La ville de Saint-Lô baptisée " Rocher de la liberté " par la Révolution française, a été ravagée par l'armée de la Libération en 1944, au point d'être appelée " Capitale des ruines ".

Le soir du 6 juin 1944 le coeur de la ville de Saint-Lô a été incendié par l'aviation alliée, dont les bombardements ont continué en juin-juillet . Arrivée assez tôt dans les parages de Saint-Lô (Villiers-Fossard et Mesnil-Rouxelin) l'armée américaine, retardée par la " bataille des haies " et la conquête du port de Cherbourg progresse difficilement vers Saint-Lô. Enfin le 19 juillet. L'armée allemande se replie au sud et à l'ouest de la ville : quand les soldats Américains arrivèrent à Saint-Lô, les deux tours de l'église Notre-Dame étaient toujours debout. Un officier des renseignements américain ayant parcouru courageusement les galeries de la façade de l'édifice, aurait voulu y établir un observatoire, mais les chefs l'en dissuadèrent et d'ailleurs, la nuit suivante, une batterie allemande établie à Agneaux défonça la façade de l'église entraînant la chute de la tour nord. déjà ébranlée par l'incendie du beffroi et la chute consécutive du bourdon au travers des voûtes.

 

Voici le témoignage d'un de mes amis habitant la rue des Prés qui se réfugia dans cet abri :

" Maman, ma soeur et non frère sont partis dans cette cave depuis le bombardement de 17 heures. Je les rejoins alors que tombent les premières bombes vers 20 heures. On a vu 14 avions qui volent très haut. Nous sommes entrés dans cet abri par un petit escalier ouvert sur la rue du Poids National, sur le côté des magasins Letenneur. Nous nous trouvons dans une très grande cave qui court sous tout le magasin. Elle est divisée en plusieurs salles voûtées. Déjà quelques personnes sont ici mais il en arrive tout le temps. Nous nous éclairons avec des bougies et des lanternes. Le souffle des bombes entrant par les soupiraux éteint celles-ci causant des " trouilles " importantes. On rallume dès que possible. Quelques paniques se produisent à l'arrivée de nouveaux réfugiés. En entrant ils renversent des extincteurs qui se déclenchent tous seuls, leur jet à longue portée causaient autant de peur que les bombes du dehors.

Dans la nuit un réfugié fait son apparition sur l'escalier intérieur. Il crie : " Je suis libre ! Je suis libre ... ! " C'est un prisonnier échappé aux ruines de la prison toute proche. Sa joie est surréaliste dans ces moments de ruines et de mort..

Je suis sorti de l'abri entre les bombardements de 1 heure du matin et de 4 heures ; maman s'y oppose... Le spectacle de la place Gambetta est hallucinant : les tours et les voûtes de Notre-Dame brûlent, l'ancienne " Maison Dieu " flambe comme un chaudron, c'est une fournaise qui m'entoure de partout. Je suis apparemment le seul spectateur de Saint-Lô en feu ! Fasciné ! "

 

Autre témoignage :

". ... de 8 heures du soir le mardi 6 juin jusqu'au mercredi 7 à 4 heures du matin nous restons dans l'abri Letenneur qui se remplit peu à peu, nous y serons 150 personnes peut-être même plus ; bébés, vieillards, et même quelques prisonniers échappés de la prison qui vient d'être démolie par les bombes.

Nous prions et chantons des cantiques, monsieur François Letenneur est très charitable : v in distribué, matelas, pèse-bébé pour y mettre les enfants. A 1 heure du matin, nouvelle émotion terrible, les bombes tombent, l'abri résiste. Nous courbons le dos à chaque fois, une odeur de soufre nous emplit la bouche, nous sommes couverts de poussière, nous résistons. Mais nous apprenons plus tard que deux bombes sont tombées sur l'immeuble et qu'une torpille heureusement non éclatée est près de nous. à 5 mètres.

Jean est admirable. il ranime les courages. Quelques blessés arrivent. Notre boite à pharmacie est utilisée. Quelqu'un de Cherbourg. monsieur

Camerlynch. blessé à la tète, meurt dans notre abri, le père Marie lui donne l'absolution... Dans un fracas terrible les glaces des magasins Letenneur s'effondrent... A 5 heures nous quittons l'abri et alors un spectacle effrayant s'offre à nos veux. La place Gambetta est en flammes. L'église Notre-Dame se dresse portes ouvertes. majestueuse au milieu du feu, elle-même flambe. Nous nous dirigeons vers la Poterne et marchons au milieu des plâtres, pierres et fils électriques et de multiples plaquettes incendiaires intactes. Nous entrons dans l'abri souterrain creusé par les allemands. Il est occupé par des soldats et de nombreux civils. Nous restons une demi-heure et partons vers le Hamel­Aubrais ... "