L'action de Charles de Gaulle
a marqué son siècle. Pour la défense de ses convictions quant à la dignité
et au rôle de la France, pour l'amélioration des rapports entre les hommes et
l'harmonisation de la marche des peuples, il a usé de tous ses moyens. Cette
action aux formes multiples s'est naturellement traduite par des choix et des
engagements et ceux-ci ont toujours été annoncés, commentés et soutenus par
une communication privilégiée avec ceux qui se trouvaient concernés. L' œuvre
de De Gaulle est donc ponctuée et illustrée par ses discours.
De toutes les expressions
humaines c'est à l'écriture que le Général attachait le plus de prix. Ses
textes présentaient pour lui une grande importance et il s'exprimait en écrivain
pénétré de la valeur des rythmes et des mots. Ses discours, tous de sa plume,
sont des morceaux de littérature. Ils constituent plus que de simples adresses,
ils révèlent un talent mais aussi une conscience face aux atteintes de la vie
publique. Ils constituent une révélation de la personnalité pour peu que l'on
en écoute la succession avec l'attention d'on historien et la vigilance d'un
confident.
Et pourtant, avant d'entrer
dans l'Histoire les ouvrages du capitaine, du commandant et du colonel de Gaulle
ne se souciaient guère de s'adresser à un auditoire élargi. De leur étude on
retire l'impression soit d'un rapport officiel, soit d'un essai sur le mode
lyrique, l'une et l'autre de ces formes se trouvaient assez éloignées de
celles d'appels au peuple. C'est une sorte de miracle que cet intellectuel en
uniforme ait su trouver soudain le ton et les mots susceptibles de toucher une
aussi vaste audience qu'une nation de surcroît assommée par son malheur. À
partir de juin 1940, coupé de la nation, isolé dans un environnement étranger,
ce solitaire inconnu découvre les thèmes et les formules qui vont atteindre
les Français au plus profond de leur cœur.
Ensuite ce seront ses
messages portés par les ondes qui réveilleront les consciences et
galvaniseront les énergies.
Tout au long de son action
publique de Gaulle s'adressera à ses concitoyens dans un langage qui, bien qu'élevé
et parfois littéraire, sera compris de toutes et de tous. Dégagées des excès
de la familiarité et de la moindre dérive démagogique, ses allocutions
marqueront les étapes de son intime dialogue avec le peuple français. À l'écoute
de ses interventions on ne peut qu'être frappé par la largeur des vues qui les
inspire et la capacité de percevoir les déroulements cachés de l'avenir.
L'on peut sans doute
distinguer trois grandes périodes dans ce dialogue qui s'étend presque sur un
tiers de siècle.
La guerre d'abord et l'appel
du 18 juin 40 (non enregistré) et le discours du 22 juin qui lui fait suite.
Voici le cri du refus, l'acte fondateur de la Résistance. C'est en tant que
membre du dernier gouvernement légitime de la République qu'il s'exprime et
appelle les hauts responsables en France et dans l'Empire à poursuivre la lutte
avec les considérables moyens qui restent disponibles. Suivent les pathétiques
allocutions qui scandent les espoirs, les malheurs, les victoires de la grande
entreprise nationale. Devant le microphone de Gaulle lit ses textes mais la
voix, que les enregistrements de l'époque déforment vers l'aigu, n'est pas
encore très sûre. L'on peut constater qu'au fur et à mesure cette voix
s'affermit et qu'elle devient dans certains cas catégorique. En pleine guerre,
à Brazzaville en janvier 44, le président du Comité national ouvre par un
discours significatif le chemin de ce qui sera plus tard la décolonisation.
Combien de drames et
d'angoisses traversés ! Ainsi à l'écoute est retracée l'incroyable épopée
qui va permettre à la France, cinq années après un terrible désastre, d'être
assise à la table des vainqueurs. Enfin, que d'émotion lorsque nous
participons à la séance mémorable de l'hôtel de ville dans Paris libéré,
alors que l'assurance de l'orateur se brise devant la grandeur du moment. Et
encore, lorsque l'annonce de la victoire est faite à l'assemblée consultative.
Puis l'un va suivre le long
combat politique du de Gaulle retiré volontairement des affaires, pour que soit
proposée au pays une constitution qui assurera la stabilité et par conséquent
la continuité Resté silencieux après son départ en janvier 1996 et pendant
six mois, le Général se voit en juin contraint d'intervenir dans le débat qui
porte sur les futures institutions de la France. Sur ce sujet de la plus haute
importance pour l'avenir, de Gaulle s'exprimera en de nombreuses reprises,
s'efforçant de rassembler en un mouvement tous ceux, à quelques horizons
qu'ils appartiennent, qui partagent son objectif d'une réforme de la
constitution. Après un brillant début son Rassemblement du Peuple Français se
heurte à l'hostilité des partis politiques qui font bloc contre cette
initiative laquelle risque de diminuer leur influence La IVe République
née en octobre 46 connaîtra alors vingt-sept gouvernements en douze années.
Les discours de 1947 à 1955 rappellent les principales circonstances de la vie
du Rassemblement avec ses succès et ses déceptions. Celui que beaucoup de Français
considéraient comme " le libérateur " parcourt alors la France. Privé
par le gouvernement de tout accueil officiel et de tout honneur, il va de département
en département, logeant le plus souvent chez l'habitant et s'exprimant devant
des auditoires d'importance variée Puis de temps en temps, lorsque les événements
le justifient il convoque la presse et ses débats avec les journalistes
constituent de véritables exposés de science politique. Durant ces huit années
il rendra visite à tous les départements de France et d'Algérie.
Devant l'obstination et
l'aveuglement des formations en place, il décide de suspendre son action
politique et observe une complète réserve qui va durer deux années et demi.
C'est l'époque des grands voyages et de la poursuite de la rédaction de ses Mémoires
de guerre (L'appel, 1954 - L'unité 1956 - Le salut 1959). Ces trois volumes
connaissent un grand succès. Leur auteur est enfin reconnu comme un
exceptionnel écrivain.
Mais voici que s'ouvre la
troisième grande période de l'action de Charles de Gaulle. L'instable IVe
République se trouve, en effet, aux prises avec une crise qu'elle ne parvient
pas à dominer : l'Algérie est à feu et à sang. Aucun gouvernement ne
parvient à définir une politique et à la suivre. L'émeute éclate à Alger
et c'est vers l'ermite de Colombey que les politiciens aux abois se tournent. De
Gaulle est le seul à pouvoir obtenir un consensus mais il pose ses conditions :
les pleins pouvoirs pendant six mois et la mise en œuvre d'une réforme des
institutions. Le Parlement lui accorde sa confiance. Le voici dernier président
du Conseil des ministres de la IVe République face au drame algérien
et devant la tâche de construire une nouvelle République. Le 8 septembre 1958
la nouvelle constitution a été approuvée par référendum. La Ve République
se met en place le 8 Janvier 1959, de Gaulle en devient le premier président
le 21 décembre.
Allocutions et discours vont
alors se succéder pour faire comprendre et approuver par le pays l'existence
d'une Algérie algérienne. Dans cette direction il avance à pas prudents et
mesurés. Il est fascinant de constater, au fil de ses interventions, la pédagogie
et la force de conviction dont il use pour amener en janvier 1961 les Français
à se prononcer, malgré de violentes actions des adversaires, en faveur de
l'autodétermination des trois départements d'Algérie. L'indépendance de
celle-ci sera acquise le 1er juillet 1962.
Les années qui suivent sont
celles d'une remarquable stabilité financière et d'une croissance continue. La
monnaie est forte, le plein emploi s'installe et les exportations se développent.
Un plan de stabilisation en 1963 permettra un contrôle accru d'un début
d'inflation. En 1962, après un attentat perpétré contre sa personne, de
Gaulle propose une ultime réforme à la constitution : désormais le président
de la République sera élu au suffrage universel direct. Ainsi son successeur bénéficiera
d'une légitimité et d'une autorité accrues. En 1965, au terme d'un premier
septennat, de Gaulle est réélu à la magistrature suprême suivant ce nouveau
mode d'élection.
Sur le plan des rapports de
la puissance tutrice et des colonies, par la création de la Communauté suivie
des indépendances successivement accordées, de Gaulle procède à une décolonisation
laquelle, tout en donnant une personnalité aux nouveaux États, leur permet ce
qu'ils souhaitent, de rester étroitement liés à la France.
Dans le domaine international
la France de De Gaulle retrouve sa place de grande puissance. Elle demande
d'abord, et en vue de disposer de l'autonomie de sa défense, une révision de
l'organisation militaire du Pacte Atlantique, le refus des alliés provoque
par la suite sa sortie du système militaire intégré de l'OTAN. Elle confirme
et met en œuvre les clauses du traité de Rome qui crée des liens nouveaux
entre les signataires, l'Italie, l'Allemagne et le Benelux, bases d'une future
Europe reposant sur le respect des nationalités.
Puis de Gaulle s'emploie à
atténuer la tension entre l'Est et l'Ouest et c'est ainsi que se succèdent à
Paris deux sommets internationaux et que le chef de l'État français va se
rendre en URSS et dans plusieurs républiques populaires du bloc de l'Est.
Concernant lés pays en voie de développement, la France avance le principe du
droit des peuples à disposer d'eux-mêmes et s'efforce d'ouvrir une troisième
voie entre la subordination à l'une ou l'autre des deux super puissances, l'Amérique
et l'URSS. C'est pourquoi de Gaulle effectue deux grandes tournées en Amérique
du sud et en Asie où il préconise des solutions politiques plutôt que des
affrontements. En 1966 il prononce à Pnom Penh, au Laos, un discours pour
privilégier une issue négociée au conflit en cours en Indochine entre les États-Unis
et les Indochinois. C'est en 1968 que se réunira à Paris la conférence qui
met fin à l'intervention américaine dans ces pays. Paris, où se succèdent
les chefs d'État, est devenu le centre d'une intense activité diplomatique
dont on retrouve l'expression dans les discours prononcés par le président
de la République dans plus d'une vingtaine de capitales assurant à la France
par la qualité et le contenu de ses interventions un rayonnement international
sans précédent. Le 27 juillet 1967 dans une allocution prononcée du balcon
de la mairie de Montréal, il encourage les Québécois à affirmer leur
personnalité et à faire respecter leurs particularités.
Mais en 68 une fièvre subite s'empare des jeunesses du monde entier. Aux États-Unis, au Japon, en Allemagne et même en Suisse les étudiants manifestent en faveur de changements dans la société. La France n'échappe pas à la contagion et des mouvements de rues et des occupations de locaux universitaires que complète une grève générale, créent une situation d'émeute et de paralysie. L'opposition en profite pour revendiquer le pouvoir. Malgré les injonctions de De Gaulle le gouvernement ne réagit que mollement et voit repousser les concessions sociales accordées. C'est alors qu'après une absence imprévue de Paris, de Gaulle, ayant créé l'événement, reprend l'initiative et prononce un discours énergique. La manifestation de la majorité silencieuse organisée à Paris prend aussitôt une immense ampleur mettant ainsi fin aux tentatives de déstabilisation du pouvoir la crise est dénouée et les élections qui suivent une dissolution apportent au chef de l'État une majorité absolue dans la nouvelle Assemblée nationale. Mais le lien qui unit le peuple et de Gaulle s'est relâché et ce dernier souhaite obtenir un renouvellement de la confiance dont il a bénéficié jusqu'aux événements. Ce sera un référendum sur la participation des échelons régionaux à leur gestion et aux décisions nationales par une réforme du Sénat. De Gaulle annonce qu'il se retirera si le pays ne le suit pas dans cette voie nouvelle. C'est le cas. Le 28 avril 1969 de Gaulle annonce qu'il cesse d'exercer ses fonctions de président de la République. Lors de l'élection de son successeur, il s'éloigne en effectuant un voyage en Irlande et se retire définitivement dans sa demeure de Colombey-les-Deux-Églises. En octobre 1970 paraît le premier tome de ses Mémoires d'espoir. Quelques jours après, le 9 novembre, il meurt subitement. La France entière porte le deuil. À Paris, en hommage à sa mémoire, une foule immense se rend sous la pluie à l'Arc de triomphe. Le 12 novembre une messe solennelle regroupant quatre-vingts chefs d'État est célébrée à Notre-Dame de Paris. Entouré de ses fidèles, et en grande simplicité, de Gaulle est enterré dans le petit cimetière de Colombey-les-Deux-Églises.
Le 18 juin 1972 une haute
croix de Lorraine offerte par souscription nationale est édifiée sur la
colline dominant le village.
22 juin 40 : La défaite de la
France après un mois de rudes combats contre les forces allemandes est consommée.
Ministre du dernier gouvernement libre de la République, de Gaulle vient de
lancer de Londres le 18 juin 1940 son appel à la résistance (non enregistré)
et il commente les conditions de l'armistice que vient de dicter Hitler au maréchal
Pétain. Ainsi naît la France Libre qui va mener le combat jusqu'à la libération
(discours diffusé par la radiodiffusion britannique, British Broadcasting
Corporation, BBC).
24 juin 40 : Le maréchal Pétain
vient d'accepter les exigences de l'ennemi, le général de Gaulle dévoile ce
qu'elles signifient dans une allocution (diffusée par la BBC).
8 juillet 40 : Des bâtiments
de guerre britanniques viennent d'attaquer la flotte française au mouillage
dans la rade de Mers-et-Kébir (Algérie). De Gaulle, proteste vigoureusement
tout en expliquant les motifs des Anglais qui craignent que les unités françaises
soient utilisées par les Allemands (diffusé par la BBC).
23 octobre 41 : Les Allemands
ont fusillé des otages français à la suite de l'attentat perpétré par des
résistants contre deux de leurs militaires. De Londres, de Gaulle donne ses
consignes : l'action de la Résistance doit être coordonnée et s'intégrer
dans un plan d'ensemble (diffusé par la BBC).
24 décembre 41 : Les Forces
Françaises Libres ont repris le combat sur terre, dans les airs et sur mer Le
soir de Noël 1941 le Général s'adresse aux enfants de France qui souffrent de
l'occupation, il leur promet une visite miraculeuse (diffusé par la BBC).
4 mars 42 : Plusieurs
territoires de l'Afrique équatoriale française et du Pacifique ont rallié la
France libre et des soldats français, sous le signe de la Croix de lorraine,
affrontent les Italiens en Érythrée et en Lybie. La résistance française sur
le territoire national commence à se structurer. Depuis le 7 décembre de l'année
1941 l'Amérique est entrée en guerre. L'équilibre des forces sera rompu en
faveur des alliés par la puissance industrielle américaine. Les plus mauvais
moments sont passés (diffusé par la BBC).
18 juin 42 : Pour le deuxième
anniversaire de la France Libre le général de Gaulle s'adresse aux membres du
Comité national qu'il a créé et à ses compagnons de combat lors d'une cérémonie
dans une des grandes salles de Londres : L'Albert Hall. Il fait le point des
impressionnants résultats obtenus dans la lutte pour la libération et des
perspectives.
8 novembre 42 : Les Américains
et les Anglais viennent de débarquer en force au Maroc et en Algérie,
territoires demeurés sous l'autorité du pouvoir de la collaboration à Vichy.
À la demande des Américains, de Gaulle n'a pas été prévenu et ressent cette
entreprise comme une ingérence dans les intérêts nationaux mais il se
prononce sans réserve pour l'aide aux alliés (diffusé par la BBC).
27 novembre 42 : La plus
grande partie de la flotte française stationnée à Toulon demeure à l'ancre
alors que les Allemands, violant l'armistice, envahissent la zone libre. Plutôt
que de rejoindre les forces alliées en Afrique du nord les équipages obéissant
aux ordres de Vichy sabordent leurs bâtiments. Ainsi disparaît lamentablement
un des atouts majeurs de la France (diffusé par la BBC).
24 décembre 43 : De Gaulle a
gagné Alger et est devenu l'unique Président du Comité Français de libération
nationale. Il a aussitôt mis en place une Assemblée consultative provisoire
regroupant des élus et des résistants. Il s'efforce de faire participer les
forces françaises militaires reconstituées aux combats qui se déroulent
notamment en Italie où le corps expéditionnaire français se distinguera. Le
soir de Noël 1943 il s'adresse à tous les Français en les appelant à l'union
(diffusé par la radiodiffusion d'Alger).
30 Janvier 44 : Les
territoires africains de l'Empire sont maintenant réunis sous l'autorité du
Comité national et de Gaulle convoque à Brazzaville (Congo français) une conférence
des gouverneurs pour jeter les hases des rapports futures entre la France et
ses colonies.
6 juin 44 : L'heure du suprême
affrontement est arrivée, les alliés débarquent en force sur les plages
fortifiées de la France occupée. De Gaulle doit lutter pour s'opposer au plan
américain qui consiste à considérer la France comme un pays ennemi occupé.
Il repousse les ingérences des alliés et décide, notamment, de distinguer, ce
jour-là, son message du groupe de ceux adressés de Londres par les alliés en
prenant la parole à un autre moment de la journée (diffusé par la BBC).
4 juillet 44 : Imité par
Franklin-Roosevelt, Président des États-Unis, de Gaulle adresse quelques mots
en anglais au peuple américain à l'occasion de la célébration de l'independance
Day, fête nationale de ses hôtes.
25 août 44 : Une division
française dont l'engagement est prévu depuis six mois par le Comité national,
devenu le Gouvernement provisoire de la République, s'est lancée au secours de
Paris insurgé. La 2e division blindée commandée par le général
Leclerc entre dans la capitale, miraculeusement intacte, le 25 août. Le soir même,
de Gaulle se rend à l'hôtel de ville et s'exprime devant les membres du Comité
de libération (diffusé par la radio des résistants).
8 mai 45 : l'Allemagne
capitule après des années d'agression, de domination et d'abominations.
L'orgueilleux régime nazi est abattu. C'est la victoire et c'est la victoire de
la France, miracle des volontés et des sacrifices elle est présente à la
table des vainqueurs. Non sans fierté le général de Gaulle qui a bien mérité
de la patrie, l'annonce (discours radiodiffusé par la radio nationale).
16 juin 46 : Le premier
projet de constitution de la IVe République ayant été repoussé
par un référendum le 5 mai 1946. De Gaulle décide d'intervenir et présente
à Bayeux les structures constitutionnelles dont il estime qu'elles seront les
meilleures pour la France.