" ...Si l'écho de leur voix faiblit nous périrons... "  

Paul Éluard

Ouest France du 16 juin 1947.

C'était le 15 juin 1944 à l'aube...

Après une action constante et héroïque dans la résistance, ils tombaient à onze sous les balles allemandes.

À Beaucoudray, de grandioses cérémonies ont commémoré leur sacrifice.

Beaucoudray, 15 juin (de notre envoyé spécial) :

L'inauguration du monument aux morts de Beaucoudray a été hier l'occasion de grandioses et émouvantes cérémonies sur lesquelles nous reviendrons dans notre prochain numéro.

Aujourd'hui pour bien nous imprégner de ce que fut la vie de tous et la mort de certains des résistants martyrs, nous allons conter leur glorieuse histoire :

" Si je n'avais déjà évoqué la participation de l' " équipe toute entière des P.T.T. " et son œuvre au moment du débarquement, je me demande si l'on eut jamais parlé de la vie de certains résistants pour se cantonner à commémorer le souvenir des disparus !... Je voudrais donc, l'occasion se présentant aujourd'hui et bien peu de lecteurs ayant pu se procurer notre numéro du 4 septembre 1944 reprendre leur histoire et vous permettre de vivre dans la résistance, les glorieuses mais bien tristes heures qui précédèrent le martyre de onze des dix-huit braves de Beaucoudray.

La résistance s'organise

C'est peu de temps après son retour d'Allemagne, en 1941, que Marcel Richer entra dans la résistance. D'abord membre, il entreprit bientôt l'organisation d'un réseau comptant ferme sur l'unique concours de ses camarades postiers.

Il recruta ainsi dès 1942 Bobo Samson Deschamps Lerable ... auxquels devaient bientôt se joindre Robin, Le Sénécal, Raoult, Bobeuf, Marchescaux, Le Maresquier, Fourniais, Blin ... et notamment René Crouzeau, inspecteur du service technique des P.T.T. qui, se donnant tout entier à la résistance, prit la tête du petit groupe et l'organisa, laissant à Richer le soin de recevoir les directives hebdomadaires de Mr Horvais le responsable national.

Mais si toutes les dispositions étaient prises et le matériel rassemblé pour saboter les câbles téléphoniques lors du grand jour, l'équipe ne disposait d'aucune arme ! Il en fut donc demandé puis promis, et le parachutage assuré comme devant s'effectuer à la réception d'un message : Aimer c'est vivre par les groupes de Saint-Lô et de Villebaudon.

Les " ruraux " captèrent ce message au cours de l'après midi du 10 mai : par contre, aucun des " cinq " n'était à l'écoute au moment où la phrase attendue portée par les ondes était transmise par ... [...]

Année 1944, 75 000 également pour le second trimestre..., l'allemand n'en obtiendra pas un gramme, pas plus la seconde fois que la première. D'ailleurs tout disparaît de la poste pour être disséminés dans des dépôts provisoires ; et lorsqu'on lui fait récupérer une ligne téléphonique dans le Mortanais pour obtenir un matériel  dont on a absolument besoin, sur les trente tonnes ainsi obtenues, trois seulement iront en définitive à destination ! Il manœuvre de main de maître, mais affichant franchement des sentiments tellement anti-nazis que l'on tremble pour lui : son dossier se gonfle, et, les portes de la sinistre prison de Saint-Lô s'ouvrent !

Est-ce fini ? Non car – et il le sait – la F.N.K. 25 a absolument besoin de lumières ; 36 heures plus... [...]

Fillâtre. Les Saint-Lois rejoignent alors, conformément aux ordres donnés, le maquis de Beaucoudray, centre de ralliement, où s'étaient succédés, chez Fillâtre, les maîtres de la Résistance : Michel-Lévy (Simone), Pruvost, Horvais, de Beaumarchais, ainsi que tous les chefs de groupe, .

Là, par malheur, on attendit les renforts qui devaient arriver de Vassy ; l'on devait en effet dès l'arrivée des 28 hommes annoncés, répartir les armes (mitraillettes, fusils mitrailleurs, mines anti-chars, grenade, explosifs... il y avait même un " mortier " qui se disséminait enfin, attendre un nouveau message : quelle ne fut la surprise, qui constituerait l'ordre d'attaquer les arrières allemands et de saboter leur matériel, les armées alliées n'étant plus qu'à 10 kilomètres de ce point de résistance... [...]

Que personne n'y trouve à redire. Nouvelle faute, dira t-on ? Bien sur ; mais combien de voitures sillonnaient les routes et suivaient les petits chemins à ce moment là ?  Et qu'aurions nous fait à leur place ?  Descendre des hommes dont l'absence seule aurait pu mettre un détachement en éveil, si le péril n'avait pas encore existé ?

La voiture est repartie. Mais alors les allemands, renseignés sur la position exacte du maquis, se déploient en tirailleurs, traversent les herbages, avancent de front après avoir sondé les haies pour repérer la garde.

Et c'est au moment précis où l'on tombe sur Robin, dont l'attention se concentre sur le petit chemin d'accès, que l'aile droite, plus avancée ayant aperçu des silhouettes derrière la maison, ouvre le feu et commence l'attaque. Seize hommes sont là (nous rencontrerons le 17me tout à l'heure) dont neuf dans la maison.

Cette maison en pierres couvertes de chaumes de tuiles et d'ardoises, ils en occupent trois pièces, deux au rez-de-chaussée, une au premier étage. La dernière nommée sert de dortoir, et c'est là que dont certaines armes dont on ne prend possession que la nuit. Personne dans cette pièce, tout le monde est descendu et ne parle même plus de la visite passée. Lerable, le " cuistot ", s'affaire autour de son feu, servant le petit déjeuner aux derniers de ses camarades. Les autres dehors, font leur toilette ou ramassent le bois nécessaire à la cuisine.

Lorsque les allemands apparaissent à la porte d'entrée, aucun geste n'est possible... l'escalier droit, qui mène au premier, part en effet de cette fameuse porte d'entrée ! Seul Crouzeau, avant d'être maîtrisé, peut sortir son revolver et descendre deux des assaillants. En pure perte car ils sont rapidement " faits " ! Aux neufs qui sont rassemblés là vient bientôt se joindre Robin, puis, sans connaissances, Guy. Et les autres ? Les cinq autres ? Ils sont sains et saufs.

Le premier aperçu avait été Richer. À dix mètres derrière la maison, il venait de mettre la dernière main à son habillement, terminant un besoin naturel au pied de la haie. La première rafale de mitraillette, qui lui était destinée ne l'atteint heureusement pas ; et instinctivement, il s'enfuit dans la direction opposée à l'attaque, à toute vitesse, le long de la haie, au hasard ! ... Alertés par cette fusillade, Guy et Deschamps qui ramassaient du bois mort à quelques cinquante mètres de là, fuient devant lui. Un Fritz, au fusil de guerre, tente ... [...]

Mère par un aveu, je suis obligé de fusiller tout le monde... c'est la guerre ! ... Alors que, si tu avoues, ta maman ne mourra pas, et tu pourras repartir avec elle ! Allons dis moi... sois sincère, et je te jure que je tiendrai ma promesse.

Et l'enfant, pour que sa maman ne meure pas lâche le terrible aveu. Aveu bien superflu d'ailleurs car les armes ont été trouvée et la maison bientôt flambera de toutes parts ! ...

À 10 heures, fol espoir, un avion lance une fusée éclairante... Les alliés seraient-ils prévenus ? Non mais pour plus de précautions, on les conduit dans une étable.

C'est la nuit. Personne ne songe à dormir. L'issue est fatale. Ils savent. Ils connaissent le sort qui leur est fatalement réservé et ne parleront pas. Trois heures quinze... la porte s'ouvre, laissant apercevoir les premières leurs du jours, sur lesquels se détachent des formes mouvantes et grises.  Sortez ! Ils vont obéir, le gosse comme les autres... mais l'officier, pour incroyable que cela puisse paraître va tenir sa promesse... des crosses repoussent la mer et l'enfant : " non, pas vous ..."

Guy, blessé, est joint aux dix hommes, et une dernière question posée, fourberie dans laquelle ils ne vont pas tomber : " soyez sincères... Êtes vous avec nous, ou contre nous ? " Et la voix nette du chef, de René Crouzeau, traduisant tout haut ce que chacun des braves pense tout bas répond " nous sommes contre vous ! "

Quelques minutes plus tard, un crépitement de mitraillettes les fait tomber ensemble, à la même minute pour la même cause, pour la France.

Et les corps tombent en deux fosses, dans cet herbage de l'Oiselière de haut, où j'assistai à leur exhumation dès la libération et sur lequel la reconnaissance publique et générale, devait faire ériger un magnifique monument de reconnaissance, de foi, d'admiration, comportant une stèle accompagnée d'une statue de la résistance, dont le symbole est le suivant : " La résistance française, s'appuyant sur une croix de lorraine, bravant le souffle de la tempête, qui vient de l'ouest concentre ses forces pour se libérer de l'envahisseur... ".

Victor Normant


Fit partie des 33 femmes élues députés le 21 octobre 1945 - Première Assemblée nationale constituante.
Scrutin de liste à la représentation proportionnelle.

résistance P.T.T.

Mathilde Gabriel Péri.

GABRIEL-PÉRI Mathilde

SEINE-ET-OISE

Communiste

Journaliste

GABRIEL-PÉRI


Edmond Debeaumarché (1906-1959)

Un des fondateurs et chefs nationaux du réseau " Résistance P.T.T " collaborant avec les réseaux O.C.M et C.N.D. Castille. Arrêté le 3 août 1944, déporté à Buchenwald et à Dora.
À son retour, il est membre de l'assemblée consultative, directeur des P.T.T., puis inspecteur général au ministère des anciens combattants, il défend les droits de ceux qui ont souffert comme lui, les victimes de guerre.
Président et animateur de l'Union Nationale des Associations de Déportés, Internés et Familles de Disparus (U.N.A.D.I.F), Debeaumarché concentre inlassablement toute son action en faveur de ses camarades déportés, des veuves et des orphelins.

Grand officier de la légion d'honneur,
Compagnon de la libération,
Croix de guerre avec palmes,
et de nombreuses décorations étrangères.