Résistance 

La France pendant la Seconde Guerre mondiale 

La Résistance désigne l'ensemble des actions de partisans menées en Europe contre l'Allemagne de Hitler et l'Italie de Mussolini au cours de la Seconde Guerre mondiale, et les mouvements politiques et militaires clandestins qui y prirent une part prépondérante. En France, la Résistance s'oppose à la fois à l'occupant allemand et au régime de collaboration de Vichy. La Résistance est le fait d'abord d'un état d'esprit d'opposition aux régimes totalitaires qui dominent alors l'Europe, puis elle s'organise en réseaux dont les modalités d'action différeront selon les sensibilités et les situations nationales, mais qui, tous, convergent vers un seul but : abattre le Reich nazi et l'État fasciste. 

Naissance de l'action clandestine. De 1940 à 1944, l'Allemagne hitlérienne domine le continent européen. L'ambition de Hitler est de modeler autour du grand Reich germanique (Grossdeutschland) une Europe inféodée, contrainte de mettre ses richesses humaines et économiques à sa disposition. Mais la nazification de l'Europe se heurte dans tous les pays à des actes de résistance, qui vont aller en s'amplifiant au fur et à mesure du durcissement des conditions d'occupation et de l'amélioration de l'organisation des réseaux de résistants. 

On compte alors une dizaine de pays occupés : Pologne, Norvège, Danemark, Pays-Bas, Belgique, France, Yougoslavie, Grèce, territoires envahis de l'Union soviétique. Les régimes d'occupation varient néanmoins beaucoup, depuis l'occupation " douce " du Danemark jusqu'à la férule cruelle tenue sur la Pologne dépecée et réduite au " Gouvernement général " ou sur l'Ostland (Biélorussie et pays baltes) et l'Ukraine, régions administrées par des Reichskommissare. La France, coupée en deux zones a deux capitales, Vichy, où s'est établi le gouvernement du maréchal Pétain, et Paris, où règnent les autorités militaires et civiles du Reich. 

Seules la Grande-Bretagne et l'Union soviétique échappent à l'emprise nazie : l'URSS, de 1939 à 1941, parce qu'elle est l'alliée de l'Allemagne ; la Grande-Bretagne, qui non seulement accueille sur son sol, à partir de l'été 1940, tous ceux qui sont décidés à poursuivre à ses côtés la lutte contre Hitler, mais qui devient la plaque tournante de l'action subversive menée sur les arrières de l'ennemi.

L'entrée en guerre de l'Union soviétique. En 1941, l'entrée en guerre de l'Union soviétique, en enlevant à Londres l'exclusivité de l'aide aux mouvements clandestins, modifie la position des résistants sur le continent. Moscou devient l'autre capitale symbolique de la Résistance en Europe, bien que ses consignes s'adressent par priorité aux partis communistes lancés dans le conflit par la direction du Komintern. Cela entraîne de sérieuses divergences tactiques : pour les Soviétiques, en effet, il importe d'intensifier les actions de guérilla, les attentats et les sabotages, alors que les Britanniques préfèrent, en accord avec les gouvernements en exil, limiter ces actions afin d'éviter des représailles meurtrières contre les populations civiles. Désormais, les difficultés ne cesseront pas entre les tuteurs occidentaux de la Résistance – SOE (Special Operations Executive) britannique, créé dès juillet 1940, auquel s'ajoute en 1942 un organisme américain, l'OSS (Office of Strategic Services) – et l'URSS, la Pologne étant la principale victime de ces divisions. 

La clandestinité. Très vite apparaissent, dans les différents pays conquis et occupés, de petits groupes d'hommes et de femmes qui refusent d'admettre la victoire allemande comme définitive, et décident en conséquence de lutter contre l'ennemi en s'engageant dans la clandestinité.

les dictateurs



Mouvements

Les mouvements et réseaux de Résistance obligent les occupants à rester en alerte et incitent les occupés à secouer leur léthargie – interprétée dans un premier temps comme une adhésion à l'ordre nouveau. Le premier souci des vaincus est en effet de survivre ; c'est l'époque des disettes et du marché noir, du rationnement des vivres et des restrictions de toutes sortes. Aussi n'est-il pas étonnant que tant d'occupés se contentent d'attendre l'issue des hostilités en tentant de passer au travers des difficultés quotidiennes. Cependant, la résistance s'affirme très tôt à travers l'Europe, que ce soit en Pologne, où, dès octobre 1939, on commence à collecter des renseignements sur l'armée allemande et à cacher des armes, que ce soit en France, où, en juin 1940 – le jour même où le maréchal Pétain demande l'armistice –, Edmond Michelet distribue des tracts reproduisant la phrase célèbre de Péguy, " Celui qui ne se rend pas a raison contre celui qui se rend ", que ce soit en Grèce, où deux jeunes patriotes audacieux réussissent, dans la nuit du 30 au 31 mai 1941, à décrocher l'immense drapeau à croix gammée qui flottait sur l'Acropole d'Athènes. 

Réseaux

Comme tous ces résistants partent de rien, il leur faut partout innover, sauf en Pologne, où les traditions de lutte nationale sont anciennes, et dans une certaine mesure en Belgique et dans le nord de la France, qui ont déjà eu l'expérience d'une occupation étrangère en 1914-1918. Aussi les débuts sont-ils souvent très humbles : refus muet, comme le décrit le Silence de la mer, de Vercors, publié clandestinement en 1942 ; gestes modestes et spontanés ou rassemblements populaires, par exemple à Marseille, le 27 mars 1941, devant la plaque commémorative de l'assassinat du roi de Yougoslavie, laquelle vient de déclarer la guerre au Reich ; exécution de consignes lancées de bouche à oreille ou propagation du " V " de la victoire tracé sur les murs... Bientôt les petits noyaux du début s'étoffent : c'est le stade de l'organisation et de la structuration, qui se traduit par la mise sur pied de réseaux de renseignements militaires, de publications clandestines, de filières d'évasion. 

Caractéristiques nationales. Si la Résistance s'étend ainsi à travers toute l'Europe, c'est que l'on trouve à la base le même but : la défaite de l'Axe. D'où la similitude des méthodes utilisées par les résistants dans la lutte clandestine, similitude qui s'étend à leurs formes d'organisation, à leurs échecs et à leurs succès. Toutefois, l'importance de la Résistance varie notablement suivant les pays. Et les résultats sont très différents selon le degré d'union des différents mouvements, la désunion pouvant conduire jusqu'à la guerre civile, comme en Yougoslavie. Par ailleurs, chaque résistance nationale présente des caractéristiques propres, compte tenu de la situation et des traditions historiques du pays, du comportement des troupes d'occupation, des données géographiques, de la proximité de pays neutres, aux frontières plus ou moins accueillantes – telle la Suisse pour les Français et les Italiens, ou la Suède pour les Norvégiens et les Danois – et, enfin, de l'aide inégale fournie par les Alliés aux divers groupes de résistance. 

Fondements idéologiques. La Seconde Guerre mondiale, loin de se limiter à un affrontement militaire, s'affirme dès le départ comme un conflit idéologique. La Résistance y trouve spontanément un terrain d'élection: ses soldats sans uniforme, " soldats de l'ombre " ou unknown warriors, selon l'expression de Winston Churchill, ajoutent à la guerre classique les ressources de la guerre subversive. 

Trois formes de résistance. Les moyens de cette guerre souterraine sont multiples. Néanmoins, on peut esquisser trois modes d'action principaux: la résistance civile, improprement qualifiée parfois de passive ; la lutte armée ou résistance militaire ; la résistance humanitaire ou caritative. 

La résistance civile. Elle traduit le refus de la domination du vainqueur et consiste, en premier lieu, en une contre-propagande hostile à l'occupant, qui va des graffiti sur les murs et de la lacération des affiches ennemies à la fabrication et à la diffusion de publications clandestines en tout genre – tracts, journaux, caricatures, opuscules. Cette presse clandestine s'impose dès les débuts de l'Occupation dans tous les pays vaincus, afin d'y maintenir et d'y relever le moral. 

La presse clandestine. Par exemple, aux Pays-Bas, où les opérations militaires n'ont duré que quatre jours – du 10 au 14 mai 1940 –, le Geuzenactie, modeste feuille ronéotypée, paraît dès le 15 mai ; en France, Jean Texcier publie ses Conseils à l'occupé dès le 14 juillet 1940. En l'espace de cinq ans, des millions de journaux sortent des imprimeries clandestines, poursuivant partout les mêmes objectifs : révéler les horreurs du nazisme, stimuler les tièdes, encourager les sympathisants, soutenir les combattants, développer chez les occupés, une hostilité systématique envers les nazis. D'ailleurs, plusieurs des mouvements importants de résistance sont nés autour de journaux clandestins. Franc-Tireur tirera à 165.000 exemplaires en utilisant douze imprimeurs successifs ; Combat consomme chaque mois trois tonnes de papier ; Jean Paulhan fonde avec Jacques Decour, qui sera fusillé par les nazis, les Lettres françaises ; Marc Bloch met sa plume au service de l'antinazisme. 

Les grèves. Autres manifestations de résistance civile : les grèves, menées en dépit de la violence de la répression (l'une des plus marquantes est la grève des 22 et 23 février 1941, à Amsterdam, en signe de protestation contre les mesures antisémites et les arrestations de juifs); la non-exécution des ordres et des circulaires dans les administrations au niveau national ou local; l'infiltration de résistants dans les postes de responsabilité des différents services publics. En France est instauré le NAP, ou noyautage des administrations publiques, et le " super NAP " qui infiltre les ministères du régime de Vichy. 

La résistance militaire. La lutte armée – celle des partisans et des saboteurs – frappe l'imagination et suscite l'admiration. Ne considérant pas la victoire finale comme acquise aux Allemands, les résistants commencent par cacher des armes et entrer en contact avec les services britanniques en attendant le jour où ils pourront constituer une armée secrète, se livrer à la guérilla sur les arrières de l'ennemi et participer par les armes à la Libération. 

Espionnage et intendance. De fait, depuis Londres, les Britanniques et les gouvernements en exil envoient dans les pays occupés des agents et des techniciens radio pour recruter des volontaires qui, malgré les multiples arrestations, transmettront jusqu'à la fin de la guerre des informations capitales pour les Alliés. La plupart de ces réseaux de renseignements, premiers éléments en date de la résistance militaire, sont d'une remarquable efficacité. Les Polonais, en particulier, montrent une grande maîtrise, soit en Allemagne, où plus d'un million d'entre eux ont été requis pour travailler, soit en Pologne même, d'où ils font parvenir à Londres les premières informations sur l'arme secrète des Allemands, la fusée V1. Si les activités d'espionnage, qui débouchent sur la collecte et la transmission de renseignements concernant l'ennemi, sont essentielles, il faut parallèlement organiser des réseaux d'évasion, en particulier pour les aviateurs tombés en territoire occupé. D'où la mise sur pied de filières, telles que Comète, dirigée de Belgique par une femme, Andrée De Jongh – l'une des très rares femmes chefs de réseaux de la Résistance –, ou Pat O.Leary (pseudonyme du médecin belge Albert Guérisse), qui se chargent de fournir des vêtements civils, des faux papiers, des cartes à ces rescapés (en général totalement ignorants de la langue du pays) et qui les convoient jusqu'à la frontière espagnole. 

Attentats et représailles. Dans le même temps, attentats et sabotages se multiplient dans toute l'Europe, obligeant les Allemands à vivre en état d'alerte permanente. Cependant, comme les occupants ripostent, sur l'ordre de Hitler, par des représailles sauvages et massives, la politique des attentats est l'objet de vives controverses, tant parmi les résistants qu'à Londres. En URSS, on multiplie les attaques systématiques contre les militaires allemands, malgré la répression meurtrière dont les populations civiles font les frais, car les Soviétiques estiment que ces vengeances de l'ennemi, qui sont disproportionnées, augmentent la haine contre les envahisseurs et renforcent les rangs des partisans. En France, les attentats se multiplient à partir de 1943 : le maréchal von Rundstedt échappe de peu à la mort en août. Le rôle militaire de la Résistance va s'accroître. Les premiers parachutages d'armes ont lieu dans le Cantal à la fin de 1943. Des maquis s'organisent, notamment en montagne. Celui du Vercors est anéanti du 21 au 27 juillet 1944. Ceux d'Alsace ont pour but essentiel de faire passer en Suisse des réfractaires à l'enrôlement dans la Wehrmacht ou la SS. Face à ces actions militaires, Jodl, adjoint de Keitel, commandant suprême des armées d'occupation, indique que " des mesures collectives contre les habitants de villages entiers, y compris l'incendie [...] doivent être ordonnées exclusivement par les commandants de division ou les chefs des SS et de la police " (6 mai 1944). Quelques semaines plus tard, la répression s'aggrave encore : " Il est à remarquer qu'on n'agit jamais assez durement. Il ne faut pas avoir peur de fusillades, pendaisons et incendies de maisons " (ordre du 27 août 1944). Les attentats n'épargnent pas les collaborateurs : certains sont condamnés à mort depuis Londres par la cour martiale de la Résistance ; Philippe Henriot est abattu par des officiers de la Résistance en mission le 28 juin 1944 ; des membres du parti populaire français de Doriot sont exécutés. 

Guérillas

Bien qu'elle fleurisse en France et en Italie à partir de 1943, la tactique de la guérilla – celle des partisans et des maquisards – se développe surtout dans les Balkans et en Europe orientale, où les méthodes d'occupation sont infiniment plus brutales qu'à l'Ouest. En Pologne se constitue, sous le nom d'Armée de l'intérieur, et en liaison avec le gouvernement en exil à Londres, une armée secrète qui lancera le 1er août 1944 l'insurrection de Varsovie. En Yougoslavie, de véritables batailles rangées opposent les partisans de Tito aux divisions allemandes. En Grèce, des guérillas communistes rivalisent avec les guérillas royalistes soutenues par les Britanniques du SOE ; il leur arrive cependant de collaborer, comme dans l'opération célèbre contre le viaduc enjambant le Gorgopotamos, non loin des Thermopyles, sur lequel passe l'unique voie ferrée reliant Salonique au Pirée (d'où est embarqué le matériel destiné à l'Afrikakorps du maréchal Rommel) : la coopération des deux principaux chefs de la Résistance grecque – le colonel Zervas de l'Armée secrète et le communiste Veloukhiotis – et d'un commando britannique parachuté d'Égypte permet, le 26 novembre 1942, de faire sauter le viaduc, interrompant le trafic du chemin de fer pendant trente-neuf jours. En URSS, dès juillet 1941, Staline lance un appel à la radio qui donne l'ordre d'organiser des unités de partisans dans les territoires envahis, de faire sauter ponts et nœuds de communications, de couper les lignes téléphoniques, de mettre le feu aux entrepôts ; en vérité, ces actions ne prennent de la consistance qu'après 1942. Les partisans soviétiques restent étroitement liés à l'Armée rouge et intégrés à sa stratégie. 

La résistance caritative. Cette forme de résistance se donne pour mission de venir en aide aux persécutés et d'apporter secours et protection aux diverses catégories de victimes : en premier lieu les juifs, mais aussi les familles de résistants arrêtés et déportés. Elle leur fournit de l'argent, des hébergements, des " planques ", des vêtements, des cartes d'alimentation. De véritables laboratoires de faux papiers sont organisés ; des prêtres délivrent de faux certificats de baptême; des homes d'enfants arrachent à la mort des milliers de victimes potentielles. On met également sur pied des filières de médecins exerçant clandestinement au profit de juifs camouflés, de résistants blessés ou malades, tel le groupe Medisch Contact aux Pays-Bas. L'aide aux juifs mobilise beaucoup de personnes, en particulier les Églises chrétiennes, qui participent largement à cet effort de sauvetage et élèvent parfois des protestations publiques contre les persécutions: on peut citer les lettres pastorales du Synode général de l'Église réformée de Hollande, en septembre 1941 ; celles d'évêques catholiques français au cours de l'été 1942 ; et les proclamations de résistance spirituelle de l'Église luthérienne de Norvège. 

La radio a été une arme à part entière du combat contre l'Axe. En effet, le moral des peuples occupés, livrés à l'oppressante propagande de l'ennemi, avait besoin d'être constamment soutenu, et leur volonté de lutte aiguillonnée. Aussi la TSF devint-elle dès le début un outil capital de la guerre psychologique. La BBC fut la plus écoutée des stations alliées, Radio-Moscou (qui possédait l'émetteur le plus puissant du monde et qui avait la plus longue expérience de propagande par les ondes) n'étant captée que dans les pays de l'Est et écoutée que par les communistes. Les programmes diffusés par la Suisse, pays neutre, étaient assez recherchés en raison de leur réputation d'objectivité. Malgré les efforts acharnés des occupants pour brouiller les émissions de Londres, la BBC, qui diffusait dans toutes les langues et s'adressait à chacun des pays européens y compris l'Allemagne et l'Italie, a joué un rôle déterminant : elle a pu transmettre des consignes d'action à la masse de ses auditeurs et envoyer aux mouvements et réseaux de résistance des instructions sous forme d'innombrables messages codés. La BBC a beaucoup servi la Résistance gaulliste, le général de Gaulle – et avec lui la France libre – n'ayant eu pendant longtemps, pour la plupart des Français, d'autre existence que radiophonique. 
L'Europe résistante d'est en ouest Dans tous les pays d'Europe, les résistants sont de plus en plus nombreux et de mieux en mieux organisés, au fur et à mesure du déroulement du conflit. 

Le destin tragique de la Résistance polonaise. Après l'écrasement militaire et le partage du pays entre Allemands et Soviétiques, les Polonais endurent pendant cinq ans la plus effroyable des occupations. Réduits à l'état d'esclaves travaillant pour le peuple allemand, chassés et dépossédés de leurs terres et de leurs biens, soumis à une brutale politique de germanisation, ils réagissent en bloc à la volonté nazie de destruction physique des élites nationales. 

De 1941 à 1945, la Résistance polonaise se trouve dans une situation très particulière par rapport aux autres pays européens : elle se compose de deux organisations rivales, d'importance inégale par ailleurs. La première, la plus ancienne et la plus puissante, appuyée par l'immense majorité de la population, est tournée vers les Alliés occidentaux et travaille en coordination avec le gouvernement en exil à Londres : c'est cette Armée de l'intérieur (Armia Krajowa) qui déclenche la bataille dramatique de Varsovie le 1er août 1944, férocement réprimée par les Allemands. Alors qu'il semblait que l'Armée rouge pouvait libérer la ville, les troupes soviétiques marquèrent une pause dans leur progression, ce qui sera interprété après la guerre comme une volonté délibérée de laisser massacrer les résistants polonais non communistes. Il est certain que cela profita à l'autre mouvement de résistance, soutenu par l'URSS, qui avait un soutien moindre dans le pays. Ce mouvement, formé de communistes et dirigé par le gouvernement provisoire établi à Lublin dès 1944, finira par éliminer les représentants du gouvernement polonais en exil à Londres. 

L'insurrection du ghetto de Varsovie. En Pologne se développe également une résistance juive, la plus puissante d'Europe, avec de petits groupes de partisans qui opèrent dans les forêts, aux confins de la Biélorussie et des pays baltes. Mais la grande épopée de cette résistance est l'insurrection du ghetto de Varsovie, où survivent, en avril 1943, environ 70?000 Juifs : le 19, un millier de combattants décidés à " mourir dans l'honneur " se dressent contre les troupes allemandes ; ils combattront pendant vingt-six jours avec acharnement, tandis que le ghetto sera incendié et démoli maison par maison. 

Résistance et guerre civile en Yougoslavie. Dans les Balkans, la lutte contre l'occupant prend la forme d'actions de guérilla conduites par des francs-tireurs que les Allemands dénoncent comme des " terroristes " et contre lesquels ils exercent une répression féroce. La Yougoslavie offre l'exemple d'une guérilla victorieuse – favorisée, il est vrai, par la topographie : relief montagneux et tourmenté, régions cloisonnées, vastes étendues boisées – et d'une nation occupée libérée en large partie par ses propres forces, mais au prix de pertes terribles et d'une mémoire divisée et sanglante. En effet, dans ce pays envahi par la Wehrmacht et l'armée italienne en avril 1941, trois guerres se déroulent, parfois simultanément: d'abord, une lutte farouche contre les occupants ; ensuite, une guerre civile entre communistes et royalistes fidèles au souverain et au gouvernement en exil ; enfin, une lutte impitoyable menée par les nationalistes croates (oustachis) contre les Serbes, ces derniers étant les victimes d'une politique d'extermination. 

Dès les débuts de l'Occupation, deux groupes distincts de résistants se constituent. D'un côté, le colonel Mihailovic, patriote serbe anti-allemand et anticommuniste, rassemble d'anciens soldats et des paysans volontaires, recrutés essentiellement parmi les Serbes, et les organise en unités de tchetniks. De l'autre, de petites unités de partisans mobiles et pugnaces dirigés par Josip Broz, dit Tito, secrétaire général du parti communiste yougoslave, opèrent en Bosnie, en Dalmatie et en Croatie. Bientôt, ces dernières unités, qui résistent avec succès aux offensives de l'armée allemande, tandis que les troupes de Mihailovic se montrent passives et entretiennent des relations douteuses avec l'adversaire, apparaissent comme le noyau le plus actif et le plus efficace de la résistance, et reçoivent, à partir de 1943, le soutien des Britanniques. Forts de cet appui, ainsi que de leur alliance avec Staline, les partisans communistes s'emparent sans difficulté du pouvoir lors de la libération du pays. En Albanie, Enver Hoxha parvient à créer un Front de libération nationale, qui doit faire face à une répression féroce. Après la chute de Mussolini, l'armée de libération nationale doit affronter les Allemands qu'elle finit par chasser en novembre 1944. 

La Résistance dans les États nazi et fasciste. En Allemagne, sitôt la prise du pouvoir par Hitler, une vague de terreur s'était abattue, en Allemagne, sur les adversaires du nouveau régime, en particulier sur les sociaux-démocrates, les communistes et les syndicalistes. Des milliers d'antinazis de toutes origines subirent la déportation dans les premiers camps de concentration, tandis que des milliers d'autres durent émigrer – émigration renforcée bientôt par les persécutions contre les juifs. À l'opposition politique s'ajouta une opposition religieuse dans certains milieux protestants et catholiques, derrière des figures de proue comme celles des pasteurs Niemöller et Bonhoeffer ou de Mgr Lichtenberg. 

Une poignée d'étudiants de Munich, groupés dans l'organisation La Rose blanche, tentent, en 1942, de se dresser contre l'idéologie hitlérienne. Mais, vite repérés et arrêtés, ils sont exécutés. Le mouvement d'opposition le plus important, dit " national-conservateur ", rassemble des officiers de l'armée qui jugent que Hitler conduit l'Allemagne à sa perte. Pour eux, la seule solution est d'éliminer physiquement le Führer. Mais le complot monté autour du colonel Stauffenberg, en liaison avec des libéraux et des syndicalistes, n'aboutit qu'à un attentat manqué, le 20 juillet 1944 : Hitler en sort indemne. C'est à la fois le point culminant et le point final de la Résistance allemande, car la répression se déchaîne ensuite contre tous les opposants, qui sont arrêtés et exécutés par milliers. 

En Italie les défaites militaires ont entraîné la chute du fascisme dès 1943 et le passage du pays dans le camp allié. L'Italie est alors coupée en deux : si le Sud est libéré, le centre et le Nord se trouvent sous la double domination des troupes allemandes et du régime néofasciste de Mussolini, installé à Salo, près du lac de Garde. L'antifascisme débouche ainsi sur la Résistance armée, dirigée par le Comité de libération nationale, qui rassemble six partis (notamment les démocrates-chrétiens, les communistes, les socialistes et les libéraux), sous l'autorité de Ferruccio Parri, du communiste Luigi Longo et du général Cadorna. 

La Résistance en France 
La Résistance française est une synthèse ; la France occupe une position particulière en raison : d'une part, de l'existence, d'une zone occupée par les Allemands et d'une zone " libre " (qui sera occupée à son tour en novembre 1942), d'autre part, de la présence, à Vichy, d'un gouvernement dirigé par le maréchal Pétain. En conséquence, la Résistance française revêt un double aspect : lutte contre l'occupant allemand, mais aussi lutte contre le régime de Vichy, sa " révolution nationale " et sa politique de collaboration. 

Dans son appel du 18 juin 1940, le général de Gaulle proclame de Londres que " la flamme de la résistance française " ne s'éteindra pas. Sur le sol métropolitain, le mouvement de résistance commence sous des formes modestes, tant en zone occupée (manifestation patriotique des étudiants parisiens le 11 novembre 1940, distribution des premiers tracts et des premières feuilles clandestines, dont le journal du réseau du musée de l'Homme, intitulé justement Résistance) que de l'autre côté de la ligne de démarcation, avec le développement en zone sud de trois mouvements, Combat, Libération et Franc-Tireur. Combat résulte de l'union de Liberté, organisation fondée par Henri Frenay, avec le Mouvement de libération nationale de François de Menthon, et se ralliera à de Gaulle en 1942. Claude Bourdet ou Georges Bidault en sont membres. Libération-Sud est créé en 1941 par Emmanuel d'Astier de la Vigerie. En 1940 naît Franc-Tireur, qui organise le premier maquis près de Grenoble en janvier 1942. Ces trois mouvements se réunirent pour former les Mouvements unis de résistance (MUR). Ce n'est qu'à partir de juin 1941, avec l'invasion de l'URSS par l'Allemagne, que le parti communiste entre en force dans la Résistance, où il joue désormais un rôle déterminant, soit par ses propres organisations, soit à travers le Front national de lutte pour l'indépendance de la France, qu'il anime. Le Front national se dote en 1942 d'une organisation militaire, les Francs-Tireurs et Partisans (FTP), dirigés par Charles Tillon. Tandis que se constitue ainsi une Résistance intérieure, à Londres s'affirme la Résistance extérieure, la " France libre ", sous l'autorité du général de Gaulle. 

Discours d'André Malraux lors du transfert des cendres de Jean Moulin au Panthéon (1964). Pour obtenir l'unification des organisations de résistance en coordination avec la France libre, il faut l'œuvre patiente et acharnée du préfet Jean Moulin, délégué personnel du général de Gaulle. Le 27 mai 1943, sous sa présidence, a lieu, à Paris, 48 rue du Four, la première réunion du Conseil national de la Résistance (CNR) qu'il a mis sur pied. Cependant, Jean Moulin est vraisemblablement trahi, et il est arrêté le 21 juin 1943. Georges Bidault lui succède à la tête du CNR. Les militaires ont leur propre structure, l'Organisation de résistance de l'armée (ORA). Les organisations de Résistance – FTP, ORA, Armée secrète – furent fédérées au début de 1944 au sein des Forces françaises de l'intérieur (FFI) et participèrent aux combats de la Libération sous les ordres du général Koenig, notamment en harcelant les convois allemands qui montaient vers le front lors des débarquements alliés. Enfin, une partie des FFI sera intégrée à la Ire division blindée du général de Lattre de Tassigny. 

À la Libération, l'affrontement entre résistants et collaborateurs aboutit à une épuration administrative (120.000 officiers, magistrats ou fonctionnaires) et une épuration professionnelle, politique, syndicale ou journalistique (300.000 personnes touchées, selon un rapport officiel de 1951). Les tribunaux, selon le chiffre officiel de 1948, ont prononcé 90.000 condamnations. Mais on estime que peut-être un million de personnes ont été arrêtées à la Libération, et que 60.000 ont pu être exécutées illégalement. 

Résistance

Résistance, lutte clandestine menée en France contre l’occupation allemande et la politique de collaboration du gouvernement de Vichy, durant la Seconde Guerre mondiale.

L’acte de naissance de la Résistance a probablement été l’appel du 18 juin lancé de Londres par le général de Gaulle qui venait d’y arriver, refusant de cautionner la demande d’armistice formulée par le maréchal Pétain. La libération de Paris a marqué la victoire et la fin de la Résistance ; les résistants qui continuèrent le combat rejoignirent en effet les unités armées légalement constituées des troupes de la France libre.

L’Appel, lancé de Londres, donne à la Résistance une géographie double. La France libre qui combat à l’étranger ou dans les colonies connaît rapidement un vrai succès : l’Empire colonial français s’y rallie massivement à partir du mois de juillet 1940 (seul le Tchad doit être soumis). Le 28 juin, de Gaulle est reconnu comme chef des Français libres par le gouvernement de Londres. Les Forces françaises libres (FFL) participeront désormais à toutes les campagnes britanniques contre les Allemands ; elles sont composées des indigènes de l’Empire et de nombreux métropolitains refusant le gouvernement de Vichy. La 2e DB (division blindée) du général Leclerc est l’un des corps d’élite des alliés contre l’Axe. D’autre part, la Résistance intérieure naît souvent de façon spontanée, seuls quelques milliers de Français ayant probablement entendu l’appel de De Gaulle. L’unification des manifestations désordonnées et souvent contradictoires de refus de l’Occupation est la tâche essentielle menée en France par les émissaires de De Gaulle.

La Résistance intérieure connaît plusieurs vagues d’adhésions successives. À l’origine, les " réfractaires " ou les " terroristes ", ainsi que les désignent les Allemands et l’administration de Vichy, agissent de façon très solitaire. À Brive, le 17 juin 1940, Edmond Michelet distribue un tract protestant contre la demande d’armistice ; le 23, le maire de La Rochelle, Vieljeux, refuse d’amener le drapeau français. Le 11 novembre, malgré les interdictions, des étudiants et des lycéens défilent à Paris pour commémorer la victoire de 1918. Les premiers " journaux " ronéotypés comme l’Homme libre circulent sous le manteau. Tout cela, malgré quelques contacts pris avec l’Intelligence Service, reste à la fois rare et dispersé. Ces résistants de la première heure sont de toutes les familles politiques, lesquelles, réduites à la clandestinité par le régime de Vichy, n’ont pas donné de consignes précises : le choix de la Résistance relève de la conscience individuelle. La plupart tentent de rejoindre Londres ou la France libre par l’Espagne.

Le plan Barbarossa qui lance la Wehrmacht à l’assaut de l’URSS, en juin 1941, entraîne dans l’action résistante tout l’appareil communiste. Le Parti communiste français (PCF), interdit à partir de septembre 1939 et déstabilisé par la signature du pacte germano-soviétique, peut enfin prendre clairement position, et avec lui un réseau syndical et associatif extrêmement bien implanté. Dès mai 1941, il crée, sur la pression des militants de base refusant le fascisme et le régime de Vichy, le Front national dont l’objectif est de réunir les différents groupes de Résistance. La résistance du Front national recrute bien au-delà du PCF. En mars 1942, le Front national se dote d’une armée secrète, les Francs-tireurs et Partisans français (FTP ou FTPF). Fernand Grenier est dépêché à Londres pour coordonner les actions de la résistance communiste avec l’ensemble de la Résistance en janvier 1943.

D’autres réseaux importants commencent à se constituer en 1941 : en zone sud, où cette constitution est moins risquée, Combat, issu en novembre 1941 de groupes isolés, devient le plus puissant des réseaux de Résistance, soutenu par Henri Frenay, un partisan du maréchal Pétain et de la révolution nationale. Jusqu’en 1942, Combat garde le contact avec le ministre de l’Intérieur Pierre Pucheu et seule l’invasion de la zone sud en novembre 1942 détermine une rupture définitive. Libération, marqué par la figure d’Emmanuel d’Astier de La Vigerie, s’affirme d’emblée contre Vichy et entre en contact très tôt avec de Gaulle et son émissaire Jean Moulin. Franc-Tireur recrute ses membres dans les milieux de la bourgeoisie de gauche modérée. Jean Moulin, parachuté en France le 1er février 1942 comme représentant en France du général de Gaulle, peut unifier ces réseaux au sein des Mouvements unis de Résistance (MUR). En zone nord, cinq réseaux importants sont constitués : outre le Front national, Ceux de la Résistance, lié à Combat ; Ceux de la Libération, dominé par les nationalistes souvent issus du Parti social français (PSF) du colonel de La Roque ; Libération-Nord, marqué par l’activité des socialistes et des syndicalistes de la Confédération générale du travail (CGT) et de la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) ; l’Organisation civile et militaire, enfin, nettement marquée à droite. L’unification est plus difficile à réaliser ; en mars 1943, une " déclaration " commune est signée ; mais il faut attendre le 29 décembre 1943 pour que les Forces françaises de l’intérieur (FFI) soient constituées, et le 5 janvier 1944 pour que les MUR intègrent une partie des mouvements de la zone nord et deviennent le Mouvement de libération nationale.

Léon Blum envoie Félix Gouin à Londres et rallie la Section française de l’Internationale ouvrière (SFIO) en 1942. La fondation du Conseil national de la Résistance (CNR), le 27 mai 1943, montre que l’autorité de De Gaulle est désormais reconnue par l’ensemble des mouvements de résistance. Le CNR est le cœur politique de l’activité résistante, et son programme, publié en 1944 et visant à instaurer une " véritable démocratie économique et sociale ", en traduit à la fois la diversité et les espoirs.

Dans l’intervalle, la Résistance s’est enrichie de l’arrivée massive des réfractaires au Service du travail obligatoire (STO) ainsi que de celle de nombreux patriotes, au fur et à mesure du durcissement de l’Occupation et de l’élargissement de la collaboration. Les engagements se multiplient avec les défaites peu à peu accumulées de l’Axe et le cynisme des " résistants de la dernière heure ", qui s’engagent après le débarquement de Normandie, voire des " résistants du lendemain ", qui se déclarent résistants une fois la Libération effectuée, pose très tôt un problème de comptabilité à ceux qui doivent recenser les FFI et les FTP authentiques.

Au total, la Résistance active a mobilisé à peu près 200.000 personnes, dont plus de 60. 000 ont péri dans les combats, devant les pelotons d’exécution ou dans les camps de concentration. Le tribut payé à la libération de la France a donc été extrêmement lourd.

Faire de la résistance, cela signifiait entrer en clandestinité ; une clandestinité réelle, totale, dont la rupture signifiait à peu près sûrement la mort. L’entrée au sein d’un réseau était donc extrêmement difficile ; le cloisonnement total, indispensable, contraignait aussi à l’isolement bon nombre de groupes de résistants. La dénonciation était monnaie courante, et l’usage des fausses cartes absolument indispensable. La Résistance consistait, la plupart du temps, que l’on soit en ville ou au maquis, dans le fait de se cacher et d’attendre des instructions souvent communiquées par le truchement de la BBC, dans les " messages personnels " codés, énoncés notamment par Pierre Dac au cours de l’émission Les Français parlent aux Français.

L’action proprement dite était le plus souvent liée à la propagande : il s’agissait de rédiger, d’imprimer et de distribuer des tracts ou des journaux clandestins dont souvent les titres correspondaient au nom des réseaux qui les publiaient : Combat, l’Humanité, Libération, Franc-Tireur. La Résistance a engendré une littérature spécifique dont le Silence de la mer, de Vercors, ou la Diane française, de Louis Aragon, sont deux exemples révélateurs ; Paul Éluard, Robert Desnos, Pierre Emmanuel, André Malraux s’y engagent totalement. Les Éditions de Minuit sont créées dans le secret pour publier ces écrivains de l’ombre.

Il fallait aussi, parfois, combattre réellement, soit par le sabotage : en 1944, les cheminots rendent ainsi impraticable pour les Allemands le réseau ferroviaire ; soit par l’assassinat, geste parfois individuel (Jacques Bonsergent, le colonel Fabien), parfois au contraire attentat mûrement médité tel celui qui exécute Philippe Henriot, le responsable de la propagande de Vichy, ou celui de Ritter, l’un des principaux responsables de la SS pour la France ; soit enfin par la guérilla des maquis, qui subit de lourdes pertes comme dans le Vercors, où le maquis est anéanti par la Wehrmacht en juillet 1944, mais qui aide grandement à la progression des troupes alliées en 1944. À Paris, la Résistance lance l’insurrection contre les Allemands pour accélérer leur départ dès le 19 août 1944, et la bataille dure jusqu’au 23.

Il fallait enfin assurer la logistique : les parachutages d’armes et de provisions pour les maquis représentaient une prise de risque énorme, à la fois pour les pilotes de la Royal Air Force et pour ceux qui, au sol, devaient baliser le terrain et récupérer les colis, puis les redistribuer. Les contacts radio étaient un indispensable lien, nécessitant de la part des résistants une constante mobilité pour échapper aux voitures radio de la police de Vichy et de la Gestapo. Enfin, une fraction de plus en plus large de la population a participé à la résistance passive le temps d’une " planque ", le temps d’une commission, le temps de porter un paquet dans un maquis, le temps de mentir à la police française, à la milice française ou à la Gestapo. À partir de 1944, il devient évident que la prudence à moyen terme recommandait de donner à la Résistance quelques gages de bonne volonté. Le roman de Jean Dutour, Au bon beurre, décrit avec une féroce et provocante crédibilité ce ralliement intéressé des petits épiciers parisiens.

La Résistance a été, jusqu’au mois d’août 1944, un choix risqué qui mettait en danger la vie de ceux qui le faisaient. Des étrangers, communistes pour la plupart, ont également pris part à la lutte armée, parmi lesquels le groupe FTP-MOI, dirigé par l’Arménien Missak Manouchian, exécuté en février 1944 par les nazis qui ont alors tenté de déconsidérer l’action de la Résistance en placardant sur les murs une affiche, l’Affiche rouge, présentant les membres de la MOI comme des agents de l’étranger. Si la résistance active est restée un mouvement très marginal, son développement et le soutien croissant qu’elle a reçu d’une large partie de la population française lui ont permis d’être un appui réellement efficace aux Alliés dans la reconquête de la France. Elle a surtout permis aux Français qui n’avaient pas choisi Londres de préserver, en dépit de risques incessants, la flamme de la nation française.


CNR 
Dans les derniers mois de 1942, Jean Moulin, délégué du général de Gaulle en zone non occupée, était parvenu à constituer l'Armée secrète par la réunion des mouvements de Résistance de zone Sud, Combat, Libération et Franc-Tireur ; il partit pour Londres en 1943 et reçut le 21 février de De Gaulle le mandat de créer " un Conseil de la Résistance unique pour l'ensemble du territoire métropolitain ". Les buts du CNR étaient dictés par l'efficacité organisationnelle et les nécessités politiques: réunir et représenter les groupements de Résistance et leur transmettre les directives de Londres dans le but de chasser l'occupant ; lutter pour la liberté, contre toute forme de dictature, y compris l'État français ; enfin, former " l'embryon d'une représentation nationale réduite ". De Gaulle recherchait en outre une légitimité nationale, qu'il comptait faire valoir dans la lutte qui l'opposait alors au général Giraud en tant que représentant unique de la France auprès des Alliés.

Le CNR réunissait l'ensemble des mouvements de Résistance – Organisation civile et militaire (OCM), Ceux de la Résistance (CDLR), Ceux de la Libération (CDLL), Libération-Nord, Front national, Combat, Libération-Sud, Franc-Tireur – ainsi que six tendances politiques – communistes, socialistes, radicaux, démocrates-chrétiens, Alliance démocratique et Fédération républicaine – et deux syndicats – CGT et CFTC. À ces seize membres s'ajoutait le président – Jean Moulin jusqu'à son arrestation, puis Georges Bidault, qui représentait les démocrates-chrétiens – ; deux secrétaires participaient aux réunions sans voix délibérative.

La constitution du CNR fut, d'après un rapport de Jean Moulin lui-même, particulièrement difficile, à cause des réticences de certains mouvements – OCM, CDLR, CDLL et Combat – à collaborer avec des représentants des anciens partis politiques, mais également du fait que l'entrée dans le CNR représentait la reconnaissance de fait de l'autorité de De Gaulle et du gouvernement provisoire à venir au moment de la libération du territoire français. Le CNR dut en outre faire face à l'opposition feutrée de ceux qui, autour de Pierre Brossolette, avant comme après la disparition de Jean Moulin, cherchaient à en faire le futur parti politique gaulliste.

La première réunion plénière du CNR eut lieu le 27 mai 1943 à Paris, chez René Corbin, au 48 de la rue du Four. Jean Moulin transmit un message du général de Gaulle du 10 mai, dans lequel il affirmait le rôle politique du CNR, qui devait être comme " une sorte de première représentation des désirs et des sentiments " des Français qui luttaient contre l'occupant. Le CNR vota à l'unanimité une résolution apportant son soutien à De Gaulle contre Giraud, qui apparaissait comme un transfuge de Vichy soutenu par les Américains; le CNR proclamait " avec netteté " qu'il entendait que le gouvernement soit confié à de Gaulle, Giraud devant recevoir le commandement de l'armée. Il affirmait ainsi l'unité entre la Résistance de l'intérieur et le combat mené depuis l'étranger par les Français libres.

Le CNR élabora un Programme d'action de la Résistance, qui demandait, une fois le pays libéré, des réformes politiques, économiques et sociales marquées par un souci de démocratie, le démantèlement des " grandes féodalités " y compris par des nationalisations, et la protection des travailleurs (sécurité sociale, entre autres). Il se dota d'un bureau de cinq membres et de diverses commissions, dont les plus connues sont le NAP (Noyautage des administrations publiques), le Comité d'action contre la déportation et la Comac (Commission militaire). Des différences de tactiques ne tardèrent pas à apparaître, notamment en matière militaire; certains, en premier lieu les communistes, étaient partisans d'une action immédiate contre l'occupant, tandis que d'autres prônaient le " jourjisme  – la préparation du " jour J ". Ce n'est que le 24 mai 1944 que la Comac, alors contrôlée par les communistes Villon et Kriegel (" Valrimont
"), se déclara en faveur de l'action de masse " à caractère insurrectionnel ", avec une priorité accordée aux actions décidées par les Alliés. Le CNR lança le 18 août un appel à l'insurrection, cette fois voté à l'unanimité, suivi deux jours plus tard d'une décision de suspendre les combats, puis à nouveau le 21 d'un appel à reprendre les armes, situation confuse qui illustre les luttes de tendances entre les communistes, partisans de l'insurrection sans attendre les Alliés, et ceux qui craignaient que celle-ci ne dégénérât en prise du pouvoir.

Le CNR considérait qu'il devait logiquement, en tant que représentant authentique de la Résistance intérieure, prendre largement part au pouvoir à l'issue de la guerre. Si certains membres des mouvements de Résistance qui le constituaient participèrent effectivement du gouvernement provisoire, le CNR dans son ensemble fut simplement intégré à l'Assemblée consultative; l'éviction du CNR au profit du rétablissement de l'État républicain par de Gaulle passa, aux yeux de nombreux résistants, pour une non-reconnaissance de leur rôle éminent durant l'occupation.

Gouvernement provisoire de la République française 


(ou GPRF). Dès juin 1940, le général de Gaulle s'est efforcé de faire reconnaître en la France libre, dont il est de facto le chef, le gouvernement légitime de la France, par opposition au gouvernement de Vichy collaborant avec l'occupant allemand. En septembre 1941, les Français libres se sont constitués en un Comité national français, première étape vers un gouvernement provisoire en exil. Lorsqu'en novembre 1942 les Anglo-Américains débarquent au Maroc et en Algérie, l'Afrique du Nord tout entière bascule en faveur de la France libre. 


Autour du général de Gaulle Des hommes d'origine politique diverse s'étaient rassemblés autour de de Gaulle, mais ayant en commun – de Louis Marin, le modéré, à Fernand Grenier, le communiste, en passant par André Philip, le socialiste – la volonté de donner à la France libérée des institutions républicaines et démocratiques qui ne reproduiraient pas celles de la IIIe République, rendue en partie responsable de la défaite, mais qui mettraient en tout cas l'accent sur la justice sociale. 

Du CFLN au GPRF 

La majeure partie de la population française d'Algérie, les militaires ralliés à la lutte nationale de libération et les Américains sont plus favorables au général Giraud, réputé apolitique, qu'à de Gaulle, jugé " trop à gauche ", mais que soutient Churchill. Après les entrevues de janvier (Roosevelt, Churchill, Giraud, de Gaulle) et mars 1943, est constitué un Comité français de libération nationale (CFLN) doté de deux coprésidents (Giraud et de Gaulle) ; Alger devient la capitale de la France libre et, le 14 juillet, le terme de " IVe République " est employé pour la première fois. Finalement, Giraud démissionne en novembre : la Résistance penche en faveur de de Gaulle, dont les qualités politiques sont évidentes. Dès septembre, une Assemblée consultative provisoire a été mise en place, aux côtés du CFLN, formée de délégués de la Résistance et des partis politiques ralliés ; c'est le 3 juin 1944 que le CFLN devient gouvernement provisoire de la République française (GPRF). Trois jours plus tard commence le débarquement de Normandie et la libération du territoire métropolitain. 

La mise en place du gouvernement Désormais, le gouvernement provisoire qui s'installe à Paris en août 1944 s'attache à réorganiser la nation au fur et à mesure que le territoire est libéré et à restaurer l'État tout en travaillant à l'élaboration de nouvelles institutions. 

Le G.P.R.F. doit d'abord s'imposer au commandement interallié, dominé par les Américains : celui-ci doit s'incliner lorsqu'il constate l'existence d'un appareil d'État préparé à Alger par l'ordonnance du 3 avril 1944 et mis en place dès la Libération. Paris est le siège du gouvernement ; un commissaire de la République gouverne dans chaque région, et, au niveau local et départemental, on trouve des comités de libération très diversifiés – aspirant à l'autonomie et volontiers révolutionnaires – qui animent les milices patriotiques issues de la Résistance. 

La Libération 

Dès septembre 1944, de Gaulle entreprend un tour de France dont le but est d'asseoir l'autorité des commissaires: entre l'administration traditionnelle qu'ils coiffent et les comités de libération en passe de constituer un deuxième pouvoir concurrent, il faut trancher. 

La prépondérance de la gauche

Le parti communiste (qui participe au gouvernement depuis Alger) est prépondérant au sein des comités de libération. Tandis que de Gaulle se rend à Moscou pour signer une alliance avec l'URSS, Thorez rentre en France et fait prévaloir la ligne imposée par Staline, que le parti adopte officiellement en 1945 : les milices patriotiques sont dissoutes, le parti joue le jeu de la légalité républicaine. Il conclut, en outre, un pacte d'unité d'action, inspiré de celui de 1936, avec les socialistes (SFIO). 

Le gouvernement de Gaulle comprend, à l'aube de 1945, des socialistes (Texier à l'Intérieur), des communistes (aux postes économiques et chargés à ce titre de la reconstruction), des MRP et diverses personnalités «modérées». En avril a lieu la première consultation électorale de l'après-guerre: ce sont les élections municipales ; les mairies se voient dotées d'autorités élues contribuant à consolider l'État. Les femmes, pour la première fois, participent à une élection : c'est la reconnaissance du rôle qu'elles jouent dans la nation et que la Résistance a consacré à l'évidence. Enfin, c'est une victoire de la gauche, engagée dans la lutte contre l'occupant et le collaborateur, et la disqualification de la droite, compromise par Vichy. 

L'épuration

Le printemps 1945, c'est aussi le retour des prisonniers et des internés des camps de concentration : l'horreur nazie éclate au grand jour et, avec elle, l'aversion pour ceux qui ont soutenu l'idéologie fasciste ou nazie dans le cadre de Vichy ou en collaboration directe avec l'occupant. D'où l'épuration qui frappe les fonctionnaires coupables d'avoir collaboré à des titres divers, le procès des responsables (Pétain, Laval) et leur condamnation, ainsi que celle des collaborateurs intellectuels (Maurras, Brasillach, etc.). 

La reconstruction

Les problèmes économiques sont cruciaux. Pour relancer l'économie, châtier les collaborateurs en ce domaine et associer les travailleurs à la reconstruction, le Conseil national de la Résistance (CNR) avait établi un programme de nationalisations qui avait le soutien des grands partis et des organisations issues de la Résistance : les houillères, les compagnies productrices de gaz et d'électricité, quelques usines d'armement, Renault, les transports aériens, les grandes banques de dépôt furent nationalisés, à l'exclusion de nombreux autres trusts (pourtant inscrits au programme du CNR), que de Gaulle et les modérés réussirent à protéger. De même, aux mesures draconiennes proposées par le ministre de l'Économie nationale Mendès-France, de Gaulle préfère les remèdes plus classiques (emprunts), générateurs d'inflation, avancés par Pleven. 

Les problèmes constitutionnels 


Enfin se pose le problème de savoir s'il convient de donner une nouvelle Constitution à la France. 

La Constituante 

Les Français décident par référendum d'élire une Constituante pour se donner des institutions nouvelles. Dans la nouvelle Assemblée, le parti communiste apparaît – résultat du rôle qu'il a joué dans la Résistance – comme le premier parti de gauche devant la SFIO ; cette avance sur la SFIO ne fait que s'accentuer par la suite. De Gaulle, qui remanie son ministère en fonction des résultats aux élections, refuse pourtant d'accorder aux communistes les portefeuilles qu'ils peuvent légitimement revendiquer, eu égard à leur action dans la Libération et dans la reconstruction nationale. 

La démission de de Gaulle

Les partis non communistes soutiennent de Gaulle, mais en matière de budget, notamment en ce qui concerne l'armée, les socialistes sont aussi vigilants que les communistes. Ce contrôle que l'Assemblée prétend exercer sur l'action gouvernementale est insupportable à de Gaulle, qui démissionne brusquement, en janvier 1946, récusant ce qu'il appelle le " régime des partis ". 

Le nouveau gouvernement provisoire 

Le nouveau gouvernement formé par le socialiste Félix Gouin est tripartite; au gouvernement d'union ouvrière préconisé par le PCF (associant ce parti et la SFIO), Gouin préfère s'appuyer aussi sur le MRP, issu de la Résistance, certes, mais aussi champion de l'Église en matière scolaire et refuge électoral de la droite classique. MRP et SFIO se méfient du PCF, mais n'osent encore l'exclure du gouvernement, tant est grand son prestige dans la population, notamment dans la classe ouvrière, qui voit en lui le plus ferme défenseur des acquis de la Résistance, et chez les intellectuels. L'année 1946 devait être d'abord consacrée à donner une Constitution à la IVe République.