriétaire de ce domaine de Breuilly, en 1867, alors qu'il appartenait deux ou trois ans avant à Monsieur Edouard Caillemer et, précédemment à Monsieur Ferdinand Louis Caillemer, dès le début du XIXe siècle ; un M. Caillemer était notaire à Saint-Lô.

En cette même commune, vers 1837, un M. Antoine de Morant fut maire ; domicilé au village de la Torelière, il eut quelques difficultés au sujet de l'encaissement d'arrérages des rentes foncières... et passa la main ! ; sa propriété, vers 1886, fut acquise par la famille Le Chartier de Sédouy ; à la même époque, il existait une famille François de Poilley, aù village des mares. Saint-Louet était passablement " pourvu " de nobles parcourant " leurs terres " sur lesquelles les manants s'éreintaient... !

En vue de la construction d'un presbytère, une parcelle de terrain fut acquise pour le prix de 400 francs, le 27 décembre 1832, devant M. Huet, notaire à Vire ; les vendeurs-propriétaires de l,a ferme de l'église, étaient une dame Eugénie du Merle, veuve de Viel de Maisoncelles, remariée à César d'Herbigny, capitaine et chevalier de Saint-Louis et les enfants et petits-enfants de cette dame : Jeanne Viel de Maisoncelles domicilée à Vire ; Hippolyte de Baudre des Noyers domicilié au Tourneur et Marie épouse de Théodore de Grimouville domicilié à Saint-Lô ; ce presbytère était ensuite loué soixante francs annuellement par M. Louis Massier alors maire de Saint-Louet et M. Enguerrand son adjoint ; le premier occupant de ce presbytère semble avoir été Monsieur l'Abbé Bottin qui ne paraissait pas s'entendre (mais pas du tout) avec ses paroissiens, Le 5 février 1839, le Conseil Municipal (invité par le Préfet, le 28 août 1838, à avoir un registre des délibérations) se réunissait spécialement pour cela, avec quelques... 6 mois de retard, mais l'un des Conseillers, Monsieur Jean Beaussire, prétendant ce registre inutile, quittait la salle, en... rouspétant... ! Quelques temps après, ce même Conseil fixait le traitement de l'instituteur à deux cents francs annuellement.

Vous apprendrez peut-être encore, que le 6 septembre 1826, Monsieur Pierre Charlotte dit Launay était nommé garde particulier de propriétés avec " obligation de porter, dans son service, un sabre et des pistolets (des) placés de manière apparente. Saviez-vous encore, qu'en 1860, la construction d'une classe d'école mixte, " l'appropriation " du logement de l'institutrice et de la salle de mairie occasionnaient une dépense de 4.500 francs et que le 2 juin 1880, le Conseil acceptait le legs fait à la Fabrique de Saint-Louet, par Mme Amélie Marie de Grimouville Larchant, épouse de Monsieur Louis Pacquet de Beauvais, décédée à Coutances, le 21 février précédent.

Revenons maintenant en 1839, pour connaître la statistique communale établie légalement et obligatoirement, car elle est très curieuse et fournit des précisions intéressantes, eu égard aux temps présents. Vous apprenez ainsi qu'il y avait 205 masculins et 228 féminins ; que les hommes de 20 à 27 ans " propres " au service militaire étaient au nombre de 20 (ce qui est vraiment peu), que la garde nationale sédentaire (qui meurt et ne se rend pas !) comprenait 40 hommes et celle mobile 20 seulement ; qu'il y avait 114 maisons, un château dit de " Breuilly " et trois grandes fermes : " Breuilly, la Torelière et Bazenville " ; 30 fours en service pouvant faire en 24 heures, 2.250 kilos de pain ; un moulin pouvant produire 10 hectolitres de farine en 24 heures, 5 chevaux, 50 juments, 2 mulets, 60 boeufs, 93 vaches, 131 moutons, 29 voitures à 2 roues et 1 à 4 roues ; 257 hectares de labours contre 63 hectares seulement en prairies, 21 hectares de bois et 150 hectares en friche et qu'enfin, la récolte annuelle était de 2.160 hectolitres de blé, 196 de seigle, 775 d'avoine et 585 d'orge.

Il ne faut tout de même pas terminer tout ce babillage sur Saint-Louet-sur-Vire, sans parler du sympathique Maire actuel dont la famille est originaire et dans les temps plus ou moins lointains de la Chapelle-Heuzebrocq , depuis fort longtemps, la famille Massier a fait preuve d'une sage administration communale, du bon sens normand et d'une parfaite continuité dans la fonction. Monsieur le Maire est en titre depuis plusieurs années, après avoir été maire-adjoint en remplacement de son père qui le fut pendant de nombreuses années ; son aïeul, Monsieur Pierre Massier fut maire pendant 54 ans et, à ce titre, devint Chevalier de la Légion d'Honneur ; son bisaïeul, Monsieur Louis Massier pendant 35 ans et son trisaïeul, Monsieur Pierre Enguerrand, cultivateur aux " Enouveries ", adjoint au maire pendant un laps de temps fort convenable, Ce cas familial et d'excellente considération est assez rare et il était donc logique d'en parler.

Saint Vigor-des-Monts

Louis Beuve nous parle de Saint-Vigor-des-Monts, en ces termes :

Saint-Vigor, ses hêtres en croupe

Cavaliers enivrés d'azur

Dont le panacbe se découpe

Dans le Ciel pur... !

C'est qu'en effet de la Chapelle-sur-Vire, où ce poète bas-normand situe Saint-Vigor, vous apercevrez sur les monts les hêtres de Saint-Vigor, bien connus dans la région tessyaise ; c'est le point culminant d'où l'on embrasse vers Nord tout " notre " canton,

Saint-Vigor-des-Monts avait en 1818 : 960 habitants ; en 1832 : 1013 (alors que la commune de Sainte-Marie-des-Monts venait d'y être rattachée) ; en 1874 : 960 ; en 1887 : 895 ; vers 1940 : 637 et en 1952, 590 seulement. La superficie est de 1.574 hectares, comprenant évidemment les bruyères parfaitement nommées.

Masserville comptait à Sainte-Marie-des-Monts, en 1732 30 feux et Dumoulin, en 1765, 28 seulement ; en 1829, au moment de son rattachement à Saint-Vigor, la population devait être de 50 à 60 habitants.

L'église de Saint-Vigor, frappée par la foudre, mais sans dommage, en 1847, contient une statue de la Vierge, provenant de celle de Sainte-Marie-des-Monts ; elle était à la présentation alternative de l'abbaye de Belle Etoile et du seigneur du lieu.

D'après une géographie de 1780 et aussi après visite des lieux, il est possible de préciser que le territoire de la commune de Sainte-Marie-des-Monts était près de la grande route nationale, dite autrefois, de Bretagne et a gauche de celle actuelle vers Villedieu. Sur les lieux où se trouvait l'église maintenant disparue entièrement, vous remarquerez en bordure d'un petit chemin à quelques trois cents mètres de la grande route, une Croix placée dans l'angle d'un herbage qui était autrefois le cimetière ; cette Croix, proprement dite, a été refaite et quelques marches de granit permettent d'y approcher facilement ; les deux marches supérieures sont, en fait, des pierres tombales qui ont des inscriptions, mais une seule est lisible et porte ceci : " Cy gist le corps de discrest personne Maistre Charlles Bonnet, prestre et curé de ce lieu, dequel décéda le neufième de septembre mil sept cent un. Priés Dieu pour son ame " ; derrière cette Croix, une pierre rectangulaire de granit posée sur socle, porte l'inscription suivante " cette église ruinée a disparu fureur des hérét. (hérétiques) fut rebâtie en l'an 1613, par Louis de Gouvetz. Priez pour lui ". Cette Croix est ornementée de deux bénitiers de granit, malheureusement endommagés ; le tout est entouré de jeunes palmes. À gauche de l'ensemble, quelques petites marches permettaient peut-être d'accéder à une maison toute proche qui était le presbytère vraisemblablement ; à quelques deux cents mètres de là, au milieu d'un herbage vous voyez un if superbe comme il en existe encore de nos jours dans les cimetières entourant les églises. En allant vers ce Calvaire, vous remarquez, çà et là, de belles pierres, vestiges des maisons disparues depuis longtemps ; Sainte-Marie-des-Monts devait mourir, Sainte-Marie-des-Monts n'est plus !

Guillaume Burel, évêque d'Avranches de 1182 à 1194, est né dans cette commune de Saint-Vigor-des-Monts, et précise-t-on dans le village de : " la Burelière ". Nous ne savons rien sur cet évêque et certains auteurs contestent même son existence.

Il existait plusieurs familles nobles, dont l'une d'elles les : " Les Namptier de la Rogerie " avait pour armoiries " d'or fretté de 6 pièces d'azur ".

En 1060, il existait un Richard de Saint-Vigor et un Dragon de Saint-Vigor ; ce dernier, en 1066, accompagna le Duc Guillaume à la conquête de l'Angleterre ; cette famille, d'ailleurs, continua à posséder la seigneurie jusqu'au début du XV& siècle ; ensuite, vous trouvez Pierre de Navarre, puis en 1417, Charles de Rohan, seigneur de Guéméné qui tenait ce bien de sa mère, Jeanne de Navarre.

L'historique des familles des : " d'Amphernet, de Vassy et de Billeheust d'Argenton " fusionne plus ou moins, en ces deux communes de Saint-Vigor et de Sainte-Marie. A la fin du XVIe siècle, Jacques d'Amphernet (ou d'Anfernet) est seigneur de Saint-Vigor et, au milieu du XVIIe siècle, Jacques de Vassy, marié à Louise de Montgommery, lui a succédé. Vers 1695, terres et seigneuries étaient possédées par René de Billeheust d'Argenton colonel de dragons. L'héritage revint à l'une de ses descendantes Eléonore qui, vers 1778, les apporta en dot à jean Hervé de la Mariouze ; par héritages, ces biens revinrent dans la famille de Billeheust. De son côté, en 1332, Roger de Meules était le seigneur de Sainte-Marie-des-Monts ; une autre famille, les : " de Gouvetz, sieurs de la Recouvière " succéda aux précédents et en 1661, cette seigneurie passa dans la famille des " de Vassy " qui ne la garda pas longtemps, puisque quatorze années plus tard, elle était aux mains de Claude Coquille, Conseiller du Roy, seigneur d'Estaing d'Argenton, dont la famille est citée plus haut. Pour être plus précis encore, un auteur cite que du mariage de Michel de Brécey avec Marie Houel, dame de Mont Ramey ou Mont Ramé est issue une fille qui épousa Julien d'Amphernet, baron du Mont Chauvet et aussi seigneur de Saint-Vigor-des-Monts ; il fut un des 100 gentilhommes de la maison des rois Henri II, François II et Charles IX. Ce même auteur cite encore, que du mariage de Louis de Vassy avec Françoise d'Amphernet sont issus trois enfants dont un seul Jacques a survécu ; il était seigneur de la forêt du Gast, de SaintVigor-des-Monts et autres lieux et, de plus, capitaine de cent hommes d'armes.

L'église de Sainte-Marie-des-Monts fut détruite en 1600 par les Huguenots et les ruines, matériaux, emplacement d'église et cuisinière ? vendus en 1831, pour le prix de 160 francs ; les tombeaux des anciens seigneurs de l'endroit, ainsi que les statues furent transférés dans l'église de Saint-Vigor. Celle-ci date du XIVe siècle, sauf la nef reconstruite en 1760.

Deux chapelles agrémentaient Saint-Vigor ; celle construite sur le fief d'Espaignes ou d'Epagnes était dédiée à saint Samson que l'on venait invoquer pour la guérison de la folie (précise l'abbé Bernard) ; le curé ou chapelain était obligé de venir au moins trois fois l'an et y possédait neuf acres de terre produit de 40 sous tournois dont le fief appartenait au seigneur Guillaume de Broc. L'autre chapelle, dédiée à saint Mathutin, s'élevait, d'après une carte ancienne, près du village de " Drôme " ; cette dernière chapelle fut abattue vers 1924-1925 et la fenêtre du maitre-autel de l'église de Saint-Vigor en provient ; les pierres ont été dispersées de part et d'autre, dans des étables et des cours de fermes...

Deux fiefs nobles existaient en Saint-Vigor : Espaignes et le Callipel. Un manoir seigneurial dit : " le logis de Saint-Vigor " fut construit en 1707, près de l'église et se trouve aux mains de Madame Mauger.

Vous trouviez, comme curés, à Saint-Vigor-des-Monts, en 1635, Robert Deslandes ; en 1721, Thomas et julien Beslon, chapelains des Mathurins ; le 29 mai 1707, François de Billeheust est nommé curé, puis, en 1759, un abbé Roubaud, auteur de : " la Gazette de l'Agriculture, du Commerce et des Finances " est à Saint-Vigor, en résidence assignée, mais nulle part on ne précise pourquoi. À Sainte-Marie, vous aviez, comme curés, en 1616, Julien Belin ; en 1669, Guillaume Savary ; en 1706, Jacques de Billeheust et le dernier connu est Gilles Robert en 1789,

Le maire, au moment de la Révolution de 89, semblait être, à Sainte-Marie-des-Monts, le baron Larsonneur de Gouvets.

Autrefois, on disait, " les Glorieux de Saint-Vigor ", pour une raison ignorée , mais en comprenant le sens bas-normand, cela veut dire, gens assez fiers, heureux de vivre et de bonne humeur.

Ce qui est certain, par contre, c'est que les habitants de Saint-Vigor-desMonts, lorsque " je " les ai connus, voilà 45 ans... avaient indiscutablement un

accent très net, de terroir même, provenant on ne sait d'où et eux-mêmes devaient l'ignorer ; leurs ancêtres étaient-ils des étrangers ayant échoué en ces lieux, ainsi qu'à Landelles, commune limitrophe. Ils disaient " binjour " pour bonjour, " Lindelles " pour Landelles et le reste à l'avenant ; tout cela s'atténue au point d'avoir pratiquement disparu et pourtant " je " me souviens de ce fameux accent des " anciens " du pays, les Lalesnei, Desrues, Hus, Manvieu et autres Ladroue, qui, certains d'entr'eux, habitaient des coins perdus, en hiver, et même en été et aux chemins impraticables de : " la Guérinière ", la " Bouillère ", la Villière " et autres bien nommés, je veux dire: " la Russie ".

Précisons encore que le 31 juillet 1899, le moulin de Drôme, appartenant à Monsieur Murie, de Tessy, tenu en location par Monsieur Regnouf, a été incendié par deux enfants de 5 et 7 ans.

Tessy-sur-Vire

L'étymologie de ce nom n'est guère explicable, de prime abord, quoique beaucoup de communes dans cette même région aient la même terminologie en " Y ", D'après M, Claude Bouhier, ancien surveillant général au lycée Le Verrier, à Saint-Lô, ces communes en " y " auraient représenté des domaines ruraux gallo-romains et leurs noms ne seraient autres que ceux de leurs propriétaires du moment ; cette assertion prend évidemment crédit, si l'on se reporte aux écrits cités plus haut de M. l'abbé Voisin. Il devrait en être logiquement de même pour les communes en " ey ", - la variante étant très légère. D'autres prétendent que Tessy eu un terme de chasseur excitant son chien " T'es si "... ! Dans le canton de Trévières (Calvados) existait une commune du même nom, mais elle a été rattachée à celle de Mandeville.

D'une étendue territoriale de 1.586 hectares Tessy comptait en 1818 1.666 habitants en 1832 : 1.636 ; en 1851 : 1,631 ; en 1872 : 1.482 en 1187 : 1.417 vers 1940 : 1.272 et en 1952, date du dernier recensement 1.350. En 1881, le bourg avait 734 habitants et la campagne 727 ; en 1911, le bourg comptait 605 habitants et la campagne 646.

La longueur des chemins était, en 1900, de 16 kilomètres 302 (c'est précis) !) et en 1913 : de 27 km 590. A cette dernière époque, les terres labourables étaient de 760 hectares et les prairies de 754 hectares. Cinquante ans avant, on cultivait le lin et le chanvre.

Les trois foires annuelles et le marché hebdomadaire du mercredi avaient été établis par les barons de Moyon qui, autrefois, en percevaient les droits, puisque Tessy dépendait de la baronnie voisine. La louerie des domestiques (préférons employés agricoles) avait lieu fin juin, la veille de la fête patronale Saint-Pierre et, en 1910, à l'occasion de l'inauguration de la ligne du tramway de Condé à Granville, la municipalité de Tessy créa une autre louerie dite du " lundi de Pentecôte " ; l'une et l'autre ne sont plus que des souvenirs, puisque les employés agricoles louent leurs services mensuellement et le contrat de travail s'y rapporte.

Dans les grands rôles de l'Échiquier de Normandie, vous trouvez beaucoup de nobles déjà cités et vers 1572, Toustain de Billy cite encore Thomas de Hottot de Tessy, en tant que noble, mais pauvre ; il parle également de Simon de la Rogerie qui acquit, vers 1600, une partie du château de Saint-Lô.

Tessy suivait alors les destinées de la baronnie de Moyon qui fut confisquée sur Regniald de Moïon, en 1204 par le roi Philippe Auguste et elle fut réunie au domaine royal. Monsieur de Gerville apporte cette précision : " C'est au pont établi (au-dessus de la Vire) au Moyen-Âge et à la confiscation de la baronnie de Moyon par Philippe Auguste que ce lieu a dû son importance, Guillaume de Moïon, puissant seigneur avait aumôné les dîmes de Moyon et de Tessy, d'abord cédées à l'abbaye de Troarn qui les transmit à la cathédrale de Coutances, à la condition que l'abbé de Troarn serait chanoine en ce lieu.

Dans un livre sur Torigny, il est question de l'hospice de cette localité qui recevait les revenus des maladreries de Thorigny, Condé-sur-Vire, Tessy, Sept Vents et la Ferrière-Hareng, cela en vertu de iettres-patentes données'par le roi, le 24 février 1696, confirmées par un édit du mois de décembre suivant et du prêche du Chefresne, en vertu d'un édit de 1685. Ce livre précise aussi que Raoul de L'Angotière (de Domjeam probablement) et Le Comte de Sainte-Suzanne (de Tessy) furent respectivement procureur fiscal et Conseiller à l'élection de Saint-Lô, à laquelle fut réunie celle de Torigny ; la vicomté de ce dernier lieu avant été réunie au bailliage en 1749.

Au XVe siècle, la cité tessyaise se faisait gloire de ses dentellières et de ses soierières et quelqu'un a écrit que leurs travaux étaient si délicats que le vent aurait brisé leurs fils et qu'ils se ternissaient au grand jour.

Le domaine de Fincel (ou Finsel) dont le château est en ruine semble avoir été construit au cours du IXe siècle ; la toiture serait de l'époque Louis XIII ; il était, voilà un siècle et demi, aux mains de Luc Auvray de Fincel qui le transmit à sa fille Jacqueline épouse de Guillaume Douessey, écuyer et Conseiller au Parlement de Normandie, domicilié en dernier lieu à Coutances ; ce château est encore imposant, avec ses murs de granit d'un mètre et demi d'épaisseur, ses cheminées immenses ; il est quadrangulaire, sans tourelle et sans style spécial ; à l'intérieur subsistent deux cheminées fort anciennes et l'on remarque que le parquet de la salle à manger était à bâtons rompus ; la porte d'entrée à deux battants, comporte deux coquilles un peu abîmées et l'encadrement de cette porte forme un arc brisé, surmonté d'une pierre de granit sculptée, mais sans inscription ; l'une des pierres supérieures de la cheminée extérieure comporte . quelques lettres, difficilement lisibles, gravées dans le granit ; tout à côté de ce château vous voyez un colombier couvert de chaume et une pièce d'eau alimentée par un petit ruisseau. Vers 1926, ce château et douze hectares de terre l'entourant furent vendus à un M. Robine cultivateur qui céda les boiseries superbes de la salle à manger à un antiquaire de Vire ; le moulin de Fincel qui chante toujours fut détaché de ce domaine, le 20 mars 1818 et vendu à un sieur Jean Louis alors meunier. Aux Archives départementales se trouvent des parchemins intéressant ce château, mais ils sont pratiquement illisibles.

Le manoir des Ferrières (autrefois une Vavassorerie) appartint à des seigneurs " de Chantepie ", puis à la famille Léonord Potier de la Varde ; autrefois, il existait un colombier prouvant l'importance ancienne de cette propriété. Une des pièces de terre de cette même propriété s'appelle " le Champ Saint-Pierre ", alors que, bordant la route, elle devrait s'appeler : " le champ de la foire Saint-Pierre ", puisqu'en 1866, le Conseil municipal de Tessy décidait que la livraison des bestiaux, le jour de la foire Saint-Pierre, devait se faire " aux Ferrières ", pendant 3 ou 4 heures.

Il existe, sur la place du marché de vieilles maisons style " Renaissance "et dans l'une d'elles, attenante à l'ancienne mairie, se trouve un puits qui serait - paraît-il - l'entrée d'un souterrain aboutissant à l'église et par conséquent creusé dans le rocher, mais que personne n'a jamais exploré. Lors de travaux effectués à des caves, voici 2 ou 3 ans, on fit ressortir dans le mur séparant deux d'entr'elles deux arcades se tenant, parfaitement conservées, et dont la base était à un mètre environ du sol ; il s'agit, ruobablement de " vitrines ", d'une boutique bordant alors la rue principale de la bourgade de Tessy, commerçante comme il se devait, quelque peu sinueuse, mais dont le tracé se retrouve aisément ; quelques maisons, dans le bourg, ont des caves sous terre, très bien voûtées et quelques vieilles tours subsistaient encore avant 1944. L'emplacement actuel de l'hôtel des Postes était une ancienne mare ou plus exactement le " dépotoir "... ! Près du pont de la Vire, vous aviez aussi un hospice et dans le mur de façade, dans une petite niche, incrustée dans ce mur, la statue de Saint-Michel ; les morts étaient enterrés dans les jardins situés derrière cet hospice. Sur la place, vous trouviez une vasque entourée d'un bassin dans lequel les chevaux pouvaient boire les jours de marché ; le tout a été vendu, voici une quinzaine d'années pour un prix modique, alors qu'il aurait pu être transporté dans l'ancien cimetière entourant l'église, et donner un certain cachet ; les halles aux grains furent détruites en 1944 et à leur emplacement il a été construit une superbe salle des fêtes et de danses ; la clochette des halles servit pendant quelques années seulement à prévenir les spectateurs de... l'ouverture du rideau. Au quai de ville, le pont sur lequel passait le tramway a été supprimé puisqu'il n'avait plus d'usage gt la route a été élargie, comme il se devait. Bien d'autres travaux ont été effectués, et il serait fastidieux de les énumérer ; tout cela a eu pour but d'embellir la bourgade ; le mérite en revient au Conseil municipal dont le Maire depuis une quinzaine d'années est M. Lucien Guérin, Conseiller Général, Chevalier de la Légion d'Honneur et Chevalier du Mérite Agricole.

Mais revenons un peu en arrière... ! En 1832, l'état des valeurs locatives des principales maisons et usines de la localité fournissait les chiffres suivants moulin du bourg appartenant,à M. François Rabec cafetier à Torigny : 300 fr ; celui de Fincel à Gilles Gaillard 30 fr ; château de la Millérie à M. de

Sainte-Suzane 112 fr ; château de Fincel à M. Douessey 50 fr ; la maison de M. Le Corps Dumont 40 fr ; celle de M. Guillaume Jourdan (notaire) 36 fr celle de M. Bellegarde percepteur 32 fr ; François Voisin boulanger 20 fr ; Patrice Giard ferblantier 24 fr et le reste à l'avenant ; ainsi vous vous rendez compte de l'importance des châteaux, usines et belles maisons d'autrefois !

Aux Archives départementales, dans le dossier de Tessy, se trouve un Inventaire des archives et des objets mobiliers communaux dressé assez rapidement, puisque " ses auteurs " mirent dix ans pour le faire... du 31 octobre 1842 au 20 novembre 1852 ; hâtez-vous lentement, dit-on ! Ainsi vous découvrez qu'il existait dans les archives tessyaises, des liasses de papiers les plus divers ayant trait notamment, à plusieurs incendies ; à l'état-civil depuis 1685 ; au recensement de la population à diverses époques ; aux loups et aux chiens enragés et abattus... ! aux prix de vertu Montyon (ainsi en 1809, Marie Mézerai, de Saint-Lô, choisie comme Rosière, avait épousé " un militaire napoléonnien " couvert d'honorables blessures " ; pour dot, elle reçut 600 fr et un gobelet d'argent gravé des inscriptions suivantes " la ville de Saint-Lô, à Marie Mézerai, Honneur et Gloire aux moeurs " vous trouvez encore des papiers relatifs au passage des troupes prussiennes à Tessy, en 1815 ; lesquelles devaient recevoir du cidre en remplacement du vin et de la bière, une ration de vivres et une demi-ration d'eau de vie ; (était-ce un petit pot ou une demoiselle ?).

Après la guerre de 1870, des Alsaciens s'installèrent dans le quartier de la fontaine Saint-Pierre, mais repartirent peu après, vers Vire, exercer leur métier de tanneurs ; d'ailleurs en cette ville, vous trouvez beaucoup de noms à désinence alsacienne.

Dans un livre édité en 1858, contenant les " Vaux de Vire " d'Olivier Basselin, ouvrier dans un moulin à fouler les draps et dans un autre parlant de Jean Lehoux à qui des auteurs veulent attribuer ces fameux Vaux de Vire, vous trouvez cette précision fort curieuse, dûe à Bourgueville, sieur de Bras (dont une rue de Caen porte le nom) : " La ville et vicomté de Vire estarroussée de la rivière appelée Vire qui passe par les bourgs de Pontfarcy et de Tessy, qui fait havre au dessoubs d'Isigny aux gaiz Saint-Clément séparant les bailliages de Caen et de Costentin (Cotentin). Au dit Vire, Pontfarcy et Tessy se font grand nombre de draps de petit prix qui se distribuent par tout le royaume pour les habits des pauvres villageois ; c'est aussi le pays d'où sont procédées les chansons que l'on appelle " les Vaux de Vire " modifiées à tort en " Vaudevilles " ; ainsi s'exprime M. Bourgueville.

L'historique du canton de Tessy ne serait pas complet si l'on ne rendait pas hommage à son bon " bère ". Il est donc très agréable de préciser que pendant de nombreuses années, Monsieur Jules Hervieu, agriculteur au " quai de ville " fut le fournisseur de Monsieur le Préfet de la Manche et (ce qui ne gâte rien !) de la buvette de la Chambre des députés... ! Les séances que l'on dit quelquefois houleuses, d'autres parlent de " bruits divers ", seraient-elle dues à ce fameux cidre ? Et cela nous fait penser à Henri Ermice de Vire qui écrivit à " la Gloire du gros cidre " un monologue de dix quatrains, dont voici les deux premiers :

No z'a biau dir', no z'a biau fair'

De tout c'qu'au mond' el bon Dieu fait

Y n'y a co rin d'tel qu'el gros bère

Dans l'fond por mè cha vaut l'café...

Y faut l'vais timber dans un verr'

Quand y sort tout frais du tonnei

Ch'est mue qu'du vin, ch'est pu qu'du bère

No dirait un rayon d'Solei... !

Bon nombre d'entre nous connaissent M. Jean Lecanuet, Chevalier de la Légion d'Honneur, Sénateur et Conseiller Général de la Seine-Maritime, pro fesseur agrégé de l'Université, Maire-adjoint de la ville de Rouen, Sa famille paternelle est tessyaise d'origine, puisque son père et sa tante y sont nés et inhumés. M. Lecanuet dans sa jeunesse, fit une étude sur une herbe rare qu' découvrit à Tessy ; s'en souvient-il ? Il venait en ce bon pays tessyais passer ses vacances et manger de la galette de sarrasin chez M. et Mme Louis Lamoureux, les plus proches voisins de ses parents. Au cours d'un voyage récent au Pérou, M. Lecanuet et sa famille furent accueillis à leur descente d'avion à Cusco, par une dame-interprète qui parlait (lui dit-on et pour cause) parfaitement le français ; M. Lecanuet et sa famille s'informèrent et apprirent que cette dame au Pérou depuis trente ans, où son mari est chirurgien-dentiste est tessyaise d'origine, née Jeanne Lepelletier dont les parents habitaient sur la place du marché et ses frères et soeurs sont encore en Normandie ; il échangèrent bon nombre de souvenirs communs, parlèrent du pays normand et (paraît-il) s'embrassèrent avant de se quitter ; ce devait être tout plein gentil... ! Cette dame, au visage durement marqué par le climat péruvien, est venue en France en 1965 et toutes ses causeries sur le Pérou ont été enregistrées sur gramophone par ses frère et soeur tessyais, Maurice et Madeleine

Maintenant, revoyons ensemble le vieux Tessy d'autrefois, la toute vieille histoire... , Savez-vous par exemple : " Que le 5 août 1866, le Conseil Municipal décidait la construction des nouvelles halles dont le coût serait payé par la vente de la lande du Gibet ; que cette même année, il recherchait un nouveau cimetière ; que le 12 décembre 1869, il décidait de l'éclairage du bourg par 16 appareils à huile minérale ou pétrole ; qu'il décidait, le 22 septembre 1870, d'acheter 200 francs de munitions pour la Garde Nationale sédentaire ;

que le mardi 20 juin 1873, Monseigneur l'Evêque venant pour la première fois à Tessy, il avait été dressé deux arcs de triomphe, l'un à l'arrivée route de Saint-Lô et l'autre, place du marché ; qu'en juillet de cette même année, une souscription avait été ouverte en faveur des victimes de l'incendie de Gavray et que devant un tel désastre, le Conseil avait voté une subvention de deux cents francs ; que cette même année il avait demandé l'établissement d'une ligne télégraphique entre Tessy à Torigni ; qu'en 1877, il votait 100 francs pour le concours de bestiaux se tenant à Tessy, pour ce canton et ceux de Percy et Torigni ; M, Payen de la Garanderie étant alors président du Comice agricole ; que le Conseil décidait, cette même année, l'établissement d'un bassin avec vasque sur la principale place du bourg, l'eau venant de : " la Croix Nicolle " ; que l'année suivante, le Conseil fixait le tarif des droits de place et de terrage, le jour du marché ainsi, en présentant à la vente 25 kilos de farine, vous payiez cinq centimes de 25 à 50 kilos, dix centimes ; un marchand de chansons payait 20 centimes ; un marchand d'images et d'estampes, 10 centimes ; pour un jeu licite 20 centimes, pour un étal, boutique ou échoppe, 20 centimes, pour une ruchée d'abeilles 10 centimes, pour 15 kilos de beurre 20 centimes, avec faculté de poser le panier à terre ; pour un lièvre 10 centimes, et de même pour un panier de volailles. Que 16 réverbères seraient placés, dans le bourg, dont 15 avec consoles et le 16e supporté par un petit candélabre destiné à être placé sur la fontaine en granit, devant l'ancienne mairie ; qu'en 1878, le Conseil décidait l'achat d'un Christ et d'un tapis de bureau pour la justice de Paix ; qu'il votait, cette même année, vingt mille francs pour que le chemin de fer de l'État, allant de Saint-Lô à Vire et dont on devait entreprendre la construction, passe par Tessy, Pontfarcy et Landelles, pour rejoindre celui de Caen à Vire, dans la vallée du Mesnil-Robert, arguant, pour cela l'importance du commerce local et que quarante mille pèlerins venaient annuellement à la Chapelle-sur-Vire ; le budget de Tessy étant alors de seize mille francs, le Conseil n'avait donc pas lésiné dans le montant de sa subvention ! La ligne de chemin de fer de Saint-Lô à Guilberville, passant à Torigni, fut mise en service, le 3 avril 1892 ; que Monsieur Paul Foubert, rétribué 25 francs par mois, était chargé de nettoyer et d'allumer les appareils d'éclairage ; devait-il les éteindre ? qu'en 1881, le Conseil acceptait la proposition de cession au Bureau de Bienfaisance, par Mlle Hurel, d'une petite propriété de 40 ares, pour le prix de 10.000 francs et cela pour la construction d'un hospice... qui ne fut jamais réalisé... ! ; qu'en 1882,. il décidait d'établir des trottoirs avec bordures de granit, dans la traversée du bourg ; qu'en 1885, une nouvelle horloge sonnant les quarts et les demi-heures, serait acquise et réglée sur l'heure de Paris ; qu'en 1887, ce Conseil acceptait le principe de la " création " d'un clocher et demanderait à M. Mabire, chanoine titulaire, ancien curé de Tessy, des renseignements sur la construction qui avait été projetée une quinzaine d'années passées ; qu'en 1891, le Conseil prenait connaissance d'une lettre de M. le Préfet de la Manche l'informant de la " laïcisation " de l'école des garçons, mais protestait comme contraire aux intérêts moraux et matériels des habitants de la commune ; il rendait hommage (ce Conseil) aux Frères de la Miséricorde de Montebourg qui avaient rempli leur mission pendant 36 ans avec zèle et dévouement et décidait de faire les travaux nécessaires à l'habitation de l'instituteur devant les remplacer ; qu'en 1892, ce même Conseil demandait l'établissement d'une station de haras à Tessy, le dépôt d'étalons de Saint-Lô avant été augmenté de quinze têtes. Saviez-vous aussi, qu'en 1911, il y avait une receveuse des P.T.T., 6 facteurs et 2 abonnés au téléphone (notaire et Hôtel de France), 27 alambics en circulation dans le canton " pourvu " de... 74 débits de boissons dont 35 à Tessy...

Il serait agréable de continuer encore longuement, mais les exigences de l'édition m'obligent... à arrêter et je le regrette comme vous, sans doute.

On ne peut terminer ce petit, très petit historique sur Tessy, sans citer nos concitoyens, Chevaliers de la Légion d'Honneur, à titre militaire ; ce sont Messieurs Albert Potier, René Le Mercier et Georges Lepage. Il faut les féliciter et ce qu'a fait pour l'un d'eux, Monsieur Pierre Hacquin, béarnais d'origine, mais tessyais de coeur en composant l'accrostiche suivant à l'intention de l'un d'eux est fort bien mérité ; précisons, en passant, que M. Hacquin a écrit de nombreux et superbes poèmes, malheureusement peu connus, et c'est bien dommage :

Potier Albert soldat, une fleur à la bouche

Oubliant au combat le plus grand des dangers

Ta bravoure reçoit distinction très douce

Insigne qui te porte au rang de Chevalier

En ce jour mémorable, avec leur affection,

Reçoit de tes amis, la grande admiration.

Par décision de Monsieur le Secrétaire d'État aux Forces Armées, à la date du 11 novembre 1948, Tessy-sur-Vire était cité dans les térmes suivants : " Tessy-sur-Vire (Manche). Village qui a joué un rôle important dans la bataille de la Libération. Détruit aux six dixièmes. A supporté ses pertes avec courage. S'est remis au travail avec ardeur. Cette citation comporte l'attribution de la Croix de Guerre avec étoile d'argent ".

Tessy a aussi ses armes ou armoiries qui représentent un pont au-dessus d'une rivière, avec cette devise : Transit Ignis, stat aqua. Ces armoiries ont été dessinées par M. l'abbé Pinel, curé de l'église Saint-Paul de Granville.

En juin 1946, l'archipel Saint-Pierre et Miquelon, pour témoigner son parrainage envers Tessy affreusement mutilée deux ans plus tôt, lui offrait, en présence de Monsieur Thermonog, gouverneur de cet archipel, 2.600 kilos de morue et 600 litres de foie de morue, apportés par le chalutier " DuguayTrouin ". En souvenir de ce parrainage, Tessy changeait le nom de la rue Basse en rue Saint-Pierre et Miquelon et, au même moment, elle donnait à la rue de Pontfarcy le nom de rue du général de Gaulle ; à celle du cimetière, le nom de rue du 2 août et la place attenante à la Rue Saint-Pierre et Miquelon, devenait place de la Libération.

Enfin, pour terminer sur Tessy et (dans un tout autre genre d'idées) signalons que Monsieur Hubert Gruchy, au demeurant admirable chanteur, a tourné une séquence de film, habillé en moine, avec, comme extérieurs, l'abbaye de Cerisy la Forêt ; ce film devait paraître sur l'écran de l'O.R.T.F. en juin 1967 ; ajoutons encore que M. Michel Polnareff, chanteur d'un tout autre genre prend ses vacances à Tessy, où il vint très jeune avec ses parents.

Troisgots

Voici par ordre alphabétique la quatorzième commune du canton de Tessy.

Troisgots qui, en principe, est Trégoz (voulant dire habitation de Gotz, écrit M. de Gerville) a été à travers les siècles dénaturé, même dans les -actes publics, pour devenir définitivement Troisgots, dont le territoire, sous ce nom, comprenait aussi ceux de Fervaches et de Saint-Romphaire ; le cimetière s'étendait jusqu'au chemin allant à la Chapelle-sur-Vire, car, en établissant cette voie, on a retrouvé de nombreux ossements humains et des débris de cercueils.

Pour une étendue territoriale de l'ordre de 753 hectares sa population était de 556 habitants en 1818 ; de 588 en 1832 ; 560 en 1874 ; 510 vers 1887 ; 377 vers 1940 et 336 en 1952.

Troisgots se trouve, partie sur une colline et le surplus à flanc de coteau, vers la Vire et le Marcran ; de la bourgade près l'église, le panorama est splendide ; ne voit-on pas les clochers de Saint-Amand et de Saint-jean-des-Baisants ; plus loin encore apparaissent les hauteurs de Guilberville et, dans les brumes de la perspective, le promontoire de Vire.

L'église a été fortement endommagée en 1944, lors des combats de Normandie ; vous pouvez la voir dans son état d'alors sur une gravure placée près du portail à l'intérieur de l'église et dans le livre de Monsieur Albert Pipet " La trouée de Normandie ".

Les maisons de la bourgade ont pratiquement toutes disparu sous les bombardements et les obus et, à la suite des opérations de remembrement et d'urbanisme précédant évidemment la reconstruction effective, un puits avec sa niche d'entrée seul témoin en ce lieu précis des temps dits maintenant " anciens " subsiste au milieu de la place principale,

Il y a soixante ans, une grange à dimes existait encore dans la bourgade, près de laquelle un château dit de : " l'Epagnerie " (on dit maintenant Epannerie) ; le colombier de ce château a aussi disparu. Sur le fronton de la porte principale, les traces de destruction des armoiries sont visibles ; à l'intérieur, vous trouvez un double escalier et une très vieille porte avec sa clenche de fer, Ce château a appartenu à Jacques Gautier, fils de Jean, sieur de l'Epagnerie, dont la famille fut anoblie le 10 janvier 1606.

Près du Manoir de l'Aunay, se trouve un petit bois qu'on appelle (ou appelait) le cimetière des Huguenots et dans lequel des " anciens " ont encore vu des tombeaux.

En 1913, Monsieur Robin, instituteur et Mademoiselle Ravenel, institutrice, dans une notice très intéressante, parlaient aussi du château du " Marcran " dont il existait encore quelques pans de murs et qu'un souterrain relierait à celui des Jardins ; l'entrée étant alors appelée : " le précipice ". Ils précisaient encore que la grange à dîme avait perdu sa toiture dans une grande tempête de l'hiver dernier (en 1912) ; que les murs tombaient, de même que ceux du colombier dépendant du château de l'Epagnerie et, que les derniers piliers du prieuré des Bénédictins dépendaient alors de l'hôtel de la Gare.

Cela dit, pour plus de commodités, les " articles " ci-après seront titrés

Le site de la Chapelle. - Dans son livre ; " la Manche ", édité en 1945, le poète Georges Laisney, professeur à Coutances, rappelle les sept " merveilles " du département et s'exprime ainsi (page 120) : Il titre : " Des sept merveilles de la Manche à J.F. Millet et ses successeurs " : Mon ami, le poète imagier, Joseph Quesnel avait, en 1923, proposé aux lecteurs de ce curieux " Almanach de la Destinée, la Rose aux Bouais ", qu'il venait de créer à Coutances et qui devait courir une carrière heureuse, mais trop brève, un concours dit des " Sept merveilles de la Manche " ; il en félicita, en 1924, de leur choix judicieux, les nombreux concurrents. A vrai dire, ceux-ci n'étaient point si nombreux que les membres du jury n'aient cru devoir multiplier par dix, je crois, le nombre des voix que chaque monument ou site avait obtenues ; l'almanach publia le classement suivant : " Abbaye du Mont Saint-Michel, Cathédrale de Coutances, baie du Mont Saint-Michel, statue de Napoléon I- à Cherbourg, site de la Chapelle-sur-Vire, digue de Cherbourg et Notre-Dame de Saint-Lô ; le tout dans cet ordre. L'auteur continue ainsi ; sans doute eut-on dix ans plus tard fait figurer dans cette liste, la gare maritime de Cherbourg, mais on ne saurait qu'approuver un choix si justifié, bien qu'il semble à tout prendre un peu difficile, et assez superflu au demeurant, de classer des merveilles aussi différentes que la digue de Cherbourg et " notre cathédrale "de fierté, ainsi qualifiée par Louis Beuve ". Il faut tenir compte aussi de ce qui est naturel, vraiment naturel, comme la baie du Mont Saint-Michel, la vallée de la Chapelle-sur-Vire, les coins sauvages des rochers de la Hague ou du Val de Saire, et ne pas essayer de les comparer à ce qui ne l'est pas, comme une cathédrale ou une statue qui n'existe que par la main de l'homme.

Seigneurs et château de Troisgots. - Cette commune, en son magnifique coin de la Chapelle-sur-Vire, fut la propriété et le berceau de la famille ang~p-normande des de Tresgotz ou Trégoz. Le château féodal, maintenant disparu, était situé sur une bande de terrain à la jonction du ruisseau du Marcran avec la rivière la Vire, tout près et au Sud de la Chapelle. Celle-ci semble avoir été, dans le principe, la chapelle du château, emplacement convenant parfaitement à une forteresse, bien que ce château n'ait point, semble-t-il, subi de siège ; des vestiges insignifiants subsistent sur la rive gauche du ruisseau à quelques mètres de celui-ci, auprès du lavoir dépendant de " l'Hostellerie Notre-Dame, devenue, par la suite, hôtellerie Burnouf, puis hôtellerie Lemazurier ; il s'agit de la base d'une tour attenante à des murs et des rochers de soutènement de jardins et de cours. Le Marcran étant en cause ", il faut en relater les louanges par la plume de Louis Beuve :

Toi, le Marquerant qui, par bravade

Te paie, avec des airs moqueurs

Comme affluent, une cascade

D'herbe et de fleurs ... !

Robert de Tresgotz accompagna, en 1066, le duc Guillaume à la conquête de l'Angleterre ; l'historien Robert Wace relate même que d'un coup de bois de sa lance il acraventa un ennemi et en escervela un autre d'un grand coup d'épée. L'abbé de la Rue rapporte que vers l'an 1100 Robert de Tres gotz avait près de lui, trois religieux bénédictins de l'abbaye de Hambye et qu'il se fit moine à Saint Etienne de Caen ; avant lui, en ce même château, vécut Guillaume de Tresgoz, l'un des fondateurs de la célèbre abbaye de Hambye ; la Jumièges du Cotentin dit-on ; mais, l'abbé Niobey, dans son livre sur l'abbaye d'Hambye, édité en 1934, ne cite Guillaume de Tresgotz, si c'est bien le même, que comme témoin de la charte de fondation de la dite abbaye, vers 1145, dont il rappelle d'ailleurs les termes mêmes ; cette fondation d'abbaye était faite par Guillaume Paynel, de l'avis et du consentement de ses fils Hugues, Foulque, Thomas et jean, pour le salut de son âme, comme celle de son père, de sa mère et de leurs ancêtres. Il cite aussi le chevalier Robert de Tresgoz comme bienfaiteur de cette même abbaye. En 1173, il prit le parti de Henri le jeune contre Henri II son père. Pendant que le roi jean fut duc de Normandie, il paraît avoir eu beaucoup de confiance en Robert de Trégoz, auquel il donna diverses commissions entre autres celle de remettre le château de Semilly à Guillaume du Hommet, connétable de Normandie ; cette commission est datée de Rouen, la quatrième année du règne de jean. Une autre lettre du même roi et de la même année prouve que Robert avait encore la garde de ce château de Semilly : quelques temps auparavant, il avait été commandant du château de Gavray et, en 1202, il est témoin d'une charte en faveur de l'abbaye de Savigny. Les armes des " de Trégotz " étaient " de gueule à deux jumelles d'or à un lion, passant du même en chef " ; ce sont exactement les mêmes que celles des de Meurdrac seigneurs de Saint-Denis-leGast, aux XIIe et XIIIe siècles,

Habitant leur château, les de Trégotz y reçurent au commencement du XIIIe siècle, le roi Jean et c'est en 1204 que Robert de Trégoz, un des descendants du précédent, abandonna ses terres de Normandie, pour se retirer en Angleterre ; une branche collatérale de cette famille donna son nom à une paroisse de Wiltshire " : Ledyart-Trégoz. En 1262, se retrouve encore un de Trégoz avant le même prénom, puis, en 1271, Pierre de Trégoz comme chevalier au Mont Saint-Michel, Dans l'état des fiefs, vous trouvez le sire de Quentin, tenant du roi, Trégoz et Fervaches, pour un fief et demi de Haubert. La seigneurie de Trégoz confisquée par le roi, lors du départ de Robert pour l'Angleterre fut octroyée à Milon de Livoies, puis à André de Vitré et, en 1332, à Geffroy Bouterel, sire de Quentin. Il faut remonter jusqu'en 1586, pour retrouver dans les contrats, trace des seigneurs de Trégoz avec la famille Miette de Lauberye ou Laubrie, originaire de la Chapelle-en-juger et dont les descendants existent de nos jours en la commune voisine du Mesnil-Raoult. Pourtant l'abbé Bernard rapporte, qu'en 1665, le baron de Renty réclamait le patronage alternatif des paroisses de la Chapelle-en-juger et de Hambye.

Chapelle ancienne et Prieuré. La chapelle primitive et un prieuré furent construits à l'ombre du château. L'abbé Rothe, alors chanoine titulaire à Coutances, s'exprimait ainsi dans une brochure parue vers 1886 : " En 1197, Monseigneur de Tournebu, alors évêque de Coutances, approuva la fondation d'un prieuré par Messire Robert de Trégoz. Trois religieux desservaient Trégoz et Saint-Romphaire, avec droit aux dîmes et patronages de ces deux paroisses pour leur entretien et leur nourriture ; d'après un document de Robert, le nombre des moines, devait s'accroître dans la même proportion que les revenus, mais, à la paix, mère de la prospérité, succéda bientôt la guerre. Philippe Auguste, roi de France, confisqua la seigneurie de Trégoz, pour la donner à des étrangers ; Robert dut la quitter, sans que jamais ce semble, ses descendants aient pu y rentrer. Le marquis de Renty, lieutenant des armées du roi, contesta au nom du roi, les droits des religieux. L'Évêque de Coutances, Hugues de Morville, sut faire rendre justice aux moines qui continuèrent jusqu'au XVIIIe siècle à desservir Trégoz et Saint-Romphaire qui devinrent présentation seigneuriale, supprimant ainsi le vénérable prieuré.

Un établissement hospitalier et une école furent adjoints aux bâtiments monastiques ; digne de créance, une tradition désignait sous le nom de : " Moustier des Moines " un très modeste logis à l'extrémité du village de la Chapelle-sur-Vire, près du chemin qui conduisait autrefois à la gare du tramway.

Ce prieuré et cette chapelle, à la suite de la Révolution française, furent vendus comme biens nationaux, le 8 mars 1791, et les acquéreurs les transformèrent, d'abord en fagotiers, puis en étables ; n'en était-il pas de même de certaines parties de l'abbaye d'Hambye ? Ce prieuré et cette chapelle appartinrent, par la suite, à la famille Beaufils de Troisgots qui, le 7 mai 1846, abandonna ses droits de propriété, en faveur de quatre religieuses qui, depuis leur arrivée en avaient pris un soin tout particulier. Par la suite, un contrat de rétrocession assura tous ces mêmes droits à l'Institut de Saint-Sauveur-leVicomte qui en assume encore les destinées en tant que Communauté. Toutefois, vous trouvez aux Archives départementales que le 20 avril 1791 les biens ecclésiastiques de Troisgots sont adjugés à la Municipalité de Saint-Lô, sur deux soumissions de 16.369 livres et 2.284 livres ; y a-t-il erreur de dates et simplement interversion, voire même confusion avec d'autres immeubles ?

La nouvelle Chapelle. - Une nouvelle chapelle fut construite, en remplacement de la précédente qui s'avérait trop petite, en raison de l'importance alors grandissante des pèlerinages de mai et de septembre. La charge des travaux à entreprendre revint à l'abbé Delamarre, supérieur de la Communauté de Saint-Sauveur-le-Vicomte qui en fut la tête et un ouvrier de Valognes, habile et intelligent en fut le bras (je cite). Précisons, en passant, que l'abbé Delamarre fut aussi vicaire général du diocèse de Coutances, puis évêque de Luçon et achevêque d'Auch. Cette nouvelle chapelle a été édifiée dans le style du XVe siècle sur l'emplacement de la précédente beaucoup plus petite et dont on ne conserva que la sacristie. Ne manquant, ni de charme, ni d'élégance, cette chapelle aux deux flèches altières, a un large portail en arc brisé, surmonté d'une niche d'où la Vierge paraît sourire aux foules chrétiennes ; les cloches aux sons harmonieux réfléchis par la Vire portent bien loin l'écho de la vallée, à plusieurs kilomètres de là.

Cette chapelle fut bénie, le 19 juin 1848, par Monueur l'abbé Delamare, assisté de Monsieur l'Abbé Lerenard, en présence de Madame la Supérieure Générale de Saint-Sauveur-le-Vicomte.

La chapelle primitive était petite, surmontée d'un clocheton, face à la toute ; elle contenait une petite niche abritant la statue de Sainte-Anne, sans parure, trouvée dans la Vire, à proximité, par des pêcheurs ; ils étaient en barque et un filet la remonta à la surface ; cette pêche miraculeuse remonte à peu de temps après la fondation du prieuré.

Pélerinage. - Le pèlerinage à la Chapelle est fort ancien on y venait de toutes parts, par la route, puis en longeant la rivière ou en gabarres glissant sur l'eau, par le tramway maintenant disparu, de même que " nos "gabarres. Il y a moins de cinquante ans, la carrière sur Domjean, face à la Chapelle-sur-Vire était, les jours de pélerinage, entièrement garnie de carrioles et de chevaux dételés qui mangeaient (pendant que leurs maîtres faisaient leurs dévotions) une botte de foin ou de luzerne, mise dans la carriole, les bras posés à terre ; ce temps n'est plus et ne reviendra pas... ! Nous apprenons que, par ce document de 1698, il fut payé à Pierre Hulnenet de Saint-Rémy de Quibou, cinq sols pour porter la Croix à la procession de Notre-Dame-surVire.

Ce pélerinage remonte, en fait, en l'année 1197 (voilà près de huit siècles !) date à laquelle fut fondé le prieuré. Le septième centenaire de ce pèlerinage fut fêté, le premier mardi de juillet 1897, en présence de trois évêques et du Révérend-Père de Bricquebec ; deux chartes font état de ce pélerinage, l'un de Guillaume, fils de Robert, en 1203 et l'autre de Robert, seigneur de Trégoz, en 1262 ; la dernière mentionne expressément ce sanctuaire " la chapelle de la bienheureuse Marie de Trégoz ", " in capella Beatoë Mariac de Trégoz ".

Maison des Missionnaires, - Une résidence (on dit plus souvent la maison des missionnaires) fut établie en 1861 à Notre-Dame- sur-Vire, pour les missionnaires, par le Révérend Père Pierre-Eugène Yvetot, né à Sairit-Eny, le 23 avril 1827, décédé à la Chapelle-sur-Vire, le 14 août 1892, lequel avait reçu d'une personne riche, une somme importante pour l'oeuvre qu'il jugerait la plus utile. Sur le Conseil de Mgr Daniel, évêque de Coutances, il établit cette résidence qui est encore - ou qui était - " le Centre de l'Association coutançaise des Viristes ". Dès septembre 1861, l'emplacement qu'il fallait défricher à flanc de coteau, fut acheté dix-huit mille francs ; le 7 mars suivant, la première pierre de cette grande maison était posée et, pour cette construction, cent mille francs avaient été donnés par Madame la Marquise de Briges de Molbec de Montjoc, née Marie Barbe de Longaulnay, domiciliée au château de Dampierre.

Fêtes du Couronnement de la Vierge. - De grandioses fêtes dites du " Couronnement de Notre-Dame-sur-Vire " eurent lieu le 20 juillet 1886, auxquelles assistèrent notamment trois archevêques et sept évêques. Il s'agissait de la bénédiction de la couronne de la nouvelle Madone dite :" la Vierge à la figue " et pour laquelle, outre une somme très importante pour l'époque, il fut recueilli comme venant de toutes parts : 73 perles fines, 157 diamants, 371 roses-diamants, 30 rubis, 10 émeraudes, 10 saphirs et, de plus, une pièce d'or du Moyen Age à l'écusson de France, une pièce de Pie VI, une médaille de Commissaire de police ... ! un écu de six livres de Louis XVI, etc. ... et sept tabatières en argent offertes par plusieurs curés dont celui de... Fourneaux (c'était de bonnes prises pour les recevants ... !)

Le premier anniversaire du couronnement fut fêté le 8 septembre 1887; chaque année, ce même anniversaire est fêté en septembre, alors que le vrai jour est évidemment le 20 juillet.

Inondations. - Les derniers jours de l'année 1925 furent marqués par des inondations catastrophiques en France et à l'étranger ; c'est ainsi qu'à la Chapelle-sur-Vire, le pont qui avait été construit vers 1910, fut emporté par les eaux qui ne laissèrent sur place que les piles, alors que le parapet en fer était retrouvé à quelques centaines de mètres de là.

La libération de Troisgots. - La commune de Troisgots, comme bien d'autres dans le canton tessyais, connut les horreurs de la guerre et " eut " sa part de combats d'une extrême violence, d'une extrême férocité, de même qu'à Beaucoudray et dans le bourg de Tessy. Voici ce que dit M. Albert Pipet dans son superbe livre fort bien documenté : " la trouée de Normandie ".

" Si, depuis quatre jours, tous les assauts contre Troisgots sont brisés, l'heure est venue de faire sauter ce maudit verrou. Avec l'appui de trente-quatre chars, le 119e américain attaque de trois côtés à la fois ; vers 14 heures, le 31 juillet, semble-t-il, un bataillon d'Infanterie réussit enfin à pénétrer dans la localité où le feu des Shermann détruit plusieurs Panzer allemands et un canon d'assaut. En réalité, la capture de Troisgots est due, pour une bonne part, au courage du lieutenant Hansen, du 743' bataillon de tanks qui, bondissant hors de son char, entraîna deux G.I., tout près des Allemands et fit exploser deux Panzer à coups de bazooka ; tandis que les deux blindés ennemis étaient la proie des flammes, un troisième réussissait à s'enfuir ; dans un rayon de deux cents mètres de l'église durement touchée par l'artillerie on comptera, treize chars incendiés, américains pour la plupart ; chaque char contenait encore son équipage carbonisé. Au sommet de la côte de la Chapelle, un Panther resta là longtemps, près de la maison de Monsieur Constantin ".

Après quatre jours de combats acharnés, le Mesnil-Opac, Moyon, Fervaches et Troisgots sont libérés ; les Allemands battus utilisent la défense " élastique " et se replient vers Tessy d'où ils seront chassés le 2 août ; le camp de prisonniers de la Chapelle-sur-Vire avait été évacué vers Rennes et Orléans quinze jours avant.

Le Conseil Municipal aux temps anciens. - Il est toujours curieux et intéressant de relire les vieux papiers, les vieux registres dans lesquels on trouve souvent du... sensationnel et de l'inédit ou de l'inconnu...

Saviez-vous, par exemple, ceci :

Le dimanche 2 décembre 1792 (An Ier) de la République Française, Une et Indivisible, dans l'église, six notables étaient élus (on ne dit pas pourquoi) à savoir : Pierre Vaudevire, vicaire, Pierre Mourocq, Romphaire Bisson, Louis Herman, Julien Vallée et Louis Pican. Le 15 décembre suivant, ce dernier déclarait continuer la garde des propriétés des héritiers de Madame de Novion Brassac, dans les communes de Troisgots, Saint-Romphaire et Fervaches. Le 24 Germinal, An II, " le Conseil Général " de la commune certifiait que le citoyen Laurent Louis de la Fosse était un excellent républicain, toujours disposé à aller au-devant des brigands de la Vendée et à les combattre. Le dit jour, décadi 30 Germinal, An II, Jacques Hulin de la commune de Bon Air (maintenant la Mancellière-sur-Vire) était autorisé à abattre en Troisgots, des chênes pour tanner. Le 24 Floréal An II, la Municipalité acceptait une somme de 173 livres 12 sols des Administrateurs du " Rocher de la Liberté " - (la ville de Saint-Lô venait de changer de nom) - pour les indigents de Troisgots ; elle recensait aussi 59 chevaux de 5 ans et plus et nommait André Duval, moyennant rétribution de 110 livres, percepteur des contributions et impositions locales, en encaissant les fonds tous les quintidis et les décadis ; de même, qu'elle réglait la question d'un fossé (d'un talus) d'une pièce de terre nommée : " l'abbaye " longeant le chemin allant au Val de Vire. Le 13 Messidor An II, étaient réglées les difficultés (on ne dit pas lesquelles) relatives à la terre des " jardins " appartenant aux héritiers de Marie-Anne Potier de Novion-Gallard. Le 22 Ventôse An X, le presbytère devenait écoles primaires, suivant l'avis de la municipalité " centrale " de Tessy et Monsieur Jean Lesaulnier admis comme instituteur par... le jury d'instruction. Le 22 mars 1819, la municipalité refusait de payer 817 fr. 68 pour la part de la commune de Troisgots, parmi les 28 communes devant payer 20,648 francs, montant des frais de reconstruction du pont de Gourfaleur-Baudre, détruit au moment de la Chouannerie. Le 25 mars 1817, la municipalité choisissait Tessy pour la correspondance postale, c'est-à-dire comme bureau des Postes. En juin et juillet 1830, elle acceptait les legs de Monsieur Burnel, prêtre-chapelain du Bon Sauveur à Saint-Lô et de Monsieur François Herman, prêtre natif de Troisgots, ancien prieur et ancien chanoine des Prémontrés. Le 2 février 1840, la municipalité acceptait les trois foires de Tessy, fixées aux premiers mercredis de janvier, avril et octobre. Le 8 novembre 1857, elle votait 22 fr. 29 (c'était toute la fortune de la municipalité !) pour participer aux frais d'édification de la statue de Napoléon Ier à Cherbourg. Le 20 mars 1859, la municipalité acceptait la construction du pont de Hébert, mais la majorité du Conseil préférait quand même le rétablissement de l'ancienne passerelle et le passage à gué. En 1870, elle votait 200 francs pour acheter des fusils et des munitions et remettait 1.440 fr. 75 à la Trésorerie pour les affaires de la guerre et comme représentant, une fois de plus, tout son avoir en caisse...!

Il serait pourtant intéressant de continuer sur ce chapitre...

Qui était Charles Vallée ? - Dans l'annuaire de la Manche, nous avons découvert incidemment la nécrologie de Charles Vallée, originaire de Troisgots, et voici ce que l'on relate :

" Les derniers jours de l'année 1838 ont vu s'éteindre à Saint-Lô, un manufacturier recommandable, Monsieur Vallée-Lerond (Lerond étant sans doute le nom de son épouse) qui venait tout récemment d'être nommé Chevalier de l'Ordre Royal de la Légion d'Honneur, comme l'un des grands industriels de ce département ".

" Charles Vallée naquit à Troisgots, près de Saint-Lô, vers la fin de 1797. Il passa, chez ses parents, bons et honnêtes cultivateurs, la première moitié de sa vie, sans annoncer aucune disposition à changer d'état. Une circonstance assez insignifiante, un simple démêlé de famille, le porta pourtant à quitter la maison paternelle ; il prit le parti de se rendre à Rouen et là, il entra chez un négociant en gr4ns. Il ne tarda pas à se faire remarquer par son aptitude et son activité et après avoir vu augmenter successivement ses appointements, il fut à même d'obtenir un intérêt important dans la maison de son patron qui l'avait apprécié ; mais, son goût, on serait tenté de dire, sa vocation, le portait vers l'industrie des tissus, la première dans Rouen. Ses débuts proportionnés à ses ressources assez faibles qu'avaient peu augmentées un mariage resté stérile, ne laissèrent pas que de lui faire entrevoir d'heureux résultats. Les premiers ouvriers qu'il employa étaient du pays de Caux ; enfin, il se souvint que, dans sa propre " contrée ", il existait une population de tisserands intelligents, actifs, sobres et peu chers. Il eut l'heureuse idée d'en employer un certain nombre et même plus tard de les employer exclusivement et dès lors ses bénéfices s'accrurent, en raison de la réputation de sa fabrique. Des médailles obtenues à toutes les expositions ne firent qu'accroître cette réputation; des spéculations sagement combinées, tant sur les cotons, que sur l'indigo, ne tardèrent pas à accroître sa prospérité ; une quinzaine d'années lui suffirent pour se créer une honorable fortune, mais la fortune d'un négociant ne se fait pas seule. Elle ne se fait pas sans une grande contention d'esprit et sans un excessif travail, quand on emploie jusqu'à douze cents (nous disons bien douze cents~ ouvriers, comme le faisait depuis longtemps Monsieur Vallée et cela à quarante lieues de chez lui ; Monsieur Vallée n'avait jamais voulu, si ce n'est dans les dernières années, associer personne à son entreprise. C'était à force de veilles et de fatigues qu'il en portait seul le poids avec un petit nombre de commis qu'à dessein, il faisait toujours venir de la campagne ".

" Un fardeau aussi excessif ne devait pas tarder à dépasser les forces humaines ; depuis dix ans, sa santé s'était délabrée ; l'air lourd et brumeux de Rouen lui convenait moins, de jour en jour. Ce fut alors qu'il fixa son domicile à Saint-Lô, dans le voisinage de sa fabrique qu'il pouvait ainsi surveiller sans fatigue, tandis que, la maison de Rouen tenue par les associés qu'il s'était enfin adjoints, continuait à prospérer. C'est dans ces circonstances qu'il a succombé à une recrudescence de sa maladie, au moment ou il se disposait à aller chercher sous le ciel d'Italie, le remède à un mal qui n'en admettait plus ". Cet article est signé ; Th. Garnier.

Ajoutons, que Monsieur Vallée était né à Troisgots le 27 Nivôse de l'An VI (1798), fils de jean Vallée, 28 ans, originaire de Troisgots, et de Marie Etienne, son épouse, 24 ans, originaire de Condé-sur-Vire ; l'acte de naissance ne précise par le village.

Monsieur Vallée avait légué à sa commune natale, cinq cents francs de rente af4nuelle et une cloche, mais, sous diverses conditions qu'en fin de compte le Conseil Municipal de Troisgots refusa.

" La Dame Blanche ". - Autrefois, on croyait beaucoup aux sorciers, aussi bien à Troisgots, qu'ailleurs, Comme survivance de ces temps anciens,

la légende raconte qu'il y a encore moins de cinquante ans et d'après des " témoignages certains " une Dame blanche (et les uns et les autres certifiaient l'avoir vue !) sortait chaque soir, vers neuf heures du bois de Troisgots et s'avançait silencieuse et muette... Il faut penser qu'elle ne voulait de mal à personne et que son mutisme n'était que passager, mais en songeant aussi qu'il y a des messieurs qui sont loin d'être muets !! en buvant un verre... en bonne compagnie...

 

Quelques préjugés de par " ichin "et de par " ilo "

Les préjugés s'oublient et se perdent ; les jeunes les ignorant, c'est pour cette raison qu'il est agréable de les conserver dans ce petit livre..!

En voici quelques-uns, parmi beaucoup d'autres, sans doute :

Si le maître de la maison vient à mourir, les ruches d'abeilles de son " apier " devront être cravatées de deuil, sinon elles dépériraient. Un essaim ne doit jamais être vendu... ou acheté ; il faut donc le cueillir ou... l'échanger.

Pour préserver vos couvées de jeunes poussins des serres cruelles de l'épervier, fixez une perche dans l'un des arbres avoisinant votre demeure, après y avoir attaché une faucille rouillée ; l'oiseau de proie fuira les lieux.

Si vous jardinez, semez les pépins de citrouille le jour du Vendredi Saint et la laitue entre les deux Notre Dame, (15 août et 8 septembre); n'oubliez pas que tout légume montant à graine dans l'année doit être semé en " décours ", c'est-à-dire après la pleine lune ; il en est de même pour la fabrication du cidre,

Si vos enfants ont des poux, tant mieux...' C'est la preuve qu'ils sont forts ; si vous les leur supprimiez brusquement, vous les rendriez malades...

Ont-ils des croûtes de lait sur la figure ? Si oui, faites dire une messe à Chevry.

Avez-vous mal aux dents ? - Certains vous conseilleront peut être l'énergique huile d'acier, mais, le mieux encore, est de vous faire toucher la gencive par l'aîné de sept frères et vous n'aurez plus mal ... !

Enfin, pour guérir de la jaunisse, le remède est simple et économique faites manger des poux de dos au malade ... !

REVOIR TESSY

(Ce poème écrit, par Monsieur Pierre Hacquin, le 25 mai 1957, a été dédié aux Écoles Publiques et aux Tessyais bien amicalement).

Après un long voyage, une très longue absence,

Au détour d'un chemin aux multiples tournants, Lorsque paraît la Vire, alors vient l'espérance

De retrouver Tessy et ses sites charmants.

Fourneaux., Domjean, Fervaches, enfin la Pommelière,

Chevry, Gouvets, Fincelle et puis aussi Mouroc,

Vous qui formez ainsi une ceinture fière

D'encadrer ce tableau de verdure et de roc.

Patrie, soit de naissance ou patrie adoptive ;

Aux habitants aimables et toujours accueillants, Méritant de chacun affection très vive,

Reçois l'hommage ému d'un rimeur vieillissant.

Quand après un voyage, une très longue absence, Lorsqu'on a tout à coup dépassé Pont-Farcy,

Un seul désir vous prend, rempli de bienveillance, C'est, vous le deviner..., mais c'est revoir TESSY !

CONCLUSION

Ce livre que vous venez de lire ne contient sans doute par les normes classiques que l'on devrait y trouver, mais j'avoue que cette question ne m'a pas du tout inquiété, ni retenu ! N'en soyez donc nullement offusqués et concluez tout simplement à un peu d'originalité de ma part ; ce sera très aimable à mon encontre et je vous en remercie.

Une fois de plus, cette " originalité " vous fera peut-être sourire ou hausser les épaules, puisque, ma conclusion sort un peu de l'ordinaire, en ne suivant pas les chemins battus... La voici dans sa simplicité imagée :

Le loisir est le meilleur des biens. - La tranquillité est le lait de la vieillesse.

Le bec de la plume peigne la chevelure du langage. - L'écriture est la peinture de la voix.

Chacun a son penchant qui l'entraîne. - Le devoir, c'est d'aimer ce que l'on se commande à soi-même.

La difficulté de réussir ne fait qu'ajouter à la nécessité d'entreprendre.

Rien n'est beau que le vrai qui, seul, est aimable.

Le caractère du vrai mérite est de n'être jamais content de soi. - Nul ne fait si bien l'oeuvre que celui à qui elle est.

Le désintéressement est une des meilleures vertus. - Il n'y a pas de joie meilleure que celle du coeur.

C'est un bonheur pour nous qu'il n'y ait rien de parfait sur terre. - Ne regardez comme agréable que ce qui est en même temps utile.

La critique dépouille l'arbre de ses chenilles et de ses fleurs ! Tout raisonnement se réduit à céder au sentiment... de l'auteur.

Il n'est si mauvais livre dont on ne puisse tirer quelque chose de bon.

Il vaut mieux allumer une seule et minuscule chandelle, plutôt que de maudire l'obscurité.

L'écriture ne peut suffire à exprimer la force de la pensée. - Et (maintenant) que ceux qui savent aiment à se souvenir ... !

ANDRÉ HARDEL.