Un fascicule a été édité et dédié par son auteur à la mémoire de son père (Crouzeau René) et de ses 10 camarades. Le titre est "  une page d'histoire de la résistance ou l'espoir déçu ". (voir bibliographie). La photo de couverture représente le monument élevé en 1947 sur le lieu même où les onze résistants furent fusillés le 15 juin 1944. Le document, concernant la résistance, a un objectif : transmettre au 21ème siècle un témoignage de ce qu'ont pu faire des femmes et des hommes égarés au sein du bocage normand.

C'est un recueil de témoignages plus qu'un récit. L'action du réseau P.T.T. qui débuta en 1941 disparut donc le 15 juin 44. L'équipe qui a réalisé le livret s'est efforcée d'interroger les participants ou les témoins. L'opération a duré une dizaine d'années. Il a paru possible de procédé à l'édition à l'occasion du cinquantenaire. Certains témoins de l'époque ne semblent pas avoir voulu s'associer à l'action entreprise pour réaliser le document. Il appartient aux lecteurs de juger, de se faire une idée personnelle sur les conditions dans lesquelles les S.S. le 14 juin au matin ont pu se diriger sans difficultés, au milieu d'un bocage particulièrement dense, vers une maison isolée, perdue à l'orée du bois, sans éveiller de soupçons. Trop de questions posées à l'époque sont demeurées sans réponse ...

Il faudra donc attendre 1942 / 1943 pour voir le réseau de résistance P.T.T. de Saint-Lô qui deviendra maquis de Beaucoudray - Villebaudon, se structurer. Les résistants, qui vont passer le 5.6.44 de la phase passive à la phase active ont acquis de longue date la conviction profonde qu'il va falloir faire plus que de l'information. Pour passer à l'action décisive, il y aura nécessité de créer un réseau. Le premier travail sera de faire parvenir aux alliés toutes informations sur ce que les allemands réalisent comme éléments de défense. À signaler le rôle joué par l'inspecteur Gauthier, en poste à Saint-Lô en 1943, qui  semble t-il entra le premier en contact avec Alphonse Fillâtre, le commerçant de Villebaudon qui devait à maintes reprises jouer un rôle important dans l'accueil des résistants brûlés. Gauthier quittera la Manche au printemps 44, semblant très bien informé du lieu du futur débarquement. L'arrivée à Villebaudon du responsable national de Résistance P.T.T. Ernest Pruvost, recherché par la police allemande, va donner de la vitalité à l'ensemble du réseau. Pruvost, qui a pu quitter Paris, se " planque " chez Fillâtre à Villebaudon. Il installe le poste émetteur à l'arrière de la maison d'habitation. Pruvost avait suivi une formation de graphiste en Angleterre.  Une zone de parachutage à Sainte-Marie-Outre-L'eau reçut l'agrément de Londres. Le 10.05.44, le maréchal Rommel dormait à Saint-Lô. Pendant ce temps, les résistants réceptionnaient 2 tonnes d'armes et explosifs, armes destinées à permettre une intervention à l'arrière des lignes allemandes, au moment opportun. Avec patience, à partir du 6 juin, le petit groupe attend des renforts du " Spécial Air Service ". Empêtrés dans les marais, et bloqués par une résistance énergique, les alliés vont tarder à venir ce qui sera fatal au maquis de Beaucoudray. L'allemand est partout ; l'aviation alliée a chassé toute circulation des grands axes routiers. Les renforts allemands doivent emprunter les routes ombragées du bocage. C'est ainsi qu'un groupe d'une centaine de non combattants, les TODT se replie de Cherbourg et s'installe à la réauté, à la ferme de Mme Lallemand. Quand ils vont être informés de l'existence toute proche de leur campement d'un petit maquis, les hommes vont se limiter à demander à une compagnie S.S. qui bivouaque au village de la Volerie, la ferme du maire de Beaucoudray, Mr Quesnel, de prendre l'affaire en main.

panneau maison du bois

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Les lieux ont été remodelés depuis. Le chemin de terre qui donnait accès à la maison des résistants a été élargi. Celui ci n'était à l'époque accessible qu'aux véhicules hippomobiles, la végétation interdisait à partir de la route de découvrir l'existence de la maisonnette du maquis à 200 m. Tout portait à croire que le chemin ne conduisait qu'à des herbages. Cette maison du maquis était théoriquement protégée par la maison du guet pour informer les résistants. Mme Leblond qui habitait la maison devait franchir plusieurs haies. En cas d'impossibilité, son fils de 11 ans devait effectuer le parcours. La phrase " Gilles, va chercher le chat " était un code qui signifiait pour les résistants " Attention, les allemands sont là ". La maison du maquis avait été louée pour abriter des " réfugiés ". Une bien modeste maison rurale sans confort et dépourvue de sortie de secours à l'arrière. Une pièce unique au rez-de-chaussée, une chambre mansardée au-dessus à laquelle on accédait  par un escalier. À cette fenêtre, les résistants avaient disposé un fusil mitrailleur qui devait prendre en enfilade le chemin d'accès à la ferme. À côté, une remise cachait les armes parachutées le 10 mai 44, cachées sous des fagots. Une petite et ancienne boulangerie servait de dépôt d'armes. Pour protéger ce stock d'armes, des mines avaient été disposées autour de la boulangerie. Mais les S.S. eurent vite fait le 14 juin de neutraliser ces mines. Le stock fut intégralement récupéré. Tout autour de cette maison, une mosaïque de petits herbages et, juste derrière la boulangerie, ce qui aurait du être pour les maquisards le refuge : le bois de Moyon.

Les S.S. soumirent leurs prisonniers à un interrogatoire musclé. Un témoin entendra les cris des maquisards. L'attaque menée par les allemands à 10 h du matin le 14 juin avait été précédée d'une reconnaissance à 6 h du matin. Mal interprétée par les maquisards, cette opération de reconnaissance aurait du permettre aux postiers de se replier sur le bois de Moyon. La décision de repli n'aurait pas été prise pour que le stock d'armes ne tombe pas entre les mains des allemands. D'ailleurs, de genre de confrontation aurait sans doute été dramatique pour les résistants mais aussi pour la population. l'action n'aurait pas pu être soutenue à cause de l'éloignement du front.

Dans leur hâte fébrile d'en découdre, les allemands ratèrent une partie de leur cible. Pruvost, le responsable national s'échappe. Richer, fondateur du réseau Manche s'échappe aussi de justesse. Sur le plan local, le maquis avait beaucoup d'adeptes. Certains avait donné comme probable leur participation à une action en force, attendant des renforts. Certaines personnes manquèrent peut être de discrétion. Fillâtre battait la campagne pour nourrir ses gars. Crouzeau s'était évaporé dans la nature. Des actions de représailles étaient décidées par les allemands.

On ne sait pas par ailleurs  si les allemands obtiendront des noms, sans doute pas. Mais il est quasiment assuré que les allemands, dans l'après midi du 14 juin, sont lancés à la recherche d'Alphonse Fillâtre. Lui et sa famille auront, prévenus, le temps de s'évanouir dans la campagne en emportant 2 gros paquets de poivre qui servira à interdire aux chiens de retrouver leur trace.

Mme Leblond était le témoin le plus précieux dans cette affaire. Témoignage de Mme leblond dans un courrier adressé  à la sœur de René Crouzeau : " je reviens au 14 juin après avoir passé la nuit du 13 au 14 dans la " maison française ", petite maison retirée derrière le château de Beaucoudray à l'abri d'un petit bois. Je devais servir de guet et donner l'alarme en cas de danger. Hélas le lendemain, à 6 h, j'eus l'émotion d'entendre le ronflement d'une auto dans ce coin perdu de notre bocage. En un bon, je fus dehors, j'allais prévenir le groupe qui habitait derrière, au fond d'un petit chemin d'environ 200 m. Ils dormaient tous sauf les sentinelles. L'instituteur va en reconnaissance. On respire, le danger est écarté, l'auto repartie. Pourtant vers 10h, nouvelle alerte. Une auto et des hommes pénètrent résolument dans ma cour : on entendait le canon tout proche, à 18 km (Saint-Lô...).

Les soldats ont pris possession de ma demeure. Sacrifiant mon seul enfant, J'envoie mon fils les prévenir une deuxième fois. Quant il revient, il est essoufflé et troublé. Je l'envoie chercher un litre de lait à la ferme voisine. Pendant son absence, après avoir entendu la mitraillade, je vis le cortège de nos 10 camarades, deux par deux, pénétrer dans ma cour les mains levées. ... Le soir du 14 juin, après que Crouzeau ait été à plusieurs reprises longuement interrogé sur l'origine des armes, on leur lia les mains 2 par 2 et on nous fit marcher par les petits chemins jusqu'à la ferme de Mme Lalleman. On nous mit le long d'un mur. L'aviation alliée était terrible au-dessus de nos têtes. Craignant quelques bombes, il nous firent entrer dans une étable où nous avons passé la nuit du 14 au 15, sévèrement gardés. À l'aube, un ordre. On sort. Je réveille mon petit qui a toutes les peines du monde à comprendre l'horrible vérité. mais un fusil nous barre le passage. On referme la porte. Nous demeureront tous les deux. Quelques minutes, j'entends la rafale de mitraillette. ".

Pour Mme Leblond, ce sera prison et interrogatoires. La chance, si l'on peut dire, semblent avoir favorisé les communes de Beaucoudray et Villebaudon, car dans d'autres circonstances, avoir abrité le maquis aurait pu provoquer un massacre parmi la population. Les S.S. demandèrent au maire de Beaucoudray que 20 hommes entre 20 et 50 ans se présentent le lendemain matin et 30 pour Villebaudon, futurs otages sans doute. L'évolution de la situation militaire contraignit les allemands à abandonner leur cantonnement la nuit du 14 au 15 juin. Le 15 au matin, il n'y avait plus de responsables S.S., ce qui sauva la situation.

À noter que les prisonniers purent conserver les objets qu'ils avaient sur eux et qu'on retrouva lors de l'exhumation.

Après la destruction de l'éphémère maquis de Beaucoudray par les nazis le 14.06.44, le réseau de résistance P.T.T. se trouve disloqué. Des possibilités d'action immédiate existaient encore. Les familles furent plongées dans une grande détresse. Pour ce qui touche le réseau P.T.T. de Beaucoudray, le drame fit sept veuves et huit orphelins. Il faudra attendre plusieurs jours pour qu'un réfugié, d'origine belge, Mr Penez, surpris de voir en bordure d'un herbage de la terre fraîchement remuée, découvre les doigts d'un fusillé. Il faudra attendre la libération totale de la commune de Beaucoudray, le 2 août pour songer à s'intéresser à ce coin d'herbage où se trouvaient 2 charniers. Alphonse Fillâtre, son épouse et Germaine de Saint Jorre, revient l'un des premiers. Il fit mettre en place des barrières de protection autour des fosses où se trouvaient les corps.

Fin 08.44, le journal " le renouveau " de Granville publia l'information suivante : " Villebaudon. Mardi 20 Août aura lieu une cérémonie patriotique en hommage à la mémoire de onze combattants tombés dans les rangs des Forces Françaises Intérieures.  

La cérémonie officielle de l'inhumation était fixée au samedi 1 septembre.


Des villageois, membres du réseau, n'avaient-ils pas à maintes reprises demandé au responsable national présent au maquis Ernest Pruvost, de disperser son groupe tant la menace allemande était sérieuse et grandissait chaque jour. Si des controverses ont pu exister et des imprudences sans doute commises, quoi qu'il en soit, il faut sans doute ne retenir que le courage de ces personnes qui choisirent le camp de la liberté. 

Le propriétaire de l'herbage Mr Lepilleur offrit le terrain, une association se constitua avec pour objectif l'édification  d'un monument qui demeurerait le témoignage du sacrifice librement consenti par un groupe de résistants. Ce lieu est bien devenu un lieu de mémoire.

Citations :

Aragon : ...Où je meurs, renaît la patrie.

Mahatma Gandhi : Ceux qui oublient le passé sont condamnés à le revivre. (Citation attribuée à George Santayana) " Those who cannot remember the past are condemned to repeat it. "
http://www.iupui.edu/~santedit/

Adaptation libre du livret cité en référence. À se procurer.