Saint-Lô, ces ruines incomparables
(CH de Gaulle, 10 juin 1945)
"
Et lorsqu'on parlera de la résurrection de Saint-Lô, l'Irlande sera toujours à l'honneur "
Mr. Quévy, Président du Comité de défense des sinistrés de Saint-Lô
Ces médecins venus d'Irlande...
(Extraits de presse, journal Ouest France, 8 juin 1984).
En juillet 1945, une cinquantaine de lits ont été aménagés dans un bâtiment épargné du collège Saint-Joseph, dans un préau et dans des
baraques. Mais dans des conditions bien précaires. En avril 1945, à l'occasion d'une visite du ministre de la reconstruction Raoul Dautry, le
ministre d'Irlande qui l'accompagne, annonce que son pays est disposé à offrir un hôpital provisoire. Et un beau matin, dans les ruines, entre la
route de Torigni et celle de Bayeux, les Saint-Lois voient les charpentiers se mettre à l'ouvrage. En quelques semaines, un village de baraques sort
de terre. L'aide internationale se manifeste d'autres côtés. La Suisse offre tout un ensemble de baraques. Certaines serviront à héberger des
sinistrés et à installer des services sociaux (Le don Suisse). L'hôpital irlandais est inauguré le 7 avril 1946 par Pierre Pflimlin, alors
sous-secrétaire d'État à la population. Le personnel est totalement irlandais. Mais les irlandais ont emmené un interprète...
Le personnel irlandais comptera en effet en son sein un interprète pas ordinaire. Il est romancier et auteur dramatique. Son nom : Samuel Beckett (à droite), auteur du célèbre " En attendant Godot " en 1952.
Un temps, critiqués par quelques médecins Saint-Lois qui protestèrent que les Irlandais soignaient gratis d'où " concurrence déloyale " et par le fait que les médecins Irlandais ne possédaient pas de diplôme français leur permettant d'exercer chez nous, ce qui provoqua des tensions au conseil municipal où siégeaient plusieurs médecins, le 29 septembre 1946, 6 000 Saint-Lois défilèrent derrière leur Maire pour demander aux Irlandais de rester. Mais ceux-ci partirent début 1947. Les Saint-Lois parlent toujours de l'Hôpital Irlandais.
• Voir Saint-Lô, la capitale des ruines de Robert Patry, 1948, édition bilingue, imprimerie Leclerc.
• Voir La destruction de Saint-Lô par Christophe Pannier, université de Caen, 1994, p. 6.
• Les
numéros Études Normandes 6 et 7 de 1952 (sur la Bataille de Saint-Lô)
L'AFFAIRE POTTECHER
par M. André Dupont, membre
de la Société d'Archéologie et d'Histoire de la Manche. (Renaissance
et reconstruction de Saint-Lô-1)
Le 29 novembre 1949, dans l'émission
" Paris vous parle " de la Radiodiffusion nationale, le journaliste Frédéric
Pottecher livrait aux auditeurs un reportage sur la reconstruction des villes
sinistrées. Et il disait :
" À l'inverse de
Dunkerque, Lorient, Saint-Nazaire, Brest, Beauvais, Saint-Lô ne donne pas
l'impression d'une ville qui veut absolument revivre !
On sait le martyre subi par
le chef-lieu de la Manche.
• Cité au relief tourmenté,
Saint-Lô offre aux voyageurs un aspect de lugubre désolation. On y travaille
pourtant. Il y a là des maisons neuves, fort bien venues, qui devraient réconforter.
Mais il 'y n y a plus à proprement parler de ville. C'est à ce point que les
services essentiels de la Préfecture ont été transférés à Coutances,
Granville et ailleurs.
" 1 604 immeubles ont été
totalement détruits à Saint-Lô, ce qui représente plus du quart des
destructions totales de bâtiments d'habitation du département. On élève à
Saint-Lô un hôpital américain dans lequel ont été engagés déjà 231
millions.
" Lorsque cet immense hôpital
sera terminé - on en est au premier étage – Saint-Lô sera une des
premières cités hospitalières de France. Il est possible qu'ainsi cette ville
prenne un nouvel essor, mais est-il logique, rationnel, souhaitable même, que
Saint-Lô redevienne la capitale de la Manche ?
" À la vérité je me
suis posé la question, et je la pose aux techniciens malgré le risque que
j'encours de me voir traiter de tous les noms par les partisans de la résurrection
de Saint-Lô, cité préfectorale.
" Si l'on veut bien
considérer que la Manche possède un grand port . - Cherbourg, et des villes très
vivantes comme Granville et même Coutances et Avranches, on reconnaîtra que la
question : Saint-Lô doit-elle redevenir une Préfecture ? - peut se
poser. "
" Ce que nous avons eu
devant nos yeux ce n'est pas seulement une ville massacrée, c'est une ville qui
a les reins cassés.
Né
le 11 juin 1905 à Bussang (Vosges), d'abord comédien, puis journaliste de
presse écrite (L'oeuvre, Comœdia, Paris-Soir), éditorialiste de
Radio-Levant pour le compte de la France Libre (sous le pseudonyme de Jean des
Vosges), entré ensuite à l'O.R.T.F, puis, en 1968, à Europe 1, il se spécialisa
dans la chronique judiciaire. Il est l'auteur de divers ouvrages : Grands Procès
I, Grands Procès II, chez Arthaud, À voix Haute, chez J.C. Lattès.
"
Cela dit, on souhaite bien entendu de s'être trompé ; mais encore faudrait-il
nous prouver que nous nous trompons.
"
Par ailleurs, la reconstruction du département de la Manche marche relativement
bien avec les habituelles difficultés du remembrement. Montebourg, Mortain,
Saint-Hilaire du Harcouët, se relèvent : les chantiers de Coutances et
d'Avranches sont fort actifs et si le démarrage a été long à venir, il
semble ici comme ailleurs, que l'année 1949 ait été celle du grand démarrage
... ". La suite visait Saint-Lô, Brest et Lorient.
2)
Réaction " d'Ouest-France "
Ce
n'était toutefois que dans le numéro d'Ouest-France du 5 décembre qui,
au surplus publiait le texte ci-dessus, - que Victor Normant, correspondant du
journal à Saint-Lô réagissait. Il disait notamment :
"
... Bien entendu, votre serviteur a eu l'honneur de recevoir maintes visites, téléphone
ou lettres.... et la forme d'indifférence avec laquelle il avait " pris
", la chose ne semble pas avoir été toujours comprise de ses frères de
malheur...
"
Au premier chef l'on voudra bien nous permettre de rappeler qu'il n'est pas
d'usage chez les professionnels de l'information de s'attaquer mutuellement au
sujet de quelque ou enquête, que ce soit : reconstruction..., allocations,
bouilleurs de crû... Tous les avis et tous les goûts ne
sont-ils pas dans la nature ?... "
"
Il y a encore ce fait que M. Frédéric Pottecher, pour traiter de la question
de la reconstruction dans la Manche, s'est contenté de traverser, en une
demi-journée notre département..., qu'il est passé à Saint-Lô en coup de
vent sans voir M. le Sous-Préfet, ni M. le Maire, ni l'Architecte Urbaniste....
et cela devrait nous permettre de penser que le but t de sa " tournée
" était de changer d'air... ".
Mais notre journaliste saint-lois estimait que la question formulée par son confrère de la radio sur la vocation de Saint-Lô à redevenir préfecture de la Manche ne se posait même pas puisque que le gros oeuvre des bâtiments nécessaires était alors en train de se terminer.