APPEL DU 16 JUIN

FRANÇAIS !

À l'appel de Monsieur le Président de la République, j'assume à partir d'aujourd'hui la direction du Gouvernement de la France. Sûr de l'affection de notre admirable armée qui lutte, avec un héroïsme digne de ses longues traditions militaires, contre un ennemi supérieur en n'ombre et en armes. Sûr que par sa magnifique résistance, elle a rempli nos devoirs vis-à-vis de nos alliés. Sûr de l'appui des Anciens Combattants que j'ai eu la fierté de commander, sûr de la confiance du peuple tout entier, je fais à la France le don de ma personne pour atténuer son malheur.

En ces heures douloureuses, je pense aux malheureux réfugiés qui, dans un dénûment extrême, sillonnent nos routes. Je leur exprime ma compassion et ma sollicitude. C'est le cœur serré que je vous dis aujourd'hui qu'il faut tenter de cesser le combat. Je me suis adressé cette nuit à l'adversaire pour lui demander s'il est prêt à rechercher avec nous, entre soldats, après la lutte et dans l'Honneur, les moyens de mettre un terme aux hostilités. Que tous les Français se groupent autour du Gouvernement que je préside pendant ces dures épreuves et fassent taire leur angoisse pour n'écouter que leur foi dans le destin de la Patrie.

APPEL DU 20 JUIN

FRANÇAIS !

J'ai demandé à nos adversaires de mettre fin aux hostilités. Le gouvernement a désigné mercredi les plénipotentiaires chargés de recueillir leurs conditions.

J'ai pris cette décision, dure au cœur d'un soldat, parce que la situation militaire l'imposait. Nous espérions résister sur la ligne de la Somme et de l'Aisne. Le Général Weygand avait regroupé nos forces. Son nom seul présageait la victoire. Pourtant la ligne a cédé et la pression ennemie a contraint nos troupes à la retraite. Dès le 13 juin, la demande d'armistice était inévitable. Cet échec vous a surpris. Vous souvenant de 1914 et de 1918, vous en cherchez les raisons. J e vais vous les dire.

Le 1er mai 1917 nous avions encore 3.280.000 hommes aux armées, malgré trois ans de combats meurtriers. À la veille de la bataille actuelle, nous en avions 500.000 de moins. En mai 1918, nous avions 85 divisions britanniques ; en mai 1940, il n'y en avait que 10. En 1918 nous avions avec nous les 58 divisions italiennes et les 42 divisions américaines.

L'infériorité de notre matériel a été plus grande encore que celle de nos effectifs. L'aviation française a livré à un contre six ses combats.

Moins forts qu'il y a vingt-deux ans, nous avions aussi moins d'amis. Trop peu d'enfants, trop peu d'armes, trop peu d'alliés, voilà les causes de notre défaite.

Le peuple français ne conteste pas ses échecs. Tous les peuples ont connu tour à tour des succès et des revers. C'est par la manière dont ils réagissent qu'ils se montrent faibles ou grands.

Nous tirerons la leçon des batailles perdues. Depuis la victoire, l'esprit de jouissance l'a emporté sur l'esprit de sacrifice. On a revendiqué plus qu'on a servi. On a voulu épargner l'effort ; on rencontre aujourd'hui le malheur.

J'ai été avec vous dans les jours glorieux. Chef du gouvernement, je suis et resterai avec vous dans les jours sombres. Soyez à mes côtés. Le combat reste le même. Il s'agit de la France, de son sol, de ses fils.

APPEL DU 23 JUIN

FRANÇAIS !

Le gouvernement et le peuple français ont entendu hier, avec une stupeur attristée, les paroles de M. Churchill. Nous comprenons l'angoisse qui les dicte. M. Churchill redoute pour son pays les maux qui accablent le nôtre depuis un mois.

Il n'est pourtant pas de circonstances où les Français puissent souffrir, sans protester, les leçons d'un ministre étranger. M. Churchill est juge des intérêts de son pays : il ne l'est pas des intérêts du nôtre. Il l'est encore moins de l'honneur français.

Notre drapeau reste sans tache. Notre armée s'est bravement et loyalement battue. Inférieure en armes et en nombre, elle a dû demander que cesse le combat. Elle l'a fait, je l'affirme, dans l'indépendance et dans la dignité.

Nul ne parviendra à diviser les Français au moment où leur pays souffre.

La France n'a ménagé ni son sang ni ses efforts. Elle a conscience d'avoir mérité le respect du monde. Et c'est d'elle, d'abord, qu'elle attend le salut. Il faut que M. Churchill le sache. Notre foi en nous-mêmes n'a pas fléchi. Nous subissons une épreuve dure. Nous en avons surmonté d'autres. Nous savons que la patrie demeure intacte tant que subsiste l'amour de ses enfants pour elle. Cet amour n'a jamais eu plus de ferveur.

La terre de France n'est pas moins riche de promesse que de gloire.

Il arrive qu'un paysan de chez nous voit son champ dévasté par la grêle. Il ne désespère pas de la moisson prochaine. Il creuse avec la même foi le même sillon pour le grain futur.

M. Churchill croit-il que les Français refusent à la France entière l'amour et la foi qu'ils accordent à la plus petite parcelle de leurs champs ?

Ils regardent bien en face leur présent et leur avenir.

Pour le présent, ils sont certains de montrer plus de grandeur en avouant leur défaite qu'en lui opposant des propos vains et des projets illusoires.

Pour l'avenir, ils savent que leur destin est dans leur courage et leur persévérance.

APPEL DU 25 JUIN

FRANÇAIS !

Je m'adresse aujourd'hui à vous, Français de la métropole et Français d'outre-mer, pour vous expliquer les motifs des deux armistices conclus le premier avec l'Allemagne, il y a trois jours, le second avec l'Italie.

Ce qu'il faut d'abord souligner, c'est l'illusion profonde que la France et ses alliés se sont faite sur la véritable force militaire et sur l'efficacité de l'arme économique : liberté des mers, blocus, ressources dont ils pouvaient disposer. Pas plus aujourd'hui qu'hier on ne gagne une guerre

uniquement avec de l'or et des matières premières. La victoire dépend des effectifs, du matériel et des conditions de leur emploi. Les événements ont prouvé que l'Allemagne possédait, en mai 1940, dans ce domaine, une écrasante supériorité à laquelle nous ne pouvions plus opposer, quand la bataille s'est engagée, que des mots d'encouragement et d'espoir.

La bataille des Flandres s'est terminée par la capitulation de l'armée belge en rase campagne et l'encerclement des divisions anglaises et françaises. Ces dernières se sont battues bravement. Elles formaient l'élite de notre armée ; malgré leur valeur, elles n'ont pu sauver une partie de leurs effectifs qu'en abandonnant leur matériel.

Une deuxième bataille s'est livrée sur l'Aisne et sur la Somme. Pour tenir cette ligne, soixante divisions françaises, sans fortifications, presque sans chars, ont lutté contre 150 divisions d'infanterie et 11 divisions cuirassées allemandes. L'ennemi, en quelques jours, a rompu notre dispositif, divisé nos troupes en quatre tronçons et envahi la majeure partie du sol français.

La guerre était déjà gagnée virtuellement par l'Allemagne lorsque l'Italie est entrée en campagne, créant contre la France un nouveau front en face duquel notre armée des Alpes a résisté.

L'exode des réfugiés a pris, dès lors, des proportions inouïes. Dix millions de Français, rejoignant un million et demi de Belges, se sont précipités vers l'arrière de notre front, dans des conditions de désordre et de misère indescriptibles.

À partir du 15 juin, l'ennemi, franchissant la Loire, se répandait à son tour sur le reste de la France.

Devant une telle épreuve, la résistance armée devait cesser. Le gouvernement était acculé à l'une de ces deux décisions : soit demeurer sur place, soit prendre la mer. Il en a délibéré et s'est résolu à rester en France, pour maintenir l'unité de notre peuple et le représenter en face de l'adversaire. Il a estimé qu'en de telles circonstances, son devoir était d'obtenir un armistice acceptable, en faisant appel chez l'adversaire au sens de l'honneur et de la raison.

L'armistice est conclu, le combat a pris fin. En ce jour de deuil national, ma pensée va à tous les morts, à tous ceux que la guerre a meurtris dans leurs chairs et dans leurs affections. Leur sacrifice a maintenu haut et pur le drapeau de la France. Qu'ils demeurent dans nos mémoires et dans nos coeurs.

Les conditions auxquelles nous avons dû souscrire sont sévères.

Une grande partie de notre territoire va être temporairement occupée. Dans tout le Nord et dans l'Ouest de notre pays, depuis le lac de Genève jusqu'à Tours, puis le long de la côte, de Tours aux Pyrénées, l'Allemagne tiendra garnison. Nos armées devront être démobilisées. Notre matériel remis à l'adversaire, nos fortifications rasées, notre flotte désarmée dans nos ports. En Méditerranée, des bases navales seront démilitarisées. Du moins l'honneur est-il sauf. Nul ne fera usage de nos avions et de notre flotte. Nous gardons les unités terrestres et navales nécessaires au maintien de l'ordre dans la métropole et dans nos colonies. Le gouvernement reste libre, la France ne sera administrée que par des Français.

Vous étiez prêts à continuer la lutte, je le savais. La guerre était perdue dans la métropole ; fallait-il la prolonger dans nos colonies ? Je ne serais pas digne de rester à votre tête si j'avais accepté de répandre le sang français pour prolonger le rêve de quelques Français mal instruits des conditions de la lutte. Je n'ai voulu placer hors du sol de France ni ma personne, ni mon espoir. Je n'ai pas été moins soucieux de nos colonies que de la métropole. L'armistice sauvegarde les liens qui l'unissent à elles. La France a le droit de compter sur leur loyauté.

C'est vers l'avenir que, désormais, nous devons tourner nos efforts. Un ordre nouveau commence. Vous serez bientôt rendus à vos foyers. Certains auront à le reconstruire.

Vous avez souffert.

Vous souffrirez encore. Beaucoup d'entre vous ne retrouveront pas leur métier ou leur maison. Votre vie sera dure. Ce n'est pas moi qui vous bernerai par des paroles trompeuses. Je hais les mensonges qui vous ont fait tant de mal. La terre, elle, ne ment pas. Elle demeure votre recours. Elle est la patrie elle-même. Un champ qui tombe en friche, c'est une portion de France qui meurt. Une jachère de nouveau emblavée, c'est une portion de France qui renaît. N'espérez pas trop de l'État qui ne peut donner que ce qu'il reçoit. Comptez pour le présent sur vous-mêmes et, pour l'avenir, sur les enfants que vous aurez élevés dans le sentiment du devoir.

Nous avons à restaurer la France. Montrez-la au monde qui l'observe, à l'adversaire qui l'occupe, dans tout son calme, tout son labeur et toute sa dignité. Notre défaite est venue de nos relâchements. L'esprit de jouissance détruit ce que l'esprit de sacrifice a édifié. C'est à un redressement intellectuel et moral que, d'abord, je vous convie. Français, vous l'accomplirez et vous verrez, je le jure, une France neuve surgir de votre ferveur.


APPEL DU 11 JUILLET

FRANÇAIS !

L'Assemblée Nationale m'a investi de pouvoirs étendus. J'ai à vous dire comment je les exercerai. Le gouvernement doit faire face à une des situations les plus difficiles que la France ait connues : il lui faut rétablir les communications du pays, rendre chacun à son foyer, à son travail, assurer le ravitaillement.

Il lui faut négocier et conclure la paix.

En ces derniers jours, une épreuve nouvelle a été infligée à la France : l'Angleterre, rompant une longue alliance, a attaqué à l'improviste et a détruit des navires français immobilisés dans nos ports et partiellement désarmés. Rien ne laissait prévoir une telle agression. Rien ne la justifiait.

Le gouvernement anglais a-t-il cru que nous accepterions de livrer à l'Allemagne et à l'Italie notre flotte de guerre ? S'il l'a cru, il s'est trompé ; mais il s'est trompé aussi quand il a pensé que, cédant à la menace, nous manquerions aux engagements pris à l'égard de nos adversaires : ordre a été donné à la marine française de se défendre, et, malgré l'inégalité du combat, elle l'a exécuté, avec résolution et vaillance.

La France vaincue dans des combats héroïques, abandonnée hier, attaquée aujourd'hui par l'Angleterre, à qui elle avait consenti de si nombreux et durs sacrifices, demeure seule en face de son destin. Elle trouvera une raison nouvelle de tremper son courage en conservant toute sa foi dans son avenir.

Pour accomplir la tâche immense qui nous incombe, j'ai besoin de votre confiance. Vos représentants me l'ont donnée en votre nom. Ils ont voulu, comme vous et comme moi-même, que l'impuissance de l'État cesse de paralyser la nation.

J'ai constitué un nouveau gouvernement.

Douze ministres se répartiront l'administration du pays. Ils seront assistés par des secrétaires généraux qui dirigeront les principaux services de l'État.

Des gouverneurs seront placés à la tête des grandes provinces françaises. Ainsi, l'administration sera à la fois concentrée et décentralisée.

Les fonctionnaires ne seront plus entravés dans leur action par des règlements trop étroits et par des contrôles trop nombreux. Ils seront plus libres; ils agiront plus vite. Mais ils seront responsables de leurs fautes.

Afin de régler plus aisément certaines questions dont la réalisation présente un caractère d'urgence, le gouvernement se propose de siéger dans les territoires occupés.

Nous avons demandé, à cet effet, au gouvernement allemand de libérer Versailles et le quartier des ministères à Paris.

Notre programme est de rendre à la France les forces qu'elle a perdues.

Elle ne les retrouvera qu'en suivant les règles simples qui ont de tout temps assuré la vie, la santé et la prospérité des nations.

Nous ferons une France organisée, où la discipline des subordonnés réponde à l'autorité des chefs, dans la justice pour tous.

Dans tous les ordres, nous nous attacherons à créer des élites, à leur conférer le commandement, sans autre considération que celle de leurs capacités et de leurs mérites.

Le travail des Français est la ressource suprême de la patrie. Il doit être sacré. Le capitalisme international et le socialisme international qui l'ont exploité et dégradé font également partie de l'avant-guerre. Ils ont été d'autant plus funestes que, s'opposant l'un à l'autre en apparence, ils se ménageaient l'un et l'autre en secret. Nous ne souffrirons plus leur ténébreuse alliance. Nous supprimerons les dissensions dans la cité. Nous ne les admettrons pas à l'intérieur des usines et des fermes.

Pour notre société dévoyée, l'argent, trop souvent serviteur et instrument du mensonge, était un moyen de domination.

Nous ne renonçons ni -au moteur puissant qu'est le profit, ni aux réserves que l'épargne accumule.

Mais la faveur ne distribuera plus de prébendes. Le gain restera la récompense du labeur et du risque. Dans la France refaite, l'argent ne sera que le salaire de l'effort.

Votre travail sera défendu. Votre famille aura le respect et la protection de la nation.

La France rajeunie veut que l'enfant remplisse vos cœurs de l'espoir qui vivifie et non plus de la crainte qui dessèche. Elle vous rendra, pour son éducation et son avenir, la confiance que vous aviez perdue.

Les familles françaises restent les dépositaires d'un long passé d'honneur. Elles ont le devoir de maintenir à travers les générations les antiques vertus qui font les peuples forts.

Les disciplines familiales seront sauvegardées.

Mais, nous le savons, la jeunesse moderne a besoin de vivre avec la jeunesse, de prendre sa force au grand air, dans une fraternité salubre qui la prépare au combat de la vie. Nous y veillerons. Ces vieilles traditions qu'il faut maintenir, ces jeunes ardeurs qui communieront dans un zèle nouveau, forment le fond de notre race.

Tous les Français fiers de la France, la France fière de chaque Français, tel est l'ordre que nous voulons instaurer. Nous y consacrerons nos forces. Consacrez y les vôtres.

La patrie peut assurer, embellir et justifier nos vies fragiles et chétives.

Donnons-nous à la France ; elle a toujours porté son peuple à la grandeur.

APPEL DU 13 AOÛT

FRANÇAIS !

De faux amis qui sont souvent de vrais ennemis ont entrepris de vous persuader que le gouvernement de Vichy, comme ils disent, ne pense pas à vous, ne fait rien pour vous, ne se soucie ni des besoins communs à l'ensemble de la population française, ni de ceux qui concernent nos compatriotes les plus éprouvés.

Il me sera aisé de réfuter cette affirmation mensongère par des faits.

Je laisse de côté, pour le moment, les mesures très nombreuses que nous avons prises ou qui sont déjà envisagées pour rouvrir à la France meurtrie les portes de l'avenir : épuration de nos administrations, parmi lesquelles se sont glissés trop de Français de fraîche date ; répression de l'alcoolisme, qui était en train de détruire notre race ; encouragement à la famille, cellule essentielle de la société et de la patrie ; réforme de l'instruction publique, en vue de la ramener à sa fonction éducatrice et à son rôle national.

Il s'agit là de mesures à longue portée dont les bienfaits ne deviendront sensibles qu'avec le temps.

Mais notre souci de réalisation à échéance lointaine ne nous fait pas négliger les problèmes qui nous prennent, en quelque sorte, à la gorge et qui appellent des solutions de toute urgence : ceux que posent en particulier le ravitaillement du pays, le rapatriement des réfugiés, le sort de nos prisonniers, l'emploi des démobilisés, l'organisation de la jeunesse.

Ces problèmes, j'en sais la gravité. Je puis mesurer, jour après jour, par les rapports qui me sont faits, par les lettres, par les visites que je reçois, de l'immensité des souffrances infligées au peuple français et dont il n'est pas un foyer, en France occupée, comme en France libre, qui ne porte sa lourde part. Ces souffrances, je les ressens profondément, et je veux que tous les Français sachent bien que leur adoucissement est l'objet constant de mes pensées.

Je veux qu'ils sachent aussi que je comprends leur impatience, leur exaspération même devant l'insuffisance trop fréquente des remèdes apportés à leurs maux.

Mais que ces Français veuillent bien réfléchir avec moi, honnêtement, calmement, avec l'esprit de justice qui est si vivant en eux, aux difficultés sans précédent de notre tâche.

Parmi les épreuves qui pèsent sur nous, les unes ont un caractère de fatalité, ce sont celles qui proviennent de la guerre et de la défaite; il ne dépend pas de nous d'en atténuer la rigueur.

D'autres ont leur source dans les mêmes causes qui ont conduit le pays au désastre, dans la démoralisation et la désorganisation qui, comme une gangrène, avaient envahi le corps de l'État en y introduisant la paresse et l'incompétence, parfois même le sabotage systématique aux fins de désordre social ou de révolution internationale.

Ces causes n'ont pas disparu avec le changement des institutions. Elles ne disparaîtront qu'avec le changement des hommes.

J'ai pu constater en mainte circonstance, avec une peine réelle, que les intentions du gouvernement étaient travesties et dénaturées par une propagande perfide et que des mesures mûrement réfléchies étaient empêchées de porter leurs fruits par l'inertie, l'incapacité ou la trahison d'un trop grand nombre d'agents d'exécution.

Ces défaillances, ces trahisons seront recherchées et sanctionnées.

La responsabilité des fonctionnaires ne sera plus un vain mot.

La révolution par en haut, comme on l'a appelée, descendra de proche en proche jusqu'aux assises mêmes de l'État et de la nation.

La France nouvelle réclame des serviteurs animés d'un esprit nouveau, elle les aura. La première tâche du gouvernement est de procurer à tous, dans les mois qui vont venir, une alimentation suffisante. Or, l'arrêt du travail, les destructions résultant de la guerre, la paralysie des communications, l'exode d'une grande partie des populations agricoles avaient fait surgir, sur divers points du territoire, le spectre, qu'on croyait à jamais banni, de la hideuse famine. C'est pourquoi des mesures de rationnement ont dû être prises, afin que tous, pauvres et riches, aient leur juste part des ressources de la nation.

Nous avons voulu, en outre, préparer le retour le plus rapide possible de notre vie rurale à son rythme habituel. Et c'est ainsi que nous avons accordé de larges avances pour les réfections de bâtiments endommagés, un crédit de deux milliards aux agriculteurs dont le cheptel avait été totalement ou partiellement détruit, les distributions de semences en vue de cultures de complément.

Le repeuplement de certaines régions, la multiplication des exploitations familiales, la réalisation d'un équipement rural digne de notre peuple, achèveront de relever les ruines que, dès longtemps avant la guerre, une opiniâtre et détestable politique avait accumulées sur notre sol. Une tâche non moins urgente, c'était d'assurer la mise en route et le rapatriement de quatre millions de Français et de Belges, la rentrée de nos compatriotes dans leurs foyers, leur logement et leur ravitaillement

jusqu'à ce qu'ils eussent retrouvé leurs conditions normales d'existence ; enfin, la réadaptation progressive au point de vue économique, social et moral des réfugiés qui ne pouvaient regagner leurs domiciles ou qui n'avaient pas retrouvé leur emploi. Les dispositions prises ont déjà donné des résultats importants : entre le 1er et le 10 août, un demi-million de réfugiés et de démobilisés ont été rapatriés, sur les points les plus divers du territoire. Dans le même temps, plus de 50.000 voitures ont rejoint la zone occupée. Nous n'épargnerons aucun effort pour accélérer la cadence du mouvement.

Nous avons établi, d'autre part, avec le Secours National et avec la Croix-Rouge Française, et en liaison avec le Comité américain d'aide aux réfugiés, un vaste plan d'assistance et de réinstallation. Ces mesures de redressement seraient incomplètes si elles n'étaient accompagnées de l'élan spirituel qui galvanise les âmes. Je manquerais à mon devoir si je ne saisissais pas cette occasion pour adresser mes remerciements émus à la générosité américaine. Grâce à elle, en quelques semaines, plus de mille wagons de denrées diverses et de vêtements ont été distribués aux populations réfugiées de la zone libre, tandis qu'un nombre considérable d'autres wagons allaient à la population nécessiteuse de Paris. Aide infiniment précieuse en elle-même, plus précieuse encore par le témoignage qu'elle nous apporte de la fidélité et des sentiments américains pour notre pays.

Je veux remercier également nos amis suisses qui nous ont adressé dix wagons de denrées destinées, les unes aux réfugiés, les autres à nos prisonniers, dont le sort nous est une préoccupation poignante. Nous nous efforçons d'en adoucir la rigueur, soit par des négociations avec les autorités allemandes, soit par l'envoi de colis individuels, distribués par les soins de nos Croix-Rouges, désormais réunies en un seul organisme et animées d'un élan nouveau.

Les aspects multiples et complexes du problème de la démobilisation ont également retenu notre sollicitude. En règle générale, nous avons démobilisé, d'abord, les plus anciennes des classes, mais en tenant compte, dans une juste mesure, du nombre d'enfants, de la profession et des facilités de retour au foyer.

De nombreux démobilisés en zone libre avaient leur résidence habituelle en zone occupée. Nous nous sommes attachés à leur faciliter le retour à leur domicile et nous avons doté chacun d'eux d'un équipement civil complet. Une prime est accordée à tous les démobilisés pour les aider à franchir le passage de l'état militaire à la vie civile. Nous avons enfin créé des centres d'accueil où les démobilisés sans moyens d'existence sont hébergés et nourris en attendant de retrouver du travail. Parmi les victimes des circonstances de la guerre, la jeunesse est plus particulièrement l'objet de notre souci. Adolescents séparés de vos familles, jeunes démobilisés incertains du lendemain, je m'associe à vos tristesses et à vos inquiétudes ; vous êtes l'espoir de la France nouvelle. C'est sur vous que repose son avenir. Ayez confiance, nous vous aiderons.

Pour les jeunes soldats de la dernière classe qui n'a pas pris part à la guerre, des chantiers de travail ont été ouverts. Ces chantiers s'attaqueront à des tâches d'intérêt national, trop longtemps négligées : aménagement des forêts, des camps, des stades, construction de maisons de la jeunesse dans les villages. Par ces travaux s'amorcera comme il convient le rajeunissement de notre pays.

Tous les mouvements de jeunesse existants seront maintenus : leur originalité sera respectée, leur action sera encouragée, étendue et complétée par des initiatives nouvelles. A tous je demanderai les mêmes efforts, ceux qui feront de la jeunesse française une jeunesse forte, saine de corps et d'esprit, préparée aux tâches qui élèveront leur âme de Français et de Françaises.

Je ne veux pas terminer cette allocution sans adresser un message spécial aux Parisiens et à l'ensemble de la France occupée.

Paris, cœur et cerveau de la nation, creuset où s'élaborèrent de tout temps les destinées de la patrie, demeure pour les Français le siège naturel de l'autorité gouvernementale.

Dès l'entrée en vigueur de l'armistice, mon gouvernement s'est efforcé d'obtenir du gouvernement allemand la possibilité de rentrer à Paris et à Versailles.

Or, le 7 août, le gouvernement allemand m'a fait connaître que, tout en maintenant son acceptation de principe déjà inscrite dans la convention d'armistice, il ne pouvait, pour des raisons d'ordre technique et tant que certaines conditions matérielles ne seraient pas réalisées, autoriser ce transfert.

Il faut donc attendre encore, mais je crois pouvoir vous assurer qu'il ne s'agit plus que d'un délai. J'ajoute que si vous souhaitez mon retour, je le souhaite aussi ardemment que vous.

Mais, pour nous tous, la patience est peut-être aujourd'hui la forme la plus nécessaire du courage.

C'est sur cette exhortation à la patience que je conclurai, mes chers amis.

Pendant les trois quarts de siècle qui ont précédé la guerre, le régime politique auquel étaient soumis les Français avait pour principal ressort la culture du mécontentement. La règle du jeu consistait à aviver tous les motifs d'irritation, légitimes ou illégitimes, jusqu'à faire croire à notre peuple, qui était alors un des plus heureux de la terre, qu'il en était le plus déshérité.

Chaque parti n'hésitait pas à promettre d'ailleurs qu'il suffisait que la France lui confiât les leviers de commande pour que l'enfer auquel les Français étaient voués fit place au plus merveilleux paradis.

Aujourd'hui que la France est en proie au malheur véritable, il n'y a plus de place pour les mensonges et les chimères. Il faut que les Français s'attachent à supporter l'inévitable, fermement et patiemment. Le rôle du gouvernement est de les y aider par une action constante, uniquement inspirée de la passion du bien public. Nous nous engageons simplement à travailler de notre mieux, honnêtement, courageusement, de toutes les forces de notre esprit et de notre coeur, pour remplir la haute et difficile mission qui nous est dévolue. Faisons notre devoir les uns et les autres, en toute conscience ; le salut de la France, que mettraient en danger nos discordes, sera la récompense de notre union.

DE L'ÉDUCATION

PARMI les tâches qui s'imposent au Gouvernement, il n'en est pas de plus importante que la réforme de l'éducation nationale.

Il y avait à la base de notre système éducatif une illusion profonde : c'était de croire qu'il suffit d'instruire les esprits pour former les coeurs et pour tremper les caractères.

Il n'y a rien de plus faux et de plus dangereux que cette idée.

Le cœur humain ne va pas naturellement à la bonté; la volonté humaine ne va pas naturellement à la fermeté, à la constance, au courage. Ils ont besoin, pour y atteindre et pour s'y fixer, d'une vigoureuse et opiniâtre discipline.

Vous le savez bien, parents qui me lisez : un enfant bien élevé ne s'obtient pas sans un usage vigilant, à la fois inflexible et tendre, de l'autorité familiale. La discipline de l'école doit épauler la discipline de la famille. Ainsi, et ainsi seulement, se forment les hommes et les peuples forts.

Une autre grave erreur de notre enseignement public, c'est qu'il était une école d'individualisme. Je veux dire qu'il considérait l'individu comme la seule réalité authentique et en quelque sorte absolue. La vérité c'est que l'individu n'existe que par la famille, la société, la patrie dont il reçoit, avec la vie, tous les moyens de vivre.

Il est aisé de le constater d'ailleurs. Les époques où l'individualisme a fait loi sont celles qui comptent le moins d'individualités véritables. Nous venons d'en faire la cruelle expérience.

C'était une grande pitié de voir, jusqu'à la veille de la guerre, nos journaux et nos revues tout pleins d'éloges de l'individualisme français, qui est exactement ce dont nous avons failli mourir.

L'individualisme n'a rien de commun avec le respect de la personne humaine sous les apparences duquel il a essayé parfois de se camoufler. L'école française de demain enseignera avec le respect de la personne humaine, la famille, la société, la patrie. Elle ne prétendra plus à la neutralité. La vie n'est pas neutre ; elle consiste à prendre parti hardiment. Il n'y a pas de neutralité possible entre le vrai et le faux, entre le bien et le mal, entre la santé et la maladie, entre l'ordre et le désordre, entre la France et l'Anti-France.

L'école française sera nationale avant tout, parce que les Français n'ont pas de plus haut intérêt commun que celui de la France. Toute maison divisée contre elle-même périra, dit l'évangile. Nous entendons rebâtir la maison France sur le roc inébranlable de l'unité française.

Dans cette France rénovée, toute la riche diversité des vocations françaises trouvera sa place et les conditions de son épanouissement.

Nous maintiendrons, nous élargirons s'il se peut, une tradition de haute culture qui fait corps avec l'idée même de notre patrie. La langue française a une universalité attachée à son génie. Ce n'est pas sans raison que nous nous sommes plu à donner au suprême couronnement de nos études le beau nom d'Humanités. Sœur cadette des Humanités, mais non moins riche de réalisations et de promesses, la Science libre et désintéressée occupera une place éminente dans la France nouvelle. Fidèles à notre pensée décentralisatrice, nous décongestionnerons l'Université de Paris pour faire de nos Universités provinciales autant de puissants foyers de recherche dont certains pourront être spécialisés. Et nous n'hésiterons pas à y appeler comme animateurs, aux côtés de la hiérarchie universitaire, les chercheurs originaux qui auront fait leurs preuves dans telle ou telle branche de la découverte. Nous favoriserons, entre nos savants et nos industriels, une coopération féconde et, sans abaisser le niveau de notre enseignement supérieur, nous nous efforcerons d'orienter dans un sens plus réaliste la formation de nos ingénieurs, de nos médecins, de nos magistrats, de nos professeurs eux-mêmes.

Nous nous attacherons à détruire le funeste prestige d'une pseudo-culture purement livresque, conseillère de paresse et génératrice d'inutilités. Le travail est le partage de l'homme sur la terre, il lui est imposé par une nécessité inéluctable; mais tout l'effort des civilisations antiques avait tendu à affranchir de cette nécessité une race de maîtres et à la transférer à une race d'esclaves. Il était réservé au Christianisme d'instaurer le respect du travail et des travailleurs. Puisque les moins croyants d'entre nous se plaisent aujourd'hui à se réclamer de la civilisation chrétienne, qu'ils nous aident à rétablir dans notre peuple le sens, l'amour, l'honneur du travail.

C'est dans cet esprit que nous réorganiserons l'école primaire. Elle continuera comme par le passé, cela va sans dire, à enseigner le français, les éléments des mathématiques, de l'histoire, de la géographie, mais selon des programmes simplifiés, dépouillés du caractère encyclopédique et théorique qui les détournait de leur objet véritable. Par contre, une place beaucoup plus large y sera faite aux travaux manuels dont la valeur éducative est trop souvent méconnue.

Il faudra que les maîtres de notre enseignement primaire se pénètrent de cette idée, - et sachent en pénétrer leurs élèves, - qu'il n'est pas moins noble et pas moins profitable, même pour l'esprit, de manier l'outil que de tenir la plume, et de connaître à fond un métier, que d'avoir sur toutes choses des clartés superficielles.

De cette idée bien comprise et sérieusement appliquée, découleront d'importantes et bienfaisantes conséquences.

Désormais, les meilleurs éléments de chaque classe ne seront plus prélevés, déracinés, orientés vers ce qu'on a appelé le nomadisme administratif. Les élites ne seront plus appelées et comme aspirées automatiquement par les villes. Chaque profession, chaque métier, aura son élite, et nous encouragerons de tout notre pouvoir la formation de ces élites sur les plans local et régional.

Les perspectives de la situation présente comportent un arrêt, sinon même un recul dans la voie de l'industrialisation à outrance où la France s'efforçait de rivaliser avec d'autres nations mieux partagées qu'elle quant à l'abondance de la population ou à la richesse des matières premières.

Nous serons ainsi amenés d'une part à restaurer la tradition de l'artisanat, où triompha pendant tant de siècles la qualité française, d'autre part à ré enraciner, autant que faire se pourra, l'homme français dans la terre de France, où il puisa toujours, en même temps que sa substance et celle de ses concitoyens des villes, les solides vertus qui ont fait la force et la durée de la Patrie.

Nous ne devons jamais perdre de vue que le but de l'éducation est de faire de tous les Français des hommes ayant le goût du travail et l'amour de l'effort.

Leur idéal ne doit plus être la sécurité d'un fonctionnarisme irresponsable, mais l'initiative du chef, la passion de l'oeuvre et de sa qualité.

Restituer dans toute leur plénitude ces vertus d'homme, c'est l'immense problème qui se pose à nous. La formation d'une jeunesse sportive répond à une partie de ce problème. Mais le sport pratiqué exclusivement ou avec excès, pourrait conduire à un certain appauvrissement humain. La restauration de l'esprit artisanal fournira à l'action bienfaisante du sport un contrepoids et un complément nécessaires.

L'artisan, s'attaquant à la matière, en fait une oeuvre ; la création d'une oeuvre artisanale demande un effort physique, de l'intelligence et du coeur ; elle exige de l'homme, l'esprit de décision et le sens de la responsabilité. Elle aboutit à la naissance du chef-d'oeuvre par où l'artisan se hausse à la dignité d'artiste. Mais si haut qu'il monte,l'artisan ne se détache jamais ni des traditions de son métier, ni de celles de son terroir.

Nous l'aiderons à en recueillir les influences vivifiantes, notamment en donnant à l'enseignement de la géographie et de l'histoire un tour concret, un caractère local et régional qui ajoutera les clartés de la connaissance à l'amour du pays. L'école primaire ainsi conçue, avec son complément artisanal, substituera à l'idéal encyclopédique de l'homme abstrait, conçu par des citadins et pour des citadins, l'idéal beaucoup plus large, beaucoup plus humain de l'homme appuyé sur un sol et sur un métier déterminés.

Elle donnera aux paysans un sentiment nouveau de leur dignité. Nous y aiderons d'abord en leur attribuant la place qui leur revient dans la communauté nationale, et ensuite en dotant le moindre village des installations modernes d'eau, d'électricité, d'hygiène, qui ont été jusqu'ici le privilège des villes et qui permettront aux paysans d'adoucir et d'embellir leurs rudes conditions de vie. Car la vie rurale n'est pas une idylle, et le métier de paysan est un dur métier, qui exige toujours de l'endurance, souvent du courage, parfois de l'héroïsme. Mais de cela le paysan de France s'accommodera pourvu qu'il sente cette fois qu'on lui rend justice. Le paysan de France a été assez longtemps à la peine : qu'il soit aujourd'hui à l'honneur. Mes chers amis, on vous a parlé souvent depuis quelques années de l'école Unique.

L'école Unique, c'était un mensonge parmi beaucoup d'autres, c'était, sous couleur d'unité, une école de division, de lutte sociale, de destruction nationale.

Nous, qui avons horreur du mensonge, qui voulons en toute circonstance vous dire la vérité, nous entreprenons de faire pour vous, pour la France, la véritable école Unique ; celle qui, quels qu'en soient les maîtres, quels qu'en soient les programmes, sera animée d'un esprit unique ; celle qui mettra tous les Français à leur place, au service de la France ; celle qui, leur accordant toutes les libertés compatibles avec l'autorité nécessaire, leur concédant toutes les égalités compatibles avec une hiérarchie indispensable, les mêlant tous dans le grand élan chaleureux de la fraternité nationale, fera de tous les Français les servants d'une même foi, les chevaliers d'un même idéal, symbolisé dans ce mot unique : France.

(Extrait de la Revue des Deux-Mondes du 15 Août 1940.)

ALLOCUTION DU 6 SEPTEMBRE RADIODIFFUSÉE PAR PARIS-MONDIAL À SA PREMIÈRE ÉMISSION

POUR la première fois depuis l'Armistice, la voix de la France est entendue de son empire.

j'ai voulu que le premier message adressé aux populations d'outre-mer, à leurs gouverneurs, à leurs colons, aux citoyens, sujets et protégés français, fût le message du Chef de l'État.

Ce message est un message de vérité et de confiance.

La France a perdu la guerre. Les trois cinquièmes de son territoire sont occupés. Elle s'apprête à connaître un hiver pénible. Elle doit faire face aux tâches les plus rudes.

Mais son unité - une unité forgée par mille ans d'efforts et de sacrifices - doit rester intacte.

Elle ne peut pas être mise en cause. Aucune tentative, de quelque côté qu'elle vienne, de quelque idéal qu'elle se pare, ne saurait prévaloir contre elle. Le premier devoir est aujourd'hui d'obéir. Le second est d'aider le Gouvernement dans sa tâche, de l'aider sans arrière-pensée, sans réticence. À la voix de la Patrie, l'Empire, ce plus beau fleuron de la couronne française, saura répondre : Présent !

DE LA POLITIQUE

JE viens aujourd'hui vous parler politique.

Peut-être certains d'entre vous vont-ils s'écrier : Enfin ! tandis que d'autres diront : Déjà !

Ils se méprendront les uns et les autres.

La politique dont je veux vous entretenir n'est pas cette lutte stérile de partis et de factions, ce fiévreux déchaînement d'ambitions personnelles ou de passions idéologiques, cette excitation permanente à la division et à la haine où un historien voyait la plus dangereuse épidémie qui puisse s'abattre sur un peuple. La politique, la vraie politique, est à la fois une science et un art.

Son objet est de rendre les peuples prospères, les civilisations florissantes, lés patries durables ; elle est l'art de gouverner les hommes conformément à leur intérêt le plus général et le plus élevé. Elle ne s'adresse pas aux sentiments bas tels que l'envie, la cupidité, la vengeance, mais à la passion du bien public, à la générosité.

Elle ne se propose pas d'exploiter le peuple, mais de le servir ; elle ne s'efforce pas de le flatter ou de le séduire, mais d'éveiller sa conscience et de provoquer sa réflexion ; et si elle lui parle de ses droits, elle n'oublie pas de lui rappeler ses devoirs. Un État fort est l'organe indispensable d'un bon gouvernement, parce que pour remplir dignement sa mission un État doit être libre, et que seules les mains libres sont fortes pour le bien. C'est cet État fort, ramené dans ses attributions véritables, que nous voulons instituer sur les décombres de l'État énorme et débile qui s'est effondré sous le poids de ses faiblesses et de ses fautes, beaucoup plus que sous les coups de l'ennemi. Déjà il a donné la mesure de sa force, de sa liberté, de son souci du bien public en accomplissant en quelques semaines des tâches auxquelles les Gouvernements de la IIIe République n'avaient même pas osé s'attaquer.

Il a fallu pour cela bouleverser des habitudes, gêner des commodités, léser des intérêts. Nous l'avons fait sans plaisir, mais sans hésitation et sans crainte, dans le sentiment de notre devoir et dans la conviction que le peuple français saurait se rendre maître de ses irritations et de ses impatiences, et nous juger avec sa raison, sur les résultats de notre action.

Le nouvel État français n'étant inféodé à aucun intérêt ou groupement d'intérêts particuliers, a la liberté, la force, et j'ajoute la volonté de jouer son rôle d'arbitre, et d'assurer, par un exercice impartial et rigoureux de la justice, ce triomphe du bien général dans le respect des droits individuels qui importe si fort au maintien de la cohésion nationale. Il n'y avait rien de plus illogique, de plus incohérent, de plus contradictoire que le régime économique auquel nous avons dû, pendant cinquante ans et plus, une agitation chronique, jalonnée de conflits violents où la grève et le lock-out se disputaient à qui accumulerait le plus de ruines.

La liberté était perpétuellement invoquée par les puissants, à qui elle conférait un intolérable surcroît de puissance, et la loi, lorsqu'elle intervenait en faveur des faibles, le faisait si maladroitement qu'elle tournait, en fin de compte, à leur préjudice.

C'est une pitoyable histoire que celle des lois dites sociales de cette époque. Elles n'ont pas relevé la condition ouvrière, elles n'ont pas abaissé la féodalité capitaliste, elles ont plus qu'à demi ruiné l'économie nationale. À quoi faut-il attribuer un échec aussi complet ? Non pas tant à l'incapacité ou à la méchanceté des hommes qu'à la faiblesse de l'État, à l'insuffisance de l'appareil gouvernemental. Plus favorisés que nos prédécesseurs, nous pouvons aborder les problèmes sociaux dans un esprit plus libre et avec des moyens d'action plus efficaces.

Commençons par le commencement, par la famille, par la jeunesse. Le droit des familles est en effet antérieur et supérieur à celui de l'État comme à celui des individus. La famille est la cellule essentielle ; elle est l'assise même de l'édifice social ; c'est sur elle qu'il faut bâtir ; si elle fléchit, tout est perdu ; tant qu'elle tient, tout peut être sauvé. C'est donc à elle que nous devons nos premiers soins. Dans l'ordre nouveau que nous instituons, la famille sera honorée, protégée, aidée ; l'instruction de la jeunesse et son éducation marcheront de pair ; partout où elle grandira, au foyer, à l'école, aux champs, à l'atelier, sa santé et sa vigueur seront l'objet de la sollicitude la plus attentive ; et nous n'épargnerons aucun effort pour préparer à la Patrie les hommes et les femmes de travail et de devoir dont elle a besoin. Lorsque nos jeunes gens, lorsque nos jeunes filles entreront dans la vie, nous ne les abuserons pas de grands mots et d'espérances illusoires ; nous leur apprendrons à ouvrir les yeux tout grands sur la réalité.

Nous leur dirons qu'il est beau d'être libre, mais que la Liberté réelle ne peut s'exercer qu'à l'abri d'une autorité tutélaire, qu'ils doivent respecter, à laquelle ils doivent obéir ; nous ne nous contenterons pas pour eux de la liberté de mourir de faim, même si cette liberté leur donne le droit de déposer un bulletin de vote tous les quatre ans dans une urne ; nous leur reconnaîtrons le droit au travail, non pas toutefois à n'importe quel travail, car dans ce domaine leur liberté de choix trouvera sa limite dans les possibilités de la situation économique et dans les exigences de l'intérêt national. Nous leur dirons ensuite que l'Égalité est une belle chose, sur certains plans et dans certaines limites ; mais que, si les hommes sont égaux devant la mort, s'il appartient à une société civilisée de les rendre égaux devant la loi et de leur accorder, devant la vie, des chances égales, ces diverses sortes d'égalités doivent s'encadrer dans une hiérarchie rationnelle, fondée sur la diversité des fonctions et des mérites, et ordonnée, elle aussi, au bien commun. Nous leur dirons enfin que la Fraternité est un idéal magnifique, mais qu'à l'époque douloureuse que nous traversons, il ne saurait y avoir de fraternité véritable qu'à l'intérieur de ces groupes naturels que sont la famille, la cité, la Patrie. Nous leur dirons que s'il est normal que les hommes se groupent selon les affinités de leur métier, de leur niveau social, de leur genre de vie, et s'il est légitime que ces groupements divers essaient de faire valoir, les uns par rapport aux autres, leurs intérêts et leurs droits, la lutte de classe considérée comme le grand moteur du progrès universel est une conception absurde, qui conduit les peuples à la désagrégation et à la mort, soit par la guerre civile, soit par la guerre étrangère. Nous leur dirons que si la concurrence est la loi de la vie et si les intérêts des patrons et des ouvriers peuvent être parfois opposés, l'intérêt général de la profession, qui leur est commun, doit dominer l'opposition de leurs intérêts particuliers, et qu'il est lui-même englobé dans l'intérêt plus général encore de la production nationale. D'où une triple nécessité :

Nécessité d'organiser la profession sur une base corporative où tous les éléments d'une entreprise puissent se rencontrer, s'affronter ou se composer ; Nécessité d'avoir, au sein de la profession organisée, un représentant de l'État chargé d'arbitrer souverainement les oppositions qui s'avéreraient autrement irréductibles

Nécessité d'avoir, en dehors et au-dessus des corporations ou communautés d'entreprises, un organisme d'État chargé d'orienter la production nationale selon les capacités du marché intérieur et les possibilités des marchés extérieurs, évitant ainsi des déperditions de forces et de richesses.

Conçue suivant ces principes, la nouvelle organisation sociale ne sera pas Libéralisme puisqu'elle n'hésitera pas à combattre la violence qui se cache sous certaines libertés apparentes et à chercher dans certaines contraintes légales un indispensable instrument de libération.

Elle ne sera pas Communisme puisqu'elle respectera dans une large mesure la liberté individuelle et qu'elle conservera le puissant moteur du profit individuel. Elle ne sera pas Capitalisme puisqu'elle mettra fin au règne de l'économique et à son immorale autonomie, et qu'elle subordonnera le facteur argent, et même le facteur travail au facteur humain.

Une des grandes nouveautés du Christianisme a été d'apprendre à l'homme à accepter librement la nécessité du travail, et à conférer au travail le plus humble une valeur spirituelle. Nous aspirons de toute notre âme à restaurer cette valeur-là, qui repose en définitive sur le respect de la personne humaine.

Je voudrais souligner en terminant que cette conception de la vie sociale est purement et profondément française. Libéralisme, capitalisme, collectivisme, sont en France des produits étrangers, importés, que la France rendue à elle-même rejette tout naturellement. Elle comprend aujourd'hui qu'elle s'était égarée en essayant de transplanter chez elle des institutions et des méthodes qui n'étaient point faites pour son sol et pour son climat. Et quand il lui arrivera d'examiner les principes qui ont assuré la victoire de ses adversaires, elle aura la surprise d'y reconnaître un peu partout son propre bien, sa plus pure et sa plus authentique tradition.

L'idée d'une économie concrète, définie par des volontés humaines et soumise au jugement de la conscience morale, c'est l'idée même qui dominait son régime social traditionnel.

L'idée nationale-socialiste de la primauté du travail et de sa réalité essentielle par rapport à la fiction des signes monétaires, nous avons d'autant moins de peine à l'accepter qu'elle fait partie de notre héritage classique, à telle enseigne que nous la trouvons telle quelle chez le plus Français de nos écrivains, chez le plus national de nos poètes, le bon La Fontaine. Rappelez-vous la fable que vous avez tous apprise à l'école, Le Laboureur et ses enfants :

Gardez-vous, leur dit-il, de vendre l'héritage Que vous ont laissé vos parents, Un trésor est caché dedans. Et les enfants de retourner le champ de fond en comble et de n'y pas découvrir le moindre trésor, mais d'en obtenir une récolte miraculeuse, sur quoi le poète conclut :

Travaillez, prenez de la peine,

C'est le fonds qui manque le moins.

Je pourrais poursuivre cette démonstration ; elle nous mènerait par toutes les voies à des vérités qui furent nôtres, que nous avions oubliées, que nous pouvons reprendre sans les emprunter à personne, et sans méconnaître d'ailleurs le mérite de ceux qui ont su en tirer un meilleur parti que nous. Et nous verrions ainsi comment, sans nous renoncer en aucune manière, mais au contraire en nous retrouvant nous-mêmes, nous pourrions articuler notre pensée et notre action à celles qui présideront demain à la réorganisation du monde.

(Extrait de la Revue des Deux-Mondes du 15 Septembre 1940.)

ALLOCUTION RADIODIFFUSÉE DU 9 OCTOBRE

FRANÇAIS !

Depuis plus d'un mois, j'ai gardé le silence. Je sais que ce silence étonne et, parfois, inquiète certains d'entre vous.

Qu'ils se rassurent. Le Gouvernement n'a perdu ni l'indépendance de son langage, ni le souci des intérêts du pays. Il ne s'est éloigné ni de vos esprits, ni de vos cœurs.

S'il s'est tu, c'est qu'il a travaillé.

Trois millions de réfugiés, deux millions de mobilisés sont revenus dans leurs foyers. La majeure partie des ponts détruits par la guerre ont été rendus à la circulation. Les transports sont rétablis, dans leur presque totalité.

En moins de six semaines, une tâche législative immense, tâche à laquelle aucun gouvernement n'avait osé s'attaquer, a été accomplie. La révision des naturalisations, la loi sur l'accès à certaines professions, la dissolution des sociétés secrètes, la recherche des responsables de notre désastre, la répression de l'alcoolisme, témoignent d'une ferme volonté d'appliquer, dans tous les domaines, un même effort d'assainissement et de reconstruction.

Un statut nouveau - prélude d'importantes réformes de structure - déterminera les rapports du capital et du travail. Il assurera à chacun la dignité et la justice. L'honneur rendu à la famille, les encouragements et les appuis qui lui sont accordés contribueront à la restauration du foyer et au relèvement des naissances. La réforme, déjà entreprise, de l'enseignement refera l'unité de la Nation et l'élan donné à la jeunesse lui rendra, dans un harmonieux équilibre de l'esprit et du corps, la santé, la force et la joie. Ainsi s'est manifestée, dans l'immédiat, notre première action. Elle était pressante. Il fallait, à la fois, trouver une solution aux problèmes les plus urgents et rafraîchir l'atmosphère de la vie française. Pour y parvenir, nous avons dû bouleverser des habitudes, gêner des commodités, léser des intérêts. Nous l'avons fait, dans le sentiment de notre devoir, dans la conviction que le peuple français saurait maîtriser ses impatiences, pour juger nos actes avec sa raison. Mais ce court regard sur le passé ne nous dispense pas de songer à l'avenir.

Cet avenir est encore lourd et sombre.

Le sort de nos prisonniers retient en premier lieu mon attention. Je pense à eux, parce qu'ils souffrent, parce qu'ils ont lutté, jusqu'à l'extrême limite de leurs forces, et que c'est en s'accrochant au sol de France qu'ils sont tombés aux mains de l'ennemi. Que leurs mères, que leurs femmes, que leurs fils, sachent que ma pensée ne les quitte pas, qu'ils sont eux aussi mes enfants, que chaque jour je lutte pour améliorer leur sort. À nos populations d'Alsace et de Lorraine contraintes de quitter brusquement leurs villes et leurs villages, j'adresse l'expression de notre affectueuse, de notre profonde sympathie.

Je ne puis oublier, enfin, les paysans de la France occupée qui supportent l'épreuve avec courage, ni les Parisiens, dont je partage les tristesses, dont j'approuve la dignité, et que j'espère retrouver bientôt.

À l'approche de cet hiver, qui sera rude, nous avons dû nous préoccuper de lutter contre le chômage. A cet effet, de grands travaux ont été décidés : d'importants crédits y ont été affectés. Ils assureront le gagne-pain de milliers d'ouvriers, en même temps qu'ils accroîtront la puissance productrice du pays. Les difficultés matérielles seront grandes. Mais nous procéderons par étapes, dans un ardent désir d'apporter une solution aussi large que possible à un problème capital pour la santé morale et sociale de notre pays.

Le problème du rationnement s'est posé au Gouvernement comme une pénible nécessité.

Ce rationnement nous a été imposé, à la fois par la sévérité de la défaite et par la volonté du vainqueur. Nous n'avons pas cherché à ruser avec des réalités cruelles, et, contraints d'exiger des Français les restrictions les plus dures, nous avons voulu assurer l'égalité de tous devant le sacrifice. Chacun devra prendre sa part des privations communes, sans que la fortune puisse les épargner aux uns et la misère les rendre plus lourdes aux autres.

Je viens de vous parler de notre passé récent et de notre proche avenir.

Les exigences du moment ne doivent pas nous faire perdre de vue la grande voie, qui s'ouvre devant nous, et sur laquelle nous planterons les jalons de la reconstruction française.

Dans un Message que les journaux publieront demain et qui sera le plan d'action du Gouvernement, je vous montrerai ce que doivent être les traits essentiels de notre nouveau régime : national en politique étrangère, hiérarchisé en politique intérieure, coordonné et contrôlé dans son économie et, par dessus tout, social dans son esprit et dans ses institutions. Vous y reconnaîtrez les grandes lignes de cette Révolution nationale qu'ensemble nous accomplissons, qu'ensemble nous poursuivrons, et dont la prochaine Constitution déterminera les moyens et les cadres. À cette œuvre de libération et de renouveau, l'esprit public doit être étroitement et profondément associé. Aucun redressement durable ne peut se faire sans son assentiment. Ce redressement ne s'accomplira, donc, que dans la confiance et dans la foi. L'âme de la France, si méconnue dans le passé, y retrouvera la beauté de ses sources et la promesse de son réveil. Je vous demande, mes amis, de lire attentivement ce Message. Méditez-le. Qu'il soit le réconfort de ceux qui souffrent, le mot d'ordre de ceux qui espèrent. Sans doute, estimerez-vous qu'il comporte sur le plan de l'action une suite immédiate. À cette action consacrez-vous dès aujourd'hui. Des Comités d'Entr'aide Nationale ont été déjà constitués dans la zone occupée, comme dans la zone libre. Donnez-leur votre adhésion. Préludez à l'oeuvre prochaine de reconstruction civique et de rassemblement national par un généreux effort de collaboration sociale. Français et Françaises, jeunes gens et jeunes filles qui m'écoutez, venez en aide à ceux que la guerre a cruellement meurtris, à ceux qui, dans les rigueurs de l'hiver, vont connaître de nouvelles et pénibles épreuves.

Et d'un même coeur, prononcez, ce soir avec moi, le même acte de foi : l'acte de ceux qui affirment leur volonté de ne pas douter de leur destin.

MESSAGE AU PEUPLE FRANÇAIS DU 11 OCTOBRE

FRANÇAIS !

La France a connu, il y a quatre mois,

l'une des plus grandes défaites de son histoire.

Cette défaite a de nombreuses causes, mais toutes ne sont pas d'ordre technique. Le désastre n'est, en réalité, que le reflet,

sur le plan militaire, des faiblesses et des tares de l'ancien régime politique.

Ce régime, pourtant, beaucoup d'entre vous l'aimaient.

Votant tous les quatre ans, vous vous donniez l'impression d'être les citoyens libres d'un État libre. Aussi, vous étonnerais-je en vous disant que, jamais, dans l'histoire de la France, l'État n'a été plus asservi qu'au cours des vingt dernières années. Asservi de diverses manières : successivement, et parfois simultanément, par des coalitions d'intérêts économiques et par des équipes politiques ou syndicales prétendant, fallacieusement, représenter la classe ouvrière.

Selon la prédominance de l'une ou de l'autre de ces deux servitudes, des majorités se succédaient au pouvoir, animées trop souvent du souci d'abattre la minorité rivale. Ces luttes provoquaient des désastres. L'on recourait, alors, à ces vastes formations dites d'Union nationale qui ne constituaient qu'une duperie supplémentaire. Ce n'est pas, en effet, en réunissant des divergences que l'on parvient à la cohérence. Ce n'est pas en totalisant des bonnes volontés que l'on obtient une volonté.

De ces oscillations et de ces vassalités, la marque s'imprimait profondément dans les mœurs, tout criait l'impuissance d'un régime qui ne se maintenait au travers des circonstances les plus graves qu'en se renonçant lui-même, par la pratique des pleins pouvoirs. Il s'acheminait ainsi, à grands pas, vers une révolution politique que la guerre et la défaite ont seulement hâtée.

Prisonnier d'une telle politique intérieure, ce régime ne pouvait, le plus souvent, pratiquer une politique extérieure digne de la France.

Inspirée, tour à tour, par un nationalisme ombrageux et par un pacifisme déréglé, faite d'incompréhension et de faiblesse - alors que notre victoire nous imposait la force et la générosité -, notre politique étrangère ne pouvait nous mener qu'aux abîmes. Nous n'avons pas mis plus de quinze ans à descendre la pente qui y conduisait. Un jour de septembre 1939, sans même que l'on osât consulter les Chambres, la guerre, une guerre presque perdue d'avance, fut déclarée. Nous n'avions su ni l'éviter ni la préparer. C'est sur cet amas de ruines qu'il faut, aujourd'hui, reconstruire la France. L'ordre nouveau ne peut, en aucune manière, impliquer un retour, même déguisé, aux erreurs qui nous ont coûté si cher, on ne saurait davantage y découvrir les traits d'une sorte d'ordre moral ou d'une revanche des événements de 1936.

L'ordre nouveau ne peut être une imitation servile d'expériences étrangères ; certaines de ces expériences ont leur sens et leur beauté, mais chaque peuple doit concevoir un régime adapté à son climat et à son génie.

L'ordre nouveau est une nécessité française, nous devrons, tragiquement, réaliser dans la défaite la révolution que, dans la victoire, dans la paix, dans l'entente volontaire de peuples égaux, nous n'avons même pas su concevoir.

POLITIQUE EXTÉRIEURE : UN RÉGIME NATIONAL

Indépendante du revers de ses armes, la tâche que la France doit accomplir l'est aussi et à plus forte raison des succès et des revers d'autres nations qui ont été, dans l'histoire, ses amies ou ses ennemies. Le régime nouveau, s'il entend être national, doit se libérer de ces amitiés ou de ces inimitiés, dites traditionnelles, qui n'ont, en fait, cessé de se modifier à travers l'histoire pour le plus grand profit des émetteurs d'emprunts et des trafiquants d'armes.

Le régime nouveau défendra, tout d'abord, l'unité nationale, c'est-à-dire l'étroite union de la Métropole et de la France d'outre-mer.

Il maintiendra les héritages de sa culture grecque et latine et leur rayonnement dans le monde.

Il remettra en honneur le véritable nationalisme, celui qui, renonçant à se concentrer sur lui-même, se dépasse pour atteindre la collaboration internationale.

Cette collaboration, la France est prête à la rechercher dans tous les domaines, avec tous ses voisins. Elle sait d'ailleurs que, quelle que soit la carte politique de l'Europe et du monde, le problème des rapports franco-allemands, si criminellement traité dans le passé, continuera de déterminer son avenir.

Sans doute, l'Allemagne peut-elle, au lendemain de sa victoire sur nos armes, choisir entre une paix traditionnelle d'oppression et une paix toute nouvelle de collaboration. À la misère, aux troubles, aux répressions et sans doute aux conflits que susciterait une nouvelle paix faite à la manière du passé, l'Allemagne peut préférer une paix vivante pour le vainqueur, une paix génératrice de bien-être pour tous.

Le choix appartient d'abord au vainqueur ; il dépend aussi du vaincu.

Si toutes les voies nous sont fermées, nous saurons attendre et souffrir.

Si un espoir, au contraire, se lève sur le monde, nous saurons dominer notre humiliation, nos deuils, nos ruines en présence d'un vainqueur qui aura su dominer sa victoire, nous saurons dominer notre défaite.

POLITIQUE INTÉRIEURE : UN RÉGIME HIÉRARCHIQUE ET SOCIAL

Le régime nouveau sera une hiérarchie sociale. 11 ne reposera plus sur l'idée fausse de l'égalité naturelle des hommes, mais sur l'idée nécessaire de l'égalité des chances données à tous les Français de prouver leur aptitude à servir.

Seuls le travail et le talent deviendront le fondement de la hiérarchie française. Aucun préjugé défavorable n'atteindra un Français du fait de ses origines sociales, à la seule condition qu'il s'intègre dans la France nouvelle et qu'il lui apporte un concours sans réserve. On ne peut faire disparaître la lutte des classes, fatale à la nation, qu'en faisant disparaître les causes qui ont formé ces classes et les ont dressées les unes contre les autres. Ainsi renaîtront les élites véritables que le régime passé a mis des années à détruire et qui constitueront les cadres nécessaires au développement du bien-être et de la dignité de tous. Certains craindront peut-être que la hiérarchie nouvelle détruise une liberté à laquelle ils tiennent et que leurs pères ont conquise au prix de leur sang. Qu'ils soient sans inquiétude. L'autorité est nécessaire pour sauvegarder la liberté de l'État, garantie des libertés individuelles, en face des coalitions d'intérêts particuliers. Un peuple n'est plus libre, en dépit de ses bulletins de vote, dès que le gouvernement qu'il a librement porté au pouvoir devient le prisonnier de ces coalitions.

Que signifierait, d'ailleurs, en 1940, la liberté - l'abstraite liberté - pour un ouvrier chômeur ou pour un petit patron ruiné, sinon la liberté de souffrir sans recours, au milieu d'une nation vaincue ?

Nous ne perdrons, en réalité, certaines apparences trompeuses de la liberté que pour mieux en sauver la substance.

L'histoire est faite d'alternances entre des périodes d'autorité dégénérant en tyrannie et des périodes de libertés engendrant la licence. L'heure est venue pour la France de substituer à ces alternances douloureuses une conjonction harmonieuse de l'autorité et des libertés.

Le caractère hiérarchique du nouveau régime est inséparable de son caractère social.

Mais ce caractère social ne peut se fonder sur des déclarations théoriques. Il doit apparaître dans les faits. Il doit se traduire par des mesures immédiates et pratiques. Tous les Français, ouvriers, cultivateurs, fonctionnaires, techniciens, patrons ont d'abord le devoir de travailler. Ceux qui méconnaîtraient ce devoir ne mériteraient plus leur qualité de citoyen. Mais tous les Français ont également droit au travail. On conçoit aisément que, pour assurer l'exercice de ce droit et la sanction de ce devoir, il faille introduire une révolution profonde dans tout notre vieil appareil économique. Après une période transitoire, pendant laquelle les travaux d'équipement devront être multipliés et répartis sur tout le territoire, nous pourrons, dans une économie organisée, créer des centres durables d'activité où chacun trouvera la place et le salaire que ses aptitudes lui méritent. Les solutions, pour être efficaces, devront être adaptées aux divers métiers. Telle solution qui s'impose pour l'industrie n'aurait aucune raison d'être pour l'agriculture familiale, qui constitue la principale base économique et sociale de la France. Mais il est des principes généraux qui s'appliqueront à tous les métiers. Ces métiers seront organisés et leur organisation s'imposera à tous.

Les organisations professionnelles traiteront de tout ce qui concerne le métier, mais se limiteront au seul domaine professionnel. Elles assureront, sous l'autorité de l'État, la rédaction et l'exécution des conventions de travail. Elles garantiront la dignité de la personne du travailleur, en améliorant ses conditions de vie, jusque dans sa vieillesse.

Elles éviteront enfin les conflits, par l'interdiction absolue des lock-out et des grèves, par l'arbitrage obligatoire des tribunaux de travail.

POLITIQUE ÉCONOMIQUE : L'ÉCONOMIE COORDONNÉE ET LA MONNAIE AU SERVICE DE L'ÉCONOMIE

Le régime économique de ces dernières années faisait apparaître les mêmes imperfections et les mêmes contradictions que le régime politique.

Sur le plan parlementaire : apparence de liberté.

Sur le plan de la production et des échanges : apparence de libéralisme, mais en fait, asservissement aux puissances d'argent et recours de plus en plus large aux interventions de l'État.

Cette dégradation du libéralisme économique s'explique d'ailleurs aisément.

La libre concurrence était, à la fois, le ressort et le régulateur du régime libéral. Le jour où les coalitions et les trusts brisèrent ce mécanisme essentiel, la production et les prix furent livrés, sans défense, à l'esprit de lucre et de spéculation.

Ainsi se déroulait ce spectacle révoltant de millions d'hommes manquant du nécessaire, en face de stocks invendus et même détruits, dans le seul dessein de soutenir les cours des matières premières. Ainsi s'annonçait la crise mondiale.

Devant la faillite universelle de l'économie libérale, presque tous les peuples se sont engagés dans la voie d'une économie nouvelle. Nous devons nous y engager à notre tour et, par notre énergie et notre foi, regagner le temps perdu. Deux principes essentiels nous guideront :

l'économie doit être organisée et contrôlée. La coordination par l'État des activités privées doit briser la puissance des trusts et leur pouvoir de corruption. Bien loin donc de brider l'initiative individuelle, l'économie doit la libérer de ses entraves actuelles, en la subordonnant à l'intérêt national. La monnaie doit être au service de l'économie ; elle doit permettre le plein essor de la production, dans la stabilité des prix et des salaires. Une monnaie saine est, avant tout, une monnaie qui permet de satisfaire aux besoins des hommes. Notre nouveau système monétaire ne devra donc affecter l'or qu'à la garantie des règlements extérieurs. Il mesurera la circulation intérieure aux nécessités de la production.

Un tel système implique un double contrôle :

- Sur le plan international, contrôle du commerce extérieur et des changes pour subordonner aux nécessités nationales l'emploi des signes monétaires sur les marchés étrangers ;

- Sur le plan intérieur, contrôle vigilant de la consommation et des prix, afin de maintenir le pouvoir d'achat de la monnaie, d'empêcher les dépenses excessives et d'apporter plus de justice dans la répartition des produits.

Ce système ne porte aucune atteinte à la liberté des hommes, si ce n'est à la liberté de ceux qui spéculent, soit par intérêt personnel, soit par intérêt politique. Il n'est conçu qu'en fonction de l'intérêt national. Il devra, dans les dures épreuves que nous traversons, s'exercer avec une entière rigueur. Que la classe ouvrière et la bourgeoisie fassent, ensemble, un immense effort pour échapper aux routines de paresse et prennent conscience de leur intérêt commun de citoyen, dans une nation désormais unie.

CONCLUSION

Telle est, aujourd'hui, Français, la tâche à laquelle je vous convie.

Il faut reconstruire.

Cette reconstruction, c'est avec vous que je veux la faire. La Constitution sera l'expression juridique de la Révolution déjà commencée dans les faits, car les institutions ne valent que par l'esprit qui les anime. Une révolution ne se fait pas seulement à coups de lois et de décrets. Elle ne s'accomplit que si la Nation la comprend et l'appelle, que si le peuple accompagne le gouvernement dans la voie de la rénovation nécessaire. Bientôt, je vous demanderai de vous grouper pour qu'ensemble, réunis autour de moi, en communion avec les anciens combattants déjà formés en légion, vous meniez cette Révolution jusqu'à son terme, en ralliant les hésitants, en brisant les forces hostiles et les intérêts coalisés, en faisant régner, dans la France nouvelle, la véritable fraternité nationale.

ALLOCUTION RADIODIFFUSÉE DU 30 OCTOBRE

FRANÇAIS !

J'ai rencontré, jeudi dernier, le Chancelier du Reich. Cette rencontre a suscité des espérances et provoqué des inquiétudes, je vous dois à ce sujet quelques explications.

Une telle entrevue n'a été possible, quatre mois après la défaite de nos armes, que grâce à la dignité des Français devant l'épreuve, grâce à l'immense effort de régénération auquel ils se sont prêtés, grâce aussi à l'héroïsme de nos marins, à l'énergie de nos chefs coloniaux, au loyalisme de nos populations indigènes. La France s'est ressaisie. Cette première rencontre entre le vainqueur et le vaincu marque le premier redressement de notre pays.

C'est librement que je me suis rendu à l'invitation du Führer. Je n'ai subi, de sa part, aucun diktat, aucune pression. Une collaboration a été envisagée entre nos deux pays. J'en ai accepté le principe. Les modalités en seront discutées ultérieurement.

À tous ceux qui attendent aujourd'hui le salut de la France, je tiens à dire que ce salut est d'abord entre nos mains. A tous ceux que de nobles scrupules tiendraient éloignés de notre pensée, je tiens à dire que le premier devoir de tout Français est d'avoir confiance. A ceux qui doutent comme à ceux qui s'obstinent, je rappellerai qu'en se raidissant à l'excès, les plus belles attitudes de réserve et de fierté risquent de perdre leur force.

Celui qui a pris en main les destinées de la France a le devoir de créer l'atmosphère la plus favorable à la sauvegarde des intérêts du pays. C'est dans l'honneur et pour maintenir l'unité française, une unité de dix siècles, dans le cadre d'une activité constructive du nouvel ordre européen que j'entre aujourd'hui dans la voie de la collaboration. Ainsi, dans un avenir prochain, pourrait être allégé le poids des souffrances de notre pays, amélioré le sort de nos prisonniers, atténuée la charge des frais d'occupation. Ainsi pourrait être assouplie la ligne de démarcation et facilités l'administration et le ravitaillement du territoire. Cette collaboration doit être sincère. Elle doit être exclusive de toute pensée d'agression, elle doit comporter un effort patient et confiant. L'armistice, au demeurant, n'est pas la Paix. La France est tenue par des obligations nombreuses vis-à-vis du vainqueur. Du moins reste-t-elle souveraine. Cette souveraineté lui impose de défendre son sol, d'éteindre les divergences de l'opinion, de réduire les dissidences de ses colonies. Cette politique est la mienne. Les ministres ne sont responsables que devant moi. C'est moi seul que l'histoire jugera. Je vous ai tenu jusqu'ici le langage d'un père; je vous tiens aujourd'hui le langage du chef. Suivez-moi ! Gardez votre confiance en la France éternelle !

ALLOCUTION DU 24 DÉCEMBRE

MES CHERS AMIS,

Il n'est pas encore minuit. Mais déjà beaucoup d'entre vous veillent, comme ils veillaient au cours des années heureuses.

Je viens leur tenir compagnie.

Pour la plupart d'entre vous, ce Noël sera triste. Dans bien des foyers des places resteront vides, des places d'êtres chers. Beaucoup ne reviendront plus, qui s'asseyaient joyeux l'année dernière, permissionnaires de dix jours, autour de la table de famille.

Que notre première pensée soit pour eux. Ils ont sauvé l'honneur.

D'autres attendent, loin de vous, prisonniers sur la terre étrangère.

Peut-être entendront-ils ce soir la messe dans leur camp. Peut-être déplieront-ils avec amour le beau colis que vous leur avez envoyé. Jamais dans leur exil et dans leur solitude ils n'ont été plus près de vous. Je pense aussi ce soir à tous ceux qui souffrent, à ceux qui ne mettront dans leur cheminée ni bûche ni charbon, à ceux qui ont entendu jadis parler de réveillon et qui ne savent pas ce qu'ils mangeront demain, aux enfants qui ne trouveront pas de jouet dans leur soulier, aux réfugiés qui n'entendront plus cette année la cloche de leur village. Je pense aux pauvres, à tous les pauvres, à ceux des asiles de nuit et des soupes populaires, aux chômeurs, à tous les malheureux que l'Entr'aide d'hiver n'a pu secourir encore, à ceux qui se raidissent, à ceux qui s'abandonnent. Mes enfants, Noël, ne l'oubliez pas, c'est la nuit de l'espérance. C'est la fête de la Nativité. Une France nouvelle est née. Cette France, ce sont vos épreuves, vos remords, vos sacrifices qui l'ont faite. Comme vous saurez la faire belle dorénavant !

Mes amis, ayez confiance. Reprenez courage. Faites ce soir le serment de participer de toutes vos forces à cette grande renaissance, pour que vos enfants connaissent à nouveau des Noëls dans la joie. Serrez-vous ce soir autour de moi pour que cette France, une France neuve et saine, grandisse et se fortifie.

Bientôt vous verrez luire l'étoile qui guidera votre destin. Bon Noël, mes enfants, et vive la France !

ALLOCUTION RADIODIFFUSÉE DU 30 DÉCEMBRE

JEUNES FRANÇAIS!

Je m'adresse aujourd'hui à vous qui représentez l'avenir de la France et à qui j'ai voué une affection et une sollicitude particulières. Vous souffrez dans le présent et êtes inquiets pour l'avenir. Le présent est sombre, en effet, mais l'avenir sera clair si vous savez vous montrer dignes de votre destin. Vous payez des fautes qui ne sont pas les vôtres. C'est une dure loi qu'il faut comprendre et accepter au lieu de la subir ou de se révolter contre elle. Alors l'épreuve devient bienfaisante, elle trempe les âmes et les corps, et prépare les lendemains réparateurs.

L'atmosphère malsaine dans laquelle ont grandi beaucoup de vos aînés a détendu leur énergie, amolli leur courage et les a conduits, par les chemins fleuris du plaisir, à la pire catastrophe de notre histoire. Pour vous, engagés dès le jeune âge dans des sentiers abrupts, vous apprendrez â préférer aux plaisirs faciles la joie des difficultés surmontées. Méditez cette maxime : le plaisir abaisse, la joie élève ; les plaisirs affaiblissent, la joie rend fort. Cultivez en vous le sens et l'amour de l'effort. C'est une part essentielle de la dignité de l'homme et de son efficacité. L'effort porte en lui-même sa récompense morale même avant de se traduire par un profit matériel qui, d'ailleurs, arrive toujours tôt ou tard. Nous désirons donc - et c'est là notre vœu pour l'année nouvelle - que nos compatriotes s'attachent d'abord à comprendre pour eux seuls ce que peut être la collaboration française. Il ne s'agit plus de ces anciennes querelles ni de ces divisions qui nous ont fait tant de mal. Je hais, a déclaré Drieu La Rochelle, la vieille politique et tous ceux qui, en ayant vécu, essaient d'en vivre encore et de nous en faire mourir encore. D'accord ; tout â fait d'accord. Nous n'en sommes plus là. Le passé est trop petit en face du futur pour que nous demeurions en prières devant des idoles tristement déchues.

C'est à un avenir meilleur qu'il nous faut songer. Et, cet avenir, nous ne le construirons que par une adhésion commune, aussi réfléchie qu'enthousiaste, à la mystique de la fraternité retrouvée. Pour cela, il nous faut chasser du temple de la Patrie les marchands de discordes et les propagandistes de haines ; restons entre Français ; n'écoutons que les voix désintéressées et pures qui s'attachent à assembler nos coeurs et nos esprits autour de l'idéal national.

En collaborant loyalement entre nous, nous préparerons une autre collaboration, non moins utile et non moins indispensable : la collaboration européenne.

ALLOCUTION RADIODIFFUSÉE DU 31 DÉCEMBRE

FRANÇAIS !

L'année 1940 a pris fin. Tournons-nous, maintenant, vers l'avenir. L'année 1941 sera difficile. Elle doit être celle du relèvement de la France. Elle le sera si vous vous serrez tous autour de moi, ayant la même foi dans la patrie, la même volonté de servir. Je me suis donné à la France, c'est-à-dire à vous tous. Nous aurons faim. La guerre nous a enlevé une part importante de nos récoltes. Le blocus nous prive d'un ravitaillement qui, dans les années qui précédaient la guerre, se chiffrait chaque année par plus de 6 millions de tonnes de denrées de toute espèce et de toute provenance.

La guerre continue, ainsi que le blocus. Il ne dépend pas de nous de les faire cesser. N'écoutez pas ceux qui chercheraient à exploiter vos misères pour désunir la nation. Les mêmes procédés nous ont conduits, hier, à la guerre et à la défaite. Je m'adresse d'abord aux paysans de France. Il faut qu'ils tirent de la terre tout ce qu'elle peut donner. Toutes les friches doivent être remises en culture, même si le sol est ingrat. Le rendement doit être augmenté, en dépit de toutes les difficultés. Nous y aiderons du mieux que nous pourrons, mais que chacun compte d'abord sur soi-même, qu'il comprenne la détresse profonde d'un pays dépouillé de tant de moyens que la guerre et le blocus ont détruits ou paralysés. Je fais appel à l'ingéniosité des Français pour qu'ils improvisent eux-mêmes les moyens de compléter leur alimentation. Je m'adresse maintenant aux ouvriers. Qu'ils ne se découragent pas. Leur sort sera dur. Les stocks de matières premières s'épuisent. Je ne puis savoir quelles quantités nous pourrons importer en 1941. Certaines industries risquent d'être totalement arrêtées. Nous avons fait de notre mieux et nous continuerons pour parer à cette situation. Nous devrons exploiter au maximum les ressources que nous pouvons tirer de nous-mêmes. Que nos mineurs, nos bûcherons, nos carriers redoublent d'efforts et que tous les ouvriers, chômeurs ou non, sachent que le gouvernement de la Révolution nationale travaille à affranchir leur avenir de l'intervention du capitalisme étranger.

La France doit produire et transformer tout ce dont elle a besoin pour vivre et prospérer. Ce qui a été fait ailleurs, en ce sens, peut et doit être fait chez nous. C'est une œuvre de longue haleine. Elle est déjà commencée.

Au pays tout entier, je demande qu'il se pénètre de l'esprit nouveau qui doit refaire la grandeur de la patrie. Il ne s'agit plus de reprendre un à un, quotidiennement, nos sujets de mécontentement, de tout ramener à soi-même, d'attendre de l'État qu'il nous délivre de nos maux et qu'il nous dispense ses bienfaits. Il faut penser aux malheurs de la patrie et à l'infortune de tous ceux qui souffrent plus que nous. Il faut aider la patrie à secourir nos compatriotes. Aider la patrie, c'est avoir confiance en elle, c'est l'avoir présente constamment dans nos pensées, dans nos paroles, dans nos actes, ne rien accepter, ne rien dire et ne rien faire qui puisse lui nuire. Secourir nos compatriotes, c'est nous donner sans arrière-pensée, sans réticence personnelle, à cette solidarité matérielle et morale qui doit réunir tous les Français. C'est relever celui qui tombe, c'est ranimer celui qui s'abandonne, c'est ramener celui qui s'égare. Je me suis promis à moi-même de ne connaître, en France, ni parti, ni classe. Je vous appelle tous à sortir de vos cadres, de vos routines, de vos préjugés, de vos égoïsmes, de vos rancoeurs, de vos défiances, et je vous exhorte à vous grouper en Français solides qui veulent défendre leur terre et leur race. J'adresse mes vœux fervents, par delà les mers, aux populations de l'Empire et, par delà les frontières, à nos chers prisonniers. La France continue. Bonne année, mes chers amis !