Au printemps de 1945, Anne Frank âgée de quinze ans, mourut dans le camp de concentration de Bergen-Belsen. Les changements qui eurent lieu en Allemagne en 1933 après qu'Hitler ait été élu et la vie quotidienne dans les Pays-Bas sous l'occupation après 1940, obligèrent les personnes à faire un choix : collaborer, résister ou rester passif.


LA FAMILLE FRANK, FRANCFORT

Les ancêtres d'Anne Frank ont vécu à Francfort depuis le XVIIe siècle. Otto Frank, son père, est né le 12 mai 1889 dans le Westend, un des riches quartier du côté ouest de Francfort. Son père est banquier. Après le lycée, Otto Frank suit brièvement les cours des beaux-arts de l'université de Heidelberg. Il part ensuite, à l'appel d'un ami, pendant deux ans (1908-1909) à New York, où il travaille pour les fameux grands magasins Macy's. A la mort de son père il retourne en Allemagne. Il travaille jusqu'en 1914 dans une entreprise de construction métallique de Düsseldorf. Pendant la Première Guerre mondiale, Otto Frank et ses deux frères servent dans l'armée allemande. Otto atteint le grade de lieutenant dans le service des liaisons. Après la guerre, il est employé dans la banque de son père, mais les temps sont durs pour les banques en Allemagne à cette époque. C'est pendant ces années qu'il fait la connaissance d'Edith Holländer, fille d'un industriel. Née en 1900, elle a grandi à Aachen. Otto et Edith se marient en 1925 et s'établissent à Francfort. Ils ont deux filles, Margot, née en 1926 et Anne, dont le nom complet est Annelies Marie, née le 12 juin 1929.

FRANCFORT-SUR-LE-MAIN PENDANT LES ANNÉES VINGT. PORTRAIT D'UNE VILLE

 

Depuis le Moyen Age. Francfort est un important centre financier et commercial. A la fin du XIXe siècle de nouveaux terrains sont promus industriels à l'est et à l'ouest de la ville. Après avoir absorbé les villages qui l'entourent, Francfort devient la ville allemande la plus étendue de l'après-guerre. En 1929, la ville compte 540.000 habitants. La tradition et la modernisation se côtoient harmonieusement. faisant de Francfort une ville attractive et moderne, aussi bien économiquement, socialement que culturellement. Le climat intellectuel et politique est démocratique et progressiste. La mairie est gouvernée par une coalition de partis sociaux-démocrates, libéraux et chrétiens.

FRANCFORT 1929: CRISE POLITIQUE ET ÉCONOMIQUE

À Francfort aussi, la grande dépression de 1929 accentue les tensions politiques et sociales. Entre 1929 et 1932, la production industrielle baisse de 65 %. A la fin de 1932. la ville compte plus de 70000 chômeurs. Un quart de la population, surtout des ouvriers et des fonctionnaires, ne jouit plus d'un revenu régulier. De plus, les nationaux-socialistes exploitent l'impuissance du système démocratique à résoudre la crise. C'est au mouvement ouvrier qu'échoit le combat contre la menace d'extrême droite.

LA COMMUNAUTÉ JUIVE DE FRANCFORT

En 1929, la communauté juive de Francfort compte environ 30.000 personnes, soit plus ou moins 5,5 % de la population. Elle est la seconde du pays, après celle de Berlin, et remonte au Moyen Age. Ce n'est qu'au début du XIXe siècle que l'obligation de vivre dans le ghetto est supprimée, et que les Juifs sont déclarés égaux aux Allemands devant la loi. Cela marque le début d'un processus d'assimilation culturelle et sociale. Les organisations philantropiques juives jouent un rôle important dans le développement de la ville. Bien que l'antisémitisme n'ait pas complètement disparu, Francfort reste une ville tolérante. Et ce, aussi bien à l'égard des Juifs traditionalistes, qu'à celui de ceux qui s'intègrent dans la société.

LES NATIONAUX-SOCIALISTES

SUR LA VOIE DU POUVOIR

 

Durant les années vingt et le début des années trente, l'Allemagne est marquée par la crise économique, l'inflation et l'humiliation nationale de la défaite de 1918 et du traité de Versailles qui suivit. Beaucoup d'ouvriers perdent leur travail, des fermiers leurs terres et des épargnants leurs économies. Le parti national-socialiste ouvrier allemand (NSDAP), fondé en 1919, recrute de plus en plus d'adhérents. Hitler accuse ce qu'il appelle un " gouvernement mou " et les Juifs d'être à l'origine des problèmes allemands. Les mouvements fascistes veulent le pouvoir absolu, au besoin par la voie " démocratique ". en fait, en faisant le plein des voix des adhérents. Les nazis exploitèrent habilement les tendances apparemment humaines de rechercher un bouc émissaire à blâmer. De même que certains partis accusent aujourd'hui les " étrangers " d'être à l'origine de tous les maux de la terre, Hitler blâmait les Juifs.

HITLER EST NOMMÉ CHANCELIER DU REICH

En janvier 1933, Hitler remporte les élections et, en partie en raison des divisions de la gauche, il prend la tête d'une coalition de gouvernement. En mars 1933, il a le pouvoir absolu. IL est essentiel de souligner qu'Hitler a commencé avec un large soutien populaire. IL parvient à transformer les sentiments d'insécurité et de mécontentement en un mouvement politique de masse. Dans le reste de l'Europe, des mouvements similaires se développent.

LA DÉMOCRATIE ABOLIE

Une des principales caractéristiques du national-socialisme est celle du leader, le rejet ouvert de la démocratie. Les autres partis sont interdits et les opposants sont éliminés. En 1933, environ 150.000 opposants politiques sont envoyés dans les camps de concentration pour " rééducation ". Aux débuts du régime, des élections sont encore organisées, pour la forme.

LE MOUVEMENT OUVRIER

Les nazis procèdent rapidement à l'élimination du mouvement ouvrier. L'arrestation, en mars 1933, de 10.000 membres actifs, est un coup dur pour les syndicats. Malgré la répression, le même mois, les syndicats antinazis remportent 80 % des votes lors des élections professionnelles. Le 1 mai 1933, Hitler annonce la célébration du " Jour de travail national ". La plus importante centrale syndicale, le ADGB, appelle ses membres à y participer. Ce jour devient, en fait, une manifestation de masse nazi.

Le jour qui suit, les nazis occupent les bâtiments des syndicaux, confisquent les biens de ces derniers et remplacent les leaders syndicalistes par des nazis. A partir du 10 mai 1933, le DAF (Deutsche Arbeits Front : Front du travail allemand) est le seul syndicat autorisé par les autorités. Tous les salariés doivent en devenir membres. Il ne reste plus de place pour un mouvement syndicaliste indépendant qui défend les intérêts de ses membres : employeurs et salariés doivent collaborer entre eux, selon les nazis. Les grèves sont interdites.

LE SERVICE DU TRAVAIL OBLIGATOIRE (STO)

Pour combattre le chômage, les nazis mettent en train des travaux créateurs d'emplois : autoroutes et industrie d'armement. L'économie devient une économie de guerre. À partir de 1935, tout le monde, les jeunes inclus, doit participer à l'effort. Une période obligatoire de travail et d'endoctrinement - en échange d'un salaire symbolique - est instituée. À partir de 1938, les ouvriers de certaines branches industrielles sont contraints de travailler pour l'industrie d'armement.

LE BOYCOTTAGE ANTIJUIF ET L'ANTISÉMITISME SPONTANÉ

Le 1 avril 1933, Goebbels décrète le boycottage officiel des magasins, des médecins et des avocats juifs. Le 11 avril 1933, tous les fonctionnaires ayant au moins un grand-parent juif sont renvoyés. Des dizaines de mesures comme celles-ci sont mises au point pour éliminer les Juifs du monde du travail et des affaires.

Selon la doctrine nazie, il n'y a de place dans la nation que pour les " vrais Blancs " allemands (Aryens). Seul un Aryen peut être un Volksgenossen (compatriote). Les entreprises juives sont " aryanisées ", et les propriétaires contraints de vendre. Le personnel juif est renvoyé.

L'ÉTAT PROVIDENCE NATIONAL-SOCIALISTE

L'État nazi donne l'impression de prendre soin de tout : les vacances et les loisirs, l'art et la culture, la santé de la mère et de l'enfant, une automobile pour chaque foyer. etc. Ceci, toutefois, n'est valable que pour les Volksgenossen sains physiquement et mentalement et " purs " racialement.

L'ASSASSINAT DES HANDICAPÉS

Les nazis sont d'avis qu'un peuple sain ne doit rien dépenser pour les soins dus aux handicapés mentaux. Des milliers d'entre eux sont assassinés en secret à partir de 1939. A l'opposé de la persécution des Juifs, beaucoup de protestations s'élèvent contre cet acte, entre autre dans les milieux ecclésiastiques. En 1941, le soi-disant " Projet Euthanasie " est arrêté, en grande partie. Environ 72000 handicapés physiques et mentaux, ainsi que des alcooliques, ont alors été tués au moyen d'injections et de gazages. Pendant les dernières années de la guerre, 130000 d'entre eux mourront de faim et de froid.

POLITIQUE DÉMOGRAPHIQUE ET RACIALE

Les nazis encouragent les familles nombreuses : plus d'enfants c'est davantage de futurs soldats. Mais ces enfants doivent être " purs " racialement, et sains de corps et d'esprit.

14 juillet 1933 : loi pour la prévention des descendants héréditairement handicapés : la stérilisation obligatoire pour :

- entre autre - les handicapés mentaux, les épileptiques, les sourds et les aveugles.

1935: loi de Nuremberg pour la protection du sang allemand et de l'honneur allemand : interdiction des mariages entre Juifs et Aryens. et punition de ceux qui ont des rapports sexuels mixtes (scandale racial). 1937: la Gestapo (police nazie) emmène 385 enfants noirs allemands dans les hôpitaux universitaires pour les faire stériliser.

23 L'ÉGLISE ET LA RELIGION

Bien que l'idéologie nazie soit fondamentalement antichrétienne, à partir de 1933 les nazis peuvent compter sur l'appui des Églises allemandes. À quelques exceptions près, les Églises protestantes et catholiques soutiennent les principes raciaux et politiques de l'idéologie nazie. Le 28 mars 1933, les évêques catholiques déclarent leur loyauté à Hitler. Le mois suivant, le Altpreussische Union, suit leur exemple.

Lors des élections tenues le 25 juillet 1933 par l'Église évangélique, les " Chrétiens germains " - antisémites - gagnent avec une large majorité. Aucune voix ne se fait entendre du côté des Églises officielles pour protester contre les persécutions dont sont victimes les Juifs, même parmi les Juifs convertis et baptisés.

LE MOUVEMENT DE JEUNESSE

Après 1933, un seul mouvement de jeunesse est autorisé : les Hitler Jugend (Jeunesses hitlériennes). Les autres organisations sont soit absorbées, soit interdites. Le but est de faire des jeunes de vrais nationaux-socialistes. Pour les garçons l'accent est mis sur les activités militaires, pour les filles, sur la maternité. Le mouvement de jeunesse favorise les sports et l'activité physique. Lire et apprendre sont des occupations de seconde importance.

L'ENSEIGNEMENT

L'enseignement devient national-socialiste. En avril 1933, une loi décrète le renvoi de tous les enseignants juifs et opposants politiques. Des centaines de livres scolaires sont remplacés par du matériel nazi. De nouveaux sujets comme la génétique et l'étude des races sont introduits. Les professeurs d'université en fonction sont remplacés par des nazis. Les opposants politiques et les Juifs sont privés de leurs titres et le nombre de Juifs et d'étudiantes est limité. En 1938, les Juifs se voient interdire l'entrée dans les écoles et universités.

LA PROPAGANDE

Le nazisme est dépendant de sa propagande. Les manifestations de masse, les photos, les affiches, les timbres sont utilisés pour propager l'idéologie nazie. La propagande est tellement importante qu'un ministère entier y est consacré, sous les ordres de Joseph Goebbels.

L'ART ET LA CULTURE

Dans l'Allemagne d'Hitler, l'art et la culture sont subordonnés à l'idéologie nazie. Les oeuvres d'artistes juifs ou opposants politiques sont interdites, confisquées ou détruites. L'artiste indépendant ne peut plus travailler. Pour pouvoir continuer à travailler, les peintres, musiciens et auteurs sont contraints de s'inscrire à la " chambre de la culture ", instituée par Goebbels.

L'ARMÉE ET LE RÉARMEMENT

Peu après l'arrivée au pouvoir, Hitler rencontre la haute hiérarchie militaire, et lui expose ses plans : " la honte de Versailles " doit être effacée ; le réarmement, le retour des territoires perdus et les nouveaux " espaces de vie " (Lebensraum) à l'est de l'Allemagne sont ses buts. L'armée accepte à condition que le pouvoir du SA, l'organisation paramilitaire hitlérienne (2,5 millions de membres), soit limité. Sur les ordres de Hitler, le 30 juin 1934, les chefs des SA sont assassinés par les SS. A la fin de cette année, la hiérarchie militaire prête serment d'allégeance. En 1935, le service militaire est réinstauré.

LA LOI ET LA JUSTICE

Le 7 avril 1933, Hitler reçoit une délégation de juges allemands. Ils demandent, en échange de leur loyauté, qu'Hitler garantisse leur indépendance. Hitler accepte, à condition que certaines " mesures nécessaires " soient introduites et appliquées. La délégation accepte, et les Juifs et opposants politiques sont renvoyés du département de la justice.

Certains juges réalisent les conséquences de cet accord et démissionnent. D'autres croient pouvoir prévenir le pire en restant en place, mais rapidement l'appareil judiciaire s'intègre à la machine de terreur.

Les lois raciales et les preuves obtenues sous la torture sont bientôt acceptées, tout comme l'action incontrôlée des SA, des SS et de la Gestapo contre les soi-disant "traîtres ". Et finalement, l'abolition des droits des Juifs, homosexuels et Gitans est instituée.

LA VIE DES JUIFS EN ALLEMAGNE, 1933-1940

En 1933. environ un demi-million de Juifs (soit 0,77 % de la population) vivent en Allemagne, aussi bien dans les villes qu'à la campagne. Dès l'arrivée des nazis au pouvoir, les Juifs sont systématiquement isolés. En avril 1933, les fonctionnaires juifs sont licenciés. Dans toutes les facettes de la vie quotidienne les Juifs sont isolés de leurs compatriotes - le travail, l'enseignement, les loisirs, la culture - par une liste apparemment interminable de décrets. La communauté juive - en constante diminution - essaie malgré tout de continuer à mener une vie normale.

LA " NUIT DE CRISTAL "

Du 9 au 11 novembre 1938, des dizaines de synagogues, et des milliers d'établissements et de bâtiments juifs sont détruits et brûlés. Cette action, connue sous le nom de " Nuit de Cristal " (nommée ainsi à cause des vitrines brisées) marque une intensification des persécutions antijuives. Le 12 novembre, les premières arrestations de masse ont lieu. Environ 30000 Juifs, hommes et adolescents, sont arrêtés et déportés vers les camps de Buchenwald, Dachau et Sachsenhausen.

LES RÉFUGIÉS JUIFS

À partir de 1933, de plus en plus de Juifs quittent l'Allemagne. La " Nuit de Cristal " provoque un exode massif. Au printemps de 1939. la moitié des 500000 Juifs allemands ont fui. Leur problème est : vers où fuir ?

Les fugitifs juifs ne sont pas partout les bienvenus. Beaucoup de pays instituent un système de quotas d'immigration, certains leur ferment même leurs frontières. Les réfugiés sont par conséquence éparpillés dans le monde entier, souvent après être passés par les voies les plus détournées.

LES RÉACTIONS INTERNATIONALES

Les réactions internationales à l'arrivée au pouvoir par Hitler sont variées. Beaucoup ne croient pas à un régime hitlérien qui se perpétuerait et refusent de se mêler au problème. D'autres encore sont si enthousiastes qu'ils créent des sections du mouvement national-socialiste dans leur propre pays. En général, le danger du national-socialisme et les persécutions des Juifs étaient largement sous-estimés.

LA VIE DES JUIFS AUX PAYS-BAS AVANT 1940

En 1940, la population juive des Pays-Bas compte environ 140.000 membres, dont 24.000 réfugiés. Le gouvernement hollandais, qui n'est pas convaincu de la nécessité pour les Juifs de fuir l'Allemagne, limite le nombre de réfugiés admis aux Pays-Bas. Les seules facilités misent à leur disposition sont les camps de baraques comme celui de Westerbork, que la communauté juive doit entièrement financer.

La communauté juive d'Amsterdam est la plus importante du pays : elle compte 90.000 personnes. La plupart sont pauvres, et travaillent dans les secteurs du commerce et de l'industrie du vêtement et du diamant. Malgré quelques expressions d'antisémitisme modérées, la communauté juive se sent assimilée à la population hollandaise.

LA FAMILLE FRANK : PAYS-BAS, 1933-1940

En 1933, après l'arrivée d'Hitler au pouvoir et le début du boycottage antijuif, Otto Frank quitte Francfort pour Amsterdam. IL y ouvre une filiale de la firme Opekta, et il est bientôt rejoint par Edith, Margot et Anne. La famille Frank habite une maison sur le Merwedeplein, dans le sud de la ville. Margot et Anne suivent les cours de l'école Montessori voisine. Elles ont beaucoup d'amies avec lesquelles elles sortent souvent, comme en témoignent de nombreuses photographies. Les Frank se lient d'amitié avec d'autres émigrés juifs établis dans le même quartier. L'entreprise Opekta marche bien. Le 10 mai 1940 cette vie insouciante est interrompue par l'invasion des Pays-Bas par l'Allemagne.

LES NATIONAUX-SOCIALISTES NÉERLANDAIS

En 1931, Anton Mussert fonde le Nationaal Socialistische Beweging (NSB, ou Mouvement national-socialiste). Durant les années trente, le parti prend de l'importance et atteint 8 % des voix en 1935. Les partisans du NSB se trouvent chez les fonctionnaires, les petits entrepreneurs et les paysans qui ont perdu leur foi dans les partis confessionnels. Après 1935, la popularité du parti diminue à cause, entre autres, de son antisémitisme affiché. Lors de l'invasion des Pays-Bas par l'Allemagne, l'organisation compte encore 27000 membres.

MAI 1940: LES PAYS-BAS OCCUPÉS

L'invasion allemande, le 10 mai 1940, sera une surprise complète. Les Pays-Bas s'attendaient à pouvoir rester neutres, comme durant la Première Guerre mondiale. L'occupation est rapide. En quelques jours, tous les points stratégiques sont occupés. Le gouvernement et la famille royale fuient en Grande-Bretagne. Après de violents combats à Arnhem et le bombardement de Rotterdam, les Pays-Bas doivent se rendre sans conditions. A partir du 15 mai 1940, le pays est occupé.

LES PREMIÈRES MESURES

Après le premier choc et la terreur due aux actions militaires, la plupart des Néerlandais sont soulagés. Les Allemands, pensent-ils, se comportent " correctement ". Certaines mesures sont raisonnables, comme le couvre-feu. D'autres sont supportables, comme l'introduction de la carte d'identité. L'Allemagne semble invincible, il est donc " raisonnable " de se conformer à l'inévitable.

La grande majorité des fonctionnaires, enseignants et juges, y compris les Juifs parmi eux, remplissent la " Déclaration d'aryanité ".

LA PREMIÈRE RAZZIA

Le sérieux des intentions allemandes apparaît en février 1941. Les WA (branche paramilitaire du NSB) pénètrent à plusieurs reprises dans les quartiers juifs d'Amsterdam, où ils se conduisent de façon brutale et agressive. Les marchés de la Waterlooplein et du Amstelveld sont plusieurs fois attaqués. Les habitants des quartiers juifs organisent des groupes d'autodéfense. IL s'ensuit des combats violents. Quand un membre des WA meurt, à la suite de ses blessures, les Allemands interviennent et des adolescents, tous Juifs, sont appréhendés dans la rue, les cafés et les maisons, battus et emmenés vers une destination inconnue.

LA GRÈVE DE FÉVRIER

En protestation contre cette razzia plusieurs groupes de la résistance - et principalement les communistes - appellent à la grève générale. Les 25 et 26 février, le mot d'ordre est massivement suivi. Dans et autour d'Amsterdam des dizaines de milliers de personnes cessent le travail, ce qui fait de cette grève l'acte de résistance le plus important de la guerre. Les Allemands répondent avec force : la troupe est mise en action, des coups de feu sont tirés et des gens arrêtés. Par peur de représailles encore plus violentes, la grève est arrêtée le 27 février.

LA COLLABORATION

Les organisations nationales-socialistes néerlandaises, dont le NSB est la plus importante, coopèrent avec les Allemands. Même après les razzias de février, elles organisent des manifestations de masse sous le signe de l'antisémitisme et du fascisme. La collaboration par intérêt personnel existe aussi. Certains pensent pouvoir tirer profit de l'occupation allemande. Cela va de la vente de gâteaux à l'armée allemande, à la construction d'installations militaires.

LA COLLABORATION : LES VOLONTAIRES SS

Les Allemands, utilisant les sentiments anticommunistes très répandus, demandent des volontaires pour le front de l'Est. Pas moins de 30.000 hommes et jeunes gens répondent à l'appel. Au début d'avril 1941, 17.000 d'entre eux sont admis dans la Waffen SS. 15.000 autres entrent dans la police et les organisations auxiliaires de l'armée. Celui qui veut devenir SS doit évidemment se soumettre à un examen de " pureté raciale héréditaire ".

LES MESURES ANTIJUIVES

Le 12 février 1941, les Allemands exigent des membres importants de la communauté juive qu'ils organisent un " Conseil juif ", qui doit représenter tous les Juifs. Ils acceptent en espérant pouvoir éviter le pire. Les Allemands utilisent le Conseil juif comme exécutant de leurs ordres. Petit à petit les droits des Juifs sont réduits et la communauté juive est de plus en plus isolée.

LA RÉSISTANCE

Bien que la plupart des Néerlandais soient anti-allemands, ou le deviennent à cause de la terreur et de la pénurie, ils ne sont pas tous pour la résistance. Beaucoup de facteurs les retiennent : la peur, un rejet fondamental de la désobéissance civile, la conviction religieuse prônant l'obéissance à tout gouvernement quel qu'il soit, et surtout une habile propagande présentant le faux choix entre communisme et fascisme.

Au début de la résistance les différentes convictions religieuses et politiques gênent la coordination des différents mouvements. L'occupation est trop soudaine et il n'existe pas de tradition de résistance aux Pays-Bas. Les premiers actes de résistance sont surtout symboliques, et ce n'est qu'à partir de 1942-1943 qu'ils deviennent efficaces.

LE DÉBUT DES DÉPORTATIONS :

CLANDESTINITÉ, TRAHISON ET RÉSISTANCE

À partir de janvier 1942, les hommes juifs au chômage sont appelés à se présenter pour travailler dans l'est des Pays-Bas. Ce sont ensuite les familles entières qui doivent se rendre à Westerbork, un camp de transit. De là partent les trains pour ce qui est appelé des " camps de travail à l'Est ".

Le Conseil juif est contraint de livrer le quota requis de Juifs pour Westerbork, sinon des razzias sont organisées pour atteindre le nombre fixé. Des milliers de Juifs décident de ne pas partir et entrent dans la clandestinité.

LA FAMILLE FRANK : LA CLANDESTINITÉ

Durant l'année 1941, les mesures antisémites s'amplifient et la famille Frank se prépare à entrer dans la clandestinité. Grâce à la coopération de son équipe (M. Kraler, M. Koophuis, Miep Gies et Elli Vossen), Otto Frank réussit à préparer, dans le plus grand secret, une cachette pour les siens et la famille van Daan (M. van Daan est actif dans l'entreprise d'Otto Frank). Le 5 juillet 1942, Margot Frank reçoit le fameux appel à se présenter à un camp de travail. Le jour suivant, la famille Frank déménage dans l'Annexe. Une semaine plus tard, la famille van Daan les y rejoint. M. Dussel suivra un peu plus tard. Les événements des années suivantes sont décrits par Anne dans son journal, offert par son père pour son treizième anniversaire, le 12 juin 1942.

ACCENTUATION DE LA RÉPRESSION ET DE LA RÉSISTANCE

Au printemps 1943, les Allemands commencent à perdre du terrain militairement. L'avance des Alliés en Afrique du Nord, la contre-attaque soviétique, et la chute de Mussolini encouragent la résistance. Mais, simultanément, la répression contre les autres Néerlandais s'accentue. En septembre 1944,

250.000 personnes de la population non-juive vivent en clandestinité ; de plus, il y a 12.500 prisonniers de guerre, 7.000 prisonniers politiques et 300.000 au STO. En dehors de ces groupes, environ 900.000 personnes doivent quitter leur habitation. À ce moment, les Pays-Bas comptent une population de presque 9.000.000 d'habitants. Au début de l'été de 1944, beaucoup de membres de la résistance sont exécutés. Des centaines d'autres sont fusillés à titre de représailles, à la suite d'actions entreprises par la résistance.

LA DÉPORTATION DES JUIFS HOLLANDAIS

La plupart des razzias et des transports vers les camps ont lieu la nuit. A Amsterdam, la plus grande partie des Juifs sont transférés au théâtre juif avant de partir pour Westerbork. La majorité d'entre eux restent plusieurs semaines dans ce camp, quelques-uns plus d'un an. En 1943, les transports vers le camp se suivent à une cadence telle que celui-ci est bientôt surpeuplé. Westerbork est, en fait, un camp de transit. C'est le point où les Juifs sont rassemblés, avant d'être transportés vers les camps d'extermination, à l'Est.

ENDLÖSUNG (LA SOLUTION FINALE)

Pendant l'avance allemande en Europe de l'est, l'armée est suivie par des unités spéciales de SS, les soi-disant Einsatzgruppen, qui entament l'extermination massive des Juifs. Plus d'un million d'entre eux sont fusillés.

En 1941, la décision est prise de " nettoyer l'Europe de ses Juifs ". C'est à la Conférence de Wannsee que les plans sont établis pour l'extermination des 11.000.000 de Juifs européens. Ces plans seront bientôt connus sous le nom de ENDLÖSUNG, la " solution finale du problème juif ". Des camps d'extermination et de travail sont construits. Un grand nombre de Juifs déportés - surtout les vieillards, les mères et les enfants - sont gazés à leur arrivée. Les autres doivent travailler jusqu'à leur mort, résultant la plupart du temps d'épuisement. Près de six millions de Juifs sont tués de cette manière. En dehors des Juifs, de très nombreux autres groupes meurent dans les camps : opposants politiques, homosexuels, témoins de Jéhova, " éléments asociaux ", les prisonniers de guerre russes, et, au moins 2.20.000 gitans.

LA FAMILLE FRANK : LA FIN

Le 4 août 1944, la Grüne Polizei (Police verte), envahit l'Annexe de la maison au 263 Prinsengracht. Les Juifs qui s'y cachent sont déportés dans les camps de concentration.

LE JOUR J., LA LIBÉRATION DU SUD DES PAYS-BAS

En 1944, les forces alliées réussissent à percer en Europe. A l'Est, les Allemands reculent devant l'avance soviétique, et, à l'Ouest, le débarquement du 6 juin 1944 marque le début de la libération. En un jour, 156.000 militaires alliés débarquent en Normandie.

A la suite de cette opération réussie, les rumeurs se répandent. Ainsi, pendant une journée entière - le Mardi fou (Dolle Dinsdag) -, la population pense que la libération est imminente. La libération du sud des Pays-Bas aura effectivement lieu pendant l'automne 1944.

L'HIVER DE LA FAIM

En septembre 1944, à l'appel du gouvernement en exil, les cheminots se mettent en grève. En réponse à cette grève, les nazis interdisent l'arrivée de nourriture dans les villes. Une énorme pénurie s'ensuit, aggravée par les confiscations de nourriture effectuées par les nazis. La situation devient critique quand le charbon et le fuel ne sont plus livrés. Tout ce qui peut être brûlé est utilisé comme combustible, tout ce qui peut être mangé est consommé, même les bulbes de tulipes. Des milliers d'enfants sont envoyés à la campagne, où la nourriture est moins rare. Des dizaines de milliers, affaiblis par la famine, tombent malades. Environ 22.000 personnes meurent de faim. Pendant ce temps, les Allemands prennent tout ce qui a de la valeur et l'emmènent en Allemagne : les bicyclettes, les machines-outil, l'équipement industriel, les automobiles et le bétail disparaissent ainsi du pays.

LA LIBÉRATION DES PAYS-BAS

En avril 1945, l'aviation anglaise largue de la nourriture au-dessus des Pays-Bas. Ces largages sont annoncés par la radio anglaise et permettent à beaucoup de survivre pendant les derniers jours de la guerre.

Quelques semaines plus tard, le 5 mai, les Pays-Bas sont libérés. Le pays entier fête la libération. Au même moment commence l'arrestation des NSB et des collaborateurs. Plus de 75 % des Juifs hollandais ne survivent pas à la guerre : environ 100.000 personnes semblent avoir été assassinées. Des 24.000 Juifs en clandestinité, 16.000 restent en vie jusqu'à la Libération.

LA FIN DE LA GUERRE EN ALLEMAGNE

Le 8 mai 1945, l'armée allemande se rend sans conditions. Pendant les mois précédents, les villes allemandes ont été si sévèrement bombardées qu'il n'en reste pratiquement plus rien. Hitler et Goebbels se sont suicidés à Berlin. Beaucoup de nazis sont arrêtés. Lors de l'invasion de l'Allemagne, les troupes russes, anglaises, américaines, françaises et autres coopèrent très étroitement entre elles.

Bien qu'il soit trop tard pour des millions de personnes, un grand nombre d'entre elles sont délivrées des prisons et des camps de concentration par les Alliés. L'Allemagne est placée sous l'autorité des Alliés.

LA LIBÉRATION DES CAMPS DE CONCENTRATION

À l'approche des troupes alliées les camps de concentration sont évacués. En janvier 1945, les nazis vident les camps et forcent les prisonniers à marcher pendant des centaines de kilomètres, dans le froid, la neige et la pluie. Des milliers

meurent. Le spectacle que les forces alliées découvrent en arrivant dans les camps est indescriptible. Pour les survivants, un dur voyage de retour commence. Pour la plupart d'entre eux, l'arrivée chez eux est une grosse déception. Leurs familles et amis ont disparu, leurs maisons sont occupées, leurs biens volés et beaucoup d'entre eux ne rencontrent qu'incrédulité et ignorance par rapport à leur expérience dans les camps. 4.700 Juifs hollandais, seulement, sont revenus des camps de concentration aux Pays-Bas.

LES ANNÉES D'APRÈS-GUERRE

Les premiers clichés des camps de concentration ont causé un choc énorme. Comment une chose pareille a-t-elle pu se passer ?

En 1946, vingt-deux des plus importants leaders nazis paraissent devant le Tribunal international de Nuremberg. De nouveaux principes légaux sont arrêtés, qui devraient prévenir de telles atrocités dans le futur, Un autre document important est la Déclaration universelle des droits de l'homme, adoptée en 1948 par les Nations Unies, fondées en 1945.

Mais l'espoir soulevé par la coopération et la justice internationale est de courte durée. Peu après la Deuxième Guerre mondiale, la lutte idéologique entre les deux ex-alliés, l'Union soviétique et les États-Unis, éclate. C'est la " guerre froide ". Pendant des années, la politique internationale sera dominée par la menace d'une guerre atomique entre les deux superpuissances.

LA PUBLICATION DU JOURNAL D'ANNE FRANK

À son retour à Amsterdam, il devient vite clair pour Otto Frank, qu'il est le seul survivant de sa famille. Peu après, Miep Gies lui donne les papiers et écrits d'Anne, qu'elle a gardés pendant tout ce temps. Après l'arrestation des occupants de l'Annexe, ceux qui les ont aidés s'y sont rendus, et ont récupéré tout ce qui était récupérable. Peu après, l'Annexe devait être vidée de son contenu. Sur les conseils de ses amis, Otto Frank décide de publier le journal d'Anne qui paraît en 1947, sous le titre de l'Annexe (Het Achterhuis). Aujourd'hui, plus de cinquante éditions différentes sont parues, tirées à plus de vingt millions d'exemplaires.

La maison où Anne et sa famille se sont cachées est maintenant un musée, géré par la Fondation Anne Frank, fondée en 1957. A côté de la préservation de l'Annexe, la Fondation Anne Frank s'est donnée pour but de contribuer à la lutte contre le fascisme, le racisme et l'antisémitisme, en publiant des informations et des programmes d'éducation.

L'ASSIMILATION D'UN PASSÉ DIFFICILE

Le massacre systématique de millions de Juifs est un crime inégalé dans l'histoire de l'humanité. Plus de quarante ans après la Libération, la question est de plus en plus souvent posée de savoir si cette période mérite encore que tant d'attention lui soit portée. Des voix se font de plus en plus souvent entendre qui disent : " Cette période a été suffisamment commémorée... Nous devrions pardonner et oublier. "

La Fondation Anne Frank pense qu'il est nécessaire d'informer les jeunes générations au sujet de la période 1933-1945 - pour que cela ne se reproduise plus jamais. IL existe maintenant en Autriche et en Allemagne de l'Ouest une tendance à mettre tous les morts de la Seconde Guerre sur un même niveau : aussi bien les SS et les victimes des bombardements alliés, que les victimes des persécutions nazies et les résistants exécutés. Dans les pays qui ont été occupés par les nazis, la collaboration est trop souvent un chapitre oublié dans les livres d'histoire. La même chose peut être dite de l'indifférence à l'égard des persécutions des Gitans. des homosexuels, des Juifs et des autres. Un problème d'ordre général est soulevé par la comparaison entre les crimes nazis et d'autres formes de massacres, ou par l'utilisation abusive du concept " Holocauste " pour indiquer quelque chose avec lequel on n'est pas d'accord. Le risque est une banalisation de l'Holocauste, et sa réduction à une quelconque page noire de l'histoire de l'humanité.

LES NÉO-NAZIS ET LA NÉGATION DE L'HOLOCAUSTE

Il existe encore et toujours des petits groupes qui nient que le massacre commis par les nazis ait jamais eu lieu. Ils nomment ce crime " ( escroquerie du XXe siècle ", et essaient de cette manière de réhabiliter le national-socialisme.

ANTISIONISME ET ANTISÉMITISME

Le sionisme, le mouvement qui tend à l'instauration d'un État propre au peuple juif, fut réalisé au moment de la création de l'État d'Israël. L'antisionisme rejette l'idée d'Israël en tant qu'État juif. Cela n'est pas la même chose que d'émettre des critiques à l'égard de la politique suivie par Israël.

Des Juifs sont souvent accusés, individuellement, pour des actes commis par l'État d'Israël. Des attentats perpétrés contre des institutions juives sont même parfois " légitimés " de cette façon. Quels que soient les liens avec lesquels les Juifs dans le monde se sentent liés à l'État d'Israël, il faut rejeter l'idée d'émettre des critiques à l'égard du gouvernement israélien sous la forme d'une attitude antijuive. La critique à l'égard de l'État d'Israël est " légitimée " de cette façon comme justification pour l'antisémitisme.

PRÉJUGÉS ET RACISME

Qui n'a jamais entendu de remarques comme celles-ci : " Tous les Noirs sont comme ceci " ou " Tous les Juifs sont comme cela ". Déjà à partir de la petite enfance, les gens sont confrontés à des clichés sur certains groupes. On peut les trouver dans les bandes dessinées, les films, les journaux, les livres scolaires, etc. Quand quelqu'un persiste à croire en ces stéréotypes, nous parlons de préjugés. Les préjugés s'expriment dans les conversations de tous les jours, mais peuvent être aussi employés à des fins politiques. Les préjugés très répandus sur les " Juifs " ont permis aux nazis de les isoler systématiquement. sans que beaucoup de non-juifs ne protestent. La même chose a été valable pour les homosexuels et les Gitans. Aujourd'hui, racisme et préjugés sont présents dans presque tous les pays du monde. Leur expression varie des plaisanteries et surnoms, aux mauvais traitements et à la violence. Et ils sont surtout dirigés contre les groupes qui sont le plus facilement identifiables, par leur apparence extérieure visiblement différente de celle de la majorité. Le combat contre la discrimination est une cause d'intérêt général, qui n'est pas seulement du domaine du gouvernement. L'individu peut s'opposer aux expressions et actes racistes dans son entourage, à l'école, au travail et dans les cercles d'amis et familiaux.