Pour dégager Leningrad, la STAVKA obligée de faire attaquer frontalement les positions allemandes. L'ennemi savait l'offensive était imminente et il devina que exactement le secteur où elle aurai Cette fois, les Russes ne pouvaient compter pour vaincre que sur la force brutale, sur leur supériorité numérique et sur le courage de leurs soldats.
Au cours de l'année 1942, l'armée Rouge avait tenté à plusieurs reprises d'élargir le cercle qui entourait Leningrad, mais elle ne remporta que des succès limités. Les rapports de force ne se modifièrent suffisamment, pour permettre d'espérer raisonnablement le succès d'une nouvelle tentative, qu'après que les Allemands eurent retiré les unités de la XIe armée des environs de Leningrad pour renforcer leurs troupes engagées plus au sud.
La STAVKA décida que le front de Leningrad (général Govorov) et le front du Volkhov (général Meretskov) attaqueraient simultanément le saillant Schlüsselburg-Sinyavino pour faire lever le siège. Les maréchaux Joukov et Vorochilov furent chargés de coordonner l'action.
Les troupes d'assaut des deux fronts attaquèrent le 12 janvier 1943 après une intense préparation d'artillerie. La LXVIIe armée (front de Leningrad) avança d'ouest en est, pour faire sa jonction avec la IIe armée de choc (front du Volkhov).
Dans les premiers jours de l'offensive, chacune des deux armées réussit à percer les défenses principales, créant ainsi des conditions favorables à une progression efficace. Les 13 et 14 janvier, les Russes poursuivirent leur opération de jonction, tandis que les Allemands engageaient en toute hâte des troupes fraîches prélevées sur d'autres secteurs du front. La STAVKA décida, elle aussi, d'amener des renforts pour exploiter le succès et battre l'ennemi à plates coutures.
Du 15 au 17 janvier, les troupes soviétiques continuèrent d'avancer, infligeant de lourdes pertes aux Allemands, malgré la ferme résistance de ces derniers et leurs contre-attaques désespérées. Au matin du 18, les premières unités des fronts de Leningrad et du Volkhov s'étaient rencontrées dans les cités ouvrières 1 et 5. Au cours de la journée, elles firent également leur jonction dans d'autres zones. Le cercle infernal des assiégeants était désormais brisé : un corridor large de 8 à 11 kilomètres reliait la ville au reste du pays.
Malgré ses résultats limités, cette opération améliora très sensiblement la situation des troupes soviétiques, car désormais, le ravitaillement en matériel, munitions et vivres de la ville, du front de Leningrad et de la flotte de la Baltique ne passait plus uniquement par le lac Ladoga, gelé en hiver. Leningrad allait dorénavant être reliée au pays par une voie ferrée et les deux fronts pourraient coopérer étroitement.
La fin du blocus fut le tournant de la bataille. En effet, elle privait l'ennemi de l'initiative tactique. Néanmoins, la ville était toujours assiégée et les Allemands toujours à portée de canon.
Les succès que l'armée Rouge remporta en 1943 à Stalingrad, dans le Caucase, à Koursk et sur le Dniepr, marquèrent le renversement de la situation militaire générale au profit de l'Union soviétique et permirent d'entreprendre l'opération qui devait définitivement libérer la ville. Elle devait avoir lieu au début de 1944.
Une armée de partisans
Les Allemands avaient construit de solides et profondes fortifications - appelées Panther en code - constituées de deux zones organisées, ainsi que d'une ligne défensive à l'arrière, qui courait le long de la Narva, des lacs Tchoudskoïé (Peïpous) et Pskovskoïé et passait par les villes de Pskov et d'Ostrov. La profondeur atteignait 250 kilomètres et les positions les mieux fortifiées se trouvaient, d'une part, en face de la XLIIe armée du front de Leningrad, au sud des hauteurs de Poulkovo, et, d'autre part, en face de la LIXe armée du front du Volkhov, au nord de Novgorod.
Le haut commandement allemand considérait ce mur du Nord comme inexpugnable. Il était confiant et persuadé de repousser l'attaque soviétique qu'il savait inévitable. La libération de Leningrad sera toujours un objectif prioritaire des bolcheviks, déclara le général G. Lindemann qui, en décembre 1943, commandait la XVIIIe armée assiégeant Leningrad. Pour le régime soviétique, il est tout aussi important de libérer Leningrad de défendre Moscou ou de garder Stalingrad. Le groupe d'armées Nord avait l'ordre exprès de tenir ses positions à tout prix, car c'était d'elles que dépendait le sort de toute l'aile nord du front allemand.
Le groupe d'armées Nord, commandé par le feld-maréchal Küchler (XVIIIe et XVIe armée) était une force impressionnant. La XVIIIe armée, qui allait supporter l'attaque principale, comptait à elle seule 168.000 hommes, 4.500 canons et mortiers (D.C.A. et fusées en plus) et quelque 200 chars et canons d'assaut.
Pourtant, les forces des fronts de Leningrad et du Volkhov, ajoutées à celles du 2e front de la Baltique, étaient, localement, très supérieures. Les fronts de Leningrad et du Volkhov qui devaient mener l'attaque principale, disposaient en tout de 375.000 hommes, 14.300 canons et mortiers (non compris la D.C.A. et les fusées) et plus de 1 200 chars et canons d'assaut. Les Russes avaient aussi six fois plus d'avions.
En septembre 1943, la STAVKA avait déjà décidé d'entreprendre, dans les environs de Leningrad et de Novgorod, des opérations pour lesquelles les commandants des deux fronts avaient soumis des avant-projets. L'idée générale était de lancer simultanément les troupes de Govorov et de Meretskov contre les forces allemandes occupant les zones de Petergof, de Strelna et de Novgorod, sur le flanc de la XVIIIe armée. Ensuite, les troupes soviétiques pourraient avancer sur Kingisepp et Louga. Plus tard, ces deux fronts et le 2e front de la Baltique, qui devait se joindre à eux, pourraient continuer à progresser sur Narva, Pskov et Idritsa pour défaire la XVIe armée et chasser les Allemands de la région de Leningrad.
Le front de Leningrad devait lancer ses attaques principales à partir d'une tête de pont située sur la côte, dans la région d'Oranienbaum, avec la IIe armée de choc et à partir des hauteurs de Poulkovo d'où la XLIIe armée progresserait vers Ropcha. Après avoir encerclé et détruit l'ennemi aux environs de Krasny (ex-Krasnoïé Sélo), Ropcha et Strelna, ces armées avanceraient vers Kingisepp et détacheraient des forces pour prendre Gattchina (Krasnogvardeisk). Entre-temps la LXVIIe armée monterait une attaque secondaire vers Mga.
Le front du Volkhov ferait attaquer la LIXe armée en direction de Lioubolyada, à partir de tremplins situés au nord et au sud de Novgorod pour encercler et détruire les forces allemandes des alentours, de Novgorod. Ensuite, la LIXe armée atteindrait la ligne Louga-Outorgoch et empêcherait l'ennemi de se replier sur Pskov. Les VIIIe et LIVe armées devraient mettre en déroute les renforts que les Allemands enverraient à Novgorod et elles attaqueraient par conséquent en direction do Tosno, Liouhan et Tchoudovo.
Le 2e front de la Baltique investirait la zone Poustochka-Idritsa avec les éléments de son aile gauche, puis progresserait vers Oputchka et Sebej.
La flotte de la Baltique fournirait un appui aux forces terrestres de la région d'Oranienbaum. Les navires et l'artillerie côtière soutiendraient de leur feu l'action du front de Leningrad contre les défenses ennemies tandis que l'aéronavale en assurerait la couverture aérienne.
Une armée de partisans, forte d'au moins 35.000 hommes, effectuerait d'incessantes reconnaissances, attaquerait les voies de ravitaillement de l'ennemi et les unités isolées.
Les Soviétiques avaient la difficile tâche de percer de puissantes et profondes fortifications ennemies avec des troupes inexpérimentées, aussi les préparatifs de l'assaut furent-ils longs : il fallait constituer et entraîner des groupes d'assaut, déployer les forces de manière à assurer leur supériorité locale et améliorer les communications.
Au début de l'offensive, les effectifs soviétiques étaient 2,7 fois plus nombreux que les allemands et ils disposaient de 3,6 fois plus de pièces d'artillerie (sans compter les fusées) et de six fois plus de chars. Dans la zone de pénétration, la densité moyenne de l'artillerie était de 125 canons et mortiers (d'un calibre supérieur à 76) au kilomètre dans le secteur de la IIe armée de choc et de 137 pièces dans celui de la XLIIe armée.
La LIXe armée du front du Volkhov était 3,3 fois supérieure en nombre à l'ennemi et disposait de 3,5 fois plus de canons et onze fois plus de chars. La densité d'artillerie atteignait 100 pièces au kilomètre.
Un secteur truffé de blockhaus
On prit des mesures spéciales pour tromper l'ennemi : le front de Leningrad simula des préparatifs pour une attaque visant Kotly et Kingisepp, tandis que le front du Volkhov effectua un raid dans la région de Mga et fit croire à des concentrations de troupes pour une attaque sur Tchoudovo. Les Allemands réussirent à deviner la direction de l'attaque principale, mais ils ne purent en savoir ni la date ni l'ampleur.
Les instructeurs politiques travaillèrent beaucoup à la préparation morale des troupes. Ils expliquèrent combien il était important de battre les Allemands dans le nord-ouest du pays et de dégager complètement Leningrad en chassant l'ennemi de ses environs. Ils s'employèrent à inculquer un esprit offensif à des hommes qui avaient trop longtemps dû, jusqu'alors, se contenter de défendre.
La IIe armée de choc sortit la première des retranchements de sa tête de pont d'Oranienbaum pour passer à l'attaque. Dans la nuit du 13 janvier, les lignes allemandes furent bombardées et le lendemain commença la préparation d'artillerie : 100.000 obus ! Ensuite, l'armée s'élança vers Ropcha.
Stupéfaits de l'intensité du bombardement, les Allemands n'offrirent qu'une faible résistance au début, et les unités d'assaut purent progresser rapidement à travers les tranchées des lignes ennemies pour s'approcher des positions de résistance. Mais les Allemands, qui s'étaient ressaisis, se battirent avec l'énergie du désespoir pour arrêter les Russes.
La couverture aérienne fut insuffisante à cause du mauvais temps et les troupes soviétiques souffrirent de leur manque d'expérience lorsqu'elles s'attaquèrent aux fortifications. Néanmoins, les unités de la IIe armée, attaquant sur un front de 10 kilomètres, progressèrent de 3 kilomètres le long de l'axe principal. Elles prirent d'assaut les positions avancées de l'ennemi et percèrent sa seconde ligne en plusieurs points.
Le lendemain, les Allemands engagèrent des réserves fraîches pour colmater la brèche et les combats devinrent particulièrement farouches. L'infanterie ennemie, soutenue par les panzers, contre-attaqua sans répit, mais elle ne parvint pas à enrayer l'avance russe. Au soir du troisième jour, la IIe armée de choc progressa de plus de 8 kilomètres à l'intérieur de la principale zone de défense, tout en portant à 24 kilomètres la largeur de la brèche.
Le 15 janvier, ce fut au tour de la XLIIe armée d'attaquer à partir des hauteurs de Poulkovo après une gigantesque préparation d'artillerie au cours de laquelle les troupes terrestres et la flotte de la Baltique tirèrent 220.000 obus ! L'action fut très dure car l'ennemi, solidement retranché, résistait vigoureusement.
Le premier jour, le 30e corps d'infanterie de la Garde, opérant dans le secteur central de la brèche, remporta les succès les plus marquants.
Au matin du 16 janvier, les troupes soviétiques repartirent en avant, prirent Alexandrovka et continuèrent à progresser pour couper la route Krasny-Pouchkine. La XLIIe armée progressa toute la journée et au soir du 17, elle avait avancé de plus de 8 kilomètres en plusieurs points de la principale zone de défense de l'ennemi.
Le 17 janvier, la IIe armée de choc, qui avait pris plusieurs villages, approchait de Ropcha. La résistance allemande faiblissait et le commandement ennemi commençait à retirer des troupes pour consolider le secteur de Krasny.
Voronia Gora, une des zones les mieux fortifiées, était le point le plus élevé des environs de Leningrad. De nombreux postes d'observation y avaient été installés et le secteur était truffé de blockhaus. De nombreuses batteries lourdes qui avaient bombardé la ville se trouvaient sur cette hauteur dont les abords étaient défendus par des champs de mines et des réseaux de barbelés.
La mission d'enlever cette position échut à la 63' division de la Garde (XLIIe armée) et, malgré l'opposition farouche de l'ennemi, elle y parvint au matin du 19 janvier. Le même jour, la XLIIe armée prit Krasny, tandis que la IIe armée de choc libérait Ropcha grâce à l'appui de l'artillerie à longue portée de la flotte de la Baltique.
Au soir du 19 janvier, les unités de pointe de la XLIIe armée et de la IIe armée de choc firent leur jonction près de Roussko Vissotski, à 8 kilomètres au sud-ouest de Krasny. Le lendemain matin, les deux armées au complet effectuèrent leur jonction dans la région de Ropcha et les Allemands qui se trouvaient dans la zone Petergof-Strelna furent encerclés le lendemain par une action conjuguée des cieux armées.
Au cours de cette opération, deux divisions allemandes furent broyées et cinq subirent de lourdes pertes, Les troupes soviétiques capturèrent plus de 1 000 hommes, 265 canons, 159 mortiers, 274 mitrailleuses, 30 chars, 18 dépôts de munitions et d'autres matériels de guerre. Parmi les pièces d'artillerie prises à l'ennemi, les Soviétiques s'emparèrent de 85 canons lourds qui avaient servi à bombarder Leningrad.
En six jours d'offensive, les troupes du front de Leningrad avaient progressé de 25 kilomètres et l'artillerie ennemie qui avait bombardé la ville à partir de la zone Doudergof-Voronia Gora avait dû se replier. La ville était désormais hors de sa portée.
L'exemplaire sergent Morozov
Au cours des combats, les hommes et les officiers du front de Leningrad firent preuve d'un grand courage. Le 15 janvier (premier jour de l'offensive de la XLIIe armée) le sous-lieutenant Volkov, du 131e régiment de la Garde, menait un peloton à l'assaut près de Poulkovo quand deux nids de mitrailleuses ennemis menacèrent d'arrêter l'attaque. Volkov rampa jusqu'à l'un d'eux et le réduisit au silence avec sa mitraillette. Mais il ne lui restait plus de munitions pour neutraliser le second ; alors il se leva, courut vers le poste ennemi et couvrit la meurtrière de son corps, sous les yeux de ses compagnons de lutte.
On ne comptait plus, sur le front de Leningrad, les actes héroïques de ce genre poussés jusqu'au sacrifice. Le 16 janvier, I.N. Koulikov, jeune homme de 19 ans, originaire de Leningrad, en fit autant. Le lendemain, le sergent Skouridine, de la 98e division d'infanterie (IIe armée de choc) renouvela le haut fait de Volkov près du village de Sokouli. Enfin, A.F, Tipanov, de la 64e division d'infanterie de la Garde (XLIIe armée) sacrifia aussi sa vie en se jetant sur un emplacement de tir près de Krasny.
Tout le front soviétique admira l'action d'un canonnier, le sergent Morozov : après que l'ennemi eut contre-attaqué des unités de la 90e division d'infanterie qui venaient de prendre le village de Gostilitsa, Morozov se trouva tout seul. Ses camarades étaient morts et lui-même était blessé. Malgré l'avance des ennemis, il ne cessa de tirer jusqu'à ce que la contre-attaque fût repoussée.
Quand la 11e armée de choc lança son offensive, le 14 janvier, des unités de la LIXe armée (front du Volkhov) attaquèrent à leur tour, après une puissante préparation d'artillerie.
Le mauvais temps empêcha de coordonner l'action de l'aviation et celle de l'artillerie. Pour cette raison, par suite d'un assaut lancé tardivement par certaines unités et d'un manque de compétence dans l'utilisation des blindés, l'offensive de la LIXe armée n'obtint guère de succès et n'avança que de 1.500 mètres à partir de sa tête de pont située sur la rive gauche du Volkhov.
L'aile gauche de la LIXe armée, opérant au sud de Novgorod, fut plus heureuse. Le 13 janvier, sans préparation d'artillerie, elle traversa le lac Ilmen pris par les glaces atteignit la rive occidentale et s'assura un tête de pont de 4 kilomètres de profondeur avant la tombée de la nuit. L'ennemi contre attaqua puissamment, mais le commandement soviétique fit appel à des unités fraîches de la LIXe armée, arrivées par le nord et le sud de Novgorod, si bien que le 17 janvier la principale zone de défense allemande était enfoncée.
Craignant l'encerclement de leurs troupes de Novgorod, les Allemands rameutèrent des troupes prélevées dans d'autres secteurs du front pour colmater la brèche. Entre-temps la LIVe armée (front du Volkov) attaqua Liouban pour soulager la LIXe armée. Cette action immobilisa l'ennemi et enraya les mouvements de troupes vers Novgorod.
Des unités de la LIXe armée continuèrent à progresser sur un terrain boisé et marécageux et, le 19 janvier, elles coupèrent les routes menant à Novgorod. Le lendemain, elles prirent la ville, anéantirent les unités allemandes qui n'avaient pu se retirer, faisant plus de 3.000 prisonniers et capturant 182 canons, 120 mortiers, 635 mitrailleuses et 263 véhicules motorisés.
Après avoir démantelé les fortifications de la zone de Petergof-Strelna et pris Novgorod, le front de Leningrad fit mouvement vers Gattchina et Kingisepp. Au même moment, le front du Volkhov se déplaçait vers Batetskaia Louga.
Il ne fallut que quelques jours aux Russes pour détruire ce qui restait des lignes allemandes. Vers la fin de janvier 1944, le front de Leningrad atteignit le cours inférieur de la Louga et parvint à la traverser en plusieurs endroits. Parallèlement à cette action, le front du Volkhov fonçait sur Louga et Chimsk. L'ennemi était maintenant repoussé à 100 kilomètres de Leningrad et à presque 80 kilomètres de Novgorod. Le 31 janvier, on prit Mga, un carrefour ferroviaire ; Gattchina et Tosno furent libérés le 26 ; Liouban, autre centre ferroviaire, tomba le 28 ; enfin, avec la prise de Tchoudovo, le 29 janvier, les Russes rétablirent complètement la voie ferrée Moscou-Leningrad.
Toutes les menaces furent écartées...
Le blocus de Leningrad était levé. L'armée Rouge avait démantelé l'invincible mur du Nord (les Allemands appelaient Cercle d'acier leurs formidables défenses). Le 27 janvier 1944 au soir, quelque 324 canons tirèrent une salve pour saluer la fin du siège. Après vingt-huit mois d'un blocus épuisant, les habitants de Leningrad purent circuler à leur aise dans les rues de la ville sans avoir à craindre les bombes ou les obus allemands.
Pourtant, l'offensive n'était pas encore terminée. Après avoir atteint la Louga, l'armée Rouge continua inexorablement d'avancer sur un ennemi qui refusait encore d'admettre sa défaite. Le 23 janvier, Radio-Berlin disait : Nos troupes se sont regroupées au sud-est de Leningrad sans être gênées par l'ennemi. Les jours suivants, les Allemands parlèrent sans cesse de regroupements de leurs forces et après que la XVIIIe armée eut été contrainte de céder 300 kilomètres de terrain, on pouvait lire dans son journal un article intitulé Succès de la bataille défensive livrée par notre armée. On y présentait la retraite comme un brillant succès des officiers et des hommes ! Le haut commandement mettait maintenant tous ses espoirs dans la défense de la ligne de la louga, qu'il avait garnie de divisions fraîches prélevées sur d'autres secteurs du front. Même les soldats allemands faits prisonniers proclamaient que la Wehrmacht ne céderait pas un pouce de terrain le long de la Louga.
Néanmoins, après une brève préparation d'artillerie, des éléments de la IIe armée forcèrent le passage de la Louga au nord et au sud de Kingisepp, puis, le 1er février, ils enlevèrent la ville d'assaut, atteignirent la Narva, en forcèrent le passage et prirent pied sur sa rive gauche.
Le 12 février, avec l'aide de partisans et d'unités du front du Volkhov, la LXVIIe armée du front de Leningrad repoussa toutes les contre-attaques allemandes et s'empara de la ville de Louga.
Le lendemain, la STAVKA décida de dissoudre le front du Volkhov. Lé front de Leningrad, lui, après avoir forcé la ligne de la Louga, commença de rabattre l'ennemi vers Pskov. Les troupes soviétiques poursuivirent leur avance jusqu'à ce qu'elles eussent atteint les fortifications de la ligne Narva-Pskov-Ostrov. Après l'échec d'un assaut improvisé de cette position, l'armée Rouge dut se mettre sur la défensive pour se préparer aux opérations futures.
Pendant que se déroulaient ces actions de grande envergure, le 2e front de la Baltique récoltait aussi des succès. Il avait monté une offensive au nord et au sud de Novosokolniki entre le 12 et le 14 janvier ; le 29, il prenait la ville, important carrefour ferroviaire. Sans progresser beaucoup sur le terrain, le 2e front de la Baltique immobilisa la XVI" armée allemande, empêchant ainsi le haut commandement ennemi de l'utiliser pour renforcer sa XVIIIe armée. Quand le front de Leningrad se mit en marche vers Pskov, après la prise de louga, le 2e front de la Baltique commença également d'avancer, sur les talons de la XVIe armée, qui se repliait. La ville de Staraia Roussa tomba le 18 février, Kholm le 21 et Porkhov le 26. Vers la fin du mois, ce front fit sa jonction avec le front de Leningrad aux abords des fortifications de la région Pskov-Ostrov. Ensuite, il assura la défense de la ligne Novorjev-Poustochka.
La bataille de Leningrad fut une étape importante de l'histoire de la grande guerre patriotique. Après six semaines de combats, le groupe d'armées Nord avait subi une écrasante défaite et reculé de 190 à 280 kilomètres. L'armée Rouge avait dégagé la ville de Leningrad et sa région, ainsi qu'une partie de la région de Kalinin.
Les pertes allemandes avaient été lourdes. Trois divisions de la XVIIIe armée avaient été anéanties et les douze autres mises en déroute. Entre le 14 janvier et le 14 février, les Russes firent 7.200 prisonniers, prirent 189 chars, plus de 1.800 pièces d'artillerie, 4.660 mitrailleuses, 22.000 fusils et F.M. et d'autres équipements. Au cours des combats, les partisans, opérant sur les arrières des Allemands, apportèrent une aide précieuse à l'armée Rouge. Ils avaient coupé les lignes de communication de l'ennemi, attaqué ses garnisons, libéré des villes, des villages et des stations de chemin de fer. En général, l'action des partisans avait été étroitement coordonnée avec celle des troupes régulières. Ainsi, au début de février 1944, huit brigades de partisans (17 000 hommes) prêtèrent main-forte au front du Volkhov chargé de libérer Louga. Chaque brigade avait son terrain propre avec une mission précise à remplir.
Au cours de la bataille, les partisans tuèrent plus de 21.500 Allemands, firent sauter 300 ponts, dérailler 186 trains militaires et détruisirent plus de 500 kilomètres de lignes téléphoniques et télégraphiques, ainsi que 1.620 véhicules.
La flotte de la Baltique eut également un rôle important. En plus du transport de la IIe armée de choc dans la région d'Oranienbaum, elle fournit un appui d'artillerie particulièrement efficace au moment de l'attaque.
Grâce à cette campagne, l'ennemi avait été chassé des approches sud et sud-est de Leningrad, bien que la ville fût encore menacée par le nord, que tenaient les Finlandais, alliés aux Allemands. En l'été de 1944, les fronts de Leningrad et de Carélie (en coopération avec la flotte de la Baltique et les flottilles des lacs Ladoga et Onega) portèrent deux coups successifs à l'armée finlandaise, qui fut repoussée de 125 kilomètres dans l'isthme de Carélie et de près de 240 kilomètres en Carélie du Sud. Avec ces deux derniers succès, toute menace fut écartée de Leningrad. Son long martyre avait pris fin.