Extrait de " La résistance normande face à la gestapo " et de " Résistance P.T.T.".

Groupe Résistance P.T.T.

Août 1941.

Animateurs, créateurs : H. Léveillé, M. Richer

Lieux : Caen, Saint-Lô


Chapitre XXI. p 155.

Dans la Manche, une formation héroïque : le groupe des P.T.T. de Saint-Lô.

    Le lieutenant nazi Busch de la F.N.K. 25 est pâle de colère. Dans ses yeux passent des lueurs de fureur meurtrière. Il est évident que, s'il le pouvait, il abattrait illico l'effronté et insolent français qui lui tient tête depuis un quart d'heure. Mais, bien que figé dans une attitude qui se veut déférente, René Crouzeau ne semble guère impressionné par l'ire de l'allemand. Si on vient de le sortir de sa cellule pour lui enjoindre de se remettre au travail, c'est qu'on a besoin de lui d'une façon pressante, donc Busch peut bien tempêter, menacer, celui qui mène le jeu et détient les atouts, c'est bien lui Crouzeau, inspecteur des services techniques à la direction des P.T.T. de Saint-Lô ! L'officier des transmissions martèle ses mots pour leur donner plus de force, et faire valoir son autorité. L'autorité de la puissance occupante ! (Crouzeau avait été arrêté pendant 48 h pour un sabotage de ligne, les allemands durent le relâcher fautes de preuves et aussi faute d'avoir un inspecteur pour le remplacer).

-- Vous devez avoir terminé l'installation de cette ligne dans trois semaines au plus.

-- Impossible, je ne dispose pas assez d'hommes, vous les avez presque tous requis pour le S.T.O. !

-- Je vais faire venir des équipes d'autres départements.

-- Et le fil de cuivre ?

Pour le coup, l'autre manque de s'étrangler ! Ce Franzouze a un fantastique culot. Il en bégaie d'indignation :

-- Co... Comment ! Vous n'allez pas me dire que sur 75.000 kg de fil que je vous ai octroyés le mois dernier, vous n'en avez plus ?

-- Je regrette, mais le magasin est vide !

Alors là, Busch voit rouge ! Il saisit avec violence l'épais registre placé sur le coin de son bureau, et il se met à énumérer la longue liste de matériel qu'il a fourni depuis le début de l'année : haubans, consoles, fil de cuivre (des S.S. en avaient retrouvé alors à Bérigny 4 tonnes dissimulées dans les greniers des locaux des P.T.T.), gaines, câbles, poteaux, etc. Imperturbable, Crouzeau laisse passer l'orage, riant sous cape, car il sait bien où est passé ce stock : éparpillé, disséminé un peu partout dans différents dépôts, ce matériel a été soustrait par ses soins. Il en a camouflé dans les greniers des bureaux de Bérigny, de Saint Clair sur Elle, de Condé sur Vire, de Cerisy la Forêt, de Saint Jean de Daye, de Tessy sur Vire, etc. C'est d'ailleurs à la suite de ces disparitions que René Crouzeau a été arrêté et incarcéré à la prison de Saint-Lô. Seulement voilà, bien que les allemands montrent à son égard plus que des soupçons, il a été assez habile pour ne pas leur apporter de preuves de son activité contre eux. En outre, comme ils ont absolument besoin de lui, ils ont décidé de le libérer. Et ceci explique la rage de Busch, obligé d'en passer par ce " mauvais Français ". Mauvais Français pour l'occupant, aucun doute à ce sujet, et on le comprend.

   Marcel Richer, agent des installations des P.T.T. est fait prisonnier en juin 1940. Mais l'administration réclame ses techniciens pour la remise en état des réseaux et, en août, avec un certain nombre de ses camarades, Richer est rapatrié. C'est un patriote qui ne digère pas la défaite, et dès 1941, il s'emploie à contrecarrer les projets allemands. Début septembre, contacté par Henri Léveillé, des P.T.T. de Caen, il coopère à l'organisation résistante fondée par ce dernier dans la région. Le mouvement national Résistance P.T.T. se développe alors dans toute la métropole et il s'implante ainsi à Saint-Lô. À l'été 1942, Marcel Richer est parvenu à regrouper un certain nombre de ses collègues : Maurice Deschamps, Auguste Lerable, Charles Marchesseau, Auguste Raoult, Raymond Robin, Jean Sanson, Clément Séger, Auguste Le Sénécal, Pierre Fournials, Bobœuf, Étienne Bobo, Blin, et bien sûr René Crouzeau. Le déplacement des équipes installations permet en outre de s'assurer le concours de Mme Bessy, contrôleur adjoint à Avranches, de Chivet, chef de centre des lignes souterraines à grande distance d'Avranches, d'Augustin Lemaresquier de Cherbourg, de Francis Richer, également de Cherbourg. Le premier service rendu à la cause alliée par cette poignée de volontaires fut la communication du plan des réseaux souterrains et aériens de la manche. Puis les contacts vont s'élaborer avec d'autres groupes résistants, ceux de Franck à Saint-Lô, de Leviander à Cherbourg, tous les deux de l'O.C.M., ainsi qu'avec celui de Le Puissant, du F.N. à Saint-Lô. L'action va de pair avec le recrutement ; on commence à créer des dérangements sur les circuits téléphoniques allemands (bobines thermiques isolées, pertes par les paratonnerres), d'autres sont purement sabotés. Les plans et états signalétiques remis à l'occupant sont faussés. Du matériel est soustrait : à Bérigny, 3 tonnes de fil de cuivre de 2,5 mm sont découvertes par un contrôle allemands ! Crouzeau se défile habilement en prétextant une vague question de soudure de fils avant l'entrée en magasin ! La ligne Saint-Lô - Pirou plage, construites par les sapeurs du reich mais entretenue par les P.T.T. est sabotée ; elle restera inutilisable. Des réserves d'essence sont constituées et stockées à l'abri des regards indiscrets. Si le groupe des  P.T.T. de Saint-Lô entrave considérablement la bonne marche des communication ennemies, il ne peut toutefois engager d'actions ouvertes car il ne possède pas d'armes. Il va bientôt s'en procurer.

    Début 1944, Ernest Pruvost, responsable national, est dépisté par la Gestapo. Il doit donc quitter le ministère à Paris et se réfugier à Villebaudon chez Alphonse Fillâtre. Il est remplacé par Maurice Horvais, avec lequel il se tient en liaison par l'intermédiaire de Crouzeau et Marcel Richer. Pruvost veut que les groupes P.T.T. de la Manche soient armés ; il réclame donc du matériel auprès de Londres Mais les Britanniques refusent d'homologuer le terrain proposé, car il se trouve à moins de 35 km des côtes (règle pour les services Britanniques). Or, le département de la Manche est une presqu'île de 60 kilomètres de large ! Le cas paraît insoluble. C'est alors que, par le truchement du Dr Lebrun, de Tessy sur Vire, ancien aviateur démobilisé, un champ est retenu dans le Calvados, à Sainte-Marie-Outre-l'Eau, près de Pont-Farcy, à la limite du département. Le message " aimer, c'est vivre " qui annonce le parachutage, ne se fait entendre que le 9 mai au soir. L'opération est donc prévue pour la nuit ; elle tombe on ne peut plus mal, car toutes les routes sont étroitement surveillées : Rommel est précisément en tournée d'inspection dans le secteur  ! Malgré les risques énormes, Crouzeau fait sortir un camion à gazogène du garage. Quelques agents sont alertés et grimpent avec leurs bicyclettes, prévues pour le retour, dans le véhicule piloté par Robin. L'équipe parvient sans encombre sur les lieux, où elle est rejointe par le groupe Fillâtre. Vers une heure du matin, 3 tonnes d'armes sont parachutées, ramassées et transportées vers des caches sûres. Une partie est amenée à Villebaudon, l'autre est stockée au magasin de Saint-Lô, à l'atelier de menuiserie. Les jours suivants, commence l'instruction au maniement de l'armement et les postiers  se familiarisent avec les mitraillettes, grenades et explosifs, dans le magasin de réserves, alors que les allemands occupent le bâtiment voisin !

   5 juin 1944 au soir : la B.B.C. égrène les séries de messages annonçant le débarquement : " Il fait chaud à Suez " ; " Les dés sont sur le tapis " ; " Le chant du laboureur dans le matin brumeux ", indiquent aux francs-tireurs que l'action immédiate doit commencer. Aussitôt, dès la nuit même, les lignes sont coupées, les câbles détruits, les postes ennemis sabotés, puis les hommes se dispersent. Un certain nombre, sous la direction de Richer et de Crouzeau, prennent le maquis et se regroupent à l'endroit prévu : la ferme du village du bois à Beaucoudray. Ravitaillés par un grand patriote, Auguste Fillâtre, ainsi que par Melle de Saint-Jores, les hommes organisent leur nouvelle vie. Les actions se succèdent, les armes sont rassemblées en vue d'une attaque d'envergure qui doit être menée en coopération avec les formations résistantes voisines et dont le feu vert sera donné par le message : " Quelle ne fut la surprise ".  L'une de ces formations, celle de Torigni sur Vire, dirigée par le commandant Hamel et le capitaine Léon Lemoine entretient une liaison journalière établie par Maurice Loridant. Elle a déjà beaucoup souffert de la répression car, en Mars, le 13, une série d'arrestations la décime. Ses chefs sont appréhendés et incarcérés à Saint-Lô ; ils trouveront la mort lors des bombardements ...

Et puis le 14 juin...

   Le maquis des P.T.T. au village du bois dispose d'une sorte de poste de guet. Il s'agit d'une maisonnette occupée par une jeune femme, Mme Leblond, et son fils, un garçonnet de 11 ans. Cette petite bâtisse se trouve à l'entrée du chemin menant au refuge des maquisards ; des armes y sont entreposées en réserve. Vers 6 h du matin, le 14 juin, Mme Leblond aperçoit une voiture allemande arrêtée à proximité. Elle épie ce véhicule, dont les occupants semblent plongés dans la lecture d'une carte routière. Discrètement, elle file prévenir ses amis. Lorsqu'elle revient, la voiture a disparu. Mais la nouvelle a mis les francs-tireurs en alerte ; ils détachent donc 2 hommes en éclaireurs. Ne voyant plus rien, ceux-ci rentrent et rassurent leurs camarades ; sans doute des égarés qui repéraient leur chemin, perdus dans le bocage. C'est là une erreur fatale, car la voiture est en fait une reconnaissance ! Les allemands, excédés par les opérations menées contre eux, sont décidés à débusquer ces insaisissables terroristes. Ils y sont d'autant plus déterminés que les renforts qui arrivent sur le front de Normandie  sont les premiers éléments de la trop tristement célèbre division " das reich " (2ème S.S. Panzer), harcelés depuis 15 jours par les partisans. (***). Les S.S. ne vont pas laisser la moindre chance aux hommes de Pruvost. Vaquant à ses occupations, Mme leblond est soudainement entourée par une vingtaine de  soldats. Elle tente une manœuvre désespérée : " va chercher le chat ", ordonne t-elle à son fils, et le petit Gilles, qui a bien assimilé le code prévu, part dans l'intention de prévenir les maquisards. Trop tard ! Tout le secteur est bouclé, et le gosse est refoulé. Pendant ce temps, les hommes de garde du maquis surveillent le chemin, unique accès à leur refuge. C'est compter sans l'habileté des S.S., rompus à ce genre d'exercice ; franchissant talus, champs et bosquets, rampant dans des espaces découverts, ils parviennent silencieusement, après une large manœuvre d'encerclement sur les arrières de la ferme. Et brusquement, vers 10 h du matin, ils ouvrent le feu sur les sentinelles, les prenant à revers. Alfred Guy s'écroule, gravement blessé, Marcel Richer, environné de balles n'est pas touché par miracle et il décroche immédiatement à l'opposé. Raymond Robin est cerné et désarmé avant d'avoir eu le temps de se rendre compte. Crouzeau riposte et abat deux assaillants. Sur l'autre côté, Maurice Deschamps parvient à se glisser aux creux d'une haie et profite de l'assaut pour se replier vers Moyon. Ernest Pruvost, qui se rasait au bord du ruisseau assez loin en contrebas, est sans armes ; au bruit de l'attaque, il se dissimule puis parvient à s'échapper, ainsi que Raoult et Pierre Allier. Raymond Abdon, parti en mission, revient à ce moment ; ayant compris ce qui se passait, il réussit à déjouer l'encerclement. Pour les autres, la lutte est trop inégale et ils sont capturés. Dans la soirée, après de longues heures d'interrogatoires, ils sont amenés à la ferme de la réauté. À nouveau, ils sont questionnés, vainement. Le petit Gilles est cuisiné, on tente de lui faire dire où se cachent les autres " terroristes ".

la Réauté aujourd'hui

la Réauté

-- Si tu ne parles pas, je ferai fusiller tout le monde, si tu nous dis où sont les partisans, ta maman ne mourra pas et tu pourras repartir avec elle.

Mais l'enfant se sait rien de plus et, de guerre lasse, on enferme les prisonniers dans une étable sévèrement gardée. Ils sont là, 10 hommes, une femme et un enfant, bouclés dans cette prison de fortune. De grosses larmes coulent sur les joues de Gilles qui étreint désespérément sa mère. Bouleversés par ce spectacle insoutenable, les maquisards qui connaissent le sort qui leur est réservé, tentent de donner le change. Ils parlent d'avenir, de jours heureux où la paix ramènera le bonheur, la joie de vivre, font des projets. Bercé par ces paroles apaisantes, l'enfant s'endort et les hommes se réfugient dans leurs pensées intimes.

   Vers 3 h 30 du matin, la porte est brutalement déverrouillée. Dans la lueur naissante du jour, les silhouettes casquées apparaissent. Un à un, les prisonniers sont sortis, on leur lie les mains dans le dos. Quand Mme Leblond se présente, tenant son fils par la main, l'officier qui a questionné l'enfant la veille aboie un ordre, ils sont refoulés à l'intérieur.

   Jean Sanson harangue ses camarades : " les copains : nous allons leur faire voir comment meurent les patriotes français ". À ce moment, Alfred Guy est amené sur une civière, à demi inconscient. On les pousse vers un fossé au bout de l'herbage ; ils y sont alignés, le blessé compris. Un ordre bref : les mitraillettes crépitent, les corps basculent, c'est fini. Hâtivement, les S.S. rabattent quelques centimètres de terre sur les malheureux. Jacques Albertini, Étienne Bobo, René Crouzeau, Alfred Guy, Ernest Hamel, Jean Lecouturier, Auguste Lerable, Francis Martin, André Patin, Raymond Robin, Jean Sanson, viennent de payer de leur vie leur attachement à la liberté et à leur patrie.

   Mme Leblond, après de longs interrogatoires, fut internée et libérée par l'avance des alliés.

   Ainsi s'est terminée l'action du groupe Résistance P.T.T. de Saint-Lô. Un monument, perpétuant le souvenir des martyrs, est érigé sur la commune de Beaucoudray, à l'endroit même où ils sont tombés. Chaque année, fidèlement, leurs camarades et tous ceux qui n'oublient pas le sens de leur combat, viennent à la mi juin se recueillir sur ce haut lieu de la résistance normande, au cours d'une cérémonie où renaît brièvement cette fraternité qui fut la source de leur héroïque attitude.

   Les rescapés du groupe : Abdon, Alliet, Deschamps, Le Sénécal, Pruvost, Raoult, Richer s'intégrèrent aux formations les plus proches pour poursuivre un combat dont ils ressentaient encore plus profondément les motivations.

(***) voir Annexe.


le monument

C'est fin avril que Pruvost et Crouzeau ont enfin découvert un endroit propice pour l'établissement d'un maquis en vue d'un éventuel débarquement et pour les actions à venir ; il s'agit d'une exploitation abandonnée au bout d'un vieux chemin au lieu-dit " le village du bois " entre Villebaudon et Beaucoudray. Avec l'aide de Richer et Sanson, ils en commencent l'aménagement pour la rendre apte à recevoir un effectif de 20 hommes environ au début. Deux bâtiments, en moins mauvais état que les autres, sont grossièrement réparés. Un ru qui coule au bas de la prairie assurera l'alimentation en eau. Des bottes de paille et de foin fournies par Fillâtre permettront la confection de couches rudimentaires. ; quant au ravitaillement, les complicités trouvées auprès des paysans locaux le rendront plus que suffisant, et tout particulièrement grâce à l'assistance de Mlle de Saint Jore et de Louis Haupais, cultivateur à Beaucoudray. Le message " aimer, c'est vivre " est diffusé dans la soirée du 9.5.44. À une heure trente, l'avion apparaît au dessus du pré à Sainte-Marie-Outre-L'eau. Les containers atterrissent dans le périmètre prévu sauf un dont le parachute ne s'est pas ouvert et qui s'écrase assez loin, complètement éventré par la brutalité du choc. Les résistants ne pourront le récupérer et ce sont les allemands le lendemain qui ramasseront les débris et le matériel. Plus de 3 tonnes d'armes sont chargées. Les postiers vont regagner Saint-Lô à bicyclette pour être présents à leur travail le lendemain. Les postiers ont fourni une quantité importante d'informations aux alliés pour le débarquement proche dont une carte établie par l'état major allemand de Saint-Lô qui reproduisait toutes les routes sélectionnées pour le passage des divisions blindées, et quantités de renseignements de première importance. Cette carte avait été réalisée au moment de la visite d'inspection du Maréchal Rommel les 10 et 11 mai. Pris de court par cette visite, le commandement allemand avait dû faire tirer les 8 exemplaires nécessaires par le service cartographique des ponts et chaussées sous la surveillance de deux gradés de la Wehrmacht . Mais tel était l'affolement devant la visite impromptue de l'ancien chef de l'Afrika-Korps que ses officiers oublièrent de reprendre l'original qui resta au mains de l'employé qui avait exécuté le travail. Celui-ci le remit à 2 résistants du groupe de Torigni sur Vire, lesquels le transmirent à Ernest Pruvost. Cette fameuse carte poursuivit son périple jusqu'à Londres.

Après d'intenses sabotages, un peu avant l'aube, Crouzeau regroupe son monde et un camion à gazogène transporte les hommes à Villebaudon, à la ferme du village du Bois. Le groupe P.T.T. de Saint-Lô prend le maquis. L'équipe s'organise : tours de garde, corvées de ravitaillement, instruction militaire pour les néophytes. Des personnels des services techniques des P.T.T. de Saint-Lô seront arrêtés à la suite des sabotages et de la disparition de nombreux agents et de leur famille. La conquête de Saint-Lô verra la mort du major Thomas Howie et 5.000 pour les alliés, 6.000 pour les allemands. 11.000 morts pour la prise d'une ville qui n'est plus qu'un gigantesque tas de décombres sous lesquels gisent en plus quelque 800 civils français, innocentes victimes de ce duel de titans. Dans le maquis de Beaucoudray, Pruvost envisage avec sérénité la coopération de son groupe à la grande attaque qui doit être menée conjointement par plusieurs formations de francs tireurs dans la première quinzaine de juillet. Les différents évènements anéantiront ce projet. Le 14.06, vers 5 h du matin, une voiture légère tout terrain de l'armée allemande s'engage dans le chemin creux qui mène à la ferme du " village du bois ". À son bord, 4 hommes. Elle s'arrête à la hauteur d'une petite maisonnette au débouché d'un sentier. Le gradé qui se tient à côté du  chauffeur déploie sur ses genoux une carte d'état major qu'il examine longuement. Quelques minutes après, le véhicule repart. Mme Leblond, jeune institutrice qui a fui la ville soumise aux bombardements, a observé la manœuvre. Elle file prévenir les francs tireurs, ses amis. Sitôt informé, Pruvost envoie des hommes patrouiller. Ils ne voient rien et tous concluent à une voiture isolée perdue dans les petites routes du bocage. Un chef de maquis rompu depuis longtemps à la vie clandestine aurait sans doute réagi différemment en adoptant une décision de repli. Ces hommes ayant une solide expérience de l'action secrète dans le milieu urbain ont donc commis une erreur d'appréciation dont on ne peut leur tenir rigueur. Ils en seront les premières victimes comme nombre de résistants. Les tragédies de la résistances ont toujours eu les mêmes causes : dénonciation, imprudence, excès de confiance. La suite est connue, Mme Leblond sera soudainement entourée par une  dizaine de S.S. Un homme fut blessé, inanimé dans un coin, il ne reçoit aucun soin (Alfred Guy). Les S.S. fouillent, récupèrent les armes. Le responsable S.S. donne le signal du départ. Une première halte dans une petite exploitation vaut aux malheureux patriotes de subir le brutal interrogatoire réservé aux " terroristes ". Le responsable S.S. ordonne le transfert des prisonniers (dont il est déçu du petit nombre) à la ferme de la Réauté, lieu de regroupement de son unité.

Les mitraillettes vont crépiter. Les corps basculer. Mme Leblond, internée et interrogée évitera sans doute la déportation devant l'avancée des troupes alliées.  Le monument perpétue le souvenir de ces onze patriotes et rappelle aux passants quel prix ils ont payé pour nous restituer une liberté dont nous n'avons pas toujours conscience.


Noms des postiers qui ont formé le groupe des PT.T. de Saint-Lô.

    Né en septembre 1941, le " groupe Résistance P.T.T. " de Saint-Lô se développa par la suite en incorporant des patriotes étrangers aux P.T.T.

Nom des agents des P.T.T ayant formé le groupe initial :

• Mme Bessy.

• Mr Blin.

• Mr Bobo Étienne.

• Mr Bobœuf Émile.

• Mr Chivet Raymond.

• Mr Crouzeau René. (Inspecteur des services techniques à la Direction de Saint-Lô).

• Mr Deschamps Maurice.

• Mr Fournials Pierre.

• Mr Lerable Auguste.

• Mr Lemaresquier Augustin.

• Mr Le Sénécal Auguste.

• Mr Marchesseau Charles.

• Mr Raoult Auguste.

• Mr Richer François.

• Mr Richer Marcel.

• Mr Robin Raymond.

• Mr Sanson Jean.

• Mr Séger Clément.

 

" Le ventre est encore fécond d'où peut sortir la bête immonde "
Bertolt Brecht.
Brecht, Bertolt (1898-1956)