ACTION P.T.T.

Dès le premier trimestre 1943, le groupe Résistance PTT formé par Marcel RICHER, se transforme en groupe d'Action. Jean SANSON, commis des postes, transmet à RICHER copie de tous les télégrammes officiels parvenant pendant ses heures de service, et des lettres qu'il a subtilisées, adressées aux services allemands, le renseignant ainsi sur les lieux de stationnement des troupes ennemies. Il agit en concordance avec son collègue Maurice DESCHAMPS, employé dans une brigade du service télégraphique. Lorsque des télégrammes chiffrés arrivent sur les bandes des appareils, l'un ou l'autre les remettent soit à Étienne BOBO, soit à Charles MARCHESSEAU, soit à Marcel RICHER. Pour les besoins du réseau national, ceux-ci construisent quatre postes émetteurs dont l'un est destiné à servir dans le département.

L'entrée dans le réseau de l'inspecteur des P.T.T. René CROUZEAU que, sur les conseils de MARCHESSEAU et de RICHER, Maurice HORVAIS vient d'engager, insuffle au groupe un esprit de résistance à outrance. C'est alors que viennent s'adjoindre au mouvement : Raymond ROBIN, mécanicien dépanneur, Auguste RAOULT, Auguste LESENÉCAL, Joseph BLIN, Pierre FOURNIALS, agents de lignes.

D'autre part, l'inspecteur principal GAUTHIER, au cours d'une tournée dans la région, s'arrête chez les époux Fillâtre, restaurateurs à Villebaudon, membres de l'O.C.M. Il y apprend l'attitude courageuse d'une serveuse, leur cousine, Germaine de SAINT-JORES qui, dans un restaurant de Percy, refuse, avec rudesse, de servir un militaire allemand, allant jusqu'à lui arracher une épaulette. Il est décidé de l'engager dans le réseau.

Au début d'avril, au cours d'une de ses tournées bi-mensuelles, Maurice HORVAIS demande à Fillâtre de lui trouver une ferme où il serait possible d'installer un poste émetteur. C'est à Beaucoudray qu'une petite maison isolée fut trouvée. Maurice HORVAIS, désirant étendre le réseau dans le sud du département, se rend à Avranches où il n'a nulle peine à obtenir l'engagement de Raymond CHIVET, directeur du centre d'amplification du câble téléphonique Caen-Rennes. Il est chargé de repérer les emplacements favorables pour des coupures éventuelles de câbles et ces renseignements seront transmis à Londres.

A la même époque, Marcel RICHER est convoqué à Caen où Henri LÉVEILLE (Microlo) lui présente KASKOREFF, un des responsables du réseau " Centurie " du Calvados. Il lui annonce la visite prochaine, à son domicile, à Saint-Lô, d'une personne venant de la part de " Microlo " pour l'entretenir de la loi de KIRCHKOFF sur les courants dérivés. C'est le chef de " Centurie " du secteur de Saint-Lô, Adolphe FRANCK qui se présentera. Bien que restant autonome, le groupe " Action P.T.T. " agira désormais en liaison avec " Centurie ", par l'intermédiaire de BOUVET, appartenant à ce réseau.

L'organisation n'ayant pas encore d'agent dans le Nord-Cotentin, Adolphe FRANCK, sur demande de Lucien LEVIANDIER, s'adresse à Marcel RICHER qui désigne son frère François, agent des lignes ; il sera puissamment secondé par Augustin LEMARESQUIER, membre du réseau " Del­bo-Phénix ".

Les liaisons entre le chef national et les membres du groupe sont assurées par Mme LEBLOND ou par le vétérinaire TEXIER-HUGOU.

Sur le conseil de Maurice HORVAIS (Hamon) qui avait été très bien reçu chez Fillâtre à Villebaudon, le chef national de l' " état-major " d' " Action P.T.T. ", Ernest PRUVOST (Potard), accompagné de son adjointe directe Simone MICHEL-LÉVY (Emma) et du " colonel " Marc O'NEILL (Tyrone), chef du réseau " Centurie " de la région parisienne, décide d'y passer quelques jours en été. Bien que le poste émetteur ne put être installé à Beaucoudray, dans la petite maison envisagée par HORVAIS, le champ d'antenne étant trop restreint, elle fut louée par PRUVOST comme lieu de refuge possible.

Pendant leur séjour, ils sont reçus par Mme Berthe LEBLOND née LHARDY, institutrice, réfugiée de la région cherbourgeoise, dont le mari Marcel LEBLOND est chef du groupe d' " Action " du réseau " Centurie " à Tourlaville. Mme LEBLOND est alors engagée dans le réseau " Action P.T.T. " où elle fait entrer, en juillet, Jacques ALBERTINI, réfractaire au S.T.O., Albert GODEMER, cultivateur et André LEBREC, rejoints plus tard par Pierre ALLIET et l'instituteur ABDON.

A la suite de l'arrestation de Simone MICHEL-LÉVY et de trois autres employés des Postes, et celle du plus grand nombre d'agents du réseau C.N.D. de Paris, Ernest PRUVOST (Potard), recherché par la Gestapo, trouve chez Fillâtre le 9 novembre un refuge à Villebaudon, où il restera jusqu'à la Libération. PRUVOST engage alors dans le réseau Marcel TABUR, fils d'un quincaillier d'Avranches, qui, possédant un permis de circuler en camion automobile, sera un agent de liaison efficace. Le même rôle est confié à Émile LEFEVRE, entrepreneur à Montabot, qui jouit des mêmes facilités.

A Avranches, en décembre, Raymond CHIVET, par l'intermédiaire de DUCLOS, entre en relations avec le nouveau chef des F.T.P. de la région sud du département, Jean TURMEAU (Alfred).

Tout en gardant son autonomie, le réseau " Action P.T.T. " est devenu une organisation très importante. Il est en liaison étroite avec d'autres réseaux très actifs

À Saint-Lô, " Centurie ", par RICHER et FRANCK, et le " F.N. " par LEPUISSANT.

À Avranches, les " F.T.P. " par Raymond CHIVET et Jean TURMEAU, pour l'organisation des sabotages prévus.

En fin d'année 1943, " Action P.T.T. " est prête à jouer un rôle de premier plan lorsque le jour J sera arrivé.

ACTION P.T.T.

Ce réseau, bien qu'autonome dans sa composition, a depuis longtemps des relations étroites avec d'autres formations, notamment avec le réseau " Centurie " de l'O.C.M et, dans la région Manche-Sud, dès le 2 janvier, avec les organisations du Front National, les ET.P. et leurs chefs : Raymond CHIVET, chef du centre de télécommunications d'Avranches et Jean TURMEAU (Alfred), ensemble, ils vont reconnaître les points prévus pour opérer, le moment venu, le sabotage des câbles souterrains reliant Cherbourg à la Bretagne : à Pontautault, route de Villedieu et route de Granville, et des câbles aériens aboutissant au standard à 50 m du centre des lignes souterraines à longue distance (L.S.G.D.).

Dans ce même mois, Clément SÉGER est nommé chef du centre d'amplification de Saint-Lô. C'était un des membres qui, à Paris, avait fait partie du groupe de Robert KELLER, lequel, en 1942, captait les communications du Grand Quartier Général allemand. Le responsable national adjoint du réseau, Maurice HORVAIS conseille à Marcel RICHER de prendre contact avec le nouveau venu, ce qui fut fait par l'intermédiaire d'Étienne BOBO. Dès avril, Clément SÊGER est en mesure de remettre à CROUZEAU les plans officiels des points de départ, de l'itinéraire et des points d'aboutissement des câbles des lignes souterraines à grande distance installés par l'ennemi dans le dé­partement de la Manche.

En février, un officier de l'armée anglaise en mission, Renaud DANDICOLLE (capitaine DUNBY) a pris contact à Paris avec Maurice HORVAIS. Il cherche des lieux propices à un parachutage d'armes en Normandie. Celui-ci lui indique la présence à Villebaudon, où ils sont réfugiés, d'Edmond DEBEAUMARCHÉ et d'Ernest PRUVOST, responsables nationaux d'Action P.T.T., Henri LÉVEILLÉ les rejoint. Des recherches sont entreprises dans la région qui aboutissent trois mois après au parachutage d'armes de Sainte-Marie-Outre-l'Eau, près de la limite départementale avec le Calvados. PRUVOST a confié à Mme LEBLOND née LHARDY, institutrice à Ville­baudon, le message " Aimer et vivre " convenu avec Renaud DÀNDICOLLE, annonçant ce parachutage.

Le 9 mai, Mme LEBLOND, qui a refusé, malgré les ordres du Gouvernement de Vichy, de rendre son poste écouteur de radio, capte ce message. Elle alerte Fillâtre qui part aussitôt dans l'automobile du docteur J. André LEBRUN de Tessy-sur-Vire pour Saint-Lô, afin de prévenir l'équipe de René CROUZEAU. À 21 heures, le même message est à nouveau capté par Mme LEBLOND.

Avec PRUVOST, Alphonse Fillâtre, Germaine de SAINT JORES et Raymond ABDON, elle participe à la réception des armes sur le terrain de Sainte-Marie-Outre-l'Eau où ils sont rejoints par la camionnette des P.T.T. con­duite par Raymond ROBIN dans laquelle ont pris place René CROUZEAU, Étienne BOBO et Clément SEGER. Tandis que quatre hommes, munis de torches, dont Fillâtre et PRUVOST (Potard) balisent le terrain en forme de R, les autres prennent livraison de 3 tonnes d'armes réparties en 15 containers fusils-mitrailleurs, colts, mines, plastic, munitions. Une partie du stock est dissimulée dans une ferme inhabitée de Beaucoudray, la maison du village du bois ; une autre est cachée au magasin de l'atelier de menuiserie de la Direc­tion des P.T.T. à Saint-Lô, dans lequel, malgré le voisinage des Allemands, les résistants du groupe apprennent le maniement d'armes.

Dès le surlendemain, André LEBOUVIER, accompagné du vétérinaire TEXIER-HUGOU, se rend à Beaucoudray d'où il rapporte des armes qu'il cache, sous des tubes de caoutchouc, dans son jardin à Percy. Quelques jours plus tard, c'est Maurice ROSSELIN, employé dans la quincaillerie de Marcel TABUR à Avranches qui assure, en camionnette, le transport des armes pour CHIVET et ses camarades, du groupe F.T.P. d'Avranches.

Mais le terrain de parachutage de Sainte-Marie-Outre-l'Eau étant main­tenant connu des Allemands, André LEBOUVIER, LORIDANT et le docteur LEBRUN ont trouvé un terrain pouvant convenir pour une nouvelle opération situé à la cote 226, au lieu-dit " Les Haies-Tiggard ", à Saint-Pierre-de-Fresne, dans le Calvados. Le message convenu avec Londres est : " Poudre et couleur peuvent tout changer. ". Le débarquement des Alliés le 6 juin a lieu avant l'expédition projetée, mais au cours de la bataille de Normandie le terrain sera utilisé pour les opérations militaires.

Dans la deuxième quinzaine de mai, chacun pressent de grands événements proches.

Rappelons que le 20 mai, le postier Étienne BOBO s'est rendu à Périers à bicyclette pour en rapporter une mitraillette qu'il camoufle à son retour, sous son imperméable, et qu'il remet à BOUVIER (voir plus haut, Réseau " Centurie ").

A Saint-Lô, le groupe reçoit en fin mai le plan des opérations à effectuer dès le débarquement : le bureau de la Direction des P.T.T. gardé par les Allemands doit être attaqué et les installations sabotées ; central et stations harmoniques au 1er étage et au sous-sol, le central auquel aboutissent toutes les lignes du front de mer. Le plan prévoit également le sabotage des câbles et des lignes aériennes au point de coupure. Trois messages donneront l'ordre des opérations : " Les dés sont sur le tapis. " = sabotage des câbles ; " Il fait chaud à Suez. ", message de débarquement et déclenchement de la guérilla ; " L'appel du laboureur dans le matin brumeux. " concernait le rassemblement du groupe de Saint-Lô et la constitution d'un maquis à Villebaudon.

Ainsi, tout est prêt en vue d'aider les Alliés dès l'ouverture du front par un débarquement des troupes alliées.

200 

LES MAQUISARDS

Rappelons que l'on appelait ainsi tout groupe de résistants et de jeunes réfractaires au S.T.O., plus ou moins armés, ayant dû quitter leur domicile habituel pour se retirer dans des lieux isolés, sous les ordres d'un chef, et se préparer à participer à la lutte contre l'ennemi par la " guérilla " : sabotages, attentats, coups de main. La constitution de tels groupes ne peut être réalisée que dans une région à l'habitat peu nombreux, au relief accidenté, où les bois ou la forêt offrent un refuge et où, en cas de danger, la dispersion des éléments se trouve ainsi facilitée. Or si, comme nous l'avons déjà signalé, le département de la Manche est, en général, un pays bocager, il ne compte cependant aucune forêt étendue et profonde, sauf dans la région du Mortainais, près des départements de l'Orne et du Calvados. Aussi, les " maquis " seront rares et leurs occupants peu nombreux, si l'on tient compte également de la grande densité des troupes allemandes.

Celui de Beaucoudray, dirigé par Ernest PRUVOST est composé : des postiers de Saint-Lô qui ont pu le rejoindre les 5 et 6 juin, avant le bombardement de cette ville, de quelques cultivateurs et personnes de profession libérale. Il se réunit dans la maison LEPAGE et, sous la direction du postier Jean SANSON, se perfectionne dans le maniement d'armes.

Le 14 juin, à 10 heures 30, Madame Berthe LEBLOND, institutrice, dont la maison de refuge, après le cambriolage de l'école, servait de poste avancé du maquis, apercevant une automobile allemande arrêtée devant la cour de son habitation, confie à son fils Gilles, âgé de 11 ans, le message d'alerte convenu : " Va chercher le chat. ". Ce qu'il fit. Mais les maquisards sont découverts par un détachement allemand. CROUZEAU, leur chef, a le temps de tirer, abattant deux ennemis. Quelques hommes réussissent à s'enfuir, mais 11 restent aux mains des Allemands.

Amenés à la maison de Mme LEBLOND, les captifs doivent se ranger face au mur. Courageusement, SANSON s'écrie : " Camarades, si c'est pour mourir, montrons que nous savons mourir en Français ".

Transférés dans une grange, ils doivent subir un interrogatoire serré. Le lendemain, à l'aube du 15 juin, les onze patriotes, les mains attachées derrière le dos, sont fusillés dans un champ de Beaucoudray :

Jacques ALBERTINI, Etienne BOBO, employés des P.T.T.

René CROUZEAU, inspecteur-contrôleur des P.T.T., chef du groupe.

Auguste GUY, maquisard, peintre à Villedieu.

Emest HAMEL, maquisard, cultivateur à Sourdeval-les-Bois.

Jean LECOUTURIER, maquisard, étudiant, domicilié à Percy.

Auguste LERABLE, agent des lignes dans les P.T.T.

Francis MARTIN, géomètre, membre des Services spéciaux sous les noms de " Morgan " ou " Martère " ou " Aramis ", de Bordeaux.

André PATIN, journalier agricole, à Beaucoudray.

Raymond ROBIN, Jean SANSON, agents des P.T.T.

Madame LEBLOND et son fils sont conduits à Domjean pour interrogatoire par WILHEM, instituteur allemand, anti nazi et francophile, et par le gendarme Albert SUNDEREGGER, d'origine alsacienne, qui les encouragent à continuer à nier. Ils sont transférés au château, servant de prison, de St-Jean-du-Corail. Le 1er juillet, WILHEM remet à la prisonnière la sentence : " Aucune preuve n'ayant été relevée contre Mme LEBLOND, nous la mettons en résidence surveillée, par la gendarmerie française, pour 6 mois à Gorron. ". Le 2 juillet, les Américains arrivaient.

Ce drame fut profondément ressenti par la population de la région. Depuis lors, une manifestation du souvenir, très émouvante dans sa simplicité ' à laquelle assistent de nombreux patriotes, a lieu vers le 15 juin à l'endroit même de cette tragédie.

Le maquis du " Bois de Buron ", installé dans la région de Ver-Le Loreur, compte 13 hommes sous la direction de René JUMEL. Il est sévèrement gardé et chacun doit savoir répondre par l'onomatopée " mée mée " au mot de passe " Bichette Bichette ". Ce maquis est en communication avec celui de Trelly, dirigé par Jean-Baptiste ETIENVRE et son adjoint Roger LAMY, lesquels sont en relations avec celui dirigé à Montjoie-St-Martin par André ROUAULT, installé à la ferme LAPORTE (528).

Rappelons que la direction et plusieurs hommes de " Libération-Nord ", ayant quitté la région cherbourgeoise, vivaient dans la clandestinité au petit " maquis " de Sortosville-en-Beaumont.

C'est dans la région du Mortainais que les maquis seront les plus étoffés.

Ceux de St-Georges-de-Rouelley et de St-Cyr-du-Bailleul sont sous les ordres de Jean FOUQUÉ, adjoint du capitaine LEFÈVRE, instituteur, commandant les groupes de la région de Domfront. Ils ont installé un camp au lieu-dit " La Fosse Arthour ", à la limite des départements de l'Ome et de la Manche.

D'autres se formeront quelques semaines plus tard dans la région de StPois, autour de Joseph HILLIOU, à Champ-du­Boult, commune limitrophe dans le Calvados ; à Virey, à St-Symphorien-des-Monts, à Martigny et au Mesnillard, au fur et à mesure de l'avance des armées alliées vers le sud.

APRÈS LA TOURMENTE

Depuis plus de quatre ans, la Résistance, d'abord faible et tâtonnante dans les débuts de l'occupation, mais résolue et confiante, s'est beaucoup amplifiée notamment à partir de 1943 par l'engagement de nombreux jeunes réfractaires au S.T.O. Peu à peu, les divers groupes qui la composaient ont compris la nécessité d'agir en commun. Bien que trop souvent démunis des armes indispensables et souvent désorganisés et dispersés par l'écrasement sous les bombes de la plupart des villes ou bourgades, ils ont rempli avec détermina­tion les tâches assignées par le Commandement allié.

Ils ont été aidés et parfois suppléés par de patriotes non engagés, et c'est pourquoi nous n'avons fait nulle différence entre eux. Beaucoup sont morts pour la libération de la France, fusillés, abattus sans jugement, disparus dans les camps de concentration ou écrasés sous les ruines de la prison de Saint-Lô.

La longue liste de leurs noms, inscrite en lettres d'or sous le porche de cette geôle, témoigne de la grandeur de leur sacrifice.

L'administration préfectorale dirigée par un universitaire, résistant du Calvados, Édouard LEBAS, s'installe à l'École Normale d'institutrices de Coutances, épargnée par le bombardement sévère de cette cité.

Avec le concours du Comité départemental de Libération (C.D.L.), il lui faut assurer le ravitaillement et le relogement provisoire des Populations de nombreuses villes et communes sinistrées : près de 400 sur les 647 du département. Certaines comme Saint-Lô, Montebourg, Périers, Sourdeval, sont presque entièrement détruites, d'autres comme Mortain, Avranches, Lessay, Valognes, La Haye-du-Puits, sont très sévèrement touchées. De petites communes situées sur le front de bataille, près de Saint-Lô ou de Mortain, sont complètement anéanties.

Dans la Liberté retrouvée, le département pansera ses plaies. Aidé par le dévouement des fonctionnaires de la Préfecture, en majorité des résistants, le " Préfet des Ruines " fera face, avec succès, à cette énorme tâche.

Au plus vite, il faut rétablir les communications ferroviaires et routières afin d'assurer le ravitaillement des populations, trouver ou construire des baraque­ments pour mettre à l'abri et loger les 260 000 sinistrés et réfugiés, dont un grand nombre, ayant tout perdu, sont devenus des nécessiteux. Ainsi 20 000 réfugiés de Saint-Lô, Coutances, Périers et d'autres localités du centre de la Manche trouveront un asile provisoire dans la zone s'étendant d'Agon à Lessay.

Beaucoup sont préoccupés par le sort des Prisonniers, des requis du S.T.O. dont on ne recevra plus de nouvelles, des Déportés dont le sort cruel est alors inconnu.

Chacun reprend espoir en apprenant la rapide avance des troupes américaines vers Paris. Cependant l'ennemi ne lâche pas facilement sa proie ; le 15 août, alors que notre département vient d'être libéré, les nazis font partir de Compiègne le dernier convoi emmenant des résistants, déportés dans les camps de concentration en Allemagne !

Le 2 août, la 2e Division blindée du Général LECLERC débarque sur nos côtes du Cotentin, à Saint-Martin-de-Varreville. Traversant notre département jusqu'à Saint-James, elle s'empare d'Alençon le 10 août.

Tandis que la capitale s'insurge contre les Allemands, les premiers éléments de la 2e D.B. conduits par DRONNE arrivent le 24 août à l'Hôtel-de­Ville de Paris, tenu par les F.F.I. Le lendemain, ceux-ci accueillent le Général de GAULLE, chef de la France Libre.

Le 23 novembre, la prestigieuse formation libère l'Alsace et entre à Strasbourg. Le 7 mars 1945, elle franchira le Rhin et terminera sa fulgurante offensive à Berchtesgaden, résidence d'été de HITLER.

Les prisonniers, les requis, rentrent dans leurs foyers. Ce ne sera qu'en fin mai ou début de juin que les rares rescapés des camps de concentration pourront être soignés, puis rapatriés.

Le Département pourra alors panser ses plaies et redevenir un des plus prospères de France.