Jean Maridor est né le 24 novembre 1920, au Havre, où ses parents tenaient un commerce d'épicerie à Graville, quartier populaire du grand port normand. C'est en 1924 que le petit Jean prit contact avec l'aviation en assistant à un meeting à Bléville, dans la banlieue. Il fut conquis de cette révélation mais ses études s'en ressentirent. Placé comme apprenti coiffeur, il était plus souvent à l'aérodrome qu'au salon. À seize ans, reçu au brevet de tourisme 1er degré, il devient le plus jeune pilote de France.
Son rêve était de devenir pilote d'essai. Apprenant qu'il fallait le brevet supérieur pour entrer à l'école d'Istres, il se remit seul, par correspondance, aux études et décrocha son diplôme. En même temps il s'inscrivit à la section d'aviation populaire du Havre et vola de plus en plus. Sur Potez 36 ou sur Caudron. Il donnait les baptêmes de l'air et fut présenté à Charles Lindbergh, consécration de sa jeune gloire, qui lui avait déjà valu des articles dans la presse locale.
En 1939, il fur reçu brillamment au concours d'entrée à Istres. Tandis que le monde s'apprêtait à la guerre, avant son incorporation, il fêtait sa centième heure de vol. La guerre fut déclarée le 2 septembre. Maridor se retrouva à Angers où il fit ses classes sur Morane et sortit major du peloton. Mais déjà, la " drôle de guerre " se terminait. Le 18 juin 1940, il dut incendier son avion et se replia sur Saint Jean de Luz d'où un cargo l'emmena en Angleterre, avec cinq de ses camarades.
De Londres, où les volontaires étaient enregistrés, triés et enrégimentés, Maridor et ses camarades furent envoyés dans divers camps d'entraînement pour familiariser avec la langue anglaise et les appareils de la RAF, notamment avec les Hurricanes et les Masters. Après Saint Atham, ils furent ainsi versés à Odiham (où Maridor reçut sa nomination de Sergent) puis à Ternhill, avant d'être nommés, enfin, au squadron 615. Il était temps, l'impatience des jeunes pilotes désireux de se battre, n'aurait pas supporté un stage supplémentaire.
Au squadron 615, nommé aussi Winston Churchill, car il en était le parrain, Maridor retrouva d'autres français dont Mouchotte. C'est là que Maridor commença son boulot très spécial, c'est à dire l'attaque des bateaux de DCA puissamment armés. Le 1er octobre 1941, il partit ainsi attaquer 8 E-boots au large de Dieppe. Peu après, il mitraillait le port de Boulogne. En voyant les côtes françaises, il pensait à tous les siens.
Le 31 octobre 41, Maridor prit part à une attaque terrestre à basse altitude près de Saint Omer. Il fut atteint par la DCA allemande. Un éclat creva le pare brise et le pilote eut l'impression de le recevoir dans la tête. Deux bales sectionnèrent les tuyaux d'arrivé d'air et d'essence. Mais il réussit, en rase mottes, à ramener son appareil à la base. La même aventure recommença la semaine suivante près de Dunkerque. Ces missions lui valurent la croix de guerre.
Affecté en février 42 au squadron 91, Maridor vola désormais sur Spitfire. Il fit de nombreuses patrouilles le long de la Manche, soit pour rechercher des pilotes abattus en mer, soit pour attaquer des dragueurs de mines, des bateaux de ligne ou des objectifs terrestres. Il accomplissait son " boulot " avec une rare audace et devenait très connu parmi ses camarades pour son courage et son impétuosité. Pour les français libres, il était "Jeanmari ". Au retour d'une de ces missions, le 22 mai 1942, Maridor vit surgir devant lui deux avions de chasse canadiens. Les pilotes ne se reconnurent pas et ouvrirent mutuellement le feu. Maridor descendit un canadien mais fut blessé par le second qu'il atteignit également.
Les deux adversaires se retrouvèrent allongés sur deux lits voisins à l'hôpital et devinrent d'excellents amis.
Rétabli, Maridor retrouva ses chers Spitfires et recommença la série de ses victoires. Nommé lieutenant en septembre 1942, il fut envoyé en mission au dessus du Havre. Passant en rase mottes sur son quartier, c'est avec émotion qu'il aperçut son père et se fit reconnaître de lui, prouvant ainsi à sa famille qu'il était toujours en vie. C'est à peu près à la même époque que les pilotes français reçurent les félicitations du général de Gaulle.
Maridor continuait à se couvrir de gloire. Le 31 octobre, il abattit, au cours d'un duel aérien, deux Focke Wulfe et fur à nouveau cité à l'ordre de l'armée de l'air aérienne : " pilote dont l'audace n'a d'égale que sa dextérité ... "Le 16 décembre, il reçut la distinguished Flying Cross et, le 8 mai 1943, le général Legentilhome, autre havrais, épinglait sur sa poitrine la croix de la libération. Dans la citation, on relève cette phrase : " Depuis seize mois en opérations, a effectué 233 h 20 de vols de guerre au cours de 273 missions, dont 116 offensives ... "Le 25 mai 43, Maridor abattait deux FW 190 et devenait le héros n° 1 d'Angleterre.
Le 15 juin, il était nommé capitaine. Le 24 septembre, nouvelle citation pour une double victoire. Au début de 1944, il se fiançait avec un jeune anglaise, officier du corps féminin auxiliaire de la Royale Air Force, miss Jean Lambourn. Mais bientôt allait s'amorcer la dernière activité de Maridor : la lutte contre les V1 alors que la flotte de débarquement prenait pied en Normandie le 6 juin. L'Allemagne, aux abois, cherchait une parade.
Le premier V1, dont le nom officiel était Vergeltungswaffe (armes de représailles), fut lancé vers l'Angleterre le 13 juin 44. Sur 64 rampes de lancement, 7 seulement étaient prêtes. Quatre bombes franchirent la Manche et explosèrent dans le Kent. Une seule fit des dégâts et des victimes. Mais, en quarante huit heures, deux cent autres fusées furent propulsées. Le 18 juin, le Squadron 91 reçut l'ordre de prendre l'air pour chasser les V1. Maridor grimpa dans son Spit.
Maridor, le premier, eut l'honneur d'abattre un V1. Voici la technique qu'employait la RAF. Dès qu'un " diver " (V1 en anglais) étai signalé, le chasseur se laissait rejoindre et dépasser par la bombe volante, puis descendait dessus en piqué. Bien dans l'axe, derrière lui, il crachait alors de toutes ses armes. Il fallait rester à 200 m de l'objectif qui, bourré de munitions, pouvait sauter avec le poursuivant. Maridor n'ignorait pas les risques de cette chasse. Peut-être repensait-il alors à cette lettre écrite dès 1941 à sa famille, " à remettre, après la guerre, en cas d'accident ".
Le 22 juin, Maridor reçut une lettre du général Valin le félicitant de son exploit du 18. Ceux-ci d'ailleurs se succédaient. Il en était à son 10e V1, et voulait expérimenter un nouveau procédé mis au point par un camarade pour abattre les bombes volantes : il s'agissait de faire passer l'aile du Spit sous l'aile du V1 puis de le basculer pour dérégler le gyroscope commandant les évolutions de la bombe. Et le 3 août au matin (il devait se marier le 11). Prémonition, il posa avec un camarade, revêtu de sa Mae West, devant son Spit. C'était sa dernière photo. Puis il s'envola. La radio lui signala un V1 qu'il attaqua. Il voulait obtenir sa 11e victoire.
Une rafale toucha la bombe qui piqua vers un hôpital. Maridor, acharné à la poursuite du V1, qui allait faire de centaines de victimes, se rapprocha de sa cible tout en la mitraillant. Soudain, le V1 éclata et ses débris criblèrent le Spit. Le cadavre de Maridor tomba dans les jardins de l'hôpital. Le héros fut d'abord inhumé au carré militaire de Brockwood, à 80 Km de Londres. En 1945, son corps a été ramené au Havre.