L'ennemi mortel, l'ennemi impitoyable du peuple allemand est et reste la France. Mein Kampf ; tome II, chap XIII.

INTRODUCTION

Cet ouvrage n'a qu'un seul but : rappeler, maintenir vivant le souvenir de la mort atroce de trop nombreux Français. Il exposera les crimes commis par les Allemands en France pendant la dernière année de leur occupation sur les civils ou les membres de la Résistance.

Il n'y sera question, sauf de très rares exceptions, ni de la période 1940-43, époque de la Résistance cachée, ni des combats livrés par le Maquis aux Allemands en 1944, ni des exécutions sommaires, par les troupes d'occupation, sur des soldats des F.F.I. qui coûtèrent la vie à des dizaines de milliers de Français.

Seuls seront retenus ici les assassinats, les massacres, les incendies, les viols, commis par une armée prétendue correcte.

De nouveau, en 1939, la France et l'Allemagne sont en guerre.

Alliée à la Grande-Bretagne, la France va essayer de museler le monstre allemand aux dents longues, qui a déjà réduit à merci la Tchécoslovaquie et qui, en quelques semaines, terrassera la Pologne.

Et, en Juin 1940, après six semaines de combats où plus de 100.000 Français tomberont et 1.800.000 seront déportés en Allemagne, PÉTAIN capitule.

Tout espoir semble mort pour les Français ; mais une lueur se lève dans ces ténèbres : la vieille Angleterre, par la voix de CHURCHILL, annonce qu'elle ne capitulera pas. Séparée de l'armée allemande par la Manche, elle tient, malgré ses minces effectifs ; en septembre 1940, la R.À,F. inflige à l'aviation allemande une défaite dont elle ne devait pas se relever : l'Angleterre tient.

Dans cet état chaotique où est tombée la France, occupée, séparée de son alliée qui semble, elle aussi, à la veille de la catastrophe, une voix française s'élève : le Général DE GAULLE prononce de Londres le 18 Juin 1940 cette phrase désormais historique : La France a perdu une bataille, elle n'a pas perdu la Guerre. À cette voix, l'espérance se lève au cœur de beaucoup de Français ; ceux qui le peuvent se groupent en petit nombre encore autour du Général en Angleterre ; quelques colonies se rallient à son Comité de la France libre ; en France même s'organise ce qui sera plus tard la Résistance.

C'est la période d'un an, allant de l'été 1943 à l'été 1944, qui servira de cadre à cet ouvrage ; car, si, à partir de 1941, les Allemands commencent à jeter le masque en assassinant par fusillade 50 otages à Bordeaux, 50 à Paris et 50 à Châteaubriant et à pourchasser, avec l'appui et la collaboration de certains Français traîtres, les patriotes qui seront par centaines de milliers emprisonnés, torturés, martyrisés, déportés, assassinés, ainsi qu'en font foi les statistiques officielles, bien incomplètes encore, c'est à partir de 1943, et surtout en 1944, que l'ennemi affolé se montre tel qu'il est : un barbare. C'est une véritable machine à tuer, à martyriser, et non pas seulement dans un but militaire, mais disons le mot, par sadisme, comme à Oradour-sur-Glane.

Qu'on ne vienne pas prendre prétexte, du fait que les crimes ont été commis par les S.S., que tous les Allemands ne se ressemblent pas, qu'il y a, comme partout, chez eux beaucoup de braves gens : des braves gens qui ricanaient à la nouvelle que des millions de Français, femmes, enfants, vieillards, fuyaient sur les routes de France pourchassés par la Luftwaffe, en juin 1940 ; des braves gens dont le visage reflétait une satisfaction profonde, quand leur journal leur apprenait qu'à Londres les bombardements allemands massacraient des milliers de civils et provoquaient d'immenses incendies ; et cela, l'auteur, prisonnier de guerre en Allemagne, l'a vu, a pu constater de visu le manque de sens moral, de sens de la pitié chez le peuple allemand : Que Dieu punisse l'Angleterre ! Telle était leur conclusion.

La vérité, c'est que l'Allemagne s'est reconnue dans Hitler et son national-socialisme. Quel que soit leur âge : le Général qui a ordonné le massacre d'Oradour n'était-il pas un homme d'âge mûr ? quelle que soit leur éducation, l'officier qui a commandé directement cette tuerie n'était-il pas un de ces hobereaux prussiens, fiers de leur noble ascendance et de leur Kulture ? quelle que soit la province d'Allemagne où ils sont nés, Hitler n'est-il pas Autrichien ? tous ont en commun une haine inextinguible de tout ce qui, depuis 20 siècles, est l'honneur du monde civilisé : le Christianisme et sa morale faite de pitié, de charité, de respect du faible.

Et c'est peut-être une excuse, que le Christianisme n'a pénétré que très tardivement en Germanie, puisque CHARLEMAGNE vers l'an 800 fit procéder au baptême de centaines de milliers de Saxons alors que la Gaule était chrétienne depuis cinq siècles.

Malgré leur nouvelle qualité de Chrétiens, ils restent ce qu'ils avaient toujours été : des Barbares, comme au temps où Marius, proconsul romain, les battait à Verceil en 100 avant J.-C.

Ainsi que l'écrivait TACITE au premier siècle : Les Germains sont un peuple préférant le pillage au travail.

Jules César, d'ailleurs, dans ses Commentaires sur la Guerre des Gaules, n'est pas plus tendre pour eux : Pillards ne vivant que du fruit de leurs rapines sur leurs voisins, et un de leurs plus célèbres chefs, ARIOVISTE, parlait déjà en 50 avant J.-C. d' otages qu'il se flattait de ne pas vouloir rendre.

Les seuls ennemis auxquels la Gaule dut faire face, depuis la Conquête romaine, furent toujours et toujours les Germains : Goths, Wisigoths, Ostrogoths, Vandales, Huns ; ce qui prouverait, entre autres choses, la parenté entre les Huns actuels et leurs ancêtres, c'est que, ATTILA, partout symbole de la barbarie, est adoré en Allemagne comme héros national, ainsi que le sera sans doute HITLER dans vingt siècles...

Tant que la Gaule, devenue la France, fut forte, la Germanie se tint tranquille ; mais, dès que la féodalité eut morcelé les pouvoirs, on assiste de nouveau à l'invasion des Germains qui, sous la conduite de leur Empereur Otton IV, furent vaincus à Bouvines en 1214 par Philippe-Auguste, Roi de France.

La fin du Moyen-Âge et le début des temps modernes vit une Allemagne anarchique, où des centaines de principautés et de villes libres se partageaient le pouvoir ; ce fut l'âge d'or de relations franco-allemandes marquées par le traité de Westphalie (1648), le premier diktat, diront les pangermanistes.

C'est l'époque rêvée de la bonne Allemagne où Bach, Mozart, Gœthe symbolisent les aspirations familiales, musicales, sentimentales, d'un peuple où couvait malgré tout le virus guerrier;

Les Prussiens se reconnurent enfin en Frédéric II. Plus tard, à tour de rôle, tous les peuples allemands se prussianisèrent, c'est-à-dire, 'retrouvèrent, avec joie, leur véritable esprit et, avec lui, le but de leur vie : la guerre.

Toute la politique allemande depuis 200 ans peut tenir dans quelques paroles-programme prononcées ou écrites par FRÉDÉRIC II, FICHTE, NIETSCHE, BISMARCK, BETHMANN-HOLLWEG, HITLER.

FRÉDÉRIC II n'a-t-il pas dit : S'il faut duper, soyons fourbes ; et ailleurs J'occupe, j'annexe, je cherche ensuite des savants pour justifier mes actes.

FICHTE, lui, va plus loin puisqu'il écrit : Ce qu'il faudrait pour que l'Allemagne puisse vivre, c'est couper les têtes de tous les Français et les remplacer par de bonnes têtes allemandes. Sa première proposition, qui aurait pu sembler une sinistre plaisanterie, n'a été malheureusement depuis 80 ans que la plus tragique des réalités : Trois guerres, 1870 - 1914 - 1939, - Trois invasions, Trois occupations, Trois millions de Français tués sont là pour nous rappeler que les hordes d'Attila modernisées sont toujours là.

Quant à NIETSCHE, tout le monde connaît ses théories tendant à prouver que la vie dangereuse est la seule digne d'être vécue, et que pitié est synonyme de lâcheté.

BISMARCK a montré par l'annexion de l'Alsace et de la Lorraine en 1871, malgré les protestations de ses habitants, que les principes de Frédéric II n'étaient pas pour lui lettre morte.

BETIHMANN-HOLLWEG, lorsqu'il traitait de chiffon de papier, le traité signé par l'Allemagne assurant la neutralité du territoire belge, était, lui aussi, bien dans la ligne allemande.

Avec de tels maîtres, soumis à de tels enseignements, pénétrés d'un tel évangile, comment s'étonner si les Allemands de 1944, les nationaux-socialistes d'Hitler, étaient les prototypes de l'esprit germanique et que, trouvant enfin une occasion favorable, digne de leurs théories, ils aient organisé méthodiquement l'annexion de pays libres, le pillage de leurs victimes, l'assassinat de populations entières aussi bien en France qu'en Russie, en Yougoslavie qu'en Belgique, en Pologne qu'en Grèce, bref dans tous pays soumis à leurs bottes.

Hitler et son national-socialisme ne sont qu'un des aspects d'une chose éternelle : l'esprit allemand. Des Prussiens ? des pangermanistes ? des militaristes ? des nationaux-socialistes ? nous dirons simplement : des Boches.

Ce qui va suivre n'est qu'un exposé banal, brutal, mais absolument véridique, contrôlé et contrôlable de quelques crimes parmi beaucoup d'autres commis en France par les Allemands.

Qu'on ne crie pas à l'invraisemblance : des documents irréfutables existent, des témoins de ces scènes d'horreur sont vivants; pour monstrueux qu'aient pu être certains de ces crimes, ils ont été commis ; il faudrait remonter au fond du Moyen-Âge pour en trouver de semblables.

Dans une première partie seront relatés un petit nombre d'assassinats commis par les Allemands contre des membres des Forces Françaises de l'Intérieur qu'on appelait encore au début de 1944 le Maquis. - Périgueux, Mauleydiers (Dordogne), Nîmes, Montauban, furent le théâtre de ces exécutions.

La seconde partie sera consacrée aux représailles exercées sur des civils innocents pour les punir d'attentats commis contre les troupes d'occupation : Ascq (Nord), où 86 civils furent fusillés ; Tulle (Corrèze), où 99 civils furent pendus aux balcons de la ville ; Montpezat-du-Quercy, où 25 hommes et femmes furent fusillés ou brûlés vifs; Mussidan (Dordogne), où 53 civils furent fusillés ; Brantôme (Dordogne), où 61 civils furent fusillés ; Rouffignac (Dordogne), village où 145 maisons sur 148 furent entièrement brûlées, 3 habitants fusillés, 70 déportés; Lyon, où 66 femmes et enfants furent abattus dans la rue en plein jour à la mitraillette et à la grenade.

C'est encore Villards-sous-Eeots, Maille (Indre-et-Loire), Buzet-sur-Baise (Lot-et-Garonne), Rimont (Ariège), Bagnères-de-Bigorre (Hautes-Pyrénées) et la liste pourrait encore s'allonger.

Enfin c'est à Oradour-sur-Glane (Haute-Vienne), ville sans maquis, Oradour où jamais un attentat ne fut commis contre l'armée allemande, Oradour qui vit périr ses 700 habitants, 250 hommes fusillés ou brûlés vifs, 450 femmes et enfants asphyxiés, mitraillés ou brûlés vifs dans l'église au milieu de l'incendie général du village, et d'où une vingtaine de survivants purent faire le récit de ce crime effroyable.

PREMIÈRE PARTIE

Assassinats de Membres de la Résistance

Dès les premiers jours de l'occupation, des patriotes français, pour qui la défaite de leur Patrie n'était que provisoire, commencèrent à se grouper pour tenter ce qui pouvait alors sembler une chimère : maintenir vivant l'esprit de la guerre, en vue de la Victoire, c'est-à-dire la lutte contre l'ennemi, le Boche, d'abord par la parole, la propagande de bouche à oreille. De même qu'en 1914-1918 dans les pays occupés du Nord, il se forma en France, dès 1940, dés équipes de résistants. Peu à peu, à mesure que le Comité de la France libre présidé à Londres par le Général DE GAULLE s'imposait comme le Gouvernement de la vraie France, la Résistance s'organisait. À partir de 1942, de nombreux jeunes gens, pour éviter de partir en Allemagne, commencent à prendre le maquis, où viennent les rejoindre par la suite, après la dissolution totale de l'armée, militaires de tous grades et de tous âges et civils patriotes. C'est ainsi qu'à côté des groupes de résistance des villes et des villages constitués par des membres, sédentaires la plupart du temps, qui prirent le nom plus tard de Milices patriotiques, se formèrent les groupes de résistance du maquis. Alors que les premiers préparaient la Libération secrètement, les groupes du maquis commencèrent leurs opérations militaires, dès 1943, et à partir de Juin 1944 déclenchèrent des expéditions de grande envergure contre les troupes allemandes. C'est à cette époque que les troupes de la résistance prirent le nom de Forces Françaises de l'Intérieur et furent placées sous le commandement direct du général Kœnig, héros de Bir-Hakein.

Cet ouvrage ne relatant que des crimes, tortures, fusillades, pendaisons, il n'y sera pas fait mention des pertes subies par les F. F. I. au cours des multiples combats de toute nature livrés contre l'occupant; seuls seront signalés quelques crimes pris entre des centaines et peut-être des milliers d'autres commis sur des prisonniers des groupes du maquis ou d'otages choisis parmi les membres des groupes de résistance des villes ou des villages.

Sans remonter à 1941, année où la kollaboration n'ayant pas l'air de donner les résultats attendus par Berlin, les troupes d'occupation abandonnèrent leur prétendue correction pour fusiller 50 otages à Bordeaux et à Chateaubriant (Bretagne), que l'on qualifia de communistes et que nous appellerons des Français, c'est surtout à partir de 1944 que se multiplièrent les expéditions punitives contre les divers maquis et que les patriotes furent pourchassés, aidés par les traîtres de la Milice avec une habileté et un acharnement diaboliques.

Nous ne mentionnons ici aucune des atrocités auxquelles se livrèrent les Allemands dans les prisons, bagnes, les camps de Juifs et des détenus politiques, laissant à d'autres mieux qualifiés le soin de raconter l'histoire de ce vaste camp de concentration que fut la France pendant quatre ans, où périrent 100.000 Français et où 400.000 autres attendirent, le ventre vide, l'esprit tendu, la fin de leur supplice. Je n'insisterai pas non plus sur le sort réservé à des centaines de milliers de Français, déportés en Allemagne sous divers prétextes (Relève, Terrorisme) et dont quelques rescapés des camps d'Auschwitz (Silésie) et de Buchenwald (Westphalie) ont pu nous décrire l'horreur.

Les faits parleront d'eux-mêmes. Dans un premier paragraphe seront relatés les assassinats commis par les Allemands contre des membres de la Résistance, spécialement à Montauban (Tarn-et-Garonne). Le deuxième paragraphe sera consacré aux tortures et aux supplices infligés aux soldats du maquis tombés blessés ou indemnes aux mains des Allemands, notamment à Nîmes (Gard), à Périgueux (Dordogne), à Mouleydiers (Dordogne), à Signes (Var).

Pendaisons de résistants à Montauban

Le 24 Juillet 1944, les F.F.I.. tiennent la campagne dans presque tout le Sud-Ouest. La ligne Paris-Toulouse depuis deux mois est bloquée. Montauban (Tarn-et-Garonne) ; important nœud de communications, voit tous les jours le cercle des maquisards se resserrer, les Allemands multiplient dans le pays les expéditions punitives ; de nombreuses escarmouches, parfois de véritables combats, se déroulent à quelques kilomètres des remparts de Montauban, vieille citadelle protestante, qui, trois siècles auparavant, avait repoussé les armées de Louis XIII.

C'est au cours d'un de leurs passages dans un village des environs à Montricoux que les Allemands arrêtèrent sept Français.

L'Exécution.

Ce n'est que le lendemain, vers 7 heures, que les habitants, sortant de leurs demeures, découvrirent avec horreur quatre corps pendus deux à deux à deux petits arbres devant la Préfecture, en plein centre de la ville ; l'un deux touchait terre, mais il était mort lui aussi.

Toutes les démarches faites auprès des autorités allemandes furent vaines. Ce n'est qu'à midi que les Français furent autorisés à donner une sépulture convenable à leurs malheureux compatriotes, toute cérémonie étant interdite.

Pendant toute la matinée, quatre pendus s'étaient balancés, gardés par la Wehrmacht.

On apprenait un peu plus tard que c'est vers minuit, c'est-à-dire deux heures après le couvre-feu, que sept prisonniers civils, des résistants, arrêtés à Montricoux, ayant été amenés à Montauban en camion, furent conduits à pied, par les, rues obscures, au lieu de leur supplice. Deux parvinrent à s'échapper : l'un fut abattu immédiatement, rue des Doreurs, les deux autres qu'on croyait saufs, furent retrouvés quelque temps plus tard, ayant été enterrés vivants à Montbartier.

Sur quatre pendus, l'un d'eux, plus grand que les autres, croyant ainsi ,se sauver, s'appuya sur la pointe des pieds, l'arbre où ils étaient pendus étant très bas; un de ses bourreaux' l'aperçut sans doute, car il fut tué d'une balle dans la tête.

Pourquoi un tel supplice ?

Faire un exemple ? Pousser la population au calme? Le résultat, ce fut que le 19 août, quand les troupes allemandes en' retraite tentèrent de traverser Montauban, elles furent attaquées par un groupe de civils francs-tireurs qui les dispersèrent : ces Français, armés de fusils de chassé, perdirent 13 des leurs en ce combat, mais les Boches ne passèrent pas ; les quatre martyrs étaient vengés, car de nombreux Allemands restèrent sur le terrain.

Noms des quatre pendus : CASTEL, André, JOUANNY, Henri, HUGUET, André, MELANOV, Michel.

Fusillades à Laparade (Lot-et-Garonne)

12 Juillet 1944. La Résistance est en plein travail. Parachutages, transports d'armes, liaisons entre groupes des villes et maquis se multiplient. Des indiscrétions se produisent parfois, des dénonciations sont portées. Nous en prendrons un exemple en Lot-et-Garonne.

C'est ainsi qu'à Laparade des membres d'un groupe de Résistants reçoivent l'avis de se rendre près d'un village ; des armes seront transportées dans des charrettes à bœufs ; là on retrouvera les camarades.

Les hommes, au nombre de six, se portent au rendez-vous. À peine y sont-ils arrivés qu'une fusillade éclate ; certains cherchent à s'enfuir, en vain. Ils seront abattus, ou blessés, transportés au village par les Boches.

Là, tandis que les prisonniers attendent, les perquisitions commencent. On arrêtera des Juifs naturellement, réfugiés dans le village, et d'autres civils suspects. Enfin, au bout de plusieurs heures, après un simulacre de jugement, à Aiguillon, petite ville à 15 kilomètres au Sud, on va fusiller les prisonniers. Quatre hommes sont conduits au supplice ; l'un d'eux, blessé, demande à faire une communication avant de mourir ; connaissant bien le village, il s'écarte accompagné d'un Boche ; arrivé près de la terrasse dominant la plaine, il bouscule le soldat, se précipite dans les broussailles du haut du mur, passe à travers les balles qu'on lui tire : CAUJOLLE sera sauvé. Ses cinq malheureux camarades seront fusillés.

Pendant ce temps, le village étant cerné, tous ceux qui arrivent sont fouillés, même arrêtés; malheur à l'agent de liaison portant dans son bidon ou sa pompe de vélo des ordres ou des plans... Deux habitants du village dont une femme remontant de Clairac, village voisin, passent devant le barrage de la route à l'entrée du village. Une rafale de mitraillette est tirée ; l'homme, se couchant aussitôt, sera sain et sauf; la femme, Mt' DUBOURDIEU, résistante F.T.P., mère de trois enfants, dont le mari est arrêté comme résistant, reste blessée sur la route. Un Iong moment après, les voisins, attirés par les coups de feu, seront autorisés à la transporter chez elle. Malgré l'interdiction de la soigner, le Docteur HORDERN, de Clairac, très courageusement viendra au chevet de la blessée, en se cachant des Allemands ; malgré tous ses, soins, la blessée succombera. Enfin, dans la soirée, un blessé, DAURIAC, sera transporté chez lui, à Clairac, où il mourra.

Huit victimes, dont une femme, et ce village endormi au milieu des pruniers, sur sa crête dominant la vallée du Lot, aura vu, lui aussi, la guerre passer. C'est grâce aux déclarations de trois témoins de Clairac : Mme Roussanes, MM. le Docteur Hordern et Guérin, que les faits ont pu être connus.

Périgueux et Mouleydiers

La Dordogne vit une guerre acharnée du maquis contre les Allemands.

Les combats furent nombreux et meurtriers. Les représailles contre les civils sanglantes.

De Novembre 1942 à Août 1944, la Dordogne n'a pas eu moins de 817 fusillés, 1.200 déportés, 447 incendies de maisons, châteaux ou églises.

Les opérations en Dordogne ont, été menées principalement par les divisions de S.S. " B " et Das Reich, par la Gestapo et la Brigade Nord-Africaine.

Exécutions à Périgueux.

À Périgueux même, les Allemands, comme partout ailleurs, ont fait peser une incessante menace et ont créé une perpétuelle atmosphère d'angoisse. Il est presque impossible de recenser tous les crimes commis en cette ville par les bandes nazies et leur clique.

Le 9 avril 1944, le nommé Duos, Laurent, né le 16 mai 1918 à Périgueux, pompier en cette ville, fut abattu sur le cours Bugeaux en pleine ville par un Nord-Africain qui lui demandait ses papiers.

Le 19 mai 1944, deux Allemands, l'un en uniforme, l'autre en civil, se sont présentés chez Mme CAYOUT, née Mordico, rue Paul-Bert, et ont demandé un soi-disant nommé VIGNAUD, Paul. Ce dernier, qui en réalité était israélite en possession de faux papiers, avait réussi à fuir, mais poursuivi, il fut blessé au bras, rejoint et embarqué dans une voiture. Quelques heures plus tard. son cadavre était découvert au lieu dit Le Blanquet, commune de Chamcevinel.

Dans la nuit du 13 au 14 Juin 1944, des militaires des troupes d'opération ont abattu sur le cours Montaigne, à Périgueux, quatre habitants de Mareuil et un cinquième, M. VIAUD, Albert.

En Août 1944, avant leur départ de Périgueux, les Allemands ont fusillé au 35e R.À.D. 41 personnes détenues.

Il y a eu un bien plus grand nombre d'exécutions probables à Périgueux. On sait sûrement jusqu'à présent que 7 civils et 41 détenus, pour la plupart des prisonniers F.F.I. , ont été fusillés, beaucoup après avoir été torturés ou frappés sauvagement.

En tout on ne connaît jusqu'à présent que 95 exécutions à Périgueux.

Fusillade à Mouleydiers.

Le 7 Juin 1944, toutes les voies d'accès à la ville sont barrées par des troncs d'arbres abattus dans la nuit.

Le 10 Juin 1944, une division blindée allemande venant de la direction de Castillon réussit à atteindre Bergerac.

Le 11 Juin 1944, les groupes du maquis doivent reculer à une certaine distance. Ils se cantonnent spécialement à Saint-Sauveur, et Saint-Germain et Mons et Mouleydiers. Les Allemands attaquent le 17, mais ne peuvent passer.

Le 21, avec l'appui des renforts qu'ils viennent de recevoir, ils attaquent de tous côtés et parviennent à proximité de Mouleydiers. Par haut-parleur, ils préviennent la population que dans un délai de cinq minutes la localité sera bombardée, et que tous doivent se réfugier à Saint-Germain et Mons. Les femmes furent séparées des hommes et des enfants. 87 de ces derniers furent arrêtés et conduits à Bergerac. Les femmes et les enfants sont conduits à Saint-Germain et Mons. On libère les hommes de plus de 50 ans. Les autres seront libérés plus tard sur l'intervention de M. CONSTANTIN, secrétaire de la Sous-Préfecture.

Après le départ des habitants, l'attaque commence. Les Allemands pilonnent la ville et les F. F. I. doivent se replier, tandis que l'ennemi rentre dans Mouleydiers. Ils pillent et incendient 170 sur 200 maisons que comporte le bourg.

Des F.F.I. sont faits prisonniers, roués de coups et les mains liées derrière le dos avec du fil de fer, conduits à Saint-Germain et Mons. Dans l'après-midi, quelques-uns sont fusillés près du cimetière après avoir dû creuser leur tombe. Le soir, vers 22 heures, les 9 derniers prisonniers sont passés par les armes, après quoi les cadavres sont mutilés à coups de pieds et de crosses de fusils. L'un d'eux est égorgé.

M. VAUNAC, Directeur de l'Usine de Rottersac à Lalinde, a été blessé le matin; il est soigné par le Docteur LAGRAVE. qui fait connaître aux Allemands que le blessé doit être transporté à l'hôpital. Il est chargé sur une chenillette et emmené à Saint-Germain et Mons où il sera achevé d'un coup de révolver vers 20 heures, à 700 mètres du bourg, après être resté tout l'après-midi sur la place sans aucun soin.

Les cadavres ne purent être enlevés que le lendemain après-midi.

La plupart des victimes ici seront des membres du maquis, 18 fusillés. 

Les Fusillades à Taillecavat

Aux confins de la Gironde et du Lot-et-Garonne, les groupes de Résistance étaient particulièrement actifs, opérant des incursions qui gênaient considérablement les communications de l'ennemi.

Le 15 Août 1944, quatre F.T.P. assuraient une mission de liaison en voiture entre Taillecavat et Savignac-sur-Guyenne ;

c'était : SOUBIRADEAU, NADEAU, Lisio CORRADINI et FRAGUES, tous quatre de la région de Duras.

Non loin de Savignac, leur voiture fut arrêtée par un tir d'arme automatique : une colonne allemande tenant la route venait d'ouvrir le feu. Quatre cadavres furent retirés de la voiture mitraillée ; les Boches s'acharnèrent alors sur les corps des quatre maquisards dont le visage tuméfié et les membres brisés témoignaient de la sauvagerie allemande. Un des patriotes fut même pendu par les pieds et mutilé ; un morceau de corde noué à sa jambe est encore visible sur la photo ci-contre, prise à Taillecavat où les corps des quatre francs-tireurs avaient été transportés.

Exécutions de Résistants à Deauville

6 Juin 1944. - La Normandie vibre au son du canon. Des milliers de soldats kaki s'accrochant à ses falaises abruptes brisent le Mur de l'Ouest, orgueil d'Hitler.

Derrière les lignes allemandes des Français travaillent.

Deauville, plage à la mode, ne semblait pas prédestinée au rôle tragique et glorieux de Lille, Strasbourg, et tant d'autres villes occupées en 14-18.

Déjà, bien avant le débarquement libérateur, la Normandie était un centre de la Résistance. Mais, dès ce débarquement, l'action des patriotes s'amplifie.

C'est ainsi que cinq Français et un Polonais : Pierre BRIÈRE, Émile DUPONT, Fernand LAGNEL, Emile LOUVEL, Léon TELLIER. Stanislas KUKULA, pendant plusieurs semaines feront des liaisons, trouveront d'utiles renseignements, feront de la résistance, jusqu'au 15 juillet où ils seront arrêtés. Les Allemands les obligeront à creuser des tranchées dans le sable de la plage, derrière les barbelés qui en défendent l'accès.

25 Juillet. - Une rafale de mitraillette et les 6 patriotes tombent dans les tranchées sous les balles allemandes.

Les fusillés de Signes (Var)

M. Raoul MAUNIER, membre du C.L.N. de Signes, a bien voulu nous communiquer sa déposition :

Le 2 Janvier 1944, à 7 h. 1 /2 du matin, partait du moulin de Gapeau, un groupe d'environ 50 soldats allemands et officiers sous l'escorte de M. WAGNER, propriétaire du dit domaine, en direction de la ferme de Limatte.

Vers 8 h. 1/2, j'entendis une fusillade qui dura plusieurs heures et qui semblait provenir de la ferme de Limatte.

Dans l'après-midi de ce même jour, j'appris par deux patriotes qui avaient réussi à s'échapper, l'attaque de leur camp par les Allemands et qu'ils ignoraient ce qu'étaient devenus leurs camarades, car ils s'étaient défendus jusqu'à épuisement de leurs munitions.

Ce n'est que le lendemain, en compagnie du Garde SANSONNETTI, jules, et de BASSET, Ludovic, que je me rendais à la ferme de Limatte pour me rendre compte de ce qu'étaient devenus mes camarades. Mes recherches ne furent pas vaines, car au bout de quelques heures, je découvris le charnier où avaient été enterrés mes camarades.

En présence des autorités,. nous avons constaté que ces jeunes patriotes étaient horriblement mutilés et méconnaissables ; certains avaient la tête complètement écrasée. Nous avons relevé sur une victime trente-trois blessures, soit : coups de baïonnette ou balles tirées à bout portant. Je suppose que les Boches ont fait creuser un trou d'une profondeur de 50 cm. sur'7 m. de long par leurs victimes, avant de les assassiner, car j'ai relevé sur le manche des pioches qui se trouvaient à proximité des traces de sang.

Nous avons ramassé à 4 mètres du bord de la fosse 9 petits tas de 12 douilles environ.

Après constatation, je suis redescendu à Signes pour chercher le docteur avec mon cheval et ma voiture; je suis remonté avec le cheval et une charrette. Nous avons chargé les victimes et les avons descendues au cimetière de Signes où nous avons effectué la mise en bière. Deux familles de victimes étaient présentes.

Sur les 10 victimes, 9 avaient une vingtaine d'années.

Les dix-sept pendus de Nîmes

Pour les Français, Nîmes c'est le Midi au même titre que Marseille ou Nice. Le touriste qui vient à Nîmes pour la première fois est frappé de l'abondance des monuments romains et de leur bon état de conservation. Comme en Grèce et en Italie, le soleil y conserve.

Dans ce pays où il fait si bon vivre et flâner, les hommes sont gais par tempérament, vifs comme le Mistral, généreux comme leur bon vin et, par-dessus tout, tenaces et épris de liberté.

Si, il y a plus de 2.000 ans, les Romains avaient pu conquérir, administrer, exploiter cette riche province, c'est qu'ils avaient su accorder aux indigènes la plus grande autonomie possible, qu'ils n'avaient en rien changé leurs croyances, ni blessé leurs traditions. Tous ceux qui ont essayé de marcher contre le sentiment profond de ce peuple du Languedoc et de Provence s'y sont eux-mêmes usés.

La Réforme devait plaire à ces esprits libres; elle se propagea rapidement et en 1685, au moment de la Révocation de l'Édit de Nantes, Nîmes, comme toute la Provence, y compris les actuels départements de l'Ardèche et de l'Hérault, comptait une énorme majorité de « Huguenots ».

Malgré les émigrations forcées, malgré les persécutions les plus sanglantes ou les plus hypocrites, l'esprit de la Réforme subsista. Déjà Marie Durand, fidèle de la Religion prétendue réformée, qui resta trente ans prisonnière pour sa foi à la Tour de Constance à Aigues-Mortes (Gard), avait gravé dans la pierre de sa cellule ce mot symbolique : Résister.

Les Camisards du XVIIIe siècle, hommes libres et chrétiens qui résistèrent à la persécution religieuse, n'auraient pas renié les Maquisards de 1944, hommes libres, qui, par foi patriotique, résistèrent à l'oppression allemande.

Comme il y a deux cents ans, deux pensées soulèvent ce peuple : Christianisme, Patriotisme.

Les scènes qu'on n'avait pas vues depuis les tragiques années des luttes religieuses se sont reproduites depuis l'occupation : combats dans les Cévennes, embuscades dans les Garrigues.

Le 14 Août 1754 fut pendue à Nîmes la dernière victime de l'intolérance religieuse : c'était le pasteur TESSIER qui fut porté blessé à la potence. 190 ans plus tard, le 2 mars 1944, alors qu'on croyait ces temps à jamais révolus, 17 hommes, dont 2 blessés, coupables de patriotisme, furent pendus à Nîmes dans les circonstances qu'on va lire.

Les S.S. patrouillent dans les Cévennes.

En Février 1944, le commandement allemand, trouvant sans doute les Cévennes mal famées, ordonna des expéditions dans plusieurs villes et villages, notamment La Grand'Combe, Alès, Le Vigan, Valleraugue. À Lassalle, le 28 Février, des arrestations de civils étaient opérées, certains d'entre eux devaient être pendus. Comme toujours, on choisit des S.S., sans doute mieux qualifiés pour ce genre de travail. Et bientôt, les persécutions, les arrestations se multiplient. Déjà, le 28 Février, à Saint-Hippolyte du Fort un jeune bûcheron de 20 ans, Roger BROUSSOUS, était pendu au parapet du viaduc où son corps resta exposé jusqu'au lendemain : il avait, paraît-il, été trouvé porteur d'un révolver.

Le 29 Février, toujours à Saint-Hippolyte, des éléments motorisés allemands rencontraient une voiturette et un camion montés par des F.F.I. un Allemand était tué, deux Français - abattus, les deux autres Français poursuivis se réfugièrent dans une maison et, blessés gravement, furent capturés un peu plus tard.

À quelques kilomètres de là, près de Valleraugue, le même jour, au hameau d'Ardailles, toutes les maisons étaient incendiées et cinq personnes emmenées, dont deux pendues. Toujours dans la région, à Celas, dans un puits de mine désaffecté profond de 300 mètres, on trouvera 32 cadavres mutilés.

Ainsi, à la faveur des expéditions effectuées dans les Cévennes, des maquisards, des civils avaient été massacrés ou pendus, mais c'est à Nîmes, où ils avaient emmené leurs prisonniers, que les Allemands voulurent faire un exemple. Les S.S. emmènent leurs prisonniers à Nîmes ; ils sont 15, jeunes pour la plupart, sauf l'un d'eux, Michel ORDINEZ, qui a 51 ans.

Trouvant leur nombre sans doute insuffisant, les AIlemands vont à l'hôpital réclamer et emmener de force deux prisonniers du maquis blessés,, ramenés deux jours avant, de Saint-Hippolyte-du-Fort.

Ils sont donc 17 otages sur lesquels ils vont pouvoir venger leurs défaites continuelles.

11 est 18 heures. Rapidement, les 17 prisonniers sont pendus aux sorties de la ville par les Boches : 6 sont attachés aux arbres de l'avenue de Camargue, 6 autres de part et d'autre du Pont de chemin de fer qui coupe la route d'Uzès, un au viaduc de la route d'Alès, 1 au pont de la route de Tarascon, 1 sur la route d'Arles, enfin, détail odieux, un des malheureux pendu au pont oblique tombe sur le sol, la corde s'étant rompue : pas de grâce ! deux coups de révolver lui fracassent le crâne.

Tous les passants, y compris les cyclistes et les automobilistes, furent obligés, sous la menace des armes, de s'arrêter et d'assister au supplice.

Les corps des victimes resteront exposés toute la nuit, interdiction étant donnée à quiconque de s'en approcher et pourtant, une gerbe de fleurs sera déposée le lendemain aux pieds du pont d'Uzès entourée d'un ruban où un patriote inconnu avait eu le courage d'écrire : Honneur aux Héros de !a Résistance !

Les martyrs resteront pendus jusqu'au matin, portant cette inscription : Ainsi seront punis tous les terroristes français.

Les bourreaux cherchent à se justifier.

Dès le lendemain, non loin de Nîmes, exactement à Jonquières-Saint-Vincent, des paysans allant au travail avaient remarqué des Allemands creusant un grand trou ; ils n'avaient pu s'approcher, les Allemands leur ayant interdit de s'avancer. Intrigués, ils étaient revenus le lendemain ; après avoir creusé, ils découvrirent les corps de 14 victimes du 2 mars ; trois corps manquaient.

Ces héros, quatorze Français et trois Polonais, ont eu, le 21 Septembre 1944, de grandioses funérailles en présence des autorités civiles et militaires, notamment le Préfet du Gard et le Ministre de Pologne.

L'émotion produite en France par ces atrocités avait été si forte, qu'à une protestation, d'ailleurs bien mesurée, adressée par le Ministre de la Guerre de Vichy, le Général BRIDOUX, au commandant des troupes d'occupation, il fut répondu par le Général VON NEUBRONN : ...Que l'exécution par pendaison est admise par le droit allemand, notamment dans le cas où, le fait ayant entraîné l'exécution capitale doit être considéré comme particulièrement infâme ou entaché de sournoiserie ; c'est précisément le cas. Aussi n'y a-t-il rien à objecter à ce genre d'exécution. Cette cynique réponse se passe de tout commentaire.

Nous ne pouvons mieux faire en terminant ce récit des crimes de Nîmes que de citer l'émouvant poème écrit par M. Henri BAUQUIER, de Nîmes, à la mémoire des otages exécutés :

Pour les pendus du 2 Mars 44

Ils ont cru, vainement, vous frapper d'infamie, Accrochant vos corps à nos ponts, Et nous remplir d'effroi. Lourde erreur ennemie, Geste à rebours, les fous ne savent ce qu'ils font.

À chaque oscillement de la corde lugubre,

Ce sont d'âpres serments nouveaux

D'engager tout son cœur dans la tâche lugubre,

Pour mettre des lauriers, demain, sur vos tombeaux.

Ces quelques localités où nous venons de passer ne peuvent donner qu'une faible idée de la sauvage répression exercée contre la Résistance.

Des volumes seront nécessaires pour retracer, même brièvement, l'histoire des exécutions massives de patriotes qui ont rendu tristement célèbres le Fort du Hâ à Bordeaux, la prison Saint-Michel à Toulouse, le Fort Saint-Jean à Marseille, le Fort Montluc à Lyon ; et enfin, à Paris, la ville aux 75.000 fusillés, le Fort du Mont-Valérien où, en quatre ans, 4.500 patriotes furent exécutés.

Il n'est malheureusement pas besoin de grands efforts d'imagination pour se représenter l'horreur de la répression quand on connaît ces quelques exemples, symboles de l'esprit qui animait l'ennemi, symboles de l'esprit qui animait des dizaines de milliers de patriotes morts pour leur idéal.

DEUXIÈME PARTIE

Atrocités contre des civils par représailles

Les horribles supplices infligés à des membres F.F.I. pourraient dans le cerveau d'un Allemand trouver un semblant de justification : ces membres de la Résistance étaient des Francs-Tireurs, des Terroristes, et pourtant, ils étaient légalement des soldats réguliers, dotés d'un insigne visible, le brassard tricolore à Croix de Lorraine.

Mais que dira, même un Allemand, des tortures, fusillades, pendaisons infligés à des civils, justement parce que ces mêmes Allemands étaient incapables de lutter avec succès contre les F.F.I. Il répondra sans doute comme nous l'avons souvent entendu : C'est la Guerre. La Guerre ! Dinant (Belgique), Olizy et Moiry (Ardennes) sont là pour nous rappeler qu'en 1914 des villages entiers furent brûlés, les femmes et les enfants tentant d'échapper aux flammes abattus comme des chiens et même, à Dinant, des enfants promenés sur les pointes des baïonnettes par la soldatesque boche, ivre de sang.

En 1940, que dire de ces avions à croix gammée qui, volant en rase mottes, faisaient des cartons sur les longues files de réfugiés fuyant les hordes blindées sur les routes de France ainsi que l'auteur l'a vu à Douai (Nord) et près de Saint-Pol (Pas-de-Calais) et qui réussirent en six semaines de combat à tuer cinquante mille civils en France, sans parler des 145.000 victimes des raids aveugles sur Londres, Coventry et la plupart des villes de Grande-Bretagne qui resteront le symbole et de la sauvagerie allemandes et du courage indomptable du peuple britannique.

Ces mitrailleurs et bombardiers de la Luftwaffe étaient les dignes descendants des tortionnaires de Dinant et des glorieux équipages de la Kriegs Marine qui avaient réussi entre autres exploits le torpillage du Lusitania en 1917 qui coûta la vie à près de 1.000 civils.

Ils ont fait la guerre, tous ces fiers Germains. Mais, s'il est vrai que la guerre en soi est horrible, du moins quand le combat est terminé, que la folie de tuer cesse, qu'un homme, même allemand, redevienne un être humain et non cette bête sanguinaire qui, de sang-froid, avec le sourire même,- et ceci est absolument véridique, fusille, pend des êtres sans armes et n'ayant pris aucune part à aucun combat. Pour un Allemand, faire la guerre, c'est la suprême excuse.

Parmi les villes qui comptent des victimes de la barbarie allemande, il en est une : Oradour-sur-Glane, sur laquelle nous insisterons particulièrement en raison du caractère spécialement odieux de l'affaire. Ce récit constituera la troisième partie de cet ouvrage.

La France entière a été en proie à l'acharnement des troupes allemandes.

Dans cette multitude de crimes, nous en avons choisi quelques-uns parmi beaucoup d'autres : Le Centre, où Tulle vit 99 de ses enfants pendus ; le Sud-Ouest, où Périgueux, Mussidan, Rouffignac, Montpezat, Buzet, Dunes, Bagnères-de-Bigorre ; porteront longtemps les cicatrices de la Guerre ; Lyon, où 60 femmes et enfants furent abattus à la mitraillette et à la grenade ; Ascq, avec ses 86 fusillés ; Maillé, où 124 civils furent assassinés dans leurs maisons en flammes.

Les pendaisons de Tulle

Tulle.

Tulle, ville de 18.000 habitants, chef-lieu du département de la Corrèze, est située à 505 km au Sud de Paris, sur les bords de la Corrèze dominée par les collines boisées.

Cette pittoresque ville, qui compté de nombreux monuments anciens, en particulier de vieilles maisons des quatorzième et quinzième siècles, allait, six siècles après la guerre de 100 ans, connaître la guerre sous une de ses formes les plus horribles : l'assassinat d'otages.

7-9 Juin 1944.

Le débarquement libérateur, depuis si longtemps attendu, vient de se produire. Les Alliés sont en Normandie. Tulle est dans l'allégresse, mais comme toute la France une allégresse qu'il faut cacher.

Le 7 Juin, le maquis de Corrèze arrive près de la ville. Les 150 Allemands de la garnison tiennent sur certains points, repoussent même l'attaque dans le quartier de la gare.. Trente cheminots n'entendant plus de coups de feu et pensant que lé combat est achevé sortent de la gare. Ils seront tous abattus. Un seul, faisant le mort, sera transporté à la morgue où, là, il donnera signe de vie.

Le 8 Juin, dans la soirée, Tulle est à peu près complètement aux mains des F.F.I. La nuit tombe. Une douce nuit de juin.

Tout à coup, un grondement se fait entendre, s'amplifie, et, de la route de Brive arrivent des chars allemands ; on saura plus tard qu'ils appartiennent à la sinistre division Das Reich que nous retrouverons à l'origine de nombreux massacres, notamment à Oradour, en Lot-et-Garonne et en Dordogne. Des rafales de mitrailleuses, quelques coups de canon, des passants tombent, quelques façades s'écroulent, la ville se vide en un instant. Tout, combat cesse. Des sentinelles gardent les issues de la ville : impossible d'en sortir.

Le 9 Juin, dès l'aube, les patrouilles parcourent la ville, cognant aux portes, les ouvrant au besoin à coups de revolver. Partout des hommes sont emmenés, même des adolescents, malgré les supplications des mères.

Conduits à la Manufacture d'armes, 2.000 hommes s'entassent dans la cour. Le commandant allemand, voulant hypocritement maintenir le calme, fait annoncer par haut-parleur qu'il donne sa parole qu'il n'y aura pas d'otages.

Les minutes sont longues pour tous ces hommes debout en plein soleil, dont certains ont dépassé la soixantaine.

C'est alors qu'arrivent les Chefs des administrations chargés de désigner leurs employés, dont la plupart seront relâchés. Ces heureux n'osent montrer leur joie en partant.

Des centaines d'hommes attendent, de plus en plus inquiets ; pourquoi les garde-t-on ? Pourquoi ne vérifie-t-on pas leurs papiers puisque, soi-disant, on les a arrêtés pour cela ? Nous ne pouvons mieux faire que de reproduire le rapport établi par M. l'Abbé ESPINASSE, aumônier du Lycée de Tulle, qui a bien voulu le communiquer.

L'Abbé Espinasse est chez lui ce matin du 9 juin.

Il est environ 9 h. 30 quand les soldats font irruption dans la maison. Trois soldats entrent ; je me présente. Votre âge ? dit l'un d'eux. - 38 ans. - Suivez-nous. Et sans aller plus loin dans l'appartement ni plus haut dans la maison, ils m'emmènent.

L'avenue est méconnaissable. Partout des débris de magasins éventrés et pillés ; sur le trottoir, un cercueil.

Je vais rejoindre la colonne en formation qui s'ébranle en direction de la gare, circulant au milieu des autos blindées et des tanks qui, en file ininterrompue, bordent la chaussée. Devant la pharmacie LAPORTE, un cadavre est recouvert d'un manteau.

La façade de l'hôtel LATRÉMOLIÈRE-CEROU, où se trouvait laFeld-Gendarmerie, est criblée de balles.

Nous sommes dirigés vers la Manufacture.

Notre groupe arrive au portail de la Manufacture vers 10 h. Les premiers sont arrivés bien plus tôt. Les Allemands opèrent parmi nous un premier classement dont nous ne savons pas le sens, après examen des pièces d'identité. Ce contrôle étant long, je m'assieds au bord du trottoir et lis mon office au bréviaire.

Je me présente parmi les derniers au contrôle.

À ce moment, les détenus ne sont pas inquiets. Le Docteur POUGET circulant dans les rangs vient d'annoncer : Rien à craindre, il n'y aura pas d'exécution. D'autre part, de nombreux groupes viennent d'être libérés ; ce sont les agents des P.T.T., les cheminots, les boulangers, les employés de la Préfecture, de l'alimentation ; les hommes âgés de plus de 45 ans. Ces départs sont de bonne augure : tout se passera bien.

Cependant, un Allemand, le Lieutenant X., circule dans les deux groupes les plus importants, demande à vérifier certaines cartes d'identité, juge les gens sur la mine, et, on ne sait pourquoi, les désigne pour faire partie du petit groupe de gauche.

Certains témoins diront qu'il avait l'air de flairer sa proie ; tout homme ou mal rasé ou dont les vêtements étaient froissés, ou dont les souliers n'étaient pas cirés, était aussitôt désigné.

Confusément, mais sans trop d'inquiétude encore, nous commençons à comprendre et à dire entre nous que ce petit groupe est plus mauvais que les autres. On croit qu'il s'agit d'un départ en Allemagne.

Aussi ceux qui en font partie s'efforcent-ils d'en sortir. Ils montrent leurs papiers, font état de leur âge, de leurs charges de famille.

Quelques-uns voient leurs démarches aboutir.

L'adjudant qui surveille ce groupe fait mettre les détenus en rangs par trois, et ne cesse de les compter. Il m'est facile de constater qu'ils sont exactement 60.

Si le Lieutenant X... accepte qu'un homme sorte de ce groupé, immédiatement il part en chercher un autre dans nos groupes, car il faut que le nombre reste constant. Certains sont ainsi ballottés plusieurs fois d'un groupe à un autre.

Voulant éclairer un doute qui me vient malgré tout, je profite d'un moment où X passe auprès de moi pour lui faire cette demande : Ce que vous m'avez dit ce matin m'autorise à vous prier de m'avertir s'il doit y avoir des exécutions. - Il n'en est pas question pour le moment ; s'il y en avait, je vous ferais signe, répondit-il.

Or à cette heure les cordes étaient déjà en place, et il ne devait jamais m'avertir.

Vers 12 h. 30, tout s'arrête. Les Allemands vont prendre leur repas.

Les officiers allemands refont leur apparition vers 15 heures, puis le Maire arrive. L'espoir que de nouvelles libérations vont avoir lieu renaît : Hélas ! le Colonel BOUTY s'approche de nous pour nous dire : J'ai une nouvelle bien pénible à vous annoncer : vous allez assister à .une exécution ; je vous demande le plus grand calme. Ne faites pas un geste, ne dites pas une parole.

Dès ce moment, le devoir m'apparaît clairement ; je suis le seul prêtre de Tulle parmi cette foule, je dois aider les condamnés à bien mourir. Je guette l'occasion d'intervenir, mais comment ?

L'ordre nous est donné de nous mettre en rangs par quatre, encadrés par les Chefs des Chantiers. Etant entré des derniers, je me trouve tout naturellement au premier rang. Les autorités allemandes et le Maire sont arrêtés devant la salle d'attente. Notre groupe se met en marche et se trouve stoppé juste à la hauteur des officiels. Je profite de l'occasion. Je sors des rangs et abordant le Colonel Bouty je lui fais part de mon désir d'offrir mon ministère à ceux qui vont mourir. Il me remercie d'y avoir pensé et présente ma requête au commandant. Le Commandant me fait dire : Si ce doit être court, j'accorde.

Le groupe des soixante formé le matin sous nos yeux est toujours à sa place, dans l'ignorance complète de ce qui l'attend. La foule des prisonniers gagne la place devant la Manufacture pour assister aux exécutions.

Quand le défilé est terminé, le Maire me dit : C'est le moment. Je m'avance seul devant cette petite cour des écuries où un peloton, l'arme à la main, encadre un groupe de dix hommes. À cet instant, je crois qu'ils sont les seuls condamnés ; malgré mon émotion, Dieu me donne la force de leur dire ces simples paroles : Mes amis, vous allez paraître devant Dieu. Il y a parmi vous des catholiques, des croyants. C'est le moment de recommander votre âme au Père qui va vous recevoir. Faites un acte de contrition pour toutes vos fautes, je vous donne l'absolution. Ils apprennent de cette manière le sort qui les attend. Tous se mettent à genoux pendant que je trace sur eux le signe de Croix de l'absolution, excepté deux Algériens qui se mettent à 'crier avec des sanglots dans la voix et force gestes : Nous, bons Français, bons Algériens. Mais il n'y a plus rien à faire, l'ordre d'avancer est donné et les malheureux vont vers leur sort dont ils ignorent la dureté. Je marche à leur côté en continuant de prier.

Nous arrivons ainsi jusqu'à la rue du Pont-Neuf, angle de la rue du 4 Septembre ; c'est là que commencent les pendaisons. Aux potences qui soutiennent les lignes électriques, aux balcons surtout, des cordes sont préparées. Tandis que par haut-parleur est diffusée la proclamation du ' Général allemand annonçant les représailles pour les attentats terroristes dont ont été victimes les troupes d'occupation, les soldats S.S. se préparent à leur office de bourreaux.

Les victimes ont les mains liées derrière le dos. On les aide à monter à une échelle tandis qu'un soldat gravit les degrés d'une autre échelle placée à côté. Quand le supplicié arrive à la hauteur du nœud coulant, le soldat lui passe la corde au cou, et, d'en bas, un autre soldat tire brusquement l'échelle du condamné.

Dix fois la même scène pénible se reproduit sous nos yeux. Je puis constater que les pendus n'ont aucune réaction ; ils tombent comme une masse et restent immobiles, ce qui me laisse penser que la mort est subite ou du moins la perte de connaissance foudroyante et totale.

Dans un cas cependant, la victime, mal pendue sans doute, s'agite par spasmes ; alors je vois le soldat qui venait d'ôter l'échelle s'en servir pour frapper le supplicié jusqu'à son immobilisation complète.

Je suis seul Français sur la rue du Pont-Neuf, en face du magasin VAUJOUR-ALLARY perdu au milieu des soldats S.S. qui circulent, parlent et rient, insensibles au lamentable spectacle.

Mais voici qu'un autre groupe de dix condamnés s'avance, poussé par le peloton d'exécution. Je cours vers eux et tout en marchant à leurs côtés, je leur annonce que je vais les absoudre. Je me prépare à recevoir les groupes suivants.

Pas besoin de paroles, nous nous comprenons, et j'attire sur eux le pardon divin. Tout cela se passe très vite, car le peloton d'exécution presse la marche des condamnés, et non sans violences. Je vois encore un S.S. brisant d'un geste rageur la crosse de sa mitraillette sur le dos d'une victime qui a un mouvement d'horreur et d'arrêt à la vue des pendus.

Mais voici que mes interventions auprès des condamnés déplaisent à un sergent S.S. Sans doute ne sait-il pas que j'ai l'autorisation verbale du Commandant de donner les secours religieux aux suppliciés. Il s'approche de moi, visiblement en colère et me tient des discours que je ne comprends pas ; il y a joint les gestes les plus significatifs, car il a en main une mitraillette qu'il brandit devant moi. Un Chef des Chantiers vient à moi : L'Abbé, je vous en prie, ne voyez-vous pas qu'il va vous descendre.

- Je le vois bien, lui dis-je, mais j'ai l'autorisation, et d'autre part, c'est mon devoir de rester.

Cette pénible situation aurait pu s'aggraver, mais le Lieutenant X... qui était présent quand j'avais obtenu la permission du Commandant, passe à proximité ; je vais à lui et lui expose mon embarras.

Venez, me dit-il, et il m'entraîne dans la Manufacture; il me place en face de la salle d'attente. Ici, me dit-il, vous pourrez voir les condamnés en toute liberté.

Effectivement, les derniers groupes me sont présentés séparément et j'ai cinq à six minutes pour m'entretenir avec chacun d'eux, les aider à prier, les absoudre et recevoir ce qu'ils destinent à leur famille. Dans presque tous les portefeuilles qui m'ont été remis par ces derniers exécutés, les parents ont eu la consolation de trouver un mot d'adieu, trop court certes, mais si simplement courageux.

Enfin, voici le dernier groupe. Je ne sais pourquoi, il est formé de 13 hommes. Le Lieutenant X... est présent. Une inspiration subite traverse mon esprit : Pourquoi, dis-je au Lieutenant, en conduire treize, alors que tous les autres groupes étaient de dix ? Ne pourriez-vous pas faire grâce aux trois derniers ? Je vois bien qu'il hésite. J'insiste. Ne croyez-vous pas que trop d'innocents ont déjà payé ? - Il est vrai. La partie est gagnée, les condamnés l'ont compris. Ils croient que je vais désigner les graciés. Moi, moi, Monsieur l'Abbé ! Je me refuse, on le devine aisément, à ce choix cruel pour un Français, et je m'éloigne pour laisser agir à sa guise le Lieutenant X...

Les dernières absolutions données, me voici seul dans la Manufacture. De là je vois le défilé de la foule des détenus revenant d'assister aux pendaisons. Parmi eux, plusieurs pères ont vu pendre leur fils. Impossible de dépeindre la tristesse infinie de ces yeux remplis de sinistres visions. M. le Secrétaire Général Roche. arrive, accompagné du Docteur MENANTAUD et du Colonel NONTEIL, de la Croix-Rouge. Immédiatement, ces messieurs entrent en rapport avec les autorités allemandes pour traiter la question des sépultures des victimes. Des jeunes des Chantiers, dix volontaires d'autant plus magnifiques qu'ils n'ont rien mangé depuis la veille, s'offrent pour la charitable mission de relever les cadavres. Deux autres groupes vont à Cueille creuser les fosses. M. ROCHE me demande d'assister à l'enterrement.

Quand la funèbre corvée commence, il est 20 heures. Les cadavres jonchent le sol. Les cordes ont été coupées par les Allemands ; les jeunes des Chantiers ne peuvent que ramasser les corps et les charger avec tout le soin possible sur les voitures mises à leur disposition.

Deux opérations sont menées à bien pour remonter du lit de la rivière les corps des deux suppliciés qui, volontairement ou non, ont fait le saut dans la Corrèze au lieu d'être pendus. (J'ai vu tomber seulement le second, M. GUICHARD. Les soldats du peloton déchargèrent leurs armes sur la victime qui gisait sur le sable de la berge).

Pendant ce temps, je lis dans mon bréviaire les prières de l'enterrement.

Tandis qu'on relève les derniers cadavres, ceux de l'avenue de la Gare, M. Roche décide sur mon intervention d'aller chercher le Préfet. Je l'accompagne jusqu'à l'Hôtel Moderne pour y demander un laissez-passer. Avec M. le Préfet nous nous rendons en voiture au lieu de la sépulture. Les corps sont posés avec le plus grand soin, côte à côte, séparés par une couche de terre. Les Allemands surveillent les travaux sans intervenir.

Le Préfet me reconduit à mon domicile, mettant ainsi un terme à ma captivité. Je lui confie, pliés dans mon manteau, tous les portefeuilles remis par les condamnés.

Après une telle journée, le témoignage que l'on peut surtout attendre de moi, celui que l'on m'a demandé cent fois, et je le comprends, concerne l'attitude des malheureuses victimes du 9 Juin.

Furent-ils courageux ? me demande-t-on. Je ne suis pas le seul à avoir vu ceux qui partaient au supplice, mais seul je peux rapporter leurs paroles. J'espère que mon témoignage ne sera pas suspect ; il est d'ailleurs confirmé par ces mots écrits au dernier instant avant la mort, d'une main qui ne tremblait pas, par ceux qui furent les derniers exécutés. Pour dire adieu aux êtres chers, ils n'ont pas trouvé un mot de plainte, seulement une protestation d'innocence, mais des élans de tendresse, des leçons de courage.

Oui, ils sont morts courageusement..., à la Française. Je puis citer ces mots d'un moniteur des Enfants de troupe. Je suis soldat, je sais ce que c'est que mourir pour la Patrie... c'est un des risques du métier ; et ceux plus généreux encore d'un garçon coiffeur : J'ai déjà donné à la France une partie de moi-même, je suis trépané à la suite de blessures de la guerre de 40. Je donne volontiers le reste pour la France.

Si certains eurent des moments de défaillance, en pensant à tous ceux ou celles qu'ils laissaient, ils furent fortifiés par les paroles de foi et d'espérance. Ils marchèrent les yeux secs. Ils moururent presque tous en chrétiens. Ils. retrouvèrent leur âme d'enfant pour paraître devant le Père dont la bonté pardonne et récompense, et se fait si douce à toue ceux qui ont souffert.

Deux détails odieux. - Un condamné est pendu sous les yeux de sa mère au balcon de sa propre maison. Tandis que des innocents agonisent et râlent au bout de leur corde, des S.S. chantent, accompagnant un gramophone et une Allemande, la secrétaire du Directeur allemand de la Manufacture, scande la mesure et contemple ironiquement le supplice en fumant une cigarette. Les réactions sont les mêmes qu'à Oradour : mieux que de l'indifférence, de l'ironie, de l'amusement; ces dames et ces messieurs se distrayent... Pourquoi un tel crime ? - Ces hommes avaient sans doute été pris, les armes à la main? Non, pas un seul n'était armé et, alors même qu'ils l'auraient été, y a-t-il une armée au monde, hors l'armée allemande, qui fusille. qui torture, qui pende des combattants portant un insigne visible : le brassard tricolore à Croix de Lorraine. Non, pas une armée d'un peuple civilisé ne se conduit ainsi. Alors pourquoi de telles atrocités ? Pour impressionner les civils ? Pour faire un exemple ? Le résultat aura été inverse puisque la Corrèze fournit, de magnifiques contingents à l'armée de la Libération qui balaya les Boches de toute la région. Mais à Tulle, seuls des civils furent exécutés.

Le but de cette tuerie, c'est la vengeance, le dépit devant l'hostilité cachée, la résistance de la plupart des Français.

À quelqu'un qui implorait grâce pour un jeune père de famille : Je jure qu'il est innocent, le chef allemand qui dirigea l'exécution eut cette réponse cynique qui éclaire les mobiles du massacre et qui se passe de commentaires : Ils sont tous innocents, je le sais, mais ils paieront pour les coupables.

Fusillades au Lonzac

Jusqu'en avril 1944, l'occupation avait été peu ressentie au Lonzac.

Les journées des 3, 4 et 5 Avril seront marquées par une série d'assassinats et d'incendies.

Sous prétexte de rechercher le maquis, les Boches torturent les civils.

C'est notamment le maire de Lonzac, M. DEMICHEL, et,son secrétaire, M. ARPAILLANGES, qui, après d'horribles tortures dont leurs corps garderont les traces, sont fusillés.

C'est M. DE LA CUERRONIÈRES, torturé et fusillé pour avoir donné asile à des maquis.

Sur les indications d'un traître du maquis, le village est mis à sac et plus de 20 maisons incendiées, tandis que les arrestations se multiplient et que la terreur règne dans le village.
Le jeune CÉRÉZAT embarqué sur un camion est fusillé près de là. Vers 18 heures, 7 hommes sont chargés sur un camion :

DEZANIS, DESHORS, BARDAGOT, CÉRÉZAT père, BARRES, MARSALEIX, LEROY.

Leurs corps meurtris seront découverts près d'un bois. Le calvaire des populations limousines commençait.

13 cadavres, 20 maisons brûlées signalaient le passage des S.S.

Crimes allemands dans le Lot

Les atrocités allemandes à Figeac.

Citadelle de la Résistance pour plusieurs départements, véritable Ecole de Cadres pour les F.F.I. et les organisations clandestines, Figeac et ses environs immédiats étaient entourés dans les bureaux de Gestapo et de Milices d'un large cercle rouge. Dès Avril 1944, graduellement les premiers effets de ce triste honneur ne tardèrent pas à se faire sentir dans notre coquette sous-Préfecture.

Le 9 Avril : une voiture de tourisme de la Gestapo venait arrêter trois villageois : MM. DESSON, MOUYSSET, AMALRIC

(M. Desson, marchand de cycles, trépané de la guerre 1940) ..

Dimanche 23 Avril : à 8 h. du matin - un matin radieux - un fort détachement de S. S. arrivait place Barthal. Les premiers Figeacois levés apprenaient au même instant avec stupeur que trois morts jonchaient déjà, à l'entrée de la ville, la route de Geint d'Eau ; des maquisards, des terroristes armés ? pas du tout, mais de simples et paisibles jardiniers qui vaquaient au petit matin à leur besogne habituelle et qui avaient eu le tort de ne pas répondre assez vite à un renseignement dénonciateur que sollicitaient les soldats verts : AYGUEPERSE, PROPUCHIE et BERGMANN furent à Figeac leur première cible et ouvrirent la trop longue liste funèbre.

Mais ce détachement n'était pas venu pour tirer au hasard. Place Barthal une liste est déployée, le Café RABAT réquisitionné et, un à un, nous voyons arriver autour des camions rangés en cercle des visages connus sympathiques, aimés de tous. En l'absence du mari, c'est la femme qu'on amène et toute la famille. Peu après, le détachement menaçant les spectateurs qui, les larmes aux yeux, faisaient des signes d'amitié à leurs compatriotes captifs, s'ébranle en emmenant à plein camion son chargement humain, en tout 17 hommes et femmes.

Journées du 11 et 12 Mai : dès le 11 mai, à l'aube, la ville s'éveilla en sursaut, déjà inquiète aux bruits des chars et des camions : La division Das Reich arrivait, forte de 10.000 hommes. Des camions stationnaient. Allaient-ils rester ?... Après des demandes de renseignements, ils repartaient dans la direction de Brive. Cela dura tout le matin ; on se perdait . en conjectures. Les plus renseignés parlaient d'opérations contre le maquis et déjà on se prenait à respirer : ils étaient passés. Ce répit fut de courte durée, et le soir même, à 6 h., des autos revenaient en éclaireur suivies de la totalité de la division qui s'était bornée à faire dans les environs des démonstrations spectaculaires.

Alors commencent les premières opérations de police : l'Hôtel TILLET est cerné, ses propriétaires, famille et domestiques arrêtés. En même temps, tous les hôtels sont fouillés, les hommes interrogés. Madame Boudou, femme d'un médecin résistant, est arrêtée ; ensuite M. BASSET, tailleur.

Les motos et les tanks circulent autour de la ville en soulevant la poussière. Des coups de mitraillettes claquent. L'ennemi occupe la ville et le lendemain matin, le 12 mai, le crieur public convoque tous les hommes de 17 à 60 ans pour un soi-disant recensement. En longues files mornes, les hommes se rendent aux lieux indiqués, la cour de la gendarmerie et la cour de l'école des filles. On les parque là, debout, sans nourriture, dans l'incertitude de leur sort, sous la menace des mitrailleuses. Des barrages de soldats interdisent l'accès aux femmes, déjà folles d'inquiétude. Quelques heureux sortent : entreprise S.N.C.F., P.T.T., Banques; la foule des autres attend et le soir les portes sont ouvertes et les hommes poussés dans des camions. 20 camions qui emportent parmi les hurlements des femmes, les rafales des mitrailleuses que l'ennemi lâche pour ramener au calme une population folle d'horreur, 880 hommes de tous âges (jusqu'à des enfants de 16 ans).

Sur ce nombre, 80 furent relâchés ; quelques-uns, dont le a nombre est encore inconnu, furent assassinés et le plus grand nombre déportés. Parmi ces derniers, nombreux sont, hélas ! ceux dont on n'a encore aucune nouvelle.

En même temps, la même division S.S. opérait dans deux petits villages situés à quelques km. de Figeac. Bilan : 29 fermes incendiées à Carnburat et à Planioles.

À partir du 1er juin : nouvelle irruption des Allemands. Une colonne allant sur Aurillac passe à Camburat où une escarmouche avec les F.F.I. lui donne l'occasion de fusiller un innocent et d'en blesser un second, arrive à Figeac et en fusille un troisième.

Le 2 Juin, des détachements patrouillent dans les environs. Nous choisirons entre autres barbaries les atrocités de :

1° Saint-Félix (4 km. de Figeac) les Allemands entrent dans une ferme et exécutent immédiatement trois personnes à la mitraillette : la famille CARRAYROU père, mère et grand' mère. En sortant, apercevant les deux petits enfants qui s'étaient blottis, atterrés, sous un prunier voisin de la route, ils les mitraillent également et leur passent dessus avec les chenillettes. En même temps que les pauvres petits corps écrasés, on a ramassé les livres de classe.

2° Viazac (6 km. sur la route de Maurs), le 3 Juin, un détachement qui avait eu là une escarmouche avec les F.F.I. décide par représaille d'attendre sur la route les premiers passants pour les exécuter. Ce sont les ouvriers des mines de charbon de Saint-Perdoux qui viennent de leur travail. Il y en a 8. Sans explications, on les juche sur un rocher qui domine la rivière (le Célé) et on les fusille. La Croix-Rouge et quelques médecins, malgré l'interdiction, vont les reconnaître et les recueillir le lendemain dans la rivière teintée de leur sang. Il faut ajouter que les époux GIBRAT (75 ans) qui logeaient dans la maison voisine sont aussi fusillés à bout portant.

3° Linac. - Toujours le 3 Juin, dans la matinée, un détachement allemand tue MM. TRUEL, LACOMBE, GANIL et RIVES, et blesse Madame TRUEL et Madame LACOMBE (par inadvertance). L'après-midi, l'Abbé LACARRIÈRE monte dans ce malheureux hameau afin de donner aux blessés et aux mourants les derniers secours de son ministère. Mais les Allemands sont remontés ; ils trouvent le prêtre et le fusillent. Ensuite ils enferment Eugénie TRUEL seulement blessée avec ses deux enfants dans la ferme et les brûlent vifs.

Enfin, voici le bilan de la journée du 24 Juin :

À Cambes, 12 maisons incendiées ;

À Le Gaganié, 3 granges, une maison brûlée ;

À La Madeleine, 8 maisons et 3 granges brûlées.

Le Bilan des Crimes à Figeac et dans ses environs:

830 civils déportés dont un certain nombre de femmes. 28 civils tués dont 3 femmes et 3 enfants.

4 civils blessés.

60 maisons incendiées.

Comme à Dunes, comme à Mussidan, comme à Oradour, la division Das Reich était passée sur Figeac.

les Fusillés de Gourdon.

Déposition du témoin HURELLE, G.M.R., fusillé à Gourdon, seul survivant.

Le Mercredi 28 Juin, j'étais chez moi, je me reposais avec 3 autres hommes derrière la maison, quand vers 2 heures j'appris que les Allemands étaient là. Ma belle-mère partit aux nouvelles et nous attendîmes des renseignements.

Les Allemands cantonnaient dans la ville. Ils étaient fort nombreux.

Dans la soirée, un garde vint nous prévenir qu'il fallait partir ; chacun de nous rejoignit son domicile. Je couchai à la maison, car les fusillades éclatant de tous côtés, je ne pus sortir. Le lendemain, un brigadier revint me chercher pour rejoindre le bureau des gardes où je me présentais et reçus l'ordre de revenir à 2 heures. Les Allemands étant dans la ville je ne pus sortir.

Vers midi, ordre de rassemblement pour tous les hommes de 15 à 60 ans.

Nous nous y rendîmes avec plusieurs camarades. Là des Allemands vérifièrent nos papiers ; la plupart étaient officiers, tous étaient en tenue de la Wehrmacht.

Nous attendîmes jusqu'au soir. Je vous laisse jusqu'à ce ce soir pour réfléchir. Vous pouvez boire et fumer ; vous ne fumerez pas toujours, nous dit-on. L'interrogatoire des employés des Postes fut suivi de celui des gardes. À 8 h. 30 mon tour vint ; je reçus un coup de pied au derrière ; ils m'envoyèrent à la cave. Il y avait déjà 3 ou 4 personnes, beaucoup d'autres me suivirent ; en tout 23. Au milieu de la nuit, ils firent remonter M. RODES, cordonnier, qui revint un long moment après, le visage tuméfié.

Le lendemain matin, vers 8 heures, M. LAGUJIE fut libéré. Tous les hommes furent appelés et embarqués dans un camion où nous attendîmes jusqu'à midi. Des femmes essayèrent de s'approcher pour nous porter à boire et à manger ; elles furent brutalement repoussées, surtout par un jeune officier ; l'une d'entr'elles même fut renversée par lui et dût être transportée à l'hôpital. Vers midi, la colonne partit en direction de Cahors ; elle se scinda en plusieurs tronçons ; nous sommes passés à Poudens et sommes arrivés à Cancorres où les Allemands prirent des otages. Des motocyclistes couvraient le convoi à chaque carrefour.

Arrivés à la côte de Preillées, nous avons tourné vers Lavercantières. Quelques kilomètres plus loin, les Allemands nous gardaient ; on entendait tirer dans le bois assez loin. Après une attente de deux heures, nouveau départ vers Catus et Boissières. À l'entrée du village de Laséjoul, le car s'arrête. Les Allemands demandent 12 hommes ; nous nous présentons tous. 12 furent choisis et immédiatement fusillés ; ceux qui restaient dans le car dont j'étais furent conduits de l'autre côté du pont, et à environ 30 mètres ils nous ont fusillés.

Puis ils sont repartis...

Quand je fus en ligne avec mes camarades, à la première rafale, j'eus un moment de faiblesse ; je tombai et roulai en bas du talus; j'ai senti .deux hommes tomber sur moi. Un soldat descendait pour donner le coup de grâce ; j'entendis cinq ou six coups de pistolet. L'un des hommes tombés sur moi fit un soubresaut ; je ne bougeai pas. La colonne comprenant environ 1.000 soldats se remit en route et des heures. Quand tout fut redevenu calme, je me dégageai tout simplement, j'attendis la nuit, car on tuait toujours dans les environs à deux ou trois kilomètres. Je revins voir les fusillés, aucun ne vivait plus, je me suis sauvé...

22 hommes avaient été exécutés sans jugement.

Représailles à Frayssinet-le-Gelat (Lot).

C'est un village juché sur un coteau dominant le Lot, non loin de Cahors.

Le maquis était nombreux dans les environs, mais non dans le village même.

Par une belle journée de Juin, un détachement de S.S. traversant le village fait halte sur la place.

Tandis que les soldats descendus de leur véhicule font quelques pas, un coup de feu est tiré d'une maison; un Allemand s'écroule. L'officier commandant le détachement se précipite à la porte de la maison d'où est parti le coup de feu ; il l'enfonce, et, fouillant la maison, ne trouve que trois femmes. - Qui a tiré ? Aucune réponse. - Qui a tiré ? répète-t-il. Toujours pas de réponse. Ces hommes emmènent les trois femmes sur la place. Là l'officier donne l'ordre de rassembler les hommes du village. Il choisit 10 otages. On les aligne contre un mur ; on va les fusiller. Un homme d'une quarantaine d'années, de passage dans la commune, s'avance alors et demande à être exécuté à la place de son fils âgé de 18 ans ; le Boche répond : Fusillez-les tous les deux ! et les onze hommes sont exécutés.

Revenant vers les trois femmes, le lieutenant des S.S. demande encore : Qui a tiré ? Toujours pas de réponse. Quelques commandements gutturaux. Les trois femmes, une de 30 ans, une de 50 ans, aveugle, et la troisième âgée de 75 ans, sont immédiatement empoignées et pendues.

D'autres soldats pendant ce temps mettent le feu à leur maison et, jugeant sans doute qu'une des trois femmes ne meurt pas assez vite, des S.S. la saisissent et la lancent encore vivante dans sa maison en flammes. Les Allemands s'étaient vengés, comme seuls ils savent le faire : 14 cadavres marquaient leur passage.

La Dordogne a résisté

Dès 1943, parfois dès 1942, des groupes de la Résistance se constituaient en Dordogne. Pendant les années 43 et surtout 44, leurs opérations si utiles pour la Libération de la France, par l'aide indirecte apportée aux armées de débarquement coûtèrent aux F.F.I.: 1.300 tués, 800 disparus, sur un effectif total d'environ 13.000 hommes, volontaires du maquis de Dordogne où luttaient coude à coude, fraternellement unis, Belges et Polonais, Espagnols et Français, où les barrières religieuses tombaient tandis que tous, catholiques, protestants, juifs, libres penseurs communiaient dans un même idéal patriotique, qu'ils appartiennent à l'Armée Secrète, aux Corps Francs de la Libération ou aux Francs-Tireurs Partisans...

Ils firent la vie dure aux Boches, leur tuant des centaines d'hommes, en capturant un grand nombre et surtout disloquant leurs colonnes, harcelant leurs cantonnements ; comme il fallait s'y attendre, pour qui connaît l'Allemand, les représailles tant sur les prisonniers du maquis que sur les otages civils et même les femmes et les enfants, furent effroyables.

Dans la première partie de cet ouvrage sont relatées les atroces circonstances dans lesquelles des patriotes furent martyrisés à Périgueux et à Mouleydiers.

Ici nous nous rappellerons brièvement les traitements infligés à de paisibles populations dont le seul tort aux yeux de l'occupant était une tiédeur inacceptable à son égard et une trop grande sympathie agissante pour les patriotes.

La liste est longue des localités détruites ou endommagées, des civils abattus.

Quelques chiffres éclaireront d'un jour sinistre le passage des Vandales.

En Mars 1945, on avait retrouvé en Dordogne : 822 fusillés identifiés, 1.200 habitants ont été déportés en Allemagne, 119 communes ont été sinistrées.

1.000 maisons ont été détruites.

C'est la commune d'Aubas où deux S.S. violent une jeune fille, à tour de, rôle, sous les yeux des parents tenus en respect par le complice, mitraillette au poing.

C'est Soulac où, le 30 Mars 1944, les Allemands cernent le village, assassinent vers 17 heures M. et Madame AUBARTIER, 77 et 71 ans, sept enfants et, pour faire disparaître leur forfait, mettent le feu à la maison et à la grange.

C'est Saint-Laurent-du-Manoire où, le 13 Août 1944, six F.F.I. sont fusillés. Malgré les tortures, ils avaient refusé de parler.

Leurs cadavres couverts d'ecchymoses, le crâne défoncé, le ventre ouvert, qui furent retrouvés plus tard, prouvent une fois de plus, si c'était nécessaire, que l'émulation dans le crime est une qualité allemande. Le chef de bande ici était un Autrichien qui n'avait rien à envier à un Prussien.

Ce sinistre bonhomme avait fait fusiller aussi un prêtre lorrain envoyé en parlementaire et pris comme otage.

C'est Sainte-Marie-de-Chignac où 25 otages furent fusil-lés le 27 Mars 1944, vers 16 h. 30, et où plusieurs habitations furent pillées et incendiées.

C'est Payzac où, les 16 Février 1944 et 9 Juillet 1944, 34 hommes et 5 jeunes gens furent horriblement massacrés. C'est Ribérac où 25 jeunes gens seront fusillés.

Nous en arrivons aux crimes les plus horribles : Rouffignac, Mussidan, Brantôme, Saint-Astier.

L'incendie de Rouffignac (31 Mars-2 Avril).

Rouffignac est un village situé en Périgord, non loin de Sarlat. Nous devons à l'obligeance de M. Fernand LABLENIE, maire de Rouffignac, tous les renseignements qui vont suivre.

Le 30 Mars 1944, dans un engagement qui avait lieu sur la route 89 entre la gare de Milhac d'Auberoche et le bourg de Fossemagne, un groupe de maquis faisait prisonniers deux soldats allemands.. La voiture qui conduisait ces prisonniers au camp passa par Rouffignac, s'arrêta quelques minutes devant le Café du Centre où quelques jeunes gens s'approchèrent curieusement, et quoique très heureux de la bonne prise qui venait d'être faite, ne manifestèrent nullement. Malheureusement, le soir même, ces prisonniers étaient délivrés à une dizaine de kilomètres de Rouffignac.

Le lendemain matin, vers 9 heures, une file d'autos, de camions remplis de soldats allemands, d'autos-mitrailleuses et de camions arrivait par la route de Périgueux et en quelques instants cernait le bourg, barrait les routes et disposait un peu partout des armes automatiques. Des coups de feu furent tirés, le canon gronda tout autour de la localité, L'angoisse, l'affolement s'emparèrent alors de la population. C'est alors que deux officiers en furie vinrent à la Mairie, ouvrant brusquement les portes, disant à mon secrétaire, M. DELMONTEL, et à moi-même : Vous êtes arrêtés. Les deux officiers me déclarent responsable des événements de la veille et m'ordonnent de les suivre dans la grande salle de la Mairie. Là les questions succèdent aux questions : Où est le maquis ? Vous savez où est le maquis ? Mes réponses sont toujours les mêmes, c'est-à-dire négatives. Les questions deviennent plus pressantes ; le capitaine, revolver au poing, assiste à l'interrogatoire, mais je ne fléchis pas un instant; ce que voyant l'officier me dit : Voulez-vous parler, oui ou non ? Toujours même réponse. Je suis alors roué de coups de poings à la tête, jusqu'au moment où, étourdi, je m'écroule pour recevoir des coups de bottes dans les fesses qui me laissent tuméfié et contusionné. Voyant qu'ils ne pouvaient rien obtenir de moi, ce fut le tour de mon secrétaire qui fut battu à coups de ceinturon dans la figure et qui, malgré ses souffrances, ne céda pas non plus.

Dans leur colère croissante, ces barbares m'ordonnent de rassembler tous les hommes sur la place du foirail, ajoutant : Tous ceux qui ne se présenteront pas seront fusillés. À 11 heures, dès que le tambour fut passé, les hommes, dont deux vieillards de 88 ans, vinrent se ranger sur deux rangs où ils furent classés en deux catégories, ceux de plus et ceux de moins de 50 ans. Le docteur GIRMA présent sur les rangs fut appelé pour un enfant malade, mais l'autorisation-lui fut refusée d'aller même sous escorte soigner cet enfant.

Le cercle des baïonnettes se resserre sur tous, l'interrogatoire individuel commence et pas un des 66 hommes interrogés ne se laisse intimider par les menaces, aucun ne révèle le repaire de nos maquis. Les femmes et les enfants attendent anxieusement le résultat de l'interrogatoire, se demandant ce qui va se passer, redoutant un grand malheur.

À quinze heures, une voiture allemande amenait le Général de la 44e Division. Il jeta un coup d'œil sur tous les hommes rassemblés, s'entretint avec les officiers boches, me fit appeler et, me regardant avec ironie et dédain, me dit : Hier vous étiez joyeux, très joyeux... Je lui répondis que j'étais absent la veille. Dans son jargon guttural, il prononça des mots que je ne pus comprendre et ajouta en français : Ceci, Monsieur, sera bien fait pour votre sale gueule.

Le cœur étreint, nous nous demandions tous le sort qui nous était réservé. Deux, camions qui avaient été réquisitionnés dans la journée vinrent se ranger au lieu de rassemblement, et là, au milieu de l'horreur générale, le groupe des 66 jeunes hommes fut embarqué pour une destination inconnue. La foule les regarda partir avec un calme effrayant, se demandant où on les conduisait. Nous apprenions le lendemain qu'ils avaient été déposés à Azerat, où M. KHANTINE, jeune professeur à l'École Navale, reconnu d'origine juive, était fusillé, et les autres rechargés sur les camions et conduits au 35e à Périgueux où ils devaient passer quinze jours de souffrances et de privations. Seize jeunes furent dirigés sur l'Allemagne, dont 4 gendarmes qui sont au camp de Weimar, les trois autres gendarmes emprisonnés à Lyon ont été délivrés ,par le maquis.

À 16 h. 1/4, je fus appelé par les officiers qui me dirent Faites évacuer la localité. Que chacun emporte de quoi se couvrir et manger ; à 5 heures, il faut absolument que tous soient partis. Je demandais : Les malades, comment les emmener ? On me répondit : Les malades ? on s'en f.

Je transmis l'ordre, des rumeurs couraient déjà ; on va brûler, disait-on. Les gens affolés se précipitèrent dans leur maison, essayant de sauver ce qu'ils avaient de plus précieux ; mais déjà la soldatesque allemande avait envahi les habitations et, armes à la main, cherchait l'habitant, pillait, volait et commettait un acte odieux de viol. Chargés de maigres bagages, les gens affolés coururent dans tous les sens entendant de loin les cris, les chants éhontés de ces sauvages barbares déjà pris de boisson et réjouis devant le riche butin qui se présentait à leurs yeux (20 camions chargés de linge, vivres, meubles, se dirigèrent sur Thenon où une partie de nos richesses fut déposée à la Mairie pour être ensuite dirigée sur l'Allemagne avec la mention  : Don de Rouffignac aux sinistrés de Berlin.

D'autres camions, surchargés eux aussi, prirent la direction de Montignac, une caisse fut retrouvée à Brive).

Enfin, vers 22 heures, des lueurs commencèrent à éclairer le ciel ; bientôt ce ne fut plus qu'un immense brasier et le lendemain matin à 6 heures, il ne restait plus de notre coquette et riante cité que l'église (sans doute pour montrer leur civilisation chrétienne) et les trois maisons qui l'entourent. Ce n'était que murs écroulés, rues obstruées, fils télégraphiques, téléphoniques et électriques jonchant le sol, fouillis inextricable, odeur de phosphore prenant à la gorge et comme pour ajouter à notre malheur, nouvelle apparition dès boches qui s'étaient disséminés à la campagne cherchant les terroristes. Ils raflèrent encore quelques jeunes et les conduisirent à leur tour au 35e. Le Lieutenant Asch, prisonnier rapatrié, était conduit et fusillé à Condat-le Lardin.

Notre épreuve n'était sans doute pas assez grande, car le dimanche matin 2 Avril une nouvelle troupe d'incendiaires faisait son apparition. Une vingtaine de maisons dehors de l'agglomération étaient à leur tour pillées et brûlées. Le 2 Avril 1944 au soir, 145 immeubles étaient complètement détruits. Rouffignac n'existait plus ; le travail de plusieurs générations avait disparu et 380 sinistrés victimes de leur patriotisme se trouvaient sans abri et sans ressources.

J'ajoute que le 18 Juin une colonne allemande de passage a fusillé le jeune BOURDHEIL. Pris pour un maquisard et sans aucun renseignement, il a été abattu en présence de sa famille.

Le bilan tragique

3 hommes fusillés.

Plusieurs hommes torturés et brutalisés.

Une femme violée.

Toutes les maisons pillées.

Tout le village, à l'exception de trois maisons et l'église, incendié (145 maisons sur 148).

380 sinistrés. Village détruit.

70 hommes emprisonnés, dont beaucoup déportés en Allemagne.

Les Crimes de Saint-Astier.

Récit établi d'après des extraits du rapport de M. FONMARTIN, instituteur à Saint-Astier, et les déclarations du Commandant ANDRÉ et de l'Aspirant WILLY, des F.T.P. de Dordogne, combattants de Saint-Astier.

L'Aspirant WILLY a vu, après les combats des environs de Saint-Astier, au cours desquels il ramena plusieurs prisonniers allemands, les cadavres de civils fusillés, portant d'horribles blessures; en particulier, le curé gisait, le ventre ouvert.

Extraits du rapport que M. FONMARTIN a bien voulu me communiquer :

Le 9 Avril 1944, Saint-Astier est occupé militairement par les Allemands. Les 2 places publiques qui avoisinent la Mairie, les écoles, la halle sont closes par du fil de fer barbelé; des fortins sont élevés un peu partout, dressant leur masse de rondins, de sable, percés de meurtrières; des tranchées sillonnent le sol ; le quartier est transformé en forteresse.

L'armée de pillards et d'assassins va demander des victimes plus nombreuses. Les vexations, les brutalités, les pillages de champs et des fermes sont monnaie courante. Pommes de terre, fruits, volailles disparaissent. Défense de se plaindre : les exactions commises sont l'œuvre du maquis. Telle est la réponse des Allemands.

Le même jour, JEAMMET, Joseph, est arrêté à Périgueux au départ du train. Enfermé dans une cellule, car accusé d'avoir ravitaillé et fourni des renseignements au maquis, il ne sera relâché que le 16 Juin.

11 Juin 1944 : GARDILLOU, Maxime, est fusillé au cours de l'effroyable tuerie de Mi ussidan. Ayant quitté Saint-Astier vers 13 heures, il fut aperçu vers 17 heures porteur d'outils. À été arrêté sur la route.

Le 12 Juin 1944 : DOISSIÈRES, Georges, travaillait dans son champ sis à la Croixe-de-l'Homme mort, en bordure de la route nationale. Interpellé par les occupants d'un camion de passage qui lui demandaient ses papiers, Boissière déclare que sa carte d'identité se trouve à quelques mètres dans sa veste. Pendant qu'il tourne le dos, est tué par une balle de revolver derrière l'oreille droite.

Quelques instants auparavant, ECLANCHER, Joseph, est tué dans sa terre près du carrefour des routes de Grignols et de Manzac. Les assassins n'ayant pu venir à bout de l'insaisissable maquis sur le territoire de la commune de Saint-Paul ont fait supporter le poids de leur rage à deux civils innocents.

MM. LAFOURDADE, Raymond, GEIGER, Charles, et MATHURIN, Dominique, sont pris comme otages. Dressés près d'un acacia de la place, ils attendent la mort qui va venir, des canons braqués sur leur poitrine.

À 23 h. 30, M. LAPLENIE, secrétaire de Mairie, conduit par les Allemands doit annoncer au son de la trompe l'avertissement suivant : Il y a des otages à la mairie ; si un autre incident se produit, ils seront fusillés.

Deux heures après, la passerelle de Pazac sautait...

Les trois otages furent cependant relâchés le lendemain vers 19 heures.

15 Juillet. - HEYMANN, André, Israélite, se rendait à bicyclette à Périgueux. Près de la Cave, il est arrêté au cours d'une rafle. Le corps est retrouvé une partie dévêtue, dans un sentier. Heyman ne parait pas avoir été brutalisé avant la mort, mais présentait d'horribles blessures au bas-ventre et à la nuque.

Madame RAGUE doit se lever en chemise : Elle est maltraitée et frappée à coups de crosse (motif : n'ouvrait pas assez vite la porte, dont elle cherchait la clef dans l'obscurité).

La Libération

Le 17 Août, la garnison allemande de Saint-Astier annonce au maire qu'elle abandonne la place et lui demande un quitus d'occupation, ce qui lui est accordé avec joie. Des difficultés de transports font que le départ est différé au lendemain., Le 18 août, l'a garnison quitte la place. Le 18 Août, un détachement de 87 Allemands en remplaçant des partants avait pris position dans l'usine de Crognac (S.N.C.À.S.O.) et en préparait la destruction.

Le 19 Août, des groupes du maquis attaquent les carrières de Crognac vers 10 heures. Après 24 heures de combat, 67 Allemands se rendent, les autres ayant été tués ou blessés durant la bataille. La population tout entière, heureuse et fière, assiste au défilé des prisonniers et fête sa libération. Il est près de midi.

Entre temps, les Allemands de la garnison de Périgueux se replient vers le sud par la route nationale n° 89. Un moment stoppés à Montanceix, ils forcent le passage après avoir bousculé le groupe du maquis qui interdisait l'accès de Saint-Astier. La résistance est héroïque, mais devant un ennemi supérieur en nombre et en armement, les F.F.I., F.T.P. évacuent la rive gauche de l'Isle vers 18 heures. La colonne s'empare de munitions, de chevaux et quitte la ville emmenant, des Astériens chargés de pousser les voitures prises.

Il est 20 h. 30. La fusillade a cessé. Les lueurs de l'incendie éclairent sinistrement la ville morte. Dès le lendemain, des équipes recherchent les blessés et les morts. Et l'on découvre avec horreur 21 corps près du carrefour des Quatre-Routes, 21 Astériens pris comme otages ont été exécutés. Tous ont été pris dans leur famille et dans un restaurant de la ville. Les blessures qui ont occasionné leur mort sont horribles (crânes fracassés, membres déchiquetés) et ont été provoquées par des tirs à bout portant d'armes automatiques chargées de balles explosives. En effet, on remarquait sur le -sol de la prairie et à proximité des cadavres qui gisaient pêle-mêle et liés en principe par deux, les mains derrière le dos, et dans un espace de 15 mètres à peine, des débris de membres, des lambeaux de chair et des morceaux de boîte crânienne.

Aucune de ces victimes n'appartenait au maquis et n'avait participé au combat qui avait eu lieu la veille. .

Parmi ces victimes figurait le curé-doyen de la paroisse, M. LAFAYE, et un Israélite parlant la langue allemande, qui avaient été envoyés régulièrement la veille en parlementaires et maintenus-prisonniers le restant de la journée.

Trois autres victimes ont payé tribut à la barbarie allemande. Ce sont :

M. JOUBAUD, tué au delà de la Massoulie, aux anciens fours à chaux.

M. OUSTENAU-HOUNEAU, décédé à Saint-Léon.

M. VÉRIN, Henri, pris à Jévah.

Le nombre des otages pris était plus important, mais plusieurs réussirent à s'enfuir, évitant ainsi une mort atroce.

RAVEAU, François, âgé de 16 ans, élève au Cours complémentaire de Saint-Astier, reconnu par un traître du maquis, est arrêté à Périgueux le 14 Avril 1944. Malgré son âge est déporté en Allemagne.

Le Bilan :

Plusieurs dizaines de déportés civils. 18 tués civils.

Ici ne sont pas comptés les tués et blessés F.F.I. dont un certain nombre tombèrent à Saint-Astier.

Déclaration de M. GUINABERT, Louis,
délégué au Comité cantonal de Libération de Saint-Astier.

Le 20 Avril 1944, une colonne allemande qui se dirigeait vers Bordeaux par la route nationale 89, engagea une bataille contre l'armée de la Résistance qui occupait Saint-Astier depuis le 19. Inférieure en nombre et en armement, l'armée française a été dans l'obligation de se replier en emmenant avec elle une soixantaine d'Allemands qui avaient été faits prisonniers à l'usine d'aviation de Saint-Astier le même jour, vers 12 heures.

Après avoir investi le bourg de Saint-Astier, les Allemands ont perquisitionné dans plusieurs maisons et ont ensuite incendié la Mairie et plusieurs bâtiments de l'usine d'aviation et quelques camions. Au cours de leurs perquisitions, ils ont pris dans des maisons et dans un restaurant de la localité 21 otages qui furent fusillés vers 21 heures dans une prairie située aux Quatre-Routes, commune de Saint-Astier.

J'ai reconnu plusieurs de ces victimes qui résidaient à Saint-Astier. Parmi elles se trouvaient M. LAFAYE, curé de Saint-Astier, et un Israélite, M. LÉVY, qui avaient été envoyés comme parlementaires.

Tous ces otages étaient en général ligotés deux par deux, les mains derrière le dos. À l'avis de tous les témoins, ils avaient été fusillés avec des armes automatiques chargées de balles explosives et à bout portant. Presque tous avaient les membres déchiquetés et la boîte crânienne défoncée.

Je puis certifier que ces 21 otages ne faisaient pas partie du maquis..

Les Fusillés de Mussidan.

C'est un gros bourg de l'arrondissement de Bergerac, en Dordogne.

Le maquis était très puissant dans la région : les Corps Francs de la Libération et les Francs-Tireurs Partisans faisaient aux Allemands la vie dure. Depuis des mois la lutte se poursuivait. Comme en Corrèze, les boches n'arrivaient pas à mettre la main, du moins rarement, sur ces ennemis insaisissables. De là leur exaspération. Il est plus facile de mettre la main sur un civil désarmé, de l'appeler terroriste, et de le fusiller contre un mur.

Les Allemands ont fait trois incursions à Mussidan, la plus meurtrière est celle du 11 Juin 1944. Le 11 Juin 1944, vers 9 heures, les F.F.I. de la contrée attaquèrent en gare un train blindé allemand, tuant plusieurs militaires.

Des barrages étaient établis sur un peu toutes les routes, lorsqu'arriva par la route de Bordeaux la division Das Reich, vers 11 h. 15.

Inférieurs en nombre et en matériel, les F.F.I. durent se replier, tandis que les Allemands occupaient la ville, fouillant les maisons, pillant, arrêtant les hommes, les brutalisant.

Les détenus sont parqués dans la cour des écoles ; on les fait coucher sur le ventre, le nez dans la terre. Vers 16 heures commence le tri ; les cartes d'identité sont examinées à la hâte, d'un côté les plus de 60 ans et les mutilés de plus de 50 %, d'un autre les moins de 60 ans.

Vers 18 heures 30, on dit qu'il va arriver de Périgueux une Commission. Elle arrive vers 19 h. 30.

Toutes les interventions de M. CHASSIN, maire, sont vouées à l'échec ; il sera lui-même frappé et assassiné.

Vers 20 h. 45, 53 otages, encadrés par les Nord-Africains, sont amenés vers la rue de Gory à une centaine de mètres de la Mairie. En cours de route, ils sont frappés ; certains ont été à moitié assommés dans la cour de la Mairie.

Dans un pré, placés sur un rang, ils ne seront bientôt que 53 cadavres, 53 de plus à l'actif du Chef S.S. qui commande le feu : Tuez-moi tout ça. Feu !

Dans la nuit, quatre de ces malheureux qui n'ont pas été achevés reviennent à eux et peuvent se traîner vers une ferme non loin de là. Ils seront découverts à la 'pointe du jour. Ce sont : MM. CREYSSAC, DUMONTEIL, V[LLECHANOUX et CHARPENTIER. Les deux derniers sont actuellement dans leur famille. Le Bilan : Mussidan avait eu 53 fusillés.

Brantôme.

La région de Brantôme a vécu les 25, 26 et 27 mars. trois journées atroces qui sont gravées à tout jamais dans la mémoire des habitants.

Le bilan de ces trois journées se traduit en effet par : 45 otages fusillés dans tout le canton, plusieurs maisons brûlées ainsi que des bois et bon nombre d'autres pillées.

Les faits sont les suivants : le 25 mars 1944, vers 15 heures, une voiture allemande transportant trois officiers, appartenant semble-t-il à la S.D. de Limoges, a été attaquée à la sortie du bourg de Brantôme par les militaires F.F.I. qui venaient de s'emparer des tickets d'alimentation se trouvant à la Gendarmerie de la ville.

Deux officiers ont été tués : le troisième blessé a réussi à prendre la fuite en direction de Nontron.

Vers 21 heures arrive à Brantôme un convoi allemand de camions et auto-mitrailleuses. Immédiatement l'ambulance de la ville est réquisitionnée avec son chauffeur pour transporter les blessés à l'hôpital de Périgueux. Des coups de feu sont tirés dans les fenêtres de l'hôpital, la Supérieure est insultée, sa cornette est arrachée, M. DEVILLARD. maire de Brantôme, âgé de 60 ans, est brutalisé. À coups de pied et de poings, on le fait monter dans une voiture qui l'emmènera à Périgueux comme otage.

Ses vêtements sont déchirés, et les mains liées derrière le dos, il est sauvagement frappé à coups de mitraillette dans la figure.

Le lendemain, 26 mars 1944, Brantôme 'reçoit la visite d'un détachement allemand qui y vient en expédition punitive.

La Hilfspolizei y assiste, arrive vers 16 heures et commence selon son habitude par un pillage systématique des maisons.

Le tout est chargé sur des camions.

Tous les passants sont arrêtés et ne doivent plus bouger sous peine de mort. Ils sont gardés dans un fossé près des lieux de l'attentat de la veille. M. KICHLER qui revient d'un match de football est lui aussi mis dans le fossé. Las de se tenir debout, il met son pied sur le rebord du fossé et il est immédiatement abattu par un soldat allemand.

Il est interdit aux autres détenus de toucher à son cadavre.

La blessure reçue par KICHLER n'aurait pas été mortelle si les Allemands avaient toléré que des soins lui fussent prodigués.

Contrairement à cela, ses camarades durent assister impuissants à son agonie qui dura plus de 2 heures et fut atroce. Vers 12 heures, arrive de Limoges un camion d'otages qui avaient été arrêtés au cours de rafles diverses, la plupart effectuées dans le département de la Dordogne, et qui allaient être sauvagement assassinés dans un petit chemin non loin du lieu de l'attentat de la veille.

Descendus de camion, ils sont littéralement traînés par les bicots à une centaine de mètres du lieu dit Besse de Courière ; là ils sont abattus lâchement, pêle-mêle, achevés d'un coup au front, mutilés, frappés sans répit. Certains ont les membres brisés, le crâne enfoncé.

Un jeune homme, ouvrier agricole, à Puy-Henri, qui passait par là fut arrêté et immédiatement fusillé.

Le lendemain, des militaires de la Division B arrivaient de nouveau à Brantôme et allaient se livrer encore au pillage et à l'assassinat dans les environs.

La journée commença par l'incendie des maisons de MM., MAZIÈRE, BOURLEILLETTES et KICHLER qui avait été tué la veille et dont le cadavre fut traîné dans la maison en flammes et carbonisé.

Plus tard, un révolver, ayant été trouvé au domicile de M. MAZIÈRES, Léonce, garde des Eaux et Forêts, et ce dernier n'ayant pas réussi à mettre immédiatement la main sur son autorisation de port d'armes, il fut traîné dans la rue et exécuté derrière la maison de M. LEJEUNE qui était déjà en flammes. Auparavant, M. MAZIÈRES avait été dépouillé de son porte-feuille.

D'autre part, quatre Israélites domiciliés à Brantôme furent arrêtés et immédiatement fusillés.

Des cadavres ont été par la suite découverts en divers en-droits de la commune de Brantôme.

M. LAPEYRONNIE, Henri, cultivateur à Quinzac, a été exécuté au lieu dit Pur-Laurent, ainsi que quatre Israélites domiciliés à Saint-Pancrace.

Au lieu dit Gourdou, commune de Brantôme, on a retrouvé les corps de LAMAUD, André, DREYFUS, Marc, ECLANCHER, Abel. Ces derniers, comme on l'a vu plus haut, avaient été arrêtés la veille à Saint-André-de-Double. Les corps avaient été brûlés.

Durant la journée, les arrestations se sont poursuivies.

Le Bilan.

À Brantôme, les exécutions avaient coûté la vie à 61 innocents dont une femme.

Crimes en Guyenne et Gascogne

En Lot-et-Garonne.

Les escarmouches, les combats se multiplient entre le maquis et les troupes d'occupation après le débarquement allié en Normandie.

Dans la première partie, nous relatons l'embuscade de Laparade où six compatriotes trouvèrent la mort.

De sanglants engagements à Astaffort, Prayssas, Damazan, Houeillès, Casteljaloux, soulignèrent d'un trait rouge un certain nombre de communes du département.

Des patriotes furent assassinés en de multiples lieux; des civils à leur tour devaient connaître la mort, la torture, la déportation.

Comme en Dordogne, Mouleydiers et Rouffignac, comme en Ariège, Rimônt, comme en Limousin, Oradour, le bourg d'Houeillès fut détruit.

Ailleurs, ce furent des déportations, des viols; Monflanquin connut les perquisitions, les fusillades, les arrestations. À Lafitte, assassinat d'un paysan chez lui.

À Tonneins, assassinat d'un civil par une sentinelle allemande.

À Aiguillon, assassinat d'une fillette et de deux hommes.

À Clairac, les Boches soupçonnant la présence de maquisards cernèrent le village à l'aube du 18 août, et après un combat de 4 heures contre les éléments isolés de la Résistance, évacuèrent le pays emmenant 20 otages, dont le maire. Sans doute se sentaient-ils perdus, car le soir même ils renvoyaient d'Aiguillon à 9 km. au sud, les otages, sauf le maire qui devait être libéré par les F.F.I. à Angoulême plusieurs semaines après.

On a trouvé depuis un document allemand à Aiguillon, dans lequel la compagnie de la Wehrmacht ayant opéré à Clairac avait reçu l'ordre d'incendier la ville et d'exterminer ses habitants; l'arrivée des F.F.I. aux portes de Clairac fut seule de nature, on peut le croire, à les inciter à partir sans tambour ni trompette.

Pendant leur séjour, ils avaient blessé grièvement 4 civils, notamment M. KNŒGY, 60 ans, et le jeune LAFFARGUE, 18 ans, et tenté de violer deux jeunes femmes.

La commune d'Allons a été très éprouvée. Sous prétexte de maquis, les Boches y ont fusillé 6 hommes en avril et juin 44, en ont torturé plusieurs autres, dont le maire et son secrétaire, ont déporté un certain nombre d'habitants. De nombreux incendies avaient marqué leur passage.

Comme nous allons le voir, à Buzet-sur-Baïse, les brutes déchaînées devaient se venger de leur échec contre les F.F.I.

M. LUXEMBOURG, professeur agrégé au Lycée d'Agen, qui a été témoin de ce qui s'est passé à Buzet-sur-Baïse, a bien voulu nous- faire part de sa déposition dont voici des extraits : Le débarquement tant attendu se produit enfin. L'espoir d'une libération prochaine gonfle les cœurs ; le maquis est tout proche, car la grande forêt landaise qui va jusqu'à l'Océan commence aux portes mêmes du village. Les ponts sautent, les fils téléphoniques sont coupés et le drapeau tricolore flotte enfin à l'Hôtel de Ville.

Le Lundi 12 Juin, une formidable explosion secoue toute la plaine; c'est le pont de Damazan qui a sauté, coupant le grand câble souterrain de la vallée de la Garonne. Furieux, les Allemands arrivent en force le lendemain pour le réparer. Une fusillade nourrie éclate et des hommes tombent de chaque côté.

Le soir du 21, une automobile allemande se trouve arrêtée au quartier du Consté par un gros arbre qui encombre la route d'Aiguillon. La colère des Nazis explose alors ; malheur à tous les hommes du hameau si l'arbre n'est pas scié en quelques minutes. La route est heureusement bientôt désemcombrée et les soldats d'Hitler disparaissent, la menace à la bouche.

Le lendemain matin, Buzèt stupéfait se réveille entièrement cerné. Les tristes hommes de la Milice sont là pour préparer le travail de nos bourreaux. Vers 9 heures, les S.S. font irruption dans le village, en tenue de campagne et armés jusqu'aux dents. Le bourg épouvanté est occupé en un clin d'œil.
Ordre est donné au tambour de ville de faire savoir à tous les hommes sans distinction d'âge qu'ils doivent immédiatement se rassembler sur la place de l'Hôtel-de-Ville, munis de
leurs pièces d'identité. Alors commence un lamentable défilé : on voit des vieillards impotents bousculés par la soldatesque ; on voit des hommes qui n'ont pas entendu le tambour, arrachés violemment en plein travail à leurs maisons ; on voit des paysans à demi nus surpris en plein travail, rapidement emmenés et jetés sur la place comme bétail en foire. Les S.S. se répandent partout, fouillent les demeures de fond en comble, allant jusqu'à regarder dans les cuves et sous les. lits. Tous les postes de T. S. F. sont saisis. Sur la place, nous sommes alignés sur deux rangs, défense de parler et de tous côtés, fusils, fusils-mitrailleurs, un canon même sont braqués menaçants sur nous. Allons-nous être tous assassinés ? Beaucoup des nôtres ne se rendent pas compte du danger. Une nouvelle voiture vient d'arriver, un colonel descend : c'est une sorte de colosse blond à peine âgé de 35 ans, le regard dur. Il s'installe à une table, appelle à ses côtés le maire de la commune. Puis la soi-disant vérification des papiers commence. Disposés cette fois sur un rang, nous passons les uns après les autres. La brute qui nous interroge consulte chaque fois une liste dactylographiée. Terrible moment : notre sort dépend d'une délation, d'une vengeance, de l'humeur aussi de la bête féroce qui nous toise cruellement.

Un autobus attend, sur la place, pour ceux qui seront retenus. M. LABORIE, notre bon curé, monte le premier et six autres otages le suivent bientôt : LAFFOND, BUCHOT et SAINTELAGUE. son gendre, Jean NEUVILLE, COSTALONGA et BOUDET. Les crimes de ces hommes ? Ce sont, dit le Boche, des communistes, des Gaullistes. Vers 2 h. de l'après-midi, la sinistre charrette s'ébranle, s'arrête à 200 mètres à peine du village. Les otages sont ignominieusement placés derrière une cabane, accroupis, et là sauvagement assassinés. Les bourreaux s'acharnent sur eux, vidant leurs chargeurs et les corps des suppliciés, criblés de balles, affreusement mutilés, sont abandonnés là, en plein champ. Seul, notre curé a échappé par miracle au massacre.

Buzet en deuil. ne pourra même pas assister aux obsèques de ses martyrs. Et la terreur va régner dans le village pendant près de trois semaines. Jusqu'au 14 juillet, en effet, une compagnie allemande tiendra garnison au château. Et la liste des victimes va encore s'allonger.

Terroristes ! Terroristes ! Les S.S. en voient partout et les mitraillettes partent vite !

Le 14 juillet, les bandes nazies se retirent. Une dizaine d'hommes sont massacrés, de nombreux biens volés, tel est le sinistre bilan de leur passage.

À Caudecoste.

Le 22 Juin 1944, à 6 h. 30, un détachement de S.S. venus du bourg voisin de Valence-d'Agen, occupent Caudecoste.
Des maquisards qui avaient passé la nuit chez eux venaient juste de partir ; un seul, Armand CASSÉ, pris par surprise n'a pas le temps de s'échapper ; prisonnier évadé, il connaît les
Boches ; malgré ses efforts, il sera abattu en sortant du village.
Un autre habitant, Marcellin SERRET, est arrêté par les S.S., sa maison fouillée. On n'y trouve rien ; peu importe !
Le malheureux est pendu devant chez lui à un arbre. Enfin un jeune homme, Roger DUBLIN, essayant de quitter le village, est emmené par les S.S.

À Saint-Sixte.

Le même jour, un autre détachement de S.S. encercle le village de Saint-Sixte dès l'aube.

À l'entrée du bourg stationnent des roulottes de nomades.

Les Boches pénètrent dans les voitures, saccagent tout, fouillent..., et ne trouvent rien de compromettant. Ils expulsent alors les occupants. Les hommes sont assassinés les premiers à bout portant.. C'est ensuite le tour des femmes et des enfants, de mères tenant dans leurs bras leurs nouveaux-nés.

14 cadavres signalent le passage des Huns.

Représailles à Monbalen.

Vendredi 16 Juin 1944. Il est 11 heures. Un détachement allemand occupe le village de Monbalen, fouille les maisons et arrête une trentaine de cultivateurs sortant de la mairie où ils venaient d'assister à une réunion du Syndicat agricole présidée par le maire. Brutalement tous ces hommes sont contraints, sous la menace, de s'appuyer au mur. Au même moment, à l'entrée du village éclate une fusillade une voiture du maquis, attaquée par les Boches, est arrêtée, ses trois occupants tués ; l'ennemi en profite pour assassiner un paysan qui labourait son champ, Ernest DABAN.

Aussitôt, dans le village le massacre commence : les Allemands procèdent d'abord à un appel ; deux hommes heureusement ne sont pas là.

Les trois appelés sont conduits dans une remise et là ils subissent les sauvages traitements que l'ennemi réserve à ceux qu'il soupçonne de résister. Jean VERGNÈRES, Roger SÉGUI, Léopold FILLOL sont battus, martyrisés ; les coups sont ponctués de questions ; les réponses ne venant pas, la rage des Boches ne connaît plus de bornes : ce sont des corps brisés, aux membres pantelants, sanglants, que l'ennemi va emmener près des morts du maquis et sur lesquels il s'acharnera jusqu'à la mort.

C'est une horde de sauvages ivres de sang et de vin, car ils avaient visité quelques caves, qui, rentrant à Agen, va encore tuer au passage, à Laroque-Timbaut, le sacristain, un vieillard de 65 ans, André PONS, dans sa maison.

Grâce à l'intervention courageuse d'une institutrice alsacienne réfugiée dans le village, les Boches finirent par s'en aller.

7 cadavres marquaient leur passage.

Dans les Landes : Atrocités à Gabarret.

Là, comme en Dordogne, le maquis était nombreux, entreprenant et insaisissable.

Les Allemands, quand ils pouvaient prendre quelques F.F.I., les torturaient et les assassinaient sauvagement.

Le 15 Juillet, 4 jeunes gens du Bataillon de l'Armagnac étaient fusillés à Gabarret ; le 15 août, c'était l'assassinat du chef ODET, du maquis de Boussès, ainsi que du petit MARQUET, de Lublon, âgé de 14 ans.

Les civils furent en proie aux représailles barbares eux aussi.
C'est ainsi que dès le 22 Avril 1944, 3 Juifs étaient assassinés à Gabarret ; le 15 juillet, c'était le tour de 3 vieillards, LAMARQUE, 80 ans, MM. FOURTEAU, 80 ans, et LAMACHE, 82 ans.

Et pour marquer leur passage, l'incendie d'une maison venait compléter le tableau.

11 hommes assassinés, une femme et un jeune garçon fusillés.

Assassinats et incendies en Tarn-et-Garonne

Dans la première partie,de cet ouvrage, nous avons vu dans quelles atroces circonstances 7 Français résistants avaient succombé aux mains des Boches.

Le département de Tarn-et-Garonne tout entier a été en proie aux représailles des S.S. de la Vehrmacht, et non seulement les Résistants, mais toute la population que l'ennemi sentait sourdement hostile et toujours prête à aider u le maquis.

Habitants du Quercy et de la Lomagne, n'oubliez jamais vos martyrs, victimes de la barbarie allemande.

D'après des renseignements encore incomplets, plus de 100 hommes, femmes, enfants, furent abattus, pendus, fusillés, ou brûlés ,vifs dans le pays et un grand nombre déportés.

La liste funèbre est longue.

À Castelsarrasin : 2 morts, une femme, un vieillard. À Montech : 4 civils abattus.

À Montauban : 4 fusillés au Quartier Doumerc.

À Vayssac : 6 hommes fusillés ou brûlés, 2 femmes fusillées ou brûlées vives.

À Montbetan : on retrouve 7 cadavres.

À Caylus, à Montricoux, à Nègrepelisse, à Cayriech, à Saint-Antonin, à Réalville, à Albias, à Saint.. Porquier, à Laspeyre, à Bressels, ce ne sont partout qu'exécutions sommaires, viols, pillage, incendies, arrestations.

Et nous en arrivons aux effroyables crimes de Dunes, où 11 civils furent pendus, et de Montpezat-de-Quercy, où 22 hommes, femmes et enfants, furent torturés, fusillés ou brûlés

vifs.

Le Massacre de Montpezat-de-Quercy.

Nous remercions M. CAYROU, maire de Montpezat, d'avoir bien voulu nous autoriser à utiliser certains des renseignements donnés par lui dans son ouvrage documenté et littéraire, « Atrocités allemandes à 1Llontpezat n. Que M. l'Abbé GALABERT, curé-doyen de Montpezat et M. CRANTELLE et DUTIL trouvent ici l'expression de notre gratitude, le premier pour son rapport, les seconds pour leur déposition qu'ils nous ont très obligeamment communiqués.

Montpezat est un bourg de 1.500 habitants couronnant un plateau crayeux à 20 km. au Sud de Cahors, dont les habitants, paysans et artisans, menaient avant guerre, comme partout en France, leur existence paisible et laborieuse.

En 1944, depuis quelques mois déjà, des escarmouches s'étaient produites çà et là dans la région, ces Causses propices aux embuscades abritant des groupes de maquisards.

Les S. S. stationnés à Caussadé, gros bourg à une dizaine de kilomètres au Sud, énervé§, sinon affolés par ces francs-tireurs insaisissables, prirent prétexte d'une embuscade, près de Montpezat, au cours de laquelle ils auraient perdu une quinzaine d'hommes pour, en recherchant les maquisards, se venger sur les civils de Montpezat. Un mois plus tard, sans aucun motif cette fois, ces brutes déchaînées se livraient au massacre et à l'incendie du hameau de Perches-Haut, à quelques kilomètres de Montpezat.

Crimes du 2 Mai 1944 à Montpezat

Une patrouille allemande avait essuyé de lourdes pertes près de Montpezat vers 3 heures du matin, le 3 Mai. Un maquisard aurait tiré sur un Allemand. Poursuivant leur agresseur, ils incendient la ferme où il s'était réfugié. La fermière tentant de s'échapper est abattue dans un champ de blé.

C'est la ronde sinistre... Successivement, l'incendie consume les fermes VERDIER, VALÈS, etc. Les Allemands ont bien soin de piller chaque maison auparavant et surtout de sortir les bœufs et de tuer tous les porcs sur place avant de les emporter. Et ils sont vexés quand on les traite de mangeurs de cochons ... Tous les animaux de basse-cour sont prétexte à exercer leurs qualités de tireurs. Quand ils auront quitté les lieux, les cadavres humains voisineront avec ceux des chiens, des poules, avec des pots de graisse brisés et des sacs de blé à demi consumés. Ils se retirent enfin vers Caussade emmenant avec eux un homme du pays pour conduire le bétail « réquisitionné.

C'est au matin que d'autres détachements motorisés entrent à Montpezat vers 9 heures. Comme toujours en pareil cas, barrages aux entrées de la ville par des soldats armés jusqu'aux dents au milieu des cris gutturaux et du ronflement des moteurs. Le Maire, M. CROS, arrivant un peu plus tard est invité à aller à la Mairie et à n'en plus bouger.

Une jeune fille, soi-disant juive, est enfermée avec plusieurs autres habitants dans une maison près de la Mairie ; par la suite, elle sera déportée en Allemagne. Dans cette maison se dérouleront des scènes ignobles : les hommes seront torturés, martyrisés. L'un d'eux, le mécanicien DUPUY, ne pourra plus marcher, ayant eu les orteils écrasés. BENJAMIN, un paysan, sera suspendu à un bâton, les bras et les jambes liés ensemble, et, comme au temps moyenâgeux, ce sera pour lui le supplice de l'eau : le boche lui enfonce un entonnoir dans la gorge et verse plusieurs litres d'eau ; après quoi : Raus ! et le malheureux rentre chez lui accompagné d'une rafale de mitraillette et du gros rire de ses bourreaux.

Enfin, dans la matinée, les S.S. s'en vont, laissant le village sous la menace des nouvelles incursions : en effet, n'ont-ils pas dit au maire qu'ils reviendraient si des incidents se reproduisaient.

La journée se termine. Tout à coup: vers vingt heures, alerte ; des Allemands descendant de leurs camions cernent le bourg. Cette fois ils semblent littéralement déchaînés. Tous les passants sont arrêtés ; la chasse aux Juifs commence, Juifs qu'ils ne trouvent pas d'ailleurs, et pour cause ! ...

Il rassemblent les passants ramassés çà et là et d'autres habitants sur la place, les mains en l'air; des mitrailleuses sont braquées sur eux. Et ils sont obligés d'assister, impuissants, à l'incendie d'une maison, allumé à coups de grenades incendiaires. Trois autres maisons flambent ensuite, dont la maison BONNET, où périssent brûlés vifs M. RATHBERGER et sa petite-fille âgée de deux ans.

Le presbytère à son tour est la proie des flammes ; un homme de soixante ans venant d'un village voisin est arrêté alors qu'il entre en ville ; après avoir été fouillé et volé. il sera sans doute fusillé ou brûlé vif, puisque, au milieu d'ossements carbonisés, on trouvera quelques pauvres objets lui ayant appartenu.

Tard dans la nuit, tandis que les habitants toujours rassemblés devant la mairie attendent, des ordres brefs, des moteurs tournent, les S. S. s'en vont.

Les civils attendent un long moment avant d'être bien sûrs que les Boches sont partis. Enfin, n'en croyant pas ses yeux, étonné d'être vivant, chacun rentre chez soi, sauf les malheureux dont les maisons se consument.

Pour Montpezat-du-Quercy, à, son tour la guerre était venue.

Le Massacre de Perches-Haut (6 Juin 1944).

Perches-Haut, hameau construit sur une colline dominant la route Paris-Toulouse, est à 25 km. au sud de Cahors, tout près de Montpezat.

Nous sommes le 6 juin ; le débarquement allié en Normandie est du matin même. En même temps que l'allégresse. emplit les cœurs, un vague sentiment de crainte hante les esprits. Quelles représailles les Boches vont-ils trouver ? Arrêtera-t-on tous les hommes valides comme on le craint ? Dams les hameaux les plus reculés, et souvent surtout dans ceux-là, on n'est pas tranquille.

Ce soir-là, par une belle nuit d'été, vers 23 heures, alors que les paysans dorment du lourd sommeil du travailleur, des coups de feu éclatent, en même temps que des motocyclistes passent sur la route. Un moment après, arrivent des camions transportant des S. S. qui se lancent aussitôt à l'assaut du hameau comme s'il avait été un repaire de bandits.

En quelques heures, à peu près toutes les maisons et fermes du hameau sont consumées.

Le tragique bilan

À Montpezat :

3 personnes brûlées vives dont une fillette de 2 ans.

4 maisons brûlées.

4 otages, dont une femme déportée en Allemagne.

À Perches-Haut :

11 personnes carbonisées, certaines brûlées vives, dont 3 femmes et 3 enfants âgés de 11 ans et 7 ans.

1 homme et une femme abattus par coups de feu.

11 personnes emmenées comme otages en Allemagne, prises dans le hameau ou dans les fermes du voisinage.

Ainsi 22 civils massacrés, 15 civils déportés, dont une femme, des villages en flammes, c'est la vengeance qui plaît au cœur du « noble guerrier germanique.

Si, à Montpezat, ou du moins dans ses environs immédiats, il pouvait y avoir un semblant de motif à représailles, une embuscade ayant été tendue aux Allemands, quel prétexte invoquer à Perches ? Maquis, maquis ! affirmaient les Boches, obsédés par ces francs-tireurs qui leur faisaient la vie dure.

De toute manière, rien ne justifie les massacres perpétrés par dépit par ces S.S., prototypes de l'esprit allemand, que l'on retrouve toujours à l'origine de la plupart des atrocités.

Nous extrayons du rapport que M. l'Abbé GALABERT, curé-doyen de Montpezat, a bien voulu nous communiquer, les passages suivants :

Vers 21 heures, au moment où le clergé paroissial attendait devant l'Eglise l'arrivée des enfants pour le mois de Marie, deux camions chargés de soldats montent dans la route neuve, devant l'église. Au coup de fusil, signal convenu, ils stoppent ; les soldats descendent en vitesse et se dirigent vers l'église. Les gardes de sûreté sont placés aux alentours, encerclant ainsi le presbytère et les deux autres maisons à brûler.

Haut les mains ! BRADER, Sarrois, installé à Montpezat, servant d'intreprète, est conduit devant l'église, où les personnes du quartier étaient déjà mises en surveillance.

RATHBERGER père est confronté avec BAUER, tous deux habitant la même maison.

Jusqu'alors MM les Curés ne sont pas molestés. Quelques soldats frappent à la porte du presbytère. M. le Doyen s'empresse d'ouvrir.

Petit conseil de guerre.... le chef de la bande s'avance vers nous avec ces paroles : Vous parlez très bien l'allemand ? adressée à M. le Doyen qui ne comprend pas l'allemand. Le prêtre lorrain expulsé, curé de Saint-Médard, s'avance et répond : Moi, je parle très bien l'allemand. On nous sépare, tandis que M. le Doyen est conduit avec les autres personnes, sous bonne escorte, sur la place de la Mairie; le dialogue suivant s'engage entre le S.S., un feldwebel quelconque, et le curé lorrain.

D'un ton insinuant il demande : Qui a porté les armes hors de l'église ? Le prêtre lorrain répond : À ma connaissance, il n'y avait pas d'armes dans l'église, personne n'a donc pu les emporter. ÀA midi, vous avez inspecté l'église et vous n'avez rien trouvé et le temps aurait été trop court pour faire un pareil travail. D'un ton,grossier le chef répond : Vous êtes un menteur. Dites la vérité. Le prêtre lorrain répartit : Je veux .. bien dire la vérité, mais je ne peux qu'affirmer que l'église n'a jamais caché des armes. Bon, dit le chef en braquant sa mitraillette sur le prêtre lorrain, je vous tuerai si vous ne dites pas la vérité. Calmement ce dernier répond : Même en face de la mort, je ne peux pas dire autre chose. Jamais une arme n'est entrée à l'église pour , y être cachée. Je ne peux tout de même pas dire un mensonge pour vous satisfaire. Tuez-moi si bon vous semble ; un peu plus tôt, un peu plus tard, cela m'est égal. Le chef appelle alors un soldat, ordonne au prêtre lorrain de se mettre au mur et haut les mains, Le soldat avec sa mitraillette se place derrière lui, un autre manœuvre de côté sa mitraillette. La nuit commence à tomber ; il est temps d'incendier les maisons. Le chef de bande donne les ordres voulus, enferme Rathberger avec sa petite-fille et un autre vieillard dans la maison à brûler et s'éloigne vers le haut du village en recommandant de bien veiller sur le Pfaff avec qui il a encore un compte à régler.

Le temps passe et la maison d'angle de M. Valmary brûle sous les yeux terrifiés et impuissants de M. le Doyen et de ses paroissiens : Des coups de mitraillette orchestrent l'œuvre satanique. Vers 21 h. 3/4, la bande descend. La même opération recommence, Quand enfin, après avoir tiré quelques balles, les maisons Delpech et Bonnet brûlent, le chef, cette fois plus calme et content s'approche du curé lorrain et lui dit : Voyez-vous les maisons brûler ? - Oui, répond le prêtre. - Voulez-vous dire maintenant la vérité? - Oui, je veux la dire, mais elle ne peut être que celle que j'ai donnée.

Comment vous appelez-vous ? Il décline son nom. Comment se fait-il que vous soyez ici ? - Le hasard a voulu que je sois curé d'une paroisse lorraine expulsée et je me suis réfugié ici.

Après des recommandations sur le rôle du prêtre qui doit veiller à l'ordre, dénoncer... la troupe monte sur les camions et part pour Caussade.

Ce n'est qu'alors que le prêtre lorrain peut se rendre compte de l'incendie du presbytère. ,

La toiture s'écrase et les valeurs inestimables comme les travaux d'histoire de M. le Chanoine Galabert, une Bible de 1483, les livres de raison, parchemins, incunables, collections uniques d'histoire locale et régionale, etc., achèvent de se consumer sous les ruines. Déposition de M. Duthil, de Perches-Haut

Le 6 juin 1944, vers 22 h. 30, je sors après avoir éteint les lumières.

Cinq minutes plus tard, j'entends un ronflement de moteur sur la Nationale n° 20 (Paris-Toulouse). Je croyais que c'était une patrouille qui montait. En effet, plusieurs voitures s'arrêtent à hauteur du plateau et tirent quelques rafales de fusils mitrailleurs. En même temps une fusée lancée par la patrouille éclaire le hameau. Je me laisse glisser derrière un talus et j'attends. Mes parents, à quelques mètres de moi sortent, mon père disant : Il faut aller à l'autre maison en bas. Je ne devais plus les revoir ; ma mère fut trouvée carbonisée dans la maison du bas, mon père criblé de 30 balles, étendu près de la route.

Vers 11 heures, des camions arrivent près du hameau. Des ordres : deux détachements descendent et commencent à cerner Perches.

Quand ils passèrent près de moi, je ne bougeais pas ; c'est ainsi que j'ai pu les observer. Arrivés à ma maison, ils frappent quatre ou cinq fois à la porte ; personne ne répondant, ils brisent les carreaux à coups de fusils, les fenêtres à coups de crosse. Envahissant la maison, ils allument la lumière, fouillent, bisent, volent. Dans tout le hameau, mêmes procédés. Et toujours des rafales de mitraillettes. La plupart des habitants ont été tués avant l'incendie.

Et maintenant, c'est l'incendie. À coups de grenades incendiaires, le feu prend partout à la fois.

Risquant d'être brûlé vif, je me hasarde à essayer de fuir.

À peine ai-je fait quelques mètres vers un champ de blé que les balles me sifflent aux oreilles. En rampant, exténué, les vêtements en loques, je parviens vers une heure au viaduc où je fus recueilli dans la nuit par des fermiers très hospitaliers.

Ce n'est que le lendemain que je connus la mort de mes parents, de tous mes voisins et amis.

Les Boches ont prétendu :

que des lumières brillaient après le couvre-feu. Je certifie qu'à Perches aucune lurhière n'était visible du dehors;

qu'il y avait du maquis. Non, il n'y en avait pas.

Les raisons du massacre sont plutôt que les Boches exaspérés, fous, enragés par la nouvelle du débarquement ont profité d'une dénonciation calomnieuse pour se venger sur des civils.

M. CRANTELLE, propriétaire aux Garrennettes nous dit comment il a échappé par deux fois à la mort; mais sa femme a été assassinée, son fils de 16 ans déporté en Allemagne, sa maison et les dépendances entièrement brûlés, comme chez ses malheureux beau-frère et sœur DUTHIL, nommés plus haut.

La Providence a voulu qu'il dut s'absenter ces jours et ces nuits-là pour son travail.

Les onze pendus de Dunes (Tarn-et-Garonne).

Dunes est un village situé à quelques kilomètres au sud de Valence-d'Agen et à une vingtaine de kilomètres au sud-est d'Agen.

Depuis plusieurs semaines déjà, le maquis s'était montré actif dans cette région, mais il n'y avait eu jusque-là que des escarmouches. Aussi peut-on se demander pourquoi un groupe de S.S. vint à Dunes le 23 Juin 1944.

En tous cas, les habitants du village ne furent-ils pas inquiets en les voyant arriver. Nous ne pouvons mieux faire que de relater la déposition de M. DE MONTCHY, Edouard, secrétaire de la mairie de Dunes :

Le 23 juin 1944, à 10 h. 30, alors que je me trouvais au bureau de la mairie, six soldats allemands armés ont fait irruption dans mon bureau, et, sous la menace de leurs armes, m'ont intimé l'ordre de descendre sous les arcades, où leur officier m'attendait. À mon arrivée, celui-ci a pris son révolver qu'il a dirigé sur moi et il m'a dit : Dans 10 minutes tous les hommes de la commune doivent être rassemblés ici. J'ai invité le garde-champêtre Boy qui se trouvait sur les lieux à passer dans. les rues de la localité avec son tambour, afin de prévenir la population. Quelques instants après, 70 hommes environ se trouvaient rassemblés au lieu indiqué.

Un soldat allemand qui parlait français tenait dans ses mains une liste de noms dactylographiée. Il commença l'appel et insista notamment sur les noms de POUJADE et MAUQUIÉ. Ceux-ci absents. l'appel continua jusqu'à concurrence de 12 hommes qui furent mis à part.

Entre temps, des soldats allemands arrivèrent avec une table, des chaises et des cordes. Ils placèrent celles-ci au balcon de la poste. Cette opération effectuée, l'ordre fut donné à l'un des hommes de s'avancer et de monter sur la table, de là sur une chaise où un soldat allemand. lui passait le nœud coulant de la corde au cou. Immédiatement, le soldat enlevait la chaise et l'homme restait suspendu par le cou. C'est ainsi que 11 hommes furent pendus. Quant au douzième, au moment où il se trouvait sur la table, il fit s n bond et se dirigea en courant vers une ruelle où il fut mitraillé à bout portant.

Pour ma part, j'ai été interpellé deux fois par l'officier allemand qui me menaçait de son révolver. Par la suite, j'ai appris que deux hommes furent mitraillés dans lés champs alors qu'ils s'enfuyaient, au moment de l'arrivée des Allemands. Deux autres civils enfin furent blessés, le premier dans un vignoble et le deuxième dans une rue de la localité.

j'ajoute que durant la pendaison, d'autres soldats allemands se livraient au pillage dans certaines maisons du village, notamment à la Mairie, où, à mon retour, j'ai constaté que la somme de 1.475 francs qui se trouvait dans un tiroir de mon bureau avait disparu, tandis que tous les meubles de ce local avaient été fouillés.

Leur forfait accompli, les S. S. repartirent vers Valenced'Agen, où ils cantonnaient.

Les Massacres de Buzet-sur-Tarn

1er juillet 1944.

Un maquisard (ou soi-disant tel) se présente chez RAVANY, habitant de la commune, et demande à manger, à boire. Il sera même logé chez un patriote et repartira lesté pour Toulouse. I1 avait eu le temps de parler de la Résistance avec ses hôtes.

6 Juillet. - 3 heures du matin.

Une colonne allemande arrive, voitures, camions. Sous la conduite du maquisard venu à Buzet le 1er Juillet, qui sera identifié comme étant Gino Grazzia, dit Renard Noir. Les perquisitions commencent et les rafles.

Plusieurs cultivateurs sont arrêtés, entre autres : PORTA, Antoine, et ses deux enfants, Joseph et Jean, habitant la ferme de la Borde-Basse.

Alignés contre un mur avec d'autres otages, les PORTA vont subir l'interrogatoire ; une perquisition opérée sous les yeux des Boches amène, comme par hasard la découverte d'armes sous des bûches dans un hangar.

Alors se déroule une scène atroce : le père Porta refusant de répondre, un Allemand s'approche, un couteau de cuisine à la main et le menace. Porta ne bronche pas; alors le Boche plongeant son couteau dans les orbites de Porta lui arrache les yeux; et le malheureux ne parle pas...

Ses deux fils lacérés à coups de nerf de bœuf ne révèleront rien, eux non plus...' Tous trois seront assassinés un moment plus tard. Pendant ces horribles scènes, les Boches n'auront rien appris ? Les héros auront sauvé par leur sacrifice de nombreux Français. Le soir, la ferme de la Borde-Basse brûlait, tandis qu'un certain nombre de résistants étaient emmenés, exténués après avoir été martyrisés toute l'après-midi. On devait retrouver les corps mutilés de MASSIO, Emile, MASSIO, Adolphe, GENDRE, Charles, RAVARY, GENDRE, Ferdinand, et BÉNAC, Jean, quelques jours plus tard dans la forêt de Buzet. 7 Juillet.

Ferme de Vieusse, près de la Borde-Basse. 1 heure du matin. On frappe, ROLLAN, le propriétaire, va ouvrir. Un homme vêtu d'une chemise kaki- et d'un pantalon vert, entre révolver au poing. Il demande à visiter la maison. Successivement, Mme Rollan, les enfants, le. domestique apparaissent : finalement, l'homme abat ROLLAN, puis sa femme, et au milieu des râles des mourants s'attable, mange, boit, et disparaît, emportant 5.000 francs, 20 draps, 10 saucissons, 3 pots de confit.

Les Allemands feront d'ailleurs semblant de rechercher le coupable dont on n'entendra jamais parler, évidemment...

23 Juillet.

Trois cadavres méconnaissables sont découverts dans les décombres de la Borde-Basse.

Sous prétexte d'échanger des prisonniers allemands contre des prisonniers du maquis, BOUSQUET, du maquis, amène deux prisonniers boches au pont du Tarn, près de Saint-Sulpice.

De nombreux soldats allemands sont là; pas de maquisards prisonniers. Ils sont à Toulouse, où nous allons les chercher, dit un sous-officier boche en montant dans la voiture de Bousquet qui reçoit l'ordre de partir. Sous la menace du révolver de l'Allemand, il doit changer de direction. Descendu, conduit à l'écart, fouillé, il est abattu à bout portant. Sur trois civils suspects arrêtés au pont de Saint-Sulpice, deux seront abattus immédiatement, le troisième emmené à

Toulouse. Avant de partir, un peu de paille, un peu d'essence, les trois cadavres brûlent après l'explosion d'une grenade.

17 Août.

Une colonne motorisée allemande arrive aux Barthes, commune de Buzet. Les bâtiments encerclés, des camions descendent des hommes, des femmes extraits des prisons de Toulouse ; on les enferme dans des granges comme à Oradour ; à bout portant les Boches tirent dans le tas ; les premiers tombent, des femmes affolées courent çà et là en hurlant ; aucune pitié, tout le monde s'écroule sous les balles.

Après quoi, un peu d'essence, de paille, et les bâtiments brûleront toute la nuit.

18 Août.

Des camions allemands apportent des cadavres d'hommes exécutés ailleurs. Posés sur des fagots, on les brûle.

Le lendemain, les habitants de Buzet recueillent les ossements épars qui seront enterrés dans trois cercueils au cimetière de Buzet.

On pense que 50 cadavres gisaient sous les décombres.

Le bilan tragique :

9 membres de la Résistance de Buzet.

1 homme du maquis.

7 civils dont une femme.

Enfin une cinquantaine de prisonniers politiques tués et brûlés.

Plusieurs maisons incendiées.

La région pyrénéenne

Saint-Girons (Ariège).

Dès avant le débarquement allié en Normandie, les représailles, les crimes commencent à Saint-Girons. C'est le 27 Mai 1944 que Mlle Yvette CABARIÉ, membre de la Résistance, est tuée avec ses deux compagnons en mission, ORSINI et GUILLEMOT ; celui-ci seulement blessé sera fusillé à Bordeaux.

Le 16 Juin, vers 6 h. 30 du matin, les Allemands cernent la maison WACHTER où demeurait M. Pierre BILLIARD qui blessé, s'échappa, pour être tué au grenier une heure plus tard.

Le 20 Juin, LAFITTE, Valentin, et BOUHILA sont arrêtés, emmenés à MARTRES-TOLOSANE, fusillés.

Le 21 Juillet, TARRIDE, Pierre, du maquis de Betchat, est surpris dans une grange avec trois camarades : AZALBON,

MAURY, BARAT. Ce dernier réussit à tuer un Allemand et à s'échapper, les autres seront fusillés sur place.

Enfin 11 civils seront abattus sous divers prétextes dans les rues de la ville.

Rimont (Ariège).

21 Août 1944. - 9 h10.

1 homme de la Garde civique signale l'arrivée d'une colonne allemande.

28 hommes de la Garde civique, plus 8 Espagnols, vont défendre Rimont contre 2.000 Allemands disposant d'un armement puissant. Après épuisement des munitions des .mitraillettes et fusils, les Résistants de Rimont se replient hors du village.

Les Allemands envahissent le village, s'emparent de civils, hommes, femmes, enfants, ils procèdent alors méthodiquement à l'incendie des maisons. 142 bâtiments seront consumés, 17 resteront debout plus ou moins endommagés.

10 civils seront fusillés, dont 5 vieillards de 78, 75, 72, 70, 66 ans, parmi lesquels une femme, Mlle Laffont, Marie, une victime disparue.

25 personnes avaient été prises comme otages à l'arrivée des Allemands.

Bagnères-de-Bigorre (Hautes-Pyrénées).

Bagnères, charmante ville d'eau des Pyrénées, à 20 km. S. E. de Tarbes, n'avait jamais connu la guerre. La population de montagnards s'était accrue depuis l'occupation de réfugiés alsaciens, lorrains, israélites.

La Résistance y était puissante, les F.F.I. occupèrent la vile dès le printemps de la Libération.

Par représailles, comme à Tulle, les S.S. allaient mettre le pays à feu et à sang.

Le 11 Juin, une colonne motorisée approche de Bagnères, venant de Tarbes. Au passage, les S.S. abattent un cultivateur qui s'enfuyait à leur approche à Montgaillard, puis ils commencent le massacre à Pouzac et Trébons ; Bagnères connaît ensuite les assassinats et le pillage.

Les Victimes

Après le passage des Vandales on comptera :

À Bagnères, 24 civils tués, dont 8 femmes ; 17 blessés dont 8 femmes.

À Pouzac, 17 tués, dont 7 femmes ; 3 blessés, dont une femme.

À Trébons, 13 tués ; 5 blessés, dont 4 femmes.

À Lesponne, 6 tués, 4 blessés.

À Tilhouse, 7 tués par coups de feu ou carbonisés.

Si l'on fait le compte des pertes et destructions occasionnés par les Allemands, on arrive seulement pour l'arrondissement de Bagnères à :

94 morts - 8 blessés - 31 maisons incendiées.

Des vols et destructions s'élevant à plusieurs millions de francs.

Assassinats et incendies dans le Centre

Les départements du Centre, bien qu'éloignés des combats, ont souffert; la Nièvre, la Creuse, l'Allier, la Corrèze attestent par leurs morts et leurs maisons détruites que le Boche est passé par là.

I. - Nièvre.

L'occupation dans la Nièvre se sera traduite par l'exécution de 71 civils, le viol de 3 femmes, les déportations de centaines d'habitants, la destruction de plusieurs centaines de maisons ; le nombre des sinistrés s'élevant à 1.100 environ.

À Nevers : Internement de civils dans des conditions inhumaines. - 46 exécutions de civils. - 5 personnes blessées mortellement. - 71 personnes déportées.

À Cosnes : Arrestations suivies de meurtres de 12 citoyens français. - Exécution d'un otage. - Déportation de 7 Israélites. - Bombardement délibéré de lieux non défendus (5 morts, 8 blessés).

À Saint-Pierre-le-Moutier : Assassinat à la mitraillette d'un civil.

À Rouy, Ciez : Arrestations et déportations de civils.

À Luzy : Fusillade de 2 civils. - Viol de 3 femmes. - Dévastation et destruction de propriétés.

À Drury-Parigny : la commune est en grande partie incendiée.

À Montsauche : le village entier et plusieurs petits hameaux sont incendiés.

À Planchez : toutes les maisons sont incendiées.

À Thauvenay, 16 civils sont tués, plusieurs déportés.

II. - Corrèze:

Égletons, Le Lonzac furent le théâtre de combats glorieux : des F. F. I. et de sanglantes représailles.

III. - Creuse.

Entre autres localités nous citerons le bourg de Sardent qui a vu sept de ses habitants tués, 6 faits prisonniers, 2 déportés en Allemagne et surtout Aubusson.

Voici des renseignements extraits du rapport qu'a bien voulu nous communiquer M. VERNY, responsable des Equipes de la Croix-Rouge.

Le passage des colonnes allemandes, du 8 au 13 Juin, puis en juillet 1944, ont donné lieu à des engagements meurtriers. pendant lesquels les Equipes d'urgence de la Croix-Rouge ont brancardé et ramassé les victimes militaires et civiles. Voici donc un résumé des quelques faits de guerre allemands dans notre cité.

Le 8 Juin 1944 - une colonne de 105 voitures se trouve arrêtée à quelques kilomètres d'Aubusson par quelques éléments de résistance, qui devaient se replier tout aussitôt d'après des ordres supérieurs. Les Allemands ont fait l'attaque de la ville et n'ont trouvé devant eux que 7 Français héroïques, qui, attaqués par surprise et isolés se sont défendus jusqu'à la mort. Nous avons eu la douloureuse mission de relever nos compatriotes et camarades tués, mais porteurs, outre leurs multiples plaies, d'une constante blessure au crâne,. soit entre les yeux soit au-dessus des arcades sourcilières, large plaie à l'orifice de sortie et bords déchiquetés. La Convention de Genève une fois de plus est violée.

Le 9 Juin, une dame LABLANC (57 ans) a été tuée dans son jardin par des guetteurs allemands.

Cette même colonne allemande, depuis son départ de Clermont-Ferrand avait déjà semé des deuils sur son passage. En pleine nuit, la rencontre de deux autocars, se dirigeant vers le Cantal, emmenant des jeunes gens de l'Allier vers le Maquis, a eu lieu à Saint-Avit d'Auvergne, au lieu dit Cheval Blanc, à un croisement avec la route nationale. Les Allemands attaquent, tuent, incendient tes. cars et leurs occupants blessés, pourchassent ceux qui s'enfuient. Un rescapé en fait le récit au maire de Saint-Avit d'Auvergne. Continuant sa route, la colonne allemande arrive à Maison-Rouge, près Villeneuve-en-Marche. Les Allemands, hurlant, l'arme à la main, font s'enfuir les cinq membres de la famille ALLOCHON, la mère, sa fille et son jeune fils - qu'une salve abat près de leur maison.

En traversant Aux Puids, M. LAURADOUX est tué sur le seuil de sa maison. À 5 km. de là, à Chassincheval, une femme est blessée à mort, dans son champ.

Le 9 Juin, vers 15 heures, la colonne allemande, en faisant irruption dans la ville, arrête dans sa maison, route de Clermont, Gabriel BRETON, pèle de famille, homme paisible, emmené à Clermont et fusillé ultérieurement. Les Allemands séjournent, la Municipalité est sommée de rassembler tous les hommes sur une place, dans un délai d'une heure, sous la menace des mitrailleuses. Après quelques heures pénibles, les habitants peuvent rentrer chez eux.

Le 15 Juillet, vers 16 heures, des troupes motorisées, arrivant en éclaireur à Aubusson, mitraillent et tuent deux civils, un jeune homme de 30 ans, Roger LEGOUEIX, et un vieillard, M. BIERGON. Deux heures plus tard, deux avions survolent la ville, très bas, et lancent deux bombes incendiaires sur une usine de tapis. Pas de victimes, dégâts matériels importants. Le lendemain, une division allemande, précédée des éléments de la Gestapo, qui a fait des arrestations dès son arrivée, s'établit à Aubusson. Des résistants sont arrêtés ; au Collège où ils rassemblent les Maquisards et leurs victimes civiles, nous avons pu nous occuper de ravitailler 249 Français et adoucir leur internement; les services de la Croix Rouge ont fonctionné anonymement.

Les Allemands ont fait dans les villages crimes et pillages que l'on ne peut dénombrer, incendiant les' fermes, emmenant les civils.

Pour clôturer ce récit, je dois citer l'arrestation, le 22 juillet, à Alleyrat, d'un père de famille de quatre enfants : Louis CHATAIN, 49 ans, revenant d'Aubusson (distant de 4 km.), chargé de pain pour sa maisonnée, lié à un autre homme, avec des cordes, emmenés tous deux à Guéret où on retrouve leurs corps quelque temps après.

Le Bilan :

14 hommes martyrisés et fusillés.

4 femmes assassinées.

Plus de 20 réfractaires assassinés.

Des centaines d'arrestations.

Des dizaines de maisons incendiées.

IV. - Haute-Vienne.

Fusillades à Eymoutiers.

La Haute-Vienne, tristement célèbre avec Oradour, aura vu nombre de ses villages en proie à la furie allemande.

Du 5 Février 44 au 23 Juillet 1944, 12 hommes furent fusillés, habitant le village ou prisonniers F.F.I. blessés, sauvagement achevés, notamment Paul Reminières, 52 ans, et Jean Coulard, 36 ans, père de quatre enfants.

Le 23 Juillet, les Allemands bombardèrent le village, détruisant des immeubles et blessant une femme. Par la suite, ils devaient se livrer au pillage et incendier plusieurs maisons.

12 cadavres et des ruines marqueront leur passage.

La Franche-Comté a souffert

Dans ce pays pittoresque, sauvage parfois, où vit une population laborieuse et fière, la Résistance à l'ennemi devait fatalement prendre une ampleur considérable. L'histoire est là pour nous prouver que la fameuse devise comtoise : Comtois ! Rends-toi !... Nenni, ma foi ! est toujours en honneur. Le Boche a pu l'éprouver, comme en 71 à Villersexcel et au Pont de Parcey où les Francs-tireurs lui firent déjà la vie dure,

I - Dans l'Ain.

L'Ain est marqué des tombes des martyrs de la Résistance et de celle de nombreux civils victimes de la vengeance de l'ennemi vaincu ou du moins en retraite.

C'est Nantua, où plusieurs hommes sont abattus en décembre 1943, février 1944 et 138 déportés.

C'est Oyonnax, qui fit défiler le « maquis » le 1 l novembre 1943, où en décembre 1943 trois personnalités sont enfermées et fusillées, 28 otages déportés.

C'est Brenod, où 22 hommes sont arrêtés, 15 maisons brûlées, les 6 et 13 Février 1944.

C'est le Petit Abergement où les deux frères BERNE sont fusillés après avoir été assommés, leur sœur étant arrêtée.

C'est Corbier où 7 hommes étaient fusillés. Partout des assassinats, des déportations.

Aranc, 1 fusillé; - Evosges, 5 fusillés ; - Resinas, 2 fusillés; - Hauteville, 15 juives et un prêtre déportés.

Du 7 au 9 Avril, au cours d'opérations de répression, 400 fermes et maisons furent incendiées dans l'Ain.

II. - Dans le Jura.

Le jura comme la Savoie, la Corrèze et le Périgord, abrita dès 1943 des groupes du maquis.

C'est à Oyonnax, en effet, que, le 11 Novembre 1943, défila, drapeau en tête, un détachement F.F.L en armes.

Les représailles sur les civils, seules mesures possibles pour un Allemand, commencèrent très tôt dans la région. Nous ne citerons qu'une localité, Saint-Claude et ses environs.

À Saint-Claude.

Le 7 Avril 1944, Vendredi-Saint, l'état de siège était proclamé à Saint-Claude. Les arrestations, dont celle dû maire âgé de 77 ans, se multipliaient, tandis qu'un millier de S.S. occupaient la ville, pillant des maisons.

Ce n'était qu'un commencement. Le 9 Avril, jour de Pâques, dès neuf heures, les hommes sont rassemblés sur la place, où ils sont gardés à vue par des soldats mitraillettes à la main. D'autres soldats patrouillent la ville, pillant des maisons.

La journée se passe ainsi, coupée de temps à autres de coups de feu un jeune homme, protestant contre un coup de pied reçu, est immédiatement abattu ; d'autres jeunes gens parviennent à s'enfuir au milieu des balles.

À la tombée de la nuit, conduits à la gare, empilés dans des wagons plombés, 307 otages s'en vont sans rien à boire ni 'à manger. On saura par la suite qu'on les a conduits à Compiègne, et puis ?... Nul ne sait ce qu'ils sont devenus.

Tandis que des centaines d'hommes, attendent, anxieusement, que soit statué sur leur sort ; des scènes terribles se passent dans la ville.

Des habitants de la ville : MM. KEMBER, MONERET, sont odieusement torturés ; le premier traversera la ville, à genoux sur une voiture, les mains liées derrière le dos, un soldat s'amusant à lui tirer la tête en arrière par les cheveux ; il avait été auparavant à moitié assommé à coups de crosse ; il sera ensuite fusillé. Toute la nuit, des malheureux seront torturés à l'Hôtel de France ; leurs cris retentiront dans la ville, aux oreilles de leurs voisins horrifiés et impuissants.

Dans les Environs.

Partout c'est la ruine et la mort. Certains villages sont entièrement brûlés comme Larivoire, où les Allemands abattent le maire et l'institutrice, et, après avoir enfermé la population dans l'église, raflent tout : linge, ravitaillement, bétail.

À Lavillottes, à Mantniaint, à Veaux-lès-Saint-Claude, même procédé : on pille, on brûle, En quelques heures, des centaines de familles sont sans abri, sans ressources.

C'est Saint-Didier, où cinq civils sont torturés et fusillés.

C'est Vitry où les Allemands passent, laissant le cadavre de l'institutrice au milieu des maisons en flammes.

C'est Grand-Rivière où 7 hommes sont abattus sans raison, même un malade couché.

C'est Molinges, le Martinet, enfin la plupart des localités environnantes où les cadavres et les décombres s'amoncèlent.

C'est Larivoire où le maire est assassiné et 28 maisons sur 34 incendiées.

III. - Dans le Doubs.

Les Fusillés dé Montbéliard

L'été 1944 se termine, été de la Libération qui aura vu les Allemands chassés de presque tout le territoire français. Pourtant, on se bat encore dans l'Est; Belfort et l'Alsace sont toujours occupés.

Le 29 Septembre, à Villards-sous-Ecots, hameau des environs de Montbéliard, la bataille fait rage. Les F.F.I. prennent le village d'assaut, mais les Allemands le reprennent, après avoir repoussé les Français.

Les Allemands rassemblent toute la population du hameau, soit environ 150 personnes, dont 22 hommes, population qui s'était réfugiée dans les caves pendant le combat. Sur un ordre du commandant allemand, les 22 hommes reçoivent l'ordre de quitter le village encadrés par des soldats. Ils vont vers Montbéliard, où ils arrivent dans la soirée. La ville est dans l'angoisse car l'avance de l'armée française s'est ralentie, la Gestapo, les S. S., la Milice, terrorisent la population.

Après avoir traversé une partie de la ville, les 22 hommes sont conduits dans la cour d'une villa, où un moment après pénètre un Colonel allemand. Persuadés qu'ils vont partir pour l'Allemagne, des détenus accroupis çà et Là cassent la croûte, d'autres parlent entre eux.

Tout à coup, après quelques minutes de conversation entre leurs geôliers : En route ! et la marche reprend.

Ces hommes commencent à s'inquiéter ; l'un d'eux demande à une sentinelle ce qui se passe ; le boche se met à rire et fait un geste auquel le Français subitement atterré ne se trompe pas. Il saute de côté et tente de fuir, mais bientôt il est rattrapé, et la marche au supplice, les malheureux s'en doutent maintenant, recommence.

La lugubre troupe passe devant les maisons, arrive dans un champ, devant des tranchées. En colonne par un, les hommes v descendent et c'est le crépitement des mitraillettes, vingt-deux cadavres s'écroulent.

Il faudra attendre que les Français aient libéré Montbéliard, pour donner à ces martyrs une sépulture convenable.

Pourquoi ce crime ?

Comme toujours la suprême raison : Terroristes – Maquis.

Massacre de femmes et d'enfants à Lyon

Lyon fut dès 1941 un des centres de la Résistance française. En effet, c'était la capitale de la France non occupée, le lieu de rendez-vous des patriotes, des démocrates qui n'avaient pas voulu se soumettre aux directives allemandes à Paris. Même après l'occupation totale de la France, le 11 novembre 1942, Lyon conserva son importance. Les Allemands malheureusement ne l'ignoraient pas ; d'ailleurs, les multiples attentats dirigés contre eux auraient suffi à leur ouvrir les yeux. À partir de 42. les arrestations se multiplièrent accompagnées comme toujours de tortures et d'exécutions; souvent dans d'ignobles conditions.

C'est ainsi qu'au printemps 1944 quatre patriotes détenus au sinistre fort de Montluc, dans la banlieue lyonnaise, amenés en camion à Lyon, furent abattus comme des chiens à leur descente de camion, en plein centre de la ville, place Bellecour. Leurs corps restèrent exposés près de. 24 heures, gisant sur le trottoir.

Les fusillades, les exécutions sommaires se multiplièrent à partir du débarquement allié en Normandie; après le débarquement franco-américain en Provence, les populations de la vallée du Rhône, de Lyon en particulier, reçurent le contre-coup des défaites allemandes. Les troupes d'opération vont appesantir sur les civils et les quelques prisonniers du maquis qu'ils tiennent, leur rancœur et leur sauvagerie.

Le maquis est très puissant dans la région. N'est-ce pas en Savoie, c'est-à-dire à une centaine de kilomètres de Lyon, que les Français ont livré, au Plateau des Glières, de durs et glorieux combats aux Allemands ? N'est-ce pas à Oyonnax, à une centaine de kilomètres au N.-E. de Lyon, que, le 11 novembre 1943, les F.F.I. ont défilé en ville, drapeau en tête à la barbe des Boches ?

Grenoble enfin est toute proche, ville résistante par excellence, où la vie est impossible aux Allemands, traqués de toute part. Aussi la vie à Lyon devenait-elle très dure en 1944.

Le Massacre.

La radio alliée venait d'annoncer la libération de Lyon le 24 Août ; les Lyonnais, dans certains quartiers de la ville, se réjouissaient car ils ne voyaient plus d'Allemands. Malheureusement il n'en était rien. Le gros des troupes avait peut-être évacué la ville, mais il y restait encore certains éléments ; les ponts, 20 sur 22, ne sautèrent d'ailleurs que quelques jours plus

tard.

Un des témoins du massacre, Mlle Gouy, dont la mère a été tuée, a bien voulu nous donner les précisions sur ce ,qui se passa.

Il était quatre heures de l'après-midi, le 24 Août, rue Tronchet. L'hôpital ayant été déserté par les Allemands le matin, des infirmières aux fenêtres appelèrent les personnes dans la rue et commencèrent à leur lancer ce qui restait dans l'hôpital, draps, couvertures, vivres, etc. Inutile de dire que la foule s'attroupa (on croyait les Allemands en fuite et les radios alliées annonçaient que Lyon était libéré, alors malheureusement qu'il n'en était rien). Il y avait au moins 300 personnes sur le terrain.

Le témoin resta un moment à regarder sa mère qui l'accompagnait parlant un peu plus loin avec une voisine au milieu de la rue.

Tout à coup, sans avertissement, les Allemands qui venaient d'arriver, sans être vus, car ils rasaient les murs, tirèrent dans la foule avec leurs mitraillettes et lancèrent des grenades sur ceux qui s'enfuyaient. Mme Gouy au premier rang tomba (une balle lui brisant la colonne vertébrale était ressortie par l'estomac et l'intestin). Sa fille poussée par la foule tomba, se releva, retomba dans une porte, derrière une fillette qui venait d'être touchée, et qui mourut.

Une heure passa pendant laquelle les Allemands tuèrent tous ceux qui passaient dans les rues voisines, achevèrent tous les hommes tombés et enfin prièrent la Croix-Rouge de relever les femmes et les enfants blessés.

Puis leur ronde infernale reprit. Juchés sur leurs voitures, ils parcouraient le quartier, tirant au hasard.

À 20 h. 30, le couvre-feu sonnait et des Allemands étaient toujours là. Ils donnèrent enfin la permission de rentrer chez soi, les mains' en l'air. Le témoin sortit et retrouva sa sœur cachée dans une cave près de là. Elles rentrèrent chez elles, mortes de peur ; leur mère n'était pas là. Ce n'est que le matin après le couvre-feu qu'elles purent partir à la recherche de leur mère ; après quelle nuit, on s'en doute !

Après de vaines recherches dans plusieurs hôpitaux, elles devaient la retrouver, mourante, mais lucide, à l'Hôtel-Dieu. Mme Gouy devait mourir dans la nuit, sans même l'assistance de ses filles, qu'on n'avait pas voulu garder à l'hôpital.

Ainsi sans motif valable, seulement par dépit, par sauvagerie, 60 civils, hommes, femmes, enfants, furent tués et 120 blessés.

Lyon qui pendant quatre longues années avait souffert devait voir son calvaire se terminer par un massacre de civils.

Le Massacre de Buchères

Buchères, coquet village de Champagne à 7 km. de Troyes, devait connaître la destruction totale et le massacre de nombreux habitants, le 24 Août 1944.

Les causes et les circonstances du drame sont exposés avec une tragique simplicité dans le rapport que M. le Maire de Buchères a bien voulu nous communiquer :

Des éléments F.F.I., une quarantaine environ, vinrent prendre position à Buchères, le mercredi 23 Août dans l'après-midi; ils pratiquèrent aussitôt des abattis d'arbres à travers la route N° 71, la route de Chaouce, le chemin neuf et la voie des Aulnes, de façon à rendre impossible tout passage de convoi. Pour ce travail, ils recrutèrent dans le pays de nombreux volontaires qui ne se firent pas prier. Un chef vint à la mairie demander au maire d'assurer une garde de 20 hommes pour 10 arbres abattus. Cette garde avait pour mission de virer les arbres le long de l'accotement dès que l'ordre en serait donné, c'est-à-dire à l'arrivée des Américains. Elle fut aisément mise sur pied, et fut même renforcée de nombreux volontaires qui s'offraient spontanément. L'enthousiasme était générai, on attendait les Américains d'un moment à l'autre.

La nuit vint. Elle ne fut marquée par aucun événement ; les Américains n'arrivaient pas. L'enthousiasme faisait place à l'anxiété. Les F.F.I. répondaient évasivement à ceux qui les questionnaient; ; ils comptaient sur des renforts. Chacun, par devers soi, redoutait les pires complications.. Elles ne devaient pas tarder à se produire. Vers 8 h. 1 2, le matin, un side-car et un camion allemands venant de Troyes, se présentèrent sur la route nationale. D'aussi loin qu'ils les aperçurent, les F.F.I. ouvrirent le feu nourri sur les véhicules qui stoppèrent à bonne distance, et firent demi-tour, à l'exception d'un occupant, tué.

Vers midi, une batterie d'artillerie commença d'arroser copieusement le village, tandis qu'une unité de S.S. entreprenait systématiquement la mise à feu et à sang de tout le village, tuant hommes, femmes, enfants, vieillards, réfugiés dans leurs tranchées familiales, allumant des incendies à la torche et à la grenade, carbonisant ceux qui étaient restés dans leur demeure. Commencé à l'extrémité de Gourgerennes, chez M. RENARD et M. VERMANT, le massacre se poursuivit chez M. BABEAU et M. LANNEAU, s'étendant à la R. N. jusque chez M. BALLETREY et au-delà de l'Hozain chez MM. BROCHE, FINFROCK et FOISSIER pour revenir vers l'agglomération principale, en passant par les maisons CHAUME, DEGOIZÉ, FROMONNOT, BLANC Anatole et en remontant au groupe scolaire. Les F.F.I. s'étaient repliés sans doute sur Bar-sur-Seine.

Cette épouvantable tuerie cessa sur l'ordre de l'officier, à la hauteur de la maison THÉPÉNIER. Le lieutenant-colonel GÉRARD, de l'armée de l'armistice, fixé à Buchères chez M. SIMON, intervient ensuite auprès de lui pour lui souligner le caractère paisible de la population et éviter que tous les hommes habitant la région du carrefour de Maison-Blanche et qui furent alors rassemblés dans la maison BRISSON, pour subir un interrogatoire individuel ne soient fusillés. Au bout de deux heures environ, ils furent relâchés, avec la menace formelle que le reste du village et de la population seraient détruits si les F.F.I. reparaissaient.

Aussitôt après commença le sauvetage des victimes. Les blessés (hommes, femmes et enfants) furent rassemblés à l'école où ils reçurent les premiers soins, en attendant l'arrivée du docteur SCAPULA.

Dans la soirée, quelques F.F.I. revinrent prendre position et se mirent à tirailler, au grand émoi de la population qui s'enfuit aussitôt atterrée dans les villages voisins, tandis que deux ou trois jeunes gens connus des F.F.I. allaient les supplier de ne plus intervenir dans de semblables conditions et que, à l'école, les blessés demeuraient abandonnés, sous la seule garde de Mme FARINET ; la nuit se passa sans incident.

Le vendredi matin, de nouvelles unités de F.F.I. occupaient le village, ayant l'allure de troupes organisées et disciplinées, d'une correction parfaite.

Le triste bilan de cette journée s'établissait ainsi :

67 tués dont 17 enfants de moins de 14 ans.

5 jeunes filles de moins de 21 ans,

3 jeunes gens dont 2 F.F.I.

22 femmes.

18 blessés, dont 7 blessés graves.

27 maisons incendiées.

Par un juste retour des choses, ce sont des prisonniers allemands qui relèvent les ruines, causées par leurs frères, punition bien légère à la vérité...

Les Fusillés d'Ascq

Déjà en 1914-1918 le Nord avait su ce qu'était l'occupation allemande ; le souvenir de son martyre, ses fusillés, ses déportés sont toujours présents en nos mémoires.

Le déraillement.

Dans le calme de la nuit du 1er au 2 Avril 1944, vers 23 heures, retentit une explosion ; on apprend que deux rails avaient sauté au passage d'un train de troupe de S.S., provoquant le déraillement de 3 wagons et immobilisant le convoi à quelques centaines de mètres de la gare d'Ascq, au lieu dit : Le Quennelet.

À la gare, le personnel de la S.N.C.F. organise rapidement les mesures de sécurité et de secours : pas d'inquiétude d'ailleurs, aucun Allemand n'ayant été blessé.

Brusquement des coups de feu, un groupe d'Allemands, sous les ordres d'un officier pénètre dans la gare. Immédiatement, sans explications, au milieu d'un flot de paroles gutturales, le chef de gare, M. CARRE est malmené à coups de poings et finalement assommé à coups de chaise; un employé, M. DERACHE, subit le même traitement. Pour terminer leur œuvre, sur un ordre de l'officier, un soldat tire sur les deux malheureux employés à bout portant une rafale de mitraillette ; par miracle, aucun des deux ne fut tué. Cet acte sauvage fut le prélude de la tragédie.

La Fusillade.

À la gare l'employé indemne donne le signal d'alarme à ses .chefs de Lille par téléphone. Il soigne son chef et lui sauve la vie ; des secours vont venir. Pendant ce temps, les S.S. déchaînés commencent leur carnage.

Les soldats venant de la gare rejoignent leurs camarades qui descendent du train, laissant seulement une trentaine d'hommes près du convoi. C'est alors une nouvelle Saint-Barthélémy à coups de crosse dans les portes et les fenêtres, coups de fusil, rafales de mitraillette quand les habitants tardent à ouvrir ; ils ordonnent à tous, jeunes et vieux, de les suivre, même des femmes et des adolescents.

Ils poussent la cruauté jusqu'à dire à la receveuse des postes, affolée de voir emmener son mari et son fils (16 ans) : Ne pleurez pas, Madame, moi, officier, j'ai aussi maman. Elle ne devait plus les revoir ; dix minutes plus tard, ils étaient fusillés.

Et continuellement de nouveaux groupes arrivent à la voie ferrée ; toujours même traitement : coups de crosse, coups de bottes. Deux vieillards MM, BRIET, 75 ans, et POTTIÉ, 71 ans, doivent être portés par leurs amis au lieu de leur supplice ; eux aussi seront fusillés comme terroristes, saboteurs.

Mais sans doute manque-t-il des têtes au bourreau. Sans doute n'ont-ils pas encore atteint ce chiffre fatidique de 100 victimes nécessaires pour venger un acte de sabotage.

Ce n'est pas seulement près de la voie ferrée que les tueurs opèrent. En voilà d'autres qui cognent à la porte du presbytère. Après quelques minutes, la maison fouillée, les S. S. empoignent le curé d'Ascq, l'Abbé GILLERON, et un jeune homme de 21 ans qu'il avait recueilli et qu'ils abattent dans le couloir. Quand ils sont bien certains de l'identité du curé, alors deux coups de feu et il s'écroule sur le seuil de son presbytère. Un curé ne suffisait pas. Après avoir , l'Abbé COUSIN, ils le fusillent à son tour ; son cadavre, aux membres brisés, au visage mutilé par les coups de bottes' et de crosse, sera retrouvé un peu plus tard.

C'est seulement quand les S.S. cognèrent à sa porte que M. DELEBART, maire d'Ascq, comprit que de graves événements se passaient. Avec plusieurs compagnons, il arrive à la gare au moment où un officier allemand exaspéré haranguait ses hommes. Un soldat, en mauvais français, s'approcha et lui annonça : Qu'un acte de sabotage ayant été commis à Ascq par les habitants, 50 d'entre eux avaient déjà été tués et 50 autres allaient être fusillés : Et vous avec eux, Monsieur le Maire.

Le Maire commençait à protester dignement mais un cou de crosse lui coupant la parole l'assomma à demi. Les malheureux otages furent poussés sur deux rangs près de la gare, les bras levés ; ils s'attendaient à être fusillés, mais subitement ordre de faire demi tour. Au même instant la police allemande arrivait en voiture. L'officier leur ordonna alors de rentrer chez eux, ce qu'ils ne firent pas répéter deux fois. Providentiellement, ils étaient sauvés.

Ces soldats ivres de sang qui, froidement, - les témoins sont tous d'accord pour dire que pas un n'était ivre - ne se sont pas contentés de torturer et de fusiller, ils ont pillé tout ce qu'ils ont trouvé, argent, vêtements, bijoux, et sont allés jusqu'à arracher des bouches de leurs victimes les couronnes et bridges en or et à voler les alliances des morts.

Pour couronner leur œuvre, après avoir fusillé, pillé, ils s'enivrèrent et ce sont des brutes' titubantes qui quittèrent à deux heures du matin un village où de malheureuses mères pleuraient çà et là appelant leurs enfants disparus. où de pauvres gosses pleuraient à la recherche de leur papa. Ce n'est qu'après le départ du train de S.S. que les secours commencèrent à s'organiser dans le village, Les funérailles solennelles des 86 victimes se passèrent sans incident, présidées par le Cardinal LIÉNART, archevêque de Lille, qui avait adressé une protestation auprès des autorités militaires allemandes, qui, naturellement, parlèrent de jugement porté par le conseil de guerre contre 8 habitants d'Ascq. Nous avons vu la procédure suivie par les S. S. clans leur jugement.

Ainsi, pour un acte de sabotage n'ayant entraîné pour les Allemands aucune perte de vies humaines, les S. S. décidèrent froidement de supprimer 100 hommes en représailles.

111 civils furent exécutés dont 86 sont morts et 25 grièvement blessés.

225 orphelins pleurent leurs pères.

Comme en 70, comme en 1914, le Boche est passé sur le Nord.

Voici les dépositions que plusieurs témoins survivants ont bien voulu nous communiquer :

Ludovic PELLOQUIN, ASCQ.

...J'avais fait une dizaine de pas que je sentis tout à coup une brûlure à la cuisse gauche, puis une deuxième au côté gauche. Cette fois, je compris qu'on voulait nous fusiller. Trois hitlériens nous attendaient, barrant la route, armés de revolvers, mitraillettes et mitrailleuse.

Les trois brutes furieuses se mirent à frapper et tirer des coups de révolver sur les premiers venus, sans défense. Voyant le péril, immédiatement je me laissais tomber par terre, faisant le mort. Cinq minutes s'étaient à peine écoulées que deux bandits revenaient sur leurs victimes, achevant les blessés à coups de révolver. Ils arrivent sur moi ; j'étais la face en terre, me retournent, me tâtent le pouls aux deux poignets, me lâchent en disant : " er ist todt". J'avais compris, j'étais sauvé. Les deux docteurs connaisseurs en pouls s'écartent, achèvent deux blessés à mes côtés qui râlaient et s'en vont vers le train. Ne voyant plus personne, je me relève, je me faufile par une ruelle, m'éloignant de la fusillade qui ne cessait.

Le souvenir de ce massacre sans nom contre des innocents sans défense ne pourra s'effacer. Aussi je hais, je déteste les Boches et demande que les fauteurs de ce crime soient châtiés. De plus, il faut que tous les Alliés s'accordent pour réduire ce peuple de bandits afin qu'il ne puisse jamais commettre de pareils actes de sauvagerie et recommencer une autre guerre.

M. BOUCHART, ASCQ.

...Arrivés là, ils nous firent aligner, les mains sur la tête. Je faisais partie du premier groupe d'hommes, placé le sixième. environ. L'officier donna l'ordre de tirer. Il y avait un soldat pour quatre hommes. Mon tour arrivé, l'Allemand me visa. J'essayais de mon mieux en bougeant d'esquiver la balle. L'Allemand tira.. Je ne fus pas touché, mais je me laissais tomber en criant. Il tira une seconde fois pour m'achever. La balle frôla mon oreille. Je ne bougeais pas. Je fis le mort. J'entendais des cris et des râles autour de moi. Un homme criait : Pitié, j'ai des enfants... ne me tuez pas. Un coup de feu, et l'éclat de rire du soldat. Environ demi heure après. trois soldats repassèrent pour donner le coup de grâce. En arrivant sur moi, l'un d'eux m'éclaira avec sa lampe électrique. Sans doute me crût-il mort, car le sang coulait d'une blessure que j'avais à la tête à la suite des coups de crosse. Il ne tira pas, mais il me fouilla et me prit mon alliance.

Mlle TRACKOEN, d'Ascq. Il faut que la vérité soit connue ; des faits comme ceux-ci sont la signature d'une race et doivent rester dans l'histoire comme témoignage. Cependant il rencontrent encore l'incrédulité, je le comprends ; si nous n'avions été les témoins de ce carnage, nous n'aurions jamais cru à de telles horreurs.

Voici simplement comment cela s'est passé pour nous :

Vers onze heures, au passage d'un train de troupe, la maison est secouée. Encore un coup de sabotage, pensons-nous. Il y en avait eu deux déjà dans la semaine, et nous nous disons :

Voilà les Boches arrêtés.

J'étais allée avant d'entendre sa réponse ouvrir la porte et aussitôt les Allemands se ruent dans la maison ; deux d'entre eux saisissent Jean au bas de l'escalier. Maman qui terminait sa toilette arrive couverte seulement d'une chemise de nuit et brutalement ils nous font monter dans les chambres.

Nous sommes ensuite poussés brutalement en bas des escaliers et avec des cris et des coups ils nous font comprendre que nous devons sortir. On nous fait lever les bras et nous devons marcher à la file dans cette position. Il nous font rentrer dans la cabine d'aiguillage un par un et là un officier assène des coups de poings formidables â tous et particulièrement aux hommes; puis nous sommes entassés au fond de la cabine où nous trouvons d'autres personnes déjà ramassées dans le quartier. Après avoir encore amené quelques hommes, les brutes nous font sortir devant le passage à niveau ; des soldats étaient rangés devant nous, ils chargeaient leurs fusils. L'officier qui nous avait battus revint et harangua ses soldats ; le mot Viapot revenait sans cesse dans sa bouche ; d'après ses gestes nous comprenions qu'il leur commandait de tuer toute la population. Tant qu'a duré cette nuit horrible, cet officier, si l'on peut l'appeler ainsi, nous est apparu comme une véritable furie : les cheveux en désordre, les yeux hagards, il avait des gestes de fou, frappait à travers tout ; il hurlait comme un possédé, sa voix résonnait dans la nuit; il écumait de rage. Après avoir envoyé ses soldats dans d'autres rues, il nous fait avancer dans le balast. Des Boches restés sur train nous narguent au passage. Ils rient et sifflent alors que l'officier se rue sans cesse sur nous en hurlant et en envoyant des coups. Il s'acharne ensuite sur l'aiguilleur, le roue de coups, l'envoie rouler par terre en face de nous; cet homme essaye de se relever et demande grâce; alors la brute lui tire une balle de revolver. L'homme s'abat et reçoit une seconde balle. Il meurt sur le coup. D'autres soldats sont arrivés et font signe aux femmes de les suivre. À ce moment, l'officier s'acharnait sur mon plus jeune frère; celui-ci, les bras croisés sur la poitrine, recevait les coups sans broncher ; il vacillait, puis se redressait ; les yeux fixés sur la poitrine, il semblait lui dire : Regarde comme un Français sait souffrir. C'est à ce moment que nous avons dû les quitter. Je ne savais détacher mes yeux de ce groupe d'hommes, Les soldats nous firent rentrer chez nous.

L'un d'eux attrape alors maman par le cou et la secoue brutalement.

Je tiens à spécifier que nous n'avons pas supplié les Allemands ; nous ne leur avons rien demandé.

Gustave VAN CRAYENEST, 52 ans. Combattant de la Guerre 1914-1918, Mutilé 100 %, Médaille militaire. 5 citations. Blessé deux fois et gazé, demeurant à Ascq.

...Nous sommes, mon fils et moi, dans le fond du wagon, ayant reculé pour céder la place aux arrivants. Le massacre continue. Sur certains qui semblent le défier, le bourreau s'acharne avec furie, et le lendemain leur pauvre cadavre tuméfié attestera de cette sauvagerie.

Notre tour arrive ; mon pauvre Roger est tout tremblant. Je lui dis : Va, mon petit, il faut avoir du courage ; je te suis. J'ai la ferme intention de le défendre, mais au moment où je me précipite sur le bandit pour lui arracher son arme, je me sens empêtré dans des fils de fer et ne peux me dégager assez vite. Un soldat qui a compris mon geste intervient ; je reçois trois balles dans le bras gauche que j'ai élevé pour me protéger la tête. Je suis poussé et tombe ; une balle dans la bouche me fracasse la mâchoire. Encore une ; l'assassin vise la tempe pour m'achever ; je me détourne légèrement et la reçois dans l'œil droit. Je ne bouge plus... le moindre tressaillement attirerait l'attention. Les brutes donnent aux victimes des coups de talon pour s'assurer si leur sinistre besogne est bien faite et achèvent ceux qui gémissent. Je souffre et sens que je m'épuise. Certains ont essayé de fuir, mais une mitrailleuse posée à quelques mètres de là les a couchés au sol... seuls quelques-uns ont réussi à s'échapper.

La fusillade crépite de tous côtés.

Soudain des coups de sifflet retentissent ; instantanément le massacre cesse.

J'ose après un moment relever la tête ; je n'ai plus qu'une seule pensée : retourner chez moi, où je tombe ensuite dans un sommeil comateux jusqu'au matin.

Vers 6 heures, le docteur accompagné d'un soldat allemand a enfin l'autorisation de venir vers moi. On m'enlève pour me transporter à l'hôpital Saint-Sauveur, à Lille. Pendant le parcours de la maison à la route où se trouve la voiture d'ambulance, un nazi s'approche encore et veut m'achever ; le gendarme le bouscule et lui donne l'ordre de s'éloigner.

Je suis à présent inapte à aucun travail, étant privé de l'œil droit et sans force dans le bras gauche ; nous vivons, ma femme et moi, avec le souvenir de notre fils, qu'ils ont lâchement assassiné à quinze ans.

Ce massacre a ouvert les yeux de ceux qui pouvaient croire encore à une civilisation allemande ; les barbares de 1914 sont restés les mêmes... À partir de ce jour, la défaite ennemie nous est apparue imminente ; le châtiment ne pouvait tarder : de tels crimes ne restent pas impunis.

Mlle GUILLEMET, voisine de M. et Mme VANCRAYENEST, a soigné toute la nuit le blessé :

Par deux fois plusieurs d'entre eux pénètrent dans la mai son, la visitent et prennent ce qui leur convient : argent, chaussures, vêtements ; ils ont à peine un regard pour le blessé ; peut-être le croient-ils mort ; il vaut mieux ainsi : ils seraient bien capables de l'achever sous nos yeux.

Au petit jour, il semble pourtant qu'une animation règne dans le village ; on entend des autos circuler ; sept tués gisent devant les portes et la circulation est interdite.

Nous respirons enfin en voyant apparaître des gendarmes français ; il est alors possible en passant par les sentiers d'aller chercher du secours.

Les Massacres de Maillé (Indre-et-Loire)

S'il est un pays où il fait bon vivre, ou plutôt il faisait bon vivre, c'est bien la Touraine, jardin de la France, et la province voisine, l'Anjou.

Aussi loin que l'on remonte dans l'histoire, ces pays évoquent des souvenirs glorieux ou charmants.

Les Rois de France avaient coutume d'y séjourner et ce n'était pas sans raison : les agréments du paysage, la cuisine réputée, la douceur angevine chantée par Joachim du Bellay, tout concourait à les attirer en ces lieux et, avec eux, la foule des poètes, des architectes et des courtisans.

C'est en effet non loin de là que Ronsard, prince des poètes, composa ses immortels sonnets ; la Pléiade, Cénacle de Poètes de la Renaissance, naquit dans le val de Loire que Rabelais, quelques années auparavant, avait déjà illustré.

Les architectes ont laissé, eux aussi, des marques durables de leur passage, aussi poétiques, mais plus visibles : les châteaux d'Amboise, de Chenonceaux, de Chambord, de Langeais évoquent autant de silhouettes massives ou ajourées, toutes élégantes.

Et c'est en ces lieux que la guerre est passée, la guerre totale, invention germanique.

Déjà en 1870, les Prussiens étaient venus, mais, en 1944, les nécessités militaires ont été le prétexte pour tuer, détruire sans motifs réels : souvent, dans le fracas des combats, il est difficile de distinguer les civils des combattants, mais à Maillé, village des environs de Tours, le massacre de 124 civils dont 87 femmes et enfants, relève de la sauvagerie plus que de l'art militaire.

C'est le 25 Août que les troupes allemandes battues par les armées alliées en Normandie, harcelées par les F.F.I., se livrèrent à ces crimes. Sans doute voulaient-elles par là se rattraper un peu de leurs échecs continuels et des pertes énormes qu'elles avaient subies.

Nous devons ces renseignements à l'extrême obligeance de M. le. Maire de Maillé et des témoins qui, malgré leur deuil ont bien voulu nous renseigner.

Les Causes. - Il faut surtout les chercher, semble-t-il, dans l'état d'exaspération des Allemands battus en Normandie.

harcelés par les F.F.I.

La cause immédiate peut être trouvée dans une escarmouche, le 24 août au soir, au cours de laquelle deux voitures allemandes furent attaquées par un groupe du maquis : on croit que les Boches essuyèrent des pertes, car on retrouva au point qu'ils avaient quitté des flaques de sang.

25 Août. - L'intention de l'ennemi était sans doute de surprendre le village, pour assassiner et brûler au gîte tous les habitants.

Comme à Oradour, mieux qu'à Oradour même, puisque l'expédition fut méthodiquement organisée, l'esprit allemand fit ses preuves une fois de plus. On peut distinguer trois phases dans la tragédie : le massacre, l'incendie, le bombardement.

Le Massacre.

Il commence par l'assassinat vers 8 h. du matin lie M. OHEIPPE. Sans doute les Boches furent-ils gênés par le bombardement de plusieurs avions anglais ; quoi qu'il en soit, ce n'est que vers 10 heures que les premières rafales furent tirées dans Maillé. Ce court délai devait permettre à quelques habitants de s'échapper. À 10 h. 30, plusieurs gendarmes approchant de Maillé, constatèrent que le village flambait ; ils furent d'ailleurs brutalement refoulés. Le massacre était terminé.

M. MILLORY faisait partie d'un groupe de divers employés de la S.N.C.F. et d'autres civils. Des Allemands viennent les chercher à la gare et les emmènent dans le village. Les malheureux commencent à comprendre à la vue des cadavres qui barrent les rues et des maisons qui flambent. Quelques Minutes plus tard, deux rafales et les 9 hommes tombent. Les Boches, se rapprochent, tâtent les corps à coups de pied, achèvent les suspects et sur tous déposent une plaquette incendiaire au phosphore. M. MILLORY qui est tombé n'est même pas blessé. Il reste stoïque tandis que le feu lui brûle le côté ; à ce prix il aura la vie sauve.

Les Allemands cernent le village dès le matin, pénètrent en force dans les maisons, tuant toute personne qui se présente, homme, femme, enfants. Pour eux cela semble un jeu : On tue, on boit, on rit, telle pourrait être la devise de ces enfants des Huns.

L'Incendie.

Pour jeter le voile sur leur férocité, masquer les affreuses blessures de leurs victimes, les Allemands mettent le feu partout, même comme nous l'avons vu plus haut, à des cadavres dans la rue.

Vers midi, en partant, ils incendient les dernières maisons épargnées jusque là, et au passage en profitent pour tuer quelques gosses, les petits BRUNET, 7 ans, 5 ans, 8 mois, et leur mère ; plus loin, c'est Mme BRUNEAU, 89 ans, qu'on retrouve assise dans son fauteuil, la partie droite du crâne tombant sur l'épaule, la cervelle sur les genoux, ses lèvres noircies par la poudre. Sans doute l'assassin a-t-il appuyé le canon de son arme sur la bouche de la malheureuse.

Et les Boches évacuent Maillé en flammes.

Mme CHEDOZEAU, habitant la ferme des Moulins avant l'incendie, nous raconte ce qu'elle a souffert, ce qu'elle a vu :

Le 25 Août 1944 à 9 h. 30, nous étions tous réunis dans la cour de la ferme quand notre attention fut attirée par une colonne d'Allemands avançant sur la route, à pied. Nous rentrons à la ferme. Les Allemands arrivent et passent, puis ils reviennent.

En prenant son petit frère dans ses bras, ma fille me dit : Maman. maman, descendons à la cave ; ce que nous faisons. Il était temps : les Allemands arrivaient dans la cour.

Mon frère et mon mari restés dans la cour allaient être massacrés. Nous entendons un vacarme infernal de coups de mitraillettes et de fusils ; une grenade éclate près de la porte de la cave, blessant ma fille au visage. Puis les Boches tirent des rafales de mitraillette par un soupirail de la cave, mais sans nous atteindre. Blottis dans un coin, nous attendions la mort. Heureusement, mes enfants n'ont jamais crié, mais mon petit Jean-Louis, 5 ans, répétait sans cesse : Maman, vont-ils nous tuer ? Ont-ils bientôt fini ? Peu à peu, le tir se ralentit. Je me risquais dehors : toute la ferme avec les hangars, granges, écurie, brûlait. Plus loin, une épaisse fumée noire; partout des incendies ; Maillé brûlait.

Toute retraite coupée, je décide de nous cacher dans le ruisseau, sous le pont. Tandis que ma fille jette des fagots dans l'eau, je détache quelques animaux encore vivants. Nous resterons des heures sous le pont, tremblant au bruit des bottes passant sur nos têtes.

S'ils nous avaient vus, quel sort nous aurions subi !

Vers 13 heures, des voix françaises enfin ; ce sont des voisins, MM. COQUEUX et CAILLAUD.

Nous revenons vers les ruines de notre maison où nous trouvons les corps criblés de balles de mon mari et de mon aère.

Les obus commençant à tomber, nous réintégrons notre cachette.

Vers 18 heures, tremblants de froid nous nous éloignons en suivant le lit du ruisseau. À 100 mètres de là, couchés dans un fossé, nous avons passé la nuit, une nuit agitée : des balles . sifflaient un peu partout. Ce n'est qu'à 1 h. 1 /2 que nous avons pu nous réfugier chez M. COQUEUX.

Le Bombardement.

Vers 14 heures commence le bombardement par un canon d- 88 placé à 1.500 mètres de Maillé. Il durera jusque vers 16 heures. Toutes les maisons encore debout, visées méthodiquement, seront détruites une à une.

Ainsi, après le massacre, l'incendie, c'est le bombardement pour compléter et parfaire le travail.

Tout avait été minutieusement calculé. Le sens allemand de l'organisation avait en 6 heures anéanti totalement un village de 240 habitants. que le Boche pensait bien avoir supprimés.

Et pour terminer, de tous les trains allemands qui passèrent la nuit suivante, des coups de feu furent tirés sur les ruines fumantes.

Le Bilan du 15 Août 1944 :

124 civils massacrés, dont :

37 hommes,

39 femmes,

48 enfants, dont 26 de moins de 5 ans.

2 nouveaux-nés : Hubert MENANTEAU, né en mai 1944, Daniel MARTIN, né en février 1944.

Des familles entières ont été anéanties : M. CONFOLENT reste seul survivant, après avoir eu sa femme, ses 7 enfants et sa belle-mère massacrés.

C'est la famille MENANTEAU qui disparaît avec ses 5 enfants de 15, 12, 6, 2 ans et 3 mois.

C'est encore la famille CREUSON qui perd ses 9 membres dont 4 enfants : 14, 10, 4, 1 an.

La famille GUITON enfin perd 13 membres dont 4 enfants de 6, 5, 4 et 2 ans. La plupart des familles perdent un ou plusieurs êtres chers : les CHAMPIGNY (2 enfants), DIELIN (3 enfants), les GOUARD (2 enfants), les MARTIN (3 enfants), les METTAIS (2 enfants).

Certaines victimes : M. Louis BOURGUIGNON, 74 ans, Mme Véronique CHEVALIER, 79 ans, et son mari, 83 ans, Mme GAMBIE, 84 ans, Mme BRUNEAU, 89 ans, doyenne du village, M. GUITTON, 80 ans, et Mme GUITTON, 78 ans, qui, 75 ans plus tôt, dans leur enfance, avaient vu les Prussiens menacer leur berceau pendant la guerre de 1870, seront jetés dans la mort par leurs. sinistres descendants, les Boches de 1944, toujours aussi corrects.

Ainsi, dans ce sinistre pèlerinage à travers la France meurtrie, nous sommes passés par des bourgs et des provinces dissemblables par l'aspect physique, l'accent et les coutumes, mais formant un tout homogène par la langue, l'esprit, l'âme.

Dans la souffrance, la Flandre se sera, rapprochée de la Gascogne, l'Alsace de la Normandie.

De même que toutes les familles de la France auront senti leur unité dans la grande épreuve, de même toutes les familles spirituelles auront oublié leurs différents pour ne former qu'un bloc.

Ici c'est Mgr TIRAS, évêque de Montauban, interné à Compiègne.

Là c'est M. le Pasteur Charles Roux, de Marseille, mort à 68 ans au camp de Buchenwald où il avait été déporté tandis que sa femme était envoyée à Ravensbrück.

C'est encore M. le Rabin HIRSCHLER, de Strasbourg, déporté avec des centaines de milliers de ses coreligionnaires.

De tous les horizons politiques, des chefs, Gabriel PÉRI, député communiste, fusillé, Léon BLUM, Edouard HERRIOT, Paul REYNAUD, déportés, Georges MANDEL,. assassiné, auront été victimes de la persécution.

Jeunes et vieux, hommes et femmes, patriotes passionnés, bourgeois paisibles, tous les Français auront souffert de l'oppression allemande qui pour de longues années marquera les monuments de nos villes et le cœur de nos habitants de cicatrices profondes.

TROISIÈME PARTIE

Le Massacre et l'Incendie d'Oradour-sur-Glane

1. - Oradour

Qui avant Juin 1944 connaissait Oradour-sur-Glane en France, hors les Limousins ? Bien peu de personnes évidemment, alors, que maintenant, pour son malheur, Oradour est synonyme d'épouvante pour des millions d'hommes. C'était un bourg comme beaucoup d'autres aisé et paisible, au creux d'un vallon accueillant.

Si vous en avez un jour l'occasion, venez en pèlerinage à Oradour-sur-Glane. Ne le confondez pas avec Oradour-Saint-Genest, ou Oradour-sur-Vayres, localités de la région. Oradour-sur-Glane est à 22 kilomètres au Nord-Ouest de Limoges, sur la route qui mène de cette ville à Confo'.ens (Charente), à 4 kilomètres de la route nationale N° 141 de Limoges à Angoulême.

C'était un village important qui, bien que simple commune, comptait avant la guerre plus de 1.500 habitants. Ainsi qu'en témoigne le monument aux morts, une centaine de ses fils étaient morts pour la France durant la Grande Guerre et 50 autres étaient prisonniers en Allemagne.

Prenons l'annuaire des Postes ; les professions libérales étaient représentées par deux docteurs; un pharmacien, un notaire, un curé et ses deux vicaires. De nombreux magasins témoignaient de l'aisance du pays : épiciers, quincailliers, boulangers, pâtissier, bouchers, charcutiers, minotier, mécanicien, garagiste. En tout 800 personnes environ habitaient le village même.

Le pays étant à l'écart des grandes voies de communication, on y mangeait bien, chose rare en ces temps de disette, et enfin, chose précieuse également, on y était tranquille, les troupes allemandes n'y venant jamais et le maquis en conséquence n'y passant pas non plus, alors que le Limousin dans son ensemble abritait de nombreux groupes des F.F.I.

Aussi les touristes du ravitaillement étaient-ils nombreux, venus de Limoges pour quelques jours ou quelques heures, en quête d'une douzaine d'œufs ou d'un poulet ; des réfugiés alsaciens et lorrains étaient arrivés en L940 ; des Juifs enfin y avaient trouvé un abri qu'ils croyaient sûr.

En un mot, à Oradour, pays tranquille, où de paisibles artisans vaquaient à leurs occupations, aucun signe ne pouvait faire prévoir le moindre trouble, et pourtant. C'est dans l'allégresse générale qu'on venait d'apprendre le débarquement, tant attendu des Armées anglo-américaines en Normandie.

II. - L'incendie du village et le massacre des hommes

Ce qui va suivre n'est que la synthèse des déclarations des témoins survivants, notamment MM. ROBY et BROUSSARDIER.

Samedi 10 Juin. Jour de marché à Oradour, jour de visite médicale pour les enfants, jour de distribution du tabac, c'est-à-dire que les habitants de la commune, jeunes et vieux, Hommes et femmes, villageois et paysans sont nombreux ce jour-là dans le bourg. C'est un jour de choix.

14 heures. Brusquement un grondement de moteur, le battement de chenilles d'acier sur le macadam. Les habitants ne se détournent même pas de leurs occupations : sans doute un convoi allemand qui va traverser le village. En effet, à l'entrée Est, venant de la direction de Limoges, apparaissent cinq chars et une dizaine de camions qui font halte devant l'église. Les soldats mettent pied à terre aussitôt et au. milieu d'ordres lancés d'une voix gutturale se précipitent et se postent à toutes , les issues du village, qui, en un clin d'œil, sont gardées par des sentinelles, mitraillette ou fusil au bras : impossibilité totale de sortir du village, mais non d'y entrer, pour ne plus en sortir d'ailleurs...

Ces soldats constituaient la 3e compagnie du Régiment der Fürher de la division S.S. Das Reich, célèbre dans tout le Sud-Ouest et le Centre de la France par ses atrocités.

Les, habitants d'abord surpris puis inquiets s'étaient ressaisis. Pourquoi avoir peur ? Et de quoi ? Il n'y avait jamais eu d'escarmouche à Oradour ; quelques officiers avaient parfois pris en passant un repas à l'hôtel Milord.

Personne même ne songeait à fuir, sauf quelques-uns, en particulier des enfants d'une famille israélite que leurs parents firent sortir aussitôt du village et qui furent sauvés.

En même temps que le village est cerné, la population est rassemblée sur le champ de foire, hommes, femmes, enfants, tous réunis, même les mères portant leurs nourrissons. Les enfants. des écoles arrivent deux par deux sous la conduite de leurs instituteurs et institutrices. Au fur et à mesure de leurs arrivées, les hommes et les femmes sont séparés. Le rassemblement terminé, un coup de sifflet impose silence à la foule. L'interprète allemand transmet alors aux femmes et aux enfants l'ordre de se rendre à l'église; les mères ayant laissé leurs enfants à la 'maison sont autorisées à aller les y chercher. 4 mitrailleuses sont installées face au groupe des hommes ; des soldats sont en outre postés un peu partout révolver ou mitraillette à la main. L'inquiétude commence à peser sur tous ces hommes qui malgré tout conservent bon espoir. C'est alors que l'interprète s'approche de nouveau et demande qu'on lui indique l'emplacement des armes du maquis d'Oradour ; les hommes se regardent, se demandant de quoi il s'agit. Devant le silence qui suit sa question, il demande que ceux qui ont des armes chez eux le disent : certains répondent qu'ils possèdent de petites carabines de chasse, mais les Allemands n'en tiennent pas compte. De guerre lasse, s'adressant au maire un officier lui demande alors, de désigner des otages; le maire, le docteur DESOURTEAU refuse en se proposant comme otage au cas où l'on trouverait des armes cachées dans le village. Des groupes de soldats partent effectuer des perquisitions qui ne seront en fait qu'un prélude au pillage et au massacre.

Nous laisserons maintenant la parole à M. Rom, providentiellement rescapé du massacre.

L'ordre est donné de se mettre en colonne par trois, puis de nous séparer en plusieurs groupes, et nous partons. Un soldat précède mon groupe qui est gardé sur les flancs par d'autres allemands; malheur au traînard : coups de pieds et coups de crosse le ramènent dans le rang accompagnés de sinistres Raus ; j'ai la chance de ne pas être brutalisé.

Nous arrivons enfin devant un hangar encombré de nombreux instruments agricoles. Il faut enlever deux charrettes avant que nous puissions tous entrer et nous aligner à l'intérieur. Deux Boches installent chacun une mitrailleuse qu'ils braquent sur nous devant le hangar, dans la rue. Posément, chacun arme sa mitrailleuse et engage une bande. Trois autres soldats viennent se placer révolver au poing entre les deux mitrailleuses. L'inquiétude est à son comble parmi nous. Que va-t-il donc se passer ? Nous espérons quand même et pensons que, n'ayant pas trouvé d'armes dans le village, les S.S. vont nous relâcher. Et toujours l'attente. En face de nous, un boche croque un morceau de sucre de temps à autre. Condamnés et bourreaux se regardent.

Soudain une formidable explosion retentit ; à ce signal, les mitrailleuses crachent, les premiers corps transpercés tombent à la renverse ; je fais semblant de m'abattre aussi et me colle contre le sol, la tête entre les bras. Les balles crépitent contre le mur qui n'est qu'à quelques centimètres derrière moi ; la poussière et les plâtras soulevés par les balles me coupent la respiration. Enfin, tous les condamnés s'étant écroulés sur le sol, le tir des mitrailleuses s'arrête. Des blessés gémissent, d'autres appellent leurs femmes et leurs enfants ; mais les bandits ne s'arrêtent pas là. Des coups de feu éclatent de nouveau : les bourreaux, montant sur les cadavres, cherchent les blessés qui crient ou remuent et les achèvent d'un coup de révolver dans la tête : deux coups sont tirés tout près de moi ; le premier achève un camarade mourant, le second, une balle explosive, me frappe au bras gauche (six mois après cette blessure je devais encore subir une opération, des éclats de la balle étant restés dans mon bras).

Je sais que je vais mourir ; j'attends avec fatalisme la balle qui doit m'achever, mais rien ; les coups se font de plus en plus rares, les cris cessent, le silence s'établit, le grand silence de la mort. Pourtant, il me semble entendre de faibles sons; en effet, ici c'est une plainte étouffée, là quelques chuchotements ; tout le monde n'est donc pas mort. Tout cesse, car on entend des bruits de bottes ; ce sont eux qui reviennent, portant des brassées de paille, de foin, des fagots, des rondins même, des échelles et des brouettes, bref tout-ce qui peut brûler, qu'ils jettent pêle-mêle sur nous. Et de nouveau le silence à peine rompu par quelques chuchotements. Un poste de radio joue un air de danse, - cruelle ironie ! - digne accompagnement wagnérien pour cette scène du plus pur romantisme allemand...

J'ai su par la suite que les bandes de S.S. parcouraient la vire et ses abords tirant sur des paysans qui rentraient à leurs termes. Les auto-mitrailleuses ne faisant grâce à personne, tournant dans tous les sens, ajoutant le grondement de leur moteur au claquement des coups de feu, ils passaient et repassaient, tuant, écrasant, leur ombre gigantesque ajoutant encore à cette atmosphère infernale.

Quelques minutes se passent ; une nouvelle équipe revient, qui met le feu en divers endroits du hangar ; le crépitement des flammes se mêle aux coups de feu que l'on tire un peu partout. En quelques instants tout le bûcher est en feu ; je lève légèrement la tête et j'aperçois à deux mètres de moi un malheureux couché sur le côté droit, la figure couverte de sang, qui gémit doucement. J'essaye de me soulever ; je sens l'incendie qui gagne, déjà les flammes viennent me lécher : ou essayer de sortir et c'est la mort par coups de feu, ou rester pour être brûlé vif ? Malgré tout, je tente de me dégager des cadavres qui sont extrêmement lourds ; je souffre horriblement de mon bras blessé, et ce n'est qu'après des efforts épuisants que je réussis à me glisser au-dessus des cadavres, croyant à tout instant recevoir une balle. Mais rien, ces messieurs sont sans doute occupés ailleurs. Je traverse rapidement les flammes et me glisse près de la porte : personne ! Je retrouve quatre camarades miraculeusement vivants, eux aussi ; la rue est vide ; en rasant les murs, nous nous précipitons dans un grenier voisin. J'avise un tas de cosse de haricots séchées ; je me glisse dessous aussitôt, tandis que mes camarades se cachent sous des fagots ; le cinquième arrive perdant son sang en abondance, quatre balles l'ayant atteint aux jambes. Il me demande une place près de moi et nous attendons sans bouger.

Dans le bourg, toujours des mitrailleuses qui crépitent, des explosions qui retentissent : tout tremble autour de nous. Des pas se rapprochent, un Boche vient vers nous; il s'arrête net devant le tas de paille; il se met à gratter, il cherche à faire un trou, je retiens mon souffle; s'il m'entend, c'est fini. Une allumette craque, de petites flammes s'élèvent au ras de mes pieds; je reste immobile quelques secondes, mais le feu commence à grignoter mes espadrilles. Je rampe sur mon camarade; écartant les brins de paille, je glisse un œil au dehors : personne ; le bandit a disparu. Un camarade se précipite hors de sa cachette, traverse le grenier : nous sortons avec précaution, laissant à regret nos amis. À quelques pas de là, nous nous camouflons dans un clapier, où, sans perdre un instant, je fais un trou à l'aide de ma main valide et de mes pieds, et. me recouvrant de fumier de lapin je m'allonge. L'odeur me suffoque, mais malgré tout je reste immobile ; pendant trois heures j'entends autour de moi le grondement des flammes, le fracas des toits qui s'effondrent et de temps à autres un coup de feu.

Ma position devient intenable, les flammes m'ont rattrapé, la fumée m'environne, la gorge me pique, des flammèches tombent sur moi. Pour la troisième fois, il faut partir : nous nous glissons dans une petite cour environnée par les flammes. J'ai un instant l'impression d'être cerné ; je frissonne à la pensée de brûler vif. Tant pis ! jouant le tout pour le tout, je saute par-dessus une murette et je bondis dans un étroit passage. 'Toujours accompagné de mon camarade, nous attendons. Mais l'endroit est intenable; partout les murs s'écroulent, les toitures s'effondrent, une chaleur torride se dégage de unis ces brasiers. Avançant de quelques pas, nous arrivons à proximité du champ de foire. Où aller maintenant ? Impossible de reculer : tout brûle. Traverser le champ de foire pour se cacher en face, dans les buissons ? Folie, car des sentinelles doivent surveiller la place, à plat ventre derrière leurs mitrailleuses. Mon camarade se glisse, scrute la place. Personne? Il revient : On y va ? Allons-y ! À la grâce de Dieu ! Nous bondissons, et à toute allure traversons le champ de foire. Pas une âme... pas un coup de feu. En arrivant du côté opposé, nous nous trouvons devant une haie épaisse, impénétrable ; rien n'est impossible. Nous plongeons dedans ; laissant aux épines les restes de nos habits déjà brûlés, et quelques minutes après nous sommes dans les bois qui entourent le village. Nous nous embrassons, car l'émotion est grande; nous nous sentons revivre.

Il est 20 h. 15. Le supplice a duré 8 longues heures. Après avoir passé la nuit dans un champ de seigle, je rejoins la maison paternelle, le lendemain à 11 heures. 

Ce témoin venant du hameau de Basse-Forêt situé à quelques kilomètres d'Oradour se trouvait par hasard sur la route ce jour-là et avait été arrêté et brutalement conduit sous escorte à Oradour, bien que sa carte d'identité portât qu'il n'était pas d'Oradour.

Tous les témoignages des rescapés, à quelques détails près, se ressemblent. M. BROUSSARDIER lui, fut cueilli chez le coiffeur où tout fut mis à sac, et patron et clients brutalement conduits au lieu de rassemblement. En tout cas un point sur lequel ils sont tous d'accord, c'est la rapidité et la brutalité avec lesquelles l'affaire fut menée.

III. - L'incendie de l'église et le massacré des femmes et des enfants

Ces renseignements ont été donnés par Mme ROUFFANCHE, seule survivante du massacre. Cette personne a perdu dans la tuerie son mari, son fils, ses deux petites-filles et son petit-fils âge de 7 mois.

Cette vieille église romane qui, pendant huit siècles, a abrité des générations, qui a tenu au cours de toutes les guerres, de toutes les révolutions, devra sa ruine et sa destruction aux glorieux défenseurs de la civilisation chrétienne à ces Allemands venus chez nous pour nous protéger contre nous-mêmes.

S'il arrive, d'aventure, qu'une église soit touchée chez eux au cours d'un bombardement, leur radio amplifie, commente la nouvelle. Mais que dira la propagande allemande par son porte-parole sur le massacre d' Oradour : tout simplement, que ce massacre de femmes et d'enfants est inexplicable, mais qu'après tout, il y a en Allemagne beaucoup plus de femmes et d'enfants victimes des bombes alliées. Malheureusement pour la propagande allemande, ce n'est pas par hasard, mais froidement, volontairement, que les assassinats d'Oradour furent perpétrés.

Au moment du rassemblement sur le champ de foire, tandis que l'interprète allemand réclame des otages, les femmes et les enfants. sont dirigés vers l'église. À des mères qui ont laissé leur nourrisson à la maison et qui demandent à aller les chercher, les Allemands répondent : Mais oui, allez les prendre.

C'est ainsi qu'une foule inquiète emplit bientôt toute l'église : près de 500 femmes et enfants.

Certaines crient, d'autres s'asseyent, des enfants pleurent; une atmosphère lourde plane sur le sanctuaire. Tout à coup, au dehors, des coups de feu éclatent ; c'est bientôt une fusillade. Un frisson secoue ces pauvres femmes. Peut-être les Allemands fusillent-ils des otages. Quelle est la . malheureuse qui ne craint pour la vie d'un parent ? Et puis, c'est le silence, de nouveaux coups de feu, des cris, des appels rauques, l'angoisse est à son comble.

Après de longs moments, la porte de l'église s'ouvre ; enfin, on va savoir, être libre... Mais non... Deux Allemands s'avancent, leurs bottes résonnent sur les dalles ; ils portent une grande caisse qu'ils déposent devant l'autel, puis ils la déplacent vers le centre de la nef. Deux cordons qui pendent sur le côté de la caisse sont allumés ; ils se retirent. Les mèches brûlent, puis une épaisse fumée commence à se dégager, faisant fuir, en une bousculade éperdue vers les chapelles et la sacristie la foule apeurée : tous craignent une explosion qui d'ailleurs ne se produit pas.

Seulement une fumée s'élève qui, emplissant l'église, pique les yeux et suffoque ; des enfants tombent asphyxiés, des femmes agenouillées demandent grâce, d'autres pleurent. Il y a longtemps que l'engin infernal a été déposé quand brusquement la porte s'ouvre. Sans doute attirés par les prières, les gémissements et les appels de ces malheureuses, quelques S.S. entrent dans l'église, lâchent quelques rafales de mitraillettes et se retirent. Terrorisée, la foule se presse vers la sacristie dont la porte cède. Quelques femmes portant leurs enfants essayent d'y pénétrer, mais les tueurs veillent ; ils les tuent les unes après les autres ; seule, Mme ROUFFANCHE, par un ultime sursaut d'énergie parvient à se hisser, brise un vitrail et saute dans le vide d'une hauteur de trois mètres, après avoir perdu de vue dans la panique sa fille et son petit-fils âgés de 2 ans. Une femme tente la même escalade, lance son bébé à Mme ROUFFANCHE : il tombe à terre où il s'écrase ; la mère saute à son tour et au bout de quelques mètres succombe sous les balles, son bébé mort dans les bras. Pendant ce temps, Mme ROUFFANCHE poursuivie par les Allemands parvient à se cacher dans un jardin ; malgré ses très graves blessures, elle a échappé à ses poursuivants qui la croient morte. Elle restera 24 heures couchée sous des petits pois, grièvement blessée, souffrant atrocement, sans boire ni manger. Elle sera sauvée par des paysans du voisinage le lendemain soir seulement.

Au moment où elle quittait l'église, les Boches, craignant sans doute des tentatives de fuite, entrent dans le sanctuaire, écrasant sous leurs talons les crânes des victimes, certaines seulement évanouies et d'autres qui bougent encore. Puis c'est la mitraillade, l'arrosage de toute l'église : on trouvera le lendemain les corps de deux garçonnets se tenant par la main dans le confessionnal, leurs jambes criblées de balles.

Leur œuvre de mort accomplie, ils entassent dans des endroits choisis des fagots, de la paille, des planches ; un peu d'essence, une allumette et l'église flambe, consumant pêle-mêle survivants cloués au sol par leurs blessures, voués à une mort horrible, enfants évanouis, cadavres sanglants. L'incendie de l'église n'est qu'une réplique à l'incendie du village : toutes les maisons, une à une méthodiquement pillées, sont incendiées.

IV. - Le bilan du drame

À la tombée de la nuit, le village entier brûle. Les lueurs, visibles à plus de vingt kilomètres, éveillent l'angoisse à la ronde.

Une habitante d'Oradour raconte, qu'en arrivant de Limoges par le tramway du soir, elle fut arrêtée à l'entrée du village avec une vingtaine de voyageurs originaires d'Oradour, les étrangers à ce moment-là étant renvoyés. Ils restèrent deux heures dans une ferme voisine, alignés contre un mur, une mitrailleuse braquée sur eux. À leurs questions, leurs gardiens ne savaient que répondre : Oradour, tous kapout, tous kapout, beaucoup maquis.

Enfin, tous ces otages furent relâchés dans la nuit. Tandis qu'il attendait une décision sur son sort, le témoin avait vu, seul parmi tous ces guerriers satisfaits, sinon fiers de leur œuvre, un Allemand tout jeune qui pleurait.. Ainsi, sur ces cent cinquante soldats allemands, un seul montrait qu'il avait un cœur humain, magnifique proportion chez ce peuple élu qui prétend civiliser le monde.

Dans le ronflement des flammes, les S.S. ayant épargné une maison vont boire et chanter jusqu'au matin : des dizaines de bouteilles vides l'attesteront, puis, incendiant à son tour leur gîte de la nuit, ils partiront, laissant derrière eux ce sinistre bilan, glorieux symbole de la culture allemande.

Plus de cent victimes tuées au hasard dans les rues ou les champs, dont six jeunes filles.

200 hommes fusillés ou brûlés vifs dans le village. 200 femmes mitraillées ou brûlées vives dans l'église. 250 enfants massacrés ou brûlés vifs dans l'église.

Toutes les maisons, SANS EXCEPTION, y compris l'église totalement incendiées.

Ce n'est qu'au prix de périls graves et de difficultés très grandes que de courageuses équipes de sauveteurs purent procéder à la recherche, à l'exhumation, à la reconnaissance des corps calcinés des victimes, dont certains étaient dans un état de décomposition avancé.

Seuls quelques corps purent être identifiés, car ce qu'on retrouva ce furent surtout des corps mutilés, coupés, carbonisés, absolument méconnaissables. Les quelques visages qui gardaient encore une apparence humaine portaient tous une expression de terreur et de douleur. Spécialement à l'église où certains corps n'étaient pas trop déformés on retrouva des cadavres portant les marques de coups et de nombreuses balle.

Ces 800 personnes, ou plutôt leurs pauvres restes, reposent maintenant dans une sépulture commune de 10 mètres de long sur 2 de large, dans un coin du cimetière d'Oradour.

Un récent décret du Gouvernement Français a classé Oradour monument historique ; nul n'y touchera. Oradour restera le symbole vivant des souffrances d'un peuple libre soumis à une horrible oppression et une preuve de plus de la barbarie allemande, digne de faire réfléchir même les plus sceptiques.

V. - Les raisons du massacre et les responsables

On en est encore en 1945 à se demander ce qui a poussé les Allemands à brûler Oradour-sur-Glane. Plusieurs hypothèses sont envisagées.

La division Das Reich qui venait du Midi de la France a été envoyée en Normandie après le débarquement. Certains de ses éléments ont été arrêtés en cours de route et harcelés par les F.F.I. notamment en Dordogne et en Corrèze. Une colonne arrivant du Sud fut identifiée à Limoges les 10 et 1 l juin.. On a dit que le détachement S.S. d'Oradour s'était trompé de village, qu'il aurait dû aller à Oradour-sur-Vayres, centre du maquis à 40 kilomètres au Sud-Ouest de Limoges, pour faire un exemple. Certaines paroles prononcées par les soldats allemands à Oradour criant : beaucoup maquis, pourraient le laisser supposer.

On a dit également qu'il y avait eu attentat près d'Oradour. Or il n'y avait pas de maquis à Oradour, pas de dépôt d'armes, et aucun attentat n'avait eu lieu. Méprise ou non, le crime est là. Quel que soit le but recherchée par les Allemands, les ordres qu'ils avaient reçus, il y a le fait, un forfait inexcusable, et, suivant la parole cynique peut-être, mais réaliste, de Talleyrand, pis qu'un crime, une faute. Et la propagande allemande ne s'y est pas trompée, qui, dès la connaissance des faits, a taché d'arranger les nouvelles en contestant les résultats. Dans l'esprit des Boches, un tel crime devait, en terrorisant les populations, les pousser, sinon à la kollaboration, du moins à la neutralité. Au contraire, il exaspéra leur patriotisme.

Quant aux responsables, le Général commandant la 2e Panzer Division Das Reich qui aurait donné l'ordre du massacre, fait prisonnier dans l'Est de la France en septembre, aurait été tué en tentant de s'évader. Son subordonné, qui dirigea en personne les opérations d'Oradour, fut tué sur le front de Normandie, et sa compagnie, formée des bandits que nous avons vus à l'œuvre, décimée.

Le lieu du crime, une église ; les circonstances mêmes nous rappellent invinciblement le massacre des Vaudois, ces paisibles hérétiques du XVIe siècle, victimes de l'intolérance religieuse.

Sur un ordre extorqué par la ruse au roi François Ier mourant, des milliers d'innocents périrent dans des tortures atroces au cours du mois d'avril 1545, en Provence, sous les coups d'une armée de repris de justice, de galériens, commandés par un certain baron de La Garde, général des galères; auquel le légat du pape en Avignon avait malheureusement offert son aide.

Ainsi que le rapporte une ancienne chronique, 800 pauvres âmes de femmes et d'enfants réfugiés dans le Temple de Cabrières furent exterminés, dont il fut fait une merveilleuse cruauté et occision horrible sans avoir égard à l'âge ni au sexe.

Ces mœurs sanguinaires qu'on croyait à jamais disparues, de paisibles populations de France, en 1944, les ont subies, payant de tortures atroces leur refus d'adorer le Führer, nouveau dieu allemand.

Les Églises chrétiennes protestent contre le massacre

Mgr RASTOUIL, évêque de Limoges, flétrissait en chaire en un sermon éloquent les crimes d'Oradour.

M. le Pasteur CHAUDIER prononçait l'émouvante prédication suivante au Temple protestant de Limoges, le 18 Juin 1944.

Le Pasteur Chaudier est, depuis Août 1944, président du Comité de Libération de la Haute-Vienne.

L'épouvante est partout, dit l'Éternel. (Jérémie, 46, v. 5)

Oui, partout au milieu de nous, habitants de cette région et de ce département. Comment donc en serait-il autrement ? Il y a huit jours, un petit bourg paisible, l'un des plus irréprochables par sa tenue depuis deux dans l'épreuve générale qui meurtrit la France, a été supprimé en quelques heures, entièrement incendié, ses habitants et tous ceux qui s'y trouvaient en plus ou moins long séjour ont péri clans des conditions dont l'horreur dépasse les ressources normales du langage, sans excepter les vieillards, les femmes, les jeunes gens, les jeunes filles et les enfants, même les nouveaux-nés. En moins d'une demi-journée, ce calme village est devenu un immense tombeau, ce qui est encore une manière bien approximative de s'exprimer... Les détails vous sont plus ou moins exactement connus. Ils sont trop affligeants pour qu'on y insiste.

Mous soulignerons seulement, ce qui ne saurait être indifférent, même à des incrédules, qu'un sanctuaire chrétien, lui aussi détruit, a servi de lieu principal d'exécution réservé à la population féeninine et enfantine, qu'une église est devenue à la lettre la dernière demeure qui a abrité l'atroce agonie de quelques centaines de créatures innocentes.

Vous n'attendrez certainement pas de votre Pasteur qu'en présence de certains faits, il garde un silence qui serait devant Dieu l'une des plus graves condamnations de son ministère. Il nous paraîtrait impossible de continuer à vous apporter ici, dimanche après dimanche, avec nos insuffisances, certes, et nos misères, les encouragements nécessaires, si nous refusions de donner une voix, du haut de cette chaire, dans la sincère et profonde communion de douleur, par laquelle nous nous sentons si fortement unis en cet instant, à tout ce qui remplit vos esprits, vos consciences et vos cœurs.

Avant toutes choses, nous saluons tous ces morts. Parmi eux peut-être s'en trouvait-il quelques-uns, jeunes ou adultes, qui relevaient de nos églises, mais ceci n'importe en rien. Nous les saluons tous avec respect, avec douleur, avec tendresse.

L'épouvante qui s'est ainsi répandue sur un petit bourg de notre Limousin nous dicte un autre devoir que celui de rendre hommage aux victimes et de pleurer sur elles. La conscience humaine et la conscience chrétienne se rejoignent pour se dresser contre de pareilles tueries.

Certes, nous savions qu'il n'est pas possible d'humaniser la guerre; il nous restait à apprendre qu'il y a des degrés clans l'horrible, toute une graduation dans l'épouvantable...

En attendant, nous ne pouvons plus ignorer qu'il y a des méfaits Inexpiables, des crimes inexcusables, même sous l'invocation des violences et des déchaînements inséparables de la guerre moderne. Car nous ne pouvons oublier, malgré les infinies lenteurs avec lesquelles avance une humanité si facilement aveuglée, bien que l'homme soit sans doute semblable à sa nature profonde, à ce que savaient et pensaient de lui les poètes, les écrivains et les philosophes de la haute antiquité, nous ne pouvons pas oublier que depuis 20 siècles, avec obstination, avec patience, ont retenti sur lui des paroles de bonté, de justice et d'amour ; nous n'oublions pas que des raisons plies hautes se sont ajoutées, depuis que le Christ est venu, aux mouvements. instinctifs de la piété naturelle pour conduire les guerriers eux-mêmes à l'élémentaire discipline des instincts les plus redoutables.

C'est pourquoi nous faisons entendre ici la solennelle, la déchirante, la nécessaire protestation de l'Eglise de Jésus-Christ devant le massacre hallucinant qui nous a tous plongés dans la consternation et dans le deuil... Car si nous pouvons admettre, le cœur déjà bien amer et bien déchiré, comme le lot fatal des grands conflits armés actuels, l'anéantissement prétendu nécessaire des populations civiles paisibles, sous prétexte de destructions des objectifs militaires, nous refusons d'admettre une seule seconde l'abattage systématique de créatures maintenues hors du combat, nous condamnons comme attentatoires à l'honneur humain et aux données fondamentales élémentaires de la révélation chrétienne, des actes que l'imagination dépassée, déroutée, se refuse même à concevoir et nous déclarons au nom de la morale courante et par conséquent, et à plus forte raison au nom de Jésus-Christ, que, dans cette guerre sauvage, il suffit que soit évitable un massacre d'innocents pour qu'il soit partout, toujours réellement évité.

L'épouvante, mes frères, dépasse les limites étroites de ce village anéanti ; elle étend son règne ténébreux sur le monde. Comme il est dit dans notre texte : elle est partout...

Et puis, le moment vint de la revanche de Dieu. Au bout de l'épouvante, le soleil de la vie !

C'est à cette clarté-là que nous vous saluons, morts du cher village de chez nous, petits et grands, jeunes et vieux, confondus pêle-mêle dans l'épouvante qui s'est abattue sur vous : c'est au nom du Christ que devant vos cendres, que devant les restes de vos maisons, nous prenons la résolution de travailler de toutes nos forces, si cela nous est donné, à ressusciter une vie bonne et digne, dans une patrie réconciliée.

Et puis, ce n'est plus sous votre pauvre revêtement de chair, ni dans les crispations dernières de votre atroce agonie que nous vous évoquons une dernière fois, ici ; c'est dans la gloire des Aines délivrées, c'est dans la victoire totale de ceux qui sont accueillis au sein du grand amour réparateur, loin de l'épouvante et de la mort.

Souvenez-vous

Pendant ce triste pèlerinage à travers la France meurtrie, nous n'avons visité qu'un petit, nombre de villes et de villages. Le récit des souffrances des villes ravagées par la guerre comme Dunkerque, Brest, Toulon, n'entre pas dans le cadre de cet ouvrage. Et pourtant, à Oradour, à Maillé, à Tulle, à Ascq, etc., que de deuils, de larmes et de ruines : plus de 1.500 civils massacrés dont la moitié d'enfants, plus de 1.500 déportés, des centaines de blessés, des milliers d'habitations pillées, incendiées de sang-froid. Cela, ce n'est pas la guerre. Toutes ces localités n'ont pas vu de combat; elles ont été seulement les victimes, choisies, désignées, par l'envahisseur allemand. Elles n'étaient pas des centres de résistance militaire; pas une bataille de chars ne s'était livrée sur leur sol; il n'y avait pas eu non plus de bombardements aériens.

La première réaction devant ces crimes, c'est l'horreur, puis la pitié, et, quand le cœur meurtri se reprend, une question vient aux lèvres : pourquoi de tels crimes ?

La vengeance ? Le calcul ? C'est probable. Mais alors, comment des hommes peuvent-ils de sang-froid, en riant même, accomplir de tels forfaits ?

Il semble que l'on ne puisse trouver une explication que dans l'esprit même du soldat allemand, qui, véritablement intoxiqué, fanatisé, n'est plus un homme au sens où l'entendent les peuples chrétiens. Il n'est plus qu'une machine à tuer, insensible, docile, pénétrée de quelques idées simples, Deutschland über Alles. L'Allemagne au-dessus de tout, et l'obéissance aveugle à son chef, surtout quand les ordres à exécuter sont dirigés contre les sales Welsches (Français) qu'il faut exterminer.

L'esprit guerrier de l'allemand.

Méditons ces paroles, écrites il y a 100 ans par Henri Heine, le grand poète allemand : Le Christianisme a adouci dans une certaine mesure la brutale ardeur guerrière des Germains. Mais il n'a pu la détruire, et, quand la Croix, ce talisman qui l'enchaîne, viendra à se briser, alors se réveillera dans un fracas d'armures, la férocité des guerriers anciens, la rage insensée des Berserker dont parlent et chantent les poètes nordiques... Alors les anciens dieux se lèveront de leur tombeau fabuleux, ils essuieront de leurs

yeux la poussière des millénaires. Voici Thor qui se dresse avec son marteau géant et il démolit les cathédrales gothiques. Enfin Heine termine, s'adressant aux Français : De toute manière, je vous conseille d'être sur vos gardes. Qu'il arrive ce qu'il voudra en Allemagne, que le Kronprinz de Prusse ou le Dr Wirth parviennent à la dictature, tenez-vous toujours armés, restez à votre poste, l'arme au bras. je ne vous veux que du bien et j'ai failli avoir peur, quand j'ai entendu dire, l'autre jour, que vos ministres avaient le projet de désarmer la France.

Ces paroles sont toujours aussi actuelles : les cathédrales gothiques, tant en France qu'en Angleterre ont senti le poids du marteau germanique ; d'autre part, que le dictateur soit un empereur ou un Führer, que le ministre démocratique se nomme Ersberger, Stresemann ou Brüning, l'esprit allemand reste l'esprit allemand.

Le grand Reich.

Relisons l'article du Berliner Tageblatt du 4 mai 1944 ainsi conçu : Le Reich est le rêve millénaire des Allemands...

Il est difficile d'expliquer logiquement ce que contient cette notion du Reich ; seul un Allemand peut la saisir en entier...

La lutte pour le Reich, c'est l'idée fondamentale de toute l'histoire de l'Allemagne... Le Reich, c'est un but éternel qui ne saurait jamais être atteint d'une façon définitive ; c'est un processus de croissance long, douloureux, et jamais terminé... Le Reich a eu d'innombrables prophètes ; c'est grâce à eux qu'à travers les moments les plus tragiques de l'histoire nationale, la sainte flamme animée par l'idée du Reich ne s'est jamais éteinte.

L'éditorialiste du journal berlinois peut être remercié de prévenir aussi charitablement les voisins de l'Allemagne que le Reich est un processus de croissance jamais terminé. Voilà le mot prononcé : le Reich a les dents longues, les traités qu'il peut signer à l'occasion ne sont que provisoires, l'espace vital germanique a ses raisons.

Parmi les légions de prophètes allemands, citons seulement Stein, Chancelier de Prusse, qui écrivait en 1812 : Que le Reich allemand devait engober la Meuse, le Luxembourg, la Moselle, les Vosges et même la Suisse... Ce qui eut été un commencement.

Reimer, dans son ouvrage " Une Allemagne pangermanique " (1905), va plus loin, puisqu'il prévoit l'annexion pure et simple du Nord et du Nord-Ouest de la France et l'établissement d'un Protectorat sur le reste, où les colons germaniques remplaceraient les Français réduits peu à peu à l'état d'esclaves...

Qu'avons-nous vu de bien différent en France de 1940 à 1944 ?

Quant à l'Allemagne au-dessus de tout...

Hymne national et rêve des Germains, ce principe a reçu une consécration officielle dans Mein Kampf d'Adolf Hitler. N'y est-il pas dit, en effet, que la politique extérieure de l'Allemagne doit avoir deux fondements essentiels : l'espace vital, permettant toutes les annexions, et son corollaire, la destruction de l'ennemi mortel de l'Allemagne, celui qui l'étrangle et l'épuise impitoyablement, la France ? Que ces manifestations terribles de l'esprit allemand, ces crimes de guerre, nous gardent vigilants ! Que le souvenir des victimes nous guide. En ce printemps 1945 qui a vu l'étau des armées alliées se resserrer sur l'Allemagne, nous songeons à la parole prophétique de Winston Churchill en 1940 : Qui sème le vent récolte la tempête. La tempête s'est déchaînée à son tour sur le sol inviolé de la Germanie ; la Justice immanente veillait.

Une fois de plus se reconnaît la justesse éternelle de cette parole de l'Évangile : Celui qui prend l'épée périra par l'épée. Ce peuple allemand dont l'unique souci a été la guerre est au printemps 1945 à la veille de la mort et de la ruine complète. Voilà où l'ont conduit les mauvais bergers qu'il s'est donné avec joie, où l'ont poussé ces poètes fanatiques, comme ce Körner, tué en 1813 à 22 ans sur le champ de bataille de Vabelin, auteur du célèbre Chant de l'Epée que chaque enfant allemand connaît par cœur dès qu'il peut parler : Mon épée brillait discrètement à ma gauche et c'est à ma main droite que Dieu l'a mariée comme une fiancée.

Souvenons-nous toujours de ces femmes, de ces hommes, de ces. enfants martyrisés.

Si par malheur, un jour, notre résolution inébranlable de museler l'Allemagne devait être contrecarrée, restons fermes, souvenons-nous d'Oradour...

Puisse la mémoire de ces martyrs, pieusement conservée, apporter enfin, sinon une vengeance calculée, - les victimes, des chrétiens, l'auraient jugée indigne, - mais la Justice qui, châtiant les responsables de peines exemplaires et ramenant l'Allemagne à des sentiments humains, permettra à la France, à l'Europe et au Monde de vivre enfin en paix.