La bataille de Saint-Lô.

Avant l'été de 1944, la cité provinciale de Saint-Lô, essentiellement ville marché, mais aussi capitale politique et administrative, jouissait de la prospérité habituelle à la plupart des centre agricoles et reflétait une élégance provenant plus du milieu des fonctionnaires que de celui du monde rural. Au milieu du mois de juin, ce qui avait été auparavant  " une charmante et paisible petite cité " était devenu " rien de plus qu'un tas de décombres fumants ". Le jour même où les alliés débarquaient sur le continent, le 6, des avions alliés avaient bombardé la station électrique et la gare du chemin de fer et ensuite, entrepris des attaques concentrées et répétées, qui n'avaient pour seul objectif aux yeux des habitants, que de détruire complètement la ville. Près de 800 civils gisaient sous les ruines, au matin du 7 juin et les bombardiers alliés étaient revenus chaque jour, pendant une semaine, redoublant leur rôle destructeur. La propagande allemande utilisait Saint-Lô comme exemple, pour souligner la méthode des alliés pour libérer la France, malgré cela, les habitants manifestaient apparemment moins de ressentiment envers les alliés, que ceux-ci auraient pu en attendre Les Français faisaient preuve " d'une ardeur pathétique " pour comprendre pourquoi les alliés avaient choisi Saint-Lô comme objectif à bombarder, bien avant que les troupes au sol soient proches de la ville. Il y avait à cela plusieurs raisons : l'espoir de retarder les mouvements de troupes allemands, en faisant un barrage de la ville elle-même, " un lieu d'étranglement " ; le souci de détruire le quartier général du LXXXIVème corps, situé, jusqu'au 16 juin, dans un faubourg ; et le projet de prendre Saint-Lô neuf jours après le débarquement. Le fait que les combats américains n'aient pas réussi à libérer Saint-Lô n'avait fait qu'aiguillonner leur désir de s'en emparer. Même détruite, la ville au début de juillet conservait un intérêt vital, aussi bien pour les américains qui avaient contribué à sa destruction que pour les allemands qui la détenaient encore. Saint-Lô avait valeur de prestige et, que les allemands la conservent ou que les américains s'en saisissent, aurait un effet capital sur le moral des forces opposées. Chef lieu du département de la Manche, Saint-Lô avait une importance politique et psychologique pour les français. Centre routier de Normandie, rivalisant avec Caen, Saint-Lô offrirait aux alliés un compléments de communications latérales et de routes vers le sud. Les américains avaient l'impression que leur conquête de Saint-Lô, empêcherait en contre partie les allemands de faire avancer facilement leurs troupes et leurs approvisionnements d'un bord de la Vire à l'autre, juste en arrière du front. À la mi juillet, le facteur prestige et le prix de la ville en tant qu'accès à des routes vers le sud avaient fait place à un motif essentiel. Par sa situation au sommet du triangle formé par les routes Coutances, Saint-Lô, Lessay, la ville revêtait une importance particulière dans le plan que le général Bradley entrevoyait pour réaliser plus rapidement sa percée dans le Cotentin. Le nouveau projet dépendait de la prise de Saint-Lô par les américains, une nécessité qui, à la mi juillet conférait une sorte d'urgence à la bataille pour prendre la ville. Les allemands avaient ancré leurs positions sur les collines au nord et au nord est de Saint-Lô, ce qui leur donnait l'avantage du terrain pour se défendre. Au début, ils s'étaient battus, pas tellement pour conserver Saint-Lô que pour maintenir leur front. La ville ne leur était d'aucune utilité pour les communications latérales car elle était à portée de l'artillerie américaine et leurs mouvements de troupes et de ravitaillement avaient lieu beaucoup plus au sud. Mais au mois de juillet, juste avant que les américains ne fassent démarrer leur attaque vers la ville, les allemands avaient saisi une instruction de combat de l'armée américaine. Saint-Lô se révélant un objectif primordial pour les américains, les allemands l'avaient replacé à sa juste valeur et s'étaient résolus à combattre pour le conserver à tout prix, dans toute la mesure où le leur permettraient leurs effectifs. Les effectifs allemands paraissaient insuffisants. Saint-Lô se trouvait sous la responsabilité du IIème corps de parachutistes, qui tenait le secteur entre la Vire et la Drôme. À gauche (l'ouest), il y avait trois kampfgruppen (un de la 353ème division, un autre de la 266ème, et un de la 352ème) sous le contrôle opérationnel de l'état major de la 352ème division. À droite, se trouvait la 3ème division de parachutistes. En soutien, il y avait la 12ème brigade de canons d'assaut. Les soldats, en ligne, étaient étirés sur un large front, sans profondeur mais c'était des vétérans. Le chef du corps, Meindl, malgré son inquiétude devant la manque d'homme à placer sur son large front, avait la certitude que l'habileté de ses soldats à se défendre et leurs positions excellentes, compenseraient en grande partie le dispositif plutôt clairsemé. Il avait la conviction qu'il pourrait empêcher les américains d'entrer dans Saint-Lô.

La partie ancienne de la cité occupait un roc escarpé, couronné par de vieux remparts, une tour et les deux flèches élégantes d'une église du quinzième siècle. Entourant l'escarpement, le Saint-Lô moderne s'étendait sur des terres basses et le long des pentes des collines d'alentour. La vire, qui coule surtout en direction du nord, entre dans la ville par le sud ouest, exécute une boucle en fer à cheval, et sort par le nord ouest. La plus grande partie de la ville s'étend à l'est de la rivière. Le faubourg ouest de Saint-Lô, se trouve sur la hauteur située vers Coutances. Deux routes nationales se croisent à Saint-Lô et cinq voies goudronnées aboutissent à la ville. À l'ouest la route nationale de Coutances et la route de Lessay à Périers convergent dans la boucle de la rivière, avant de traverser le cours d'eau, à l'intérieur de la ville. Au moment du débarquement, Saint-Lô se trouvait dans le secteur de Vème corps. Commandé par le major général Leonard T. Gerow, qui avait dirigé les débarquements sur la plage d'Omaha et la poussée sur Caumont, en juin, le Vème corps avait ancré le flanc gauche américain à Caumont, et à la mi juin avait remis la région de Saint-Lô au XIXème corps, sous les ordres du général Corlett. Cependant, la configuration du terrain, en particulier, la situation de la cote 192, est telle que les deux corps devaient à participer directement à l'attaque de la ville. La cote 192 est le point culminant de la hauteur qui enjambe la route de Bérigny à Saint-Lô, à six kilomètres au nord est de la ville. Située dans la zone d'opérations du Vème corps, la cote 192 permettait aux allemands d'observer, non seulement le secteur du Vème corps jusqu'à l'arrière des plages de débarquement mais aussi toutes les approches de Saint-Lô. S'emparer de la hauteur était donc un préalable à l'attaque de la ville par le XIXème corps. En conséquence, le XIXème corps et le Vème corps firent le projet de coordonner leur combat pour des attaques simultanées, à l'est de la Vire, le 11 juillet. 

La cote 192.

Au commencement de l'offensive à l'est de la Vire, le point central des opérations se concentra d'abord sur la cote 192 et concerna l'unité de l'aile droite (à l'ouest) du Vème corps. Sous les ordres du major général Walter M. Robertson, qui la commandait depuis 1942, la seconde division était arrivée en Normandie le lendemain du débarquement et avait participé aux premiers combats à partir de la plage d'Omaha. Considérée comme une bonne unité, la division n'avait aucune illusion quant à la prise facile de la cote 192, car une tentative au mois de juin, avait causé la perte de plus de 1.200 hommes en trois jours. La division attendait l'ordre, inévitable, d'attaquer une nouvelle fois la colline ; en contact physique avec l'ennemi, à une distance qui variait de quelques mètres à quelques champs, bordés de haies, la division bombardait consciencieusement la colline à coup d'obus, élaborait de minutieux plans d'attaque, et s'entraînait tout particulièrement pour cet assaut.

le général Bradley

 L'entraînement mettait l'accent sur l'habileté des soldats du génie de l'infanterie de chars, à appliquer les tactiques de destruction, sur la puissance de tir, et la rapidité dans le terrain de bocage. Pour gagner de la vitesse au cours de l'attaque, les soldats avaient creusé des trous, assez grands pour que les tanks puissent passer au travers des remblais des haies, qui servaient de lignes de départ. Se précipitant à travers les haies, déjà transpercée, les tankistes espéraient bien tomber sur les allemands à l'alignement de haies suivant, avant que les armes antichars soient en état d'agir. La cote 192 avait été tellement pilonnée par l'artillerie que les photographies aériennes la montraient comme une couverture mangée aux mites. C'était pourtant une position solide. Les versants de la colline s'élevaient graduellement vers un sommet plutôt plat, et les petits champs bordés de haies et les bois éparpillés qui recouvraient ses pentes, permettaient aux défenseurs de de se cacher. Les haies offraient des lignes de défense naturelles en profondeur. Les chemins creux devenaient d'excellentes voies de communication, qu'il était facile de protéger grâce à quelques armes, à des endroits bien choisis. Les allemands maintenaient un écran étanche contre la reconnaissance, ils utilisaient à leur maximum, les chemins encaissés et les haies, les barrages sur les routes, les rouleaux de barbelés et les champs de mines.  Les positions défensives étaient peut-être considérées comme peu profondes, sans doute 2 à 3 alignements de haies, les américains s'attendaient pourtant à ce que les allemands se défendent avec énergie et détermination et qu'ils engagent des contre-attaques locales pour conserver leurs positions. Il n'y avait pas beaucoup, sinon pas du tout de tanks dans le secteur et les officiers des renseignements estimaient que le IIème corps de parachutistes ne possédait pas une grande quantité d'artillerie. Les américains étaient certains, cependant que ce qui se trouvait inscrit au dernier inventaire permettrait aux allemands de couvrir les abords de Saint-Lô, ainsi que les versants de la cote 192, par un tir d'artillerie précis. Comme une légère brume limitait la visibilité, le matin du 11 juillet, le soutien aérien prévu fut annulé. Après un puissant tir d'artillerie de préparation de 20 minutes, peu après 6 h, la division s'élança. Les fantassins américains avancèrent lentement avec l'aide d'un puissant et précis tir d'artillerie. Et suivant la règle de la marche lente et énergique, à midi, le 38ème d'infanterie avait atteint le sommet de la cote 192. Les allemands se désengagèrent alors et se replièrent. Ce soir là, Hausser, chef de la septième armée, ordonna à meindl, qui commandait le IIème corps de parachutistes de tenir la cote 192 à tout prix. Il était déjà trop tard. Tandis que l'artillerie américaine plaçait ses tirs de harcèlement, au sud de la route de Bérigny, pendant la nuit, l'infanterie repoussait de petites contre attaques sans effet.

la bataille des haies

pentes nord de la colline 192

En principe, l'attaque dirigée précisément sur Saint-Lô, par les éléments du XIXème corps, placés à l'est de la Vire, aurait dû suivre aussitôt les différentes attaques menées dans le cotentin. Le général Bradley avait bien essayé de prolonger sa manière de mener sa campagne, en programmant pour le 9 juillet, une attaque directe sur Saint-Lô mais plusieurs raisons lui avaient fait ajourner deux fois cette bataille.