DOCUMENTATION

Le maquis du Vercors
Le 6 juin 1944 au soir, le Général de Gaulle lançait un véritable appel à l'insurrection nationale : " C'est la bataille de France, et c'est la bataille de la France ! " [...] Quelques jours plus tard, le Général Kœnig, chef suprême des F.F.I., appréciant défavorablement la situation, s'efforçait de " freiner au maximum l'activité de guérilla ".  Dans l'intervalle, n'écoutant que leur enthousiasme, les volontaires avaient afflué dans les maquis. C'est ainsi que les quatre mille hommes qui, sous la conduite du  commissaire de la république, Yves Farge, proclamèrent le 3 juillet (proclamation de la République du Vercors) la déchéance de Vichy dans le Vercors, furent cernés le 21 juillet 1944 et écrasés le 23 par les allemands et les miliciens. Le drame fit plus de six cent morts parmi les maquisards, et la population civile eut à subir une répression atroce.  

Répression du maquis du Vercors 

 


À Oyonnax, le 11 novembre 1943, les gars du maquis ont tenu la ville.
" Quelle journée : On en reparlera longtemps dans la région, de ce 11 novembre à Oyonnax, qui peut servir d'exemple à toute la France. Pendant une heure, en plein jour, en plein midi, le patriotes du maquis, en plein accord d'actions avec toutes les force de résistances se sont rendu maîtres, entièrement maîtres d'une ville de douze mille habitants. Mais lisons les faits, d'une rigoureuse exactitude.
Midi. Depuis onze heures tout Oyonnax, qui se doute de quelque chose, et dans la rue. Le verglas a retardé la marche de la colonne.
Soudain une clameur folle :
-- Les voilà !
Drapeaux en tête, clairons sonnant, tambours battant, dans l'ovation qui n'arrête pas, les troupes gaullistes, nos troupes, arrivent au monument aux morts. Garde-à-vous ! Le drapeau se place près du monument. Quel silence poignant plane alors sur la foule !
Le chef départemental s'avance et dépose une gerbe en forme de croix de Lorraine, barrée de cette belle épitaphe :
" Les vainqueurs de demain aux vainqueurs de 1914-1918 ".
Le accents mâles et déchirants de la sonnerie aux morts retentissent. Et c'est, immense, unanime, La Marseillaise qui s'envole, chantée par toute la ville.
Puis " Vous n'aurez pas l'Alsace ni la Lorraine ".

Extrait de Franc-Tireur du 1 décembre 1943.


Philippe Henriot a été abattu par des résistants
28 juin 1944

" Les services du chef du gouvernement communiquent :
À six heures hier matin, M. Philippe Henriot, secrétaire d'État à l'information et à la propagande, a été sauvagement assassiné, dans sa  chambre, par des individus armés de revolvers, qui avaient réussi à pénétrer dans le ministère après avoir neutralisé les gardiens.
L'assassinat de Philippe Henriot a été perpétré sous le yeux de sa femme ". (Extrait de Aujourd'hui, 29 juin 1944, journal collaborationniste).
" Il n'est pas français de piétiner un cadavre ou de le pousser du pied. Notre peuple a le respect inné de la mort. Mais qu'y avait-il de français dans cet historien vénal cravachant deux fois par jour le visage de la patrie, appelant traîtres les héros et héros les traîtres, honte l'honneur et honneur la honte, salissant le courage et le sacrifice, célébrant la lâcheté et la crapulerie, détournant imperturbablement les mot les plus nobles de leur sens, selon l'exemple donné en premier par le Maréchal Pétain, adoptant tout de suite à son usage un vocabulaire à l'envers où la vérité prenait la place du mensonge et le mensonge celle de la vérité ? "

Extrait de La France intérieure, organe de la résistance, 15 juillet 1944.


Affiche placardée sur les murs de Londres le 14 juillet 1940 qui reproduisait en substance l'appel du 18 juin.

La France n'a pas perdu la guerre


À tous les français
La France a perdu une bataille !
Mais la France n'a pas perdu la guerre !

Des gouvernants de rencontre ont pu capituler, cédant à la panique, oubliant l'honneur, livrant le pays à la servitude.
Cependant, rien n'est perdu !
Rien n'est perdu, parce que cette guerre est une guerre mondiale. Dans l'univers libre, des forces immenses n'ont pas encore donné. Un jour, ces forces écraseront l'ennemi. Il faut que la France, ce jour là, soit présente à la victoire. Alors, elle retrouvera sa liberté et sa grandeur. Tel est mon but, mon seul but !
Voila pourquoi je convie tous les Français, où qu'ils se trouvent, à s'unir à moi dans l'action, dans le sacrifice et dans l'espérance.
Notre patrie est en péril de mort.
Luttons tous pour la sauver !
VIVE LA FRANCE !

GÉNÉRAL DE GAULLE
QUARTIER GÉNÉRAL
4, CARLTON GARDENS,
LONDON, S.W.1.

Le 18 juin 1940, de Londres, le Général De Gaulle, parlant à la B.B.C. avait stigmatisé la demande d'armistice et invitait les Français qu'ils soient dans la métropole, en Angleterre ou dans l'Empire, à poursuivre le combat.


" On constata que les feuilles de papier dont une face était métallisée comme celles que l'on emploie fréquemment pour emballer les tablettes de chocolat, étaient très suffisantes pour réfléchir fortement les trains d'ondes, à condition qu'on leur donna la longueur voulue. Si l'on faisait jeter par un avion des paquets de ces languettes de papier, elles tombaient en voltigeant et formaient une sorte de nuage qui donnaient  sur les écrans radars des échos presque exactement semblables à ceux des bombardiers, on espérait pouvoir jeter la confusion parmi les radars allemands, grâce aux nuages de languettes métalliques qui parsèmeraient le ciel, car les faux échos qu'ils provoqueraient devraient rendre difficiles le repérages des appareils eux-mêmes..." W. Churchill


Proclamation affichée dans le  Cotentin libéré :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
 Liberté - Egalité - Fraternité
PRÉFECTURE DE LA MANCHE

                                                                 Carentan, le 13 juillet 1944

Au nom du gouvernement provisoire de la France,
au nom du Général De Gaulle,
je prends le pouvoir dans le Département de la Manche.

  
Demain 14 juillet 1944, sera fêtée la renaissance de la France libérée, généreuse et souveraine. Cherbourg sera le théâtre d'une manifestation républicaine où s'affirmeront pleinement les idées de LIBERTÉ, de JUSTICE et de SOLIDARITÉ. Que nos pensées émues aillent à tous nos morts, civils et militaires, à nos blessés, à tous ceux que la mort a durement frappés, à nos alliés qui combattirent si vaillamment pour notre délivrance.
   La Manche a eu avec le Calvados le terrible honneur de voir débarquer les forces Alliées : nos peines sont la rançon de notre joie, acceptons-les avec une digne abnégation. Acceptons tout pour que vive une France nouvelle, purifiée, tendue vers l'Idéal. Que la France que nous allons construire soit éloignée des erreurs d'un passé déjà lointain, et d'un passé tout récent fait de trahison et d'abdication.

   Que tous les Français s'unissent demain dans une même pensée d'amour, de travail et de discipline.

   Pavoisez tous aux couleurs Alliées.

                                                 Vive De Gaulle,

                                                Vive la France une et indivisible.

                                                            Votre Préfet :

                                                           Edouard lebas.      


Programme du conseil national de la Résistance, 15 mars 1944.
Les représentants des mouvements, groupements, partis ou tendances politiques, groupés au sein du C.N.R., proclament qu'ils sont décidés à rester unis après la libération :
1. Afin d'établir le gouvernement provisoire de la République formé par  le général de Gaulle pour défendre l'indépendance politique et économique de la nation, rétablir la France dans sa puissance, dans sa grandeur et dans sa mission universelle ;
2. Afin de veiller au châtiment des traîtres [...]
4. Afin d'assurer :
- l'établissement de la démocratie la plus large en rendant la parole au peuple français par le rétablissement du suffrage universel ;
- la pleine liberté de pensée, de conscience et d'expression ;
- la liberté de la presse [...] ;
- la liberté d'association, de réunion et de manifestation ; 
- l'inviolabilité du domicile et le secret de la correspondance ;
- le respect de la personne humaine ;
- l'égalité absolue de tous les citoyens devant la loi ;
5. Afin de promouvoir les réformes indispensables :
a) sur le plan économique :
- l'instauration d'une véritable démocratie économique et sociale [...] ;
- l'intensification de la production nationale selon les lignes d'un plan arrêté par l'état [...] ;
- le retour à la nation des grands moyens de production [...] ;
b) sur le plan social :
- [...] la reconstitution, dans ses libertés traditionnelles, d'un syndicalisme indépendant [...] ;
- un plan complet de sécurité sociale [...] ;
c) Une extension des droits politiques, sociaux et économiques des populations indigènes et coloniales [...].


Quelques définitions :
L.V.F. : Légion des volontaires français contre le bolchevisme (incorporation volontaire dans l'armée allemande)
Révolution nationale : ensemble des mesures politiques, sociales et économiques envisagées par le régime de Vichy.
S.T.O. : service du travail obligatoire (Mise à disposition de la main d'œuvre française pour l'Allemagne.
F.F.I. : forces françaises de l'intérieur (réunion de tous les groupes armés de la résistance intérieure).
Maquis : Refuge secret servant de lieu de repli et d'hébergement pour les résistants et maquisards.
S.S. (SchutzStaffel : groupe de protection) fondation en 1926.



affiche de 1945

affiche de la gestapo en zone française occupée

Jean Moulin
Les cendres de Jean Moulin furent transférées au Panthéon le 19 décembre 1964 en présence du Général de Gaulle.


Discours du maréchal Pétain, 17 juin 1940

Français !

À l'appel de Mr. le président de la République, j'assume à partir d'aujourd'hui la direction du gouvernement de la France. Sûr de l'affection de notre admirable armée, qui lutte avec un héroïsme digne de ses longues traditions militaires contre un ennemi supérieur en nombre et en armes ; sûr que, par sa magnifique résistance, elle a rempli ses devoirs vis-à-vis de nos alliés ; sûr de l'appui des anciens combattants que j'ai eu la fierté de commander, je fais à la France le don de ma personne pour atténuer son malheur.

En ces heures douloureuses, je pense aux malheureux réfugiés qui, dans un dénuement extrême, sillonnent nos routes. Je leur exprime ma compassion et ma sollicitude. C'est le cœur serré que je vous dis aujourd'hui qu'il faut cesser le combat.

Je me suis adressé cette nuit à l'adversaire, pour lui demander s'il est prêt à rechercher avec nous, entre soldats, après la lutte et dans l'honneur, les moyens de mettre un terme aux hostilités.

Que tous les Français se groupent autour du gouvernement que je préside pendant ces dures épreuves et fassent taire leur angoisse pour n'écouter que leur foi dans le destin de la patrie.


Appel du 18 juin 1940

Les chefs qui, depuis de nombreuses années, sont à la tête des armées françaises, ont formé un gouvernement.

Ce gouvernement, alléguant la défaite de nos armées, s'est mis en rapport avec l'ennemi pour cesser le combat.

Certes, nous avons été, nous sommes, submergés par la force mécanique, terrestre et aérienne, de l'ennemi.

Infiniment plus que leur nombre, ce sont les chars, les avions, la tactique des Allemands qui nous font reculer. Ce sont les chars, les avions, la tactique des allemands qui ont surpris nos chefs au point de les amener là où ils en sont aujourd'hui.

Mais le dernier mot est-il dit ?

L'espérance doit-elle disparaître ?

La défaite est-elle définitive ? Non !

Croyez-moi, moi qui vous parle en connaissance de cause et vous dis que rien n'est perdu pour la France. Les mêmes moyens qui nous ont vaincus peuvent faire venir un jour la victoire.

Car la France n'est pas seule ! Elle n'est pas seule ! Elle n'est pas seule ! Elle a un vaste Empire derrière elle. Elle peut faire bloc avec l'empire britannique qui tient la mer et continue la lutte. Elle peut comme l'Angleterre, utiliser sans limites, l'immense industrie des États-Unis.

Cette guerre n'est pas limitée au territoire malheureux de notre pays. Cette guerre n'est pas tranchée pour la bataille de France. Cette guerre est une guerre mondiale. Toutes les fautes, tous les retards, toutes les souffrances, n'empêchent pas qu'il y a, dans l'univers, tous les moyens nécessaires pour écraser un jour nos ennemis.

Foudroyés aujourd'hui par la force mécanique, nous pourrons vaincre dans l'avenir par une force supérieure. Le destin du monde est là.

Moi, Général de Gaulle, actuellement à Londres, j'invite les officiers et les soldats français qui se trouvent en territoire britannique ou qui viendraient à s'y trouver, avec leurs armes ou sans leurs armes, j'invite les ingénieurs et les ouvriers spécialistes des industries d'armement qui se trouvent en territoire britannique ou qui viendraient à s'y trouver à se mettre en rapport avec moi.

Quoi qu'il arrive, la flamme de la résistance française ne doit pas s'éteindre et ne s'éteindra pas.

Demain, comme aujourd'hui, je parlerai à la Radio de Londres,

Discours prononcé par le général de Gaulle à la Radio de Londres, le 18 juin 1940.


Le programme de la révolution nationale.

Notre programme est de rendre à la France les forces qu'elle a perdues. Elle ne les retrouvera qu'en suivant les règles simples qui ont de tout temps assuré la vie, la santé et la prospérité des nations.

Nous ferons une France organisée, où la discipline des subordonnés réponde à l'autorité des chefs, dans la justice de tous [...]

Le travail des français est la ressource suprême de la patrie. Il doit être sacré. [...]

Les familles françaises restent les dépositaires d'un long passé d'honneur. Elles ont le devoir de maintenir à travers les générations les antiques vertus qui font les peuples forts.

Tous les français fiers de la France, la France fière de chaque français, tel est l'ordre que nous voulons instaurer. Nous y consacrerons nos forces. Consacrez-y les vôtres.

Allocution du maréchal Pétain, radiodiffusée le 11 juillet 1940

Pétain bénéficia d'un vote de pleins pouvoirs le 10 juillet.


À l'étranger : quelques mots sur l'insurrection du Ghetto de Varsovie :

Lorsque les nazis décident d'entreprendre, en avril 1943, la liquidation du Ghetto juif de Varsovie concentrant plus de 500.000 personnes, ils se heurtent à la résistance de plusieurs centaines de combattants.

Le Ghetto tombe finalement le 16 mai 1943, puis il est rasé.

Sachez donc qu'aujourd'hui comme hier, chaque seuil du Ghetto sera une forteresse. Sachez que nous tous, nous voilà prêts à mourir au combat, et sans jamais nous rendre ! Comme vous, nous désirons la revanche, nous voulons le châtiment de tous les crimes perpétrés par l'ennemi commun.

Nous nous battons pour notre liberté et la vôtre, pour notre honneur et pour le vôtre, pour notre dignité humaine, sociale, nationale et pour la vôtre !

Vengeons les crimes d'Auschwitz, de Treblinka, de Belzec, de Maidanek !

Vive la fraternité d'âme et de sang de la Pologne combattante !

Morts aux bourreaux, mort aux tortionnaires !

Vive le combat à vie et à mort contre l'occupant !

L'Organisation juive de combat, 23 avril 1943  


Je vivais à Paris avec ma famille. La capitale était quasiment déserte en dehors des " doryphores " et des " souris grises " comme nous appelions les Allemands pour leur prolifération comme les parasites qui avaient envahi les champs de pommes de terre à l'époque, et les auxiliaires féminines de la Wehrmacht dont l'uniforme était gris-souris.
Ce jour là, il était aux environs de 7 heures. Ma mère nous avait envoyées ma sœur et moi de bonne heure afin d'éviter " la queue " chercher du pain avec nos tickets de rationnement.
La place de la République était calme bien que de nombreux Allemands occupaient un grand hôtel de la place. Pourtant, ce silence malgré tout insolite, nous inquiétait. Nous longions les murs par habitude et par prudence. Tout à coup, nous voyons ramper autour de la statue du milieu de la place, une multitude de jeunes gens en civil armés de mitraillettes. L'un d'eux nous fit signe de partir, de nous éloigner. Nous rentrâmes presque en courant à la maison malgré les semelles en bois de nos chaussures. Les rares passants que nous croisions et qui, comme nous, se hâtaient de renter, nous apprenaient que les Alliés venaient de débarquer !
Plus tard, la fusillade du Pont des Arts fut le départ de l'insurrection qui conduisit à la libération de Paris le 24 Août 1944 où le maréchal Leclerc reçut la reddition du général Choltitz, celui-là même qui renonça aux ordres d'Hitler de brûler Paris.
Ce sont des souvenirs que l'on n'oublie pas, même après plus de 50 ans passés, même à 6 000 kms de la France.
 
Marinette Secco
www.planetexpo.fr/msecco

 

J'ai amené mon livre d'anglais commercial et un paquet de bougies achetées chez la mère Michaud en prévision de mes vacances. Grand-mère m'a rempli une bouillotte d'eau chaude avant de monter dans ma chambre. Je suis donc équipée pour travailler de bonnes heures.

23 Décembre 1939

Les paroles que j'ai entendues ce soir en T.S.F., à l'heure du communiqué, me laissent perplexe au sujet de ce que j'ai écrit hier : Un Français, du nom de Ferdonnet, essaye de démoraliser les troupes par des avis pernicieux qu'il émet de Stuttgart tels que ceux que j'ai pu recueillir avec grand-mère tout à l'heure : " Français, disait-il d'une voix métallique, nous connaissons tout ce qui se passe chez vous. Vous êtes seuls … Les Anglais vont compter les coups … Les Japonais, les Russes et les Italiens sont nos alliés… Vous perdrez la guerre ".

En entendant cela, j'ai eu le sentiment d'une trahison personnelle et me suis sentie indubitablement solidaire de tous les Français.

Est-ce là une forme de patriotisme ?

24 Décembre

Il est dix heures. Grand-mère se repose en attendant la messe de Minuit. En T.S.F., les chants de Noël relèguent momentanément l'intérêt de la guerre au second plan. Il n'est plus question que d'un petit enfant qui émeut encore et malgré tout le monde entier.

Grand-mère m'appelle. Nous devons partir car nous avons deux kilomètres à faire dans la neige pour rejoindre l'église de Pougerolles. Je rependrai mon journal en revenant de la messe.

°

°    °

2 heures 30 du matin - Quel enchantement cette promenade en pleine nuit. Il y avait une lune blafarde qui faisait simplement scintiller la neige au loin mais qui n'aurait pas suffi à nous éclairer. Heureusement, grand-mère avait pris une lanterne de cocher dans laquelle elle avait introduit une grosse bougie blanche toute neuve. Il n'y avait pas le moindre bruit en dehors du crissement de nos pas dans la neige et de notre souffle dans l'air froid. Grand-mère était silencieuse et semblait méditer. Lorsqu'à deux reprises j'ai voulu lui parler, elle m'a brusquement interrompue en disant : " Prie, mon petit, prie pour que la guerre prenne fin ". J'étais incapable de le faire, je ne sais trop pour quelle raison, mais je me sentais animée des meilleurs sentiments de la terre et je trouvais la vie merveilleusement belle.

L'église de Pougerolles était assez sombre. Les vitraux avaient été recouverts de papier bleu épais mais seuls, les cierges étaient allumés. A cause de cela et des paroissiens qui étaient au front, la messe de Minuit avait quelque chose de plus solennel encore que celles des années précédentes. La Croix Rouge a quêté pour les soldats. M. le curé les recommandait à chacune de ses prières. Presque tout le monde à communié. Nous sommes parties juste à l'Ite, missa est" afin d'éviter la cohue de la sortie. Au fond de moi, j'étais reconnaissante à grand-mère de cette initiative car j'appréhendais que quelqu'un ne se propose à nous reconduire en voiture.

Au retour, il faisait plus froid, m'a-t-il semblé. Je portais la lanterne pour me réchauffer les mains à tour de rôle. Grand-mère enfouissait les siennes dans les poches de son manteau d'astrakan doublé d'une pelisse de vison blond doux et si confortable qu'il estompait la tristesse de mon vêtement si passé et usagé.

Mon premier soin en rentrant à la Mousseraie a été de ranimer le poêle à sciure du cabinet de toilette de grand-mère et tandis qu'elle se débarrassait avec peine et lenteur de tous ses vêtements, je procédais aux préparatifs du réveillon. Oh ! ils n'ont pas été longs mais grand-mère avait prévu de quoi faire une délicieuse bouillie au chocolat que nous avons mangée avec des gâteaux secs. Nous nous sommes bien régalées. J'avais dressé une table basse auprès du poêle. Il faisait chaud. Nous nous sentions bien.

C'est la retransmission en T.S.F. d'un cabaret de Paris qui a rompu l'euphorie de la veillée. J'ai éprouvé tout d'un coup une sorte de mélancolie et j'ai pris congé de grand-mère sous le prétexte d'avoir sommeil.

Alors que j'étais si heureuse au cours de cette soirée, je ne sais quelles opinions hétérodoxes sur l'existence m'amenèrent subitement à admettre la médiocrité de la mienne que je devine étriquée et obtuse. J'ai le sentiment qu'il me faut coûte que coûte aller à Paris un jour et que c'est Paris qui m'ouvrira à la réalité. Je devrais être confuse de faire des projets d'avenir quand des jeunes gens sacrifient leur vie au front mais je suis avide de vivre enfin. Mes parents ont gâché mon enfance, la guerre gâche mon adolescence et je me sens misérable. J'ai envie d'aimer, de me marier, d'avoir des enfants et puis finalement, dans l'immédiat, je n'ai plus envie que de dormir !

1er Janvier 1940

Aujourd'hui, tout le monde s'est souhaité " la bonne année " en faisant des vœux pour que la guerre se termine rapidement.

Grand-mère avait acheté 250 gr. de crottes de chocolat pralinées. Elles les offre trop parcimonieusement à mon goût : j'adore cela !

Je repars demain à Pierrefitte, contente de reprendre ma vie studieuse dans une chambre bien chauffée.

Je prends la résolution, si la guerre le permet, de faire une bonne année. Il faut tout d'abord que mes élèvent marquent des progrès pour justifier aux yeux de leurs parents le choix qu'ils ont fait en me prenant pour institutrice, l'argent qu'ils me donnent, et , à mes yeux, mes aptitudes professionnelles. Ensuite, je veux posséder parfaitement mes deux sténos à la fin de l'année. Enfin, pour corroborer cette tâche, je vais dresser une liste d'ouvrages que je m'astreindrai à lire afin d'acquérir davantage de maturité d'esprit et me débarrasser petit à petit de toute puérilité.

20 Janvier 1940

Comme les communiqués, je n'ai pas grand chose à signaler. Mes élèves sont attentifs. Je découvre un côté passionnant dans l'enseignement. Moi qui, jusqu'ici, n'avais fait que plagier grand-mère, je me rends compte maintenant que ces petits se modèlent sur moi : Ils apprennent ce que je leur enseigne, ils croient ce que je leur dis, ils font leurs les idées que je leur insuffle, ils réagissent selon moi, en fonction de moi.

Cependant, s'ils acquièrent de moi leur toute première formation, j'ai profondément conscience de leur devoir, quant à moi, l'évolution de ma personnalité.

Ce qui me plait à penser, c'est que peut-être en raison justement de ces origines réciproques dont mes élèves n'auront certainement jamais conscience en ce qui me concerne, nous nous souviendrons toujours les uns des autres au cours de notre vie.

Pourtant, malgré le vif intérêt que je réalise pouvoir puiser dans la profession de pédagogue, elle ne me séduit pas comme celle d'écrivain. Si je pouvais accéder à cette dernière, par exemple, par le truchement d'un secrétariat dans ce milieu, j'aurais l'impression d'avoir réellement atteint mon but. Évidemment, il me faut d'abord gagner ma vie selon mes possibilités mais peut-être que, malgré tout, les circonstances m'aideront à l'orienter selon mes aspirations. C'est au fond de moi ce vers quoi je tends de tout mon cœur et que je dois pourtant garder secret afin de ne pas être découragée par un tas de considérations négatives que l'on ne manquerait pas de me mettre en avant et qui ne m'échappent cependant pas.

6 Février 1940

Décidément, ce 6 Février est une date fatidique. Déjà dans les moments du Front Populaire, mon frère avait manqué se faire tuer à Paris en allant au collège. Aujourd'hui, la T.S.F. nous apprend qu'un corps expéditionnaire franco-britannique vient d'être constitué pour aller sur le front scandinave, je ne sais où exactement. On a parlé de la Finlande, on a parlé de la Norvège, tout cela assez confusément et mystérieusement. Dans quelle galère sommes-nous embarqués ! Heureusement que la ligne Maginot est infranchissable avec ses niches anti-chars et ses lignes électrifiées. Quoi qu'il en soit, cet élargissement du front ne me semble pas de bonne augure pour une fin prochaine de la guerre. Hélas ! We have just to wait and see !

15 Février 1940

Dieu que Pierrefitte est paisible et qu'il est agréable d'y vivre ! Quand je suis dans ma " tour, j'oublie tout : et la guerre, et mes élèves, et mon état d'institutrice, et La Mousseraie, et grand-mère pour ne plus penser qu'à mon travail. J'ai mis enfin au point quelques signes pour lesquels je n'arrivais pas à trouver leur correspondance phonétique française. Euréka ! J'ai trouvé ! et j'en suis heureuse car j'avais l'impression de piétiner depuis quelque temps.

Il fait un froid glacial au dehors. Le vent souffle dans les sapins et dans mon Mirus. Cette tempête correspond sans doute à mon climat intérieur car elle me rend heureuse. Pourtant, pauvres soldats !

20 Février 1940

Une carte de la Croix Rouge m'a apporté ce matin des nouvelles de ma mère ainsi que de celles de mes frère et sœurs. Ils vont tous bien et ils m'embrassent. C'est peu, mais bien sûr, c'est tout !

Après le déjeuner, on a passé en T.S.F. un enregistrement de la " Danse des Morts " d'Arthur Honegger, dirigée par Charles Munch. J'aurais voulu être seule pour l'écouter. C'est une musique divine.

Quand je songe à l'orgueil de madame de … et à la prétention de l'instituteur de Marcory, quelle bouffonnerie !

13 Mars 1940

Il me semble avoir entendu, au communiqué de ce soir, qu'il n'y avait plus de guerre russo-finlandaise. Serait-ce le commencement de la fin ?

Je viens de terminer " À la recherche du temps perdu " de Proust. J'aime les auteurs français. Lorsqu'ils expriment des sentiments, je me dis toujours que c'est exactement cela. Mon préféré est encore Zola. Son réalisme est beau, même s'il est décevant et ses descriptions sont suffocantes de justesse.

18 Mars 1940

Moi qui croyais que les professions se limitaient à celles de médecin, écrivain, notaire, antiquaire, ou officier, je découvre avec mon " Mercantile Book " tout un monde dont je n'avais jamais entendu parler auparavant : celui des affaires.

J'ai donc mes chances, à défaut d'avoir " ma chance " !

25 Mars 1940

Ma petite Nicole prépare sa communion solennelle. Elle y met tant de cœur que j'ai dit à Monsieur le Curé qu'elle me faisait penser à Bernadette Soubirous. Il a vivement protesté en affirmant que son attitude n'avait rien que de très naturel.

C'est à mon sens un butor qui gâche tout.

12 Avril 1940

Je n'ai pas manqué un seul soir de m'entraîner en sténo. Lorsque je pense les mots, les signes correspondants me viennent immédiatement à l'esprit aussi bien en anglais qu'en français et je crois que je pourrais "  prendre une conversation posée et ponctuée ".

Maintenant que j'en suis à ce stade, je crois que je parlerai de la sténo à grand-mère au cours de ma prochaine visite. Cela me permettrait de lui demander de me dicter un texte et de vérifier exactement ce dont je suis capable de faire dans ce domaine.

20 Avril 1940

Eugène et Georges ont vidé l'étang aujourd'hui. Cela a été toute une révolution à Pierrefitte et une grande distraction pour les enfants et … moi même !

Grand-mère me dit dans la lettre que j'ai reçue d'elle ce matin : "  … mes trois fils m'auront ruinée ". Je suppose qu'elle fait allusion à mon père puisque mes deux oncles sont morts. Je sais qu'ils ont mené une vie très dissolue mais on ne m'a jamais donné beaucoup de détails à leur sujet.  Je ne saurais dire au juste quelle était leur profession car lorsqu'il s'agit d'eux il n'est question que de chasses à courre et de concours hippiques.

1er Mai 1940

Aujourd'hui, Nicole a fait sa communion. Quelle petite fille adorable ! Si j'ai la chance d'en avoir une un jour, je voudrais qu'elle lui ressemble. Il a fait un temps splendide. Le parc de Pierrefitte sentait le printemps. Les oiseaux gazouillaient à qui mieux mieux. J'ai pu mettre ma robe de piqué blanche. Elle n'est plus très fraîche mais elle fait quand même son effet avec mes cheveux roux. Nicole a eu la gentillesse de me rapporter que sa grand-mère m'avait trouvé " un teint éblouissant ". Son attention m'a touchée et le compliment en soi m'a réconfortée.

Le père des enfants, qui est venu de Paris pour la circonstance, prétend que " ça ne va pas si bien que cela … ".  Les milieux autorisés sont paraît-il inquiets.

Quoi qu'il en soit, je ne veux pas me torturer l'esprit par un si beau jour.

Joséphine s'était surpassée à la cuisine. Nous avons mangé des merveilles. Nous mangeons du reste beaucoup trop bien en général et j'ai peur de grossir. Je devrais me surveiller mais je suis si gourmande que je n'arrive pas à résister plus d'un repas à la tentation.

5 Mai 1940

Xavier lit maintenant couramment. C'est entièrement mon œuvre et j'en suis très fière. J'ai l'impression que les parents sont satisfaits de moi et cela me délivre de mes appréhensions.

Je n'avais pas dit à madame Maroquetti que je parlais l'anglais couramment et lorsque, par déformation professionnelle j'ai repris devant elle l'aîné de mes élèves qui voulait faire un coup d'éclat d'un idiotisme malencontreusement francisé, elle a beaucoup regretté que je n'aie pas fait état de cet avantage. J'avoue n'y avoir même pas songé. Désormais, je donnerai deux leçons d'anglais par semaine à Olivier et Nicole.

9 Mai 1940

Si j'ai bien compris, Paul Reynaud aurait démissionné ?

10 Mai 1940

Grand coup de Trafalgar aujourd'hui : les Allemands ont violé la neutralité de la Belgique ce matin à 4 H 45. Ils sont également en Hollande et au Luxembourg. Paul Reynaud a déclaré en T.S.F. : " … La France se dresse, forte et calme devant l'envahisseur … ". J'en ai froid dans le dos !

J'ai l'impression que la " drôle de guerre " est terminée et que le tour de chacun de mes petits élèves reviendra souvent pour déplacer les drapeaux de la carte de la classe.

12 Mai 1940

Gros mouvement de troupes de l'Est vers le Nord.

A Pierrefitte, tout le monde est suspendu au poste à l'heure du communiqué.

18 Mai 1940

Des gens se sont arrêtés à Pierrefitte ce matin pour demander à la ferme de quoi boire et manger. C'étaient des " réfugiés " belges.

Pauvres gens !

19 Mai 1940

Raynaud a traité le roi Léopol de roi félon. Il aurait facilité l'entrée des Allemands en Belgique.

21 Mai 1940

On parle de " miracle " maintenant pour sauver la France. Les Allemands seraient aux environ d'Abbeville. Il ne se passe pas un jour sans que des réfugiés s'arrêtent à la ferme. Où vont-ils exactement ? Je crois qu'ils ne le savent pas eux-mêmes.

29 Mai 1940

La situation est si grave que je n'arrive plus à travailler. Les Anglais qui se battaient dans le Nord viennent de s'embarquer de Dunkerque pour l'Angleterre avec une certaine quantité de soldats français. La région paraît-il un enfer. Les Allemands bombarderaient les réfugiées sur les routes.

30 Mai 1940

Aujourd'hui, ce sont des soldats belges qui sont venus à la ferme. Éric et Olivier ont essayé leur calot à pompon rouge. Cela a semblé les détendre un peu mais ils paraissaient épuisés.

J'ai cru comprendre au communiqué que Waygand envisagerait l'armistice ? Tant mieux.

3 Juin 1940

Ca y est ! Les Allemands ont bombardé Paris ce matin. Pierrefitte est sens dessus dessous à cause de l'Avenue Mozart. La mère des enfants a téléphoné. Son mari lui conseille de ne pas s'affoler. D'ici que les Allemands traversent la Loire il y a encore le temps de réfléchir à ce que l'on peut faire, lui a-t-il dit.

En attendant, c'est un défilé de réfugiés à la ferme : des civils et des soldats belges et pour la première fois aujourd'hui, nous avons eu deux soldats français. Ils avaient le moral à zéro. Ils prétendent que c'est la grande débandade. Les officiers les abandonnent, les Allemands avancent sans plus rencontrer d'obstacles. Ils disent qu'ils sont équipés d'une façon extraordinaire. L'invité de madame Maroquetti avait donc raison…

5 Juin 1940

Je ne travaille plus le soir dans ma chambre tant les évènements se précipitent et tant je suis inquiète. Je n'ai pas de nouvelles de grand-mère, je ne sais pas ce qu'elle en pense.

Les soldats français continuent de passer. Ils sont à pied. Ils font des kilomètres à pied. Ils ont l'air misérable. Les civils aussi. Pauvres, pauvres gens !

10 Juin 1940

6 heures du matin

Pour la dernière fois, j'écris de Pierrefitte. Il y à une demi heure quelqu'un a frappé à ma porte. Je croyais que c'était Dorothée qui s'était trompée d'heure pour m'apporter l'eau chaude pour ma toilette. En fait, c'était la mère de Nicole déjà tout habillée. Elle restait immobile devant moi, sans se décider à parler. Elle était très pâle et j'ai pensé qu'elle était malade. Je l'ai priée d'entrer, elle s'est alors jetée à mon cou en pleurant. Elle me désignait la fenêtre d'un mouvement de tête en répétant : " vous entendez, vous entendez ? ".

En fait, je n'entendais rien, sinon un vague bruit sourd comme s'il y avait de l'orage au loin.

Les bombardements, mademoiselle, les bombardements !

Enfin, un peu calmés, elle m'expliqua que son mari était arrivé à l'improviste de Paris dans la nuit. Les Allemands sont à quelques kilomètres de la capitale.  Les Parisiens fuient. C'est, paraît-il, un flot continu de gens qui déferle sur les routes. Le père de ma petite élève à eu beaucoup de mal à parvenir à Pierrefitte.

Finalement, après avoir tenu un conseil de famille en pleine nuit, il a été décidé qu'on allait me reconduire tout à l'heure à La Mousseraie, chez  grand-mère. Quant à eux, ils se proposent de quitter Pierrefitte vers midi pour se rendre à Biarritz chez des parents. Ils vont donc faire les valises pendant qu'on me reconduira à Pougerolles et partiront avec les trois voitures.

Effectivement le canon gronde de plus en plus …

Adieu Pierrefitte, mes élèves, mes aspirations, mes rêves !

Adieu mon journal, il me faut faire, moi aussi, mes valises.

Je rectifie l'adieu à mon journal. Quoi qu'il arrive, je ne m'en séparerai pas. C'est mon vademecum.

11 heures du soir

Mon Dieu, je vivais dans du coton à Pierrefitte. Je ne me rendais absolument pas compte des évènements.

Marinette Secco, merci.

www.planetexpo.fr/msecco

GROUPE FFI RADIO CITÉ
ICI PARIS NATIONAL
" LES FORCES FRANÇAISES DE L'INTÉRIEUR VOUS PARLENT "

    Pour la première fois depuis la honteuse occupation de la capitale par les armées allemandes, les forces françaises de l'intérieur, placées sous le haut commandement du général Koenig, vous font entendre aujourd'hui, de Paris, la voix de la France, qui se retrouve au moment de la libération si passionnément attendue depuis les sombres jours de juin 1940.
    Toutes les nouvelles des fronts de guerre sont bonnes. Maintenant les alliés sont en vue ; ils pourchassent sans répit les débris de l'ennemi en fuite. L'allemand fuit. Il passe dans nos rues, sur nos avenues, devant les milliers de patriotes français, qui savent maintenant que l'heure H de la délivrance va sonner.
    L'avance des armées victorieuses de la France et de ses amis monte en une irrésistible marée, jusqu'au cœur de la patrie, jusqu'à Paris, dont les chaînes, si lourdes, se brisent et tombent dans le dernier fracas de la bataille.
    L'angoisse, qui nous a tous étreints pendant ces heures d'attente, va cesser ; la joie si longtemps contenue va pouvoir éclater sur tous les visages et sur toutes les lèvres en un cri, qui résume toute notre haine contre l'envahisseur et toute notre reconnaissance pour ceux qui sont venus nous faire revivre.
VIVE LA FRANCE


Appel du groupe FFI " Dauvergne " à la population, 22 août 1944, depuis le poste radio Paris, devenu Paris National, après son occupation le 19 août.


24 mars 1941
    La radio anglaise avait demandé il y a trois jours qu'en signe d'espérance on écrivît sur les murs, le pavé des rues, la première lettre du mot Victoire. Dès hier les V fleurissaient partout. Un gosse en a tracé un monumental sur la porte de notre maison.
(Jean Guéhenno, journal des années noires).

74 France

    À mesure que les émissions de Londres étendent leur audience au cours de ces années 1940 à 1942, Français et Anglais expérimentent d'autre part les moyens de faire de la radio un instrument d'action. Le premier essai, six mois seulement après l'armistice, résulte d'une initiative personnelle du général de Gaulle. Assez d'indices encourageants sont parvenus de France à la fin de 1940 pour qu'il prenne le risque d'ordonner par la voie de la radio une manifestation nationale : faire le vide dans les rues de 15 heures à 16 heures le 1er janvier 1941. Le succès de la manifestation est limité, mais il est certain dans la zone interdite du Nord ; il est remarquable en Bretagne, notamment dans le Morbihan et le Finistère.
    L'expérience sera renouvelée avec un succès croissant : la campagne des " V " et la campagne de la tortue (" Travaillez lentement "), les manifestations des 11 mai et 14 juillet 1941, des 1er mai et 14 juillet 1942 jalonnent cette évolution, attestant l'engagement progressif de la population et d'abord des jeunes.

   La campagne des " V " est la mieux connue : elle a pour origine une émission du programme belge de la B.B.C. qui, à la mi-janvier 1941, propose aux auditeurs wallons et flamands le symbole V comme signe de ralliement - V comme Victoire. Neuf jours plus tard, la B.B.C. reçoit, à sa stupéfaction, une lettre d'un port français de la Manche signalant que des petits " V " apparaissent de tous côtés ; en février, des dizaines de confirmations affluent. Le 22 mars, la section française lance le mot d'ordre de couvrir les murs de " V " en l'honneur du roi de Yougoslavie qui a refusé de capituler devant les Allemands : la consigne est instantanément suivie ; une manifestation  spontanée réunit plusieurs milliers de patriotes dans les rues de Marseille. La radio de Londres orchestre la campagne jusqu'à l'été. Les " V " prolifèrent à Paris et à Marseille, sont signalés en abondance dans plus de quinze autres villes, couvrant en particulier écoles et lycées ; à Tarbes, le déploiement des " V " prend l'allure d'une vaste manifestation d'hommage au maréchal Foch ; à Nancy, le préfet reçoit une lettre d'anciens combattants affirmant que le " V " est gravé dans leurs cœurs. Vichy met en garde les recteurs et les établissements d'enseignement, les Allemands menacent de sanctions les propriétaires et les concierges parisiens. Le mouvement n'est qu'une fronde, mais qui gagne la moitié de l'Europe, au point que pour le neutraliser, Goebbels se résout à adapter à son tour le signe " V " et que la Wehrmacht décore la Tour Eiffel d'un gigantesque " V ".


7 juin 1944 Paris-Soir

Le Maréchal Pétain adresse aux français un solennel avertissement

    Français,
    Les armées allemandes et anglo-américaines sont aux prises sur notre sol. La France devient ainsi un champ de bataille. Fonctionnaires, agents des services publics, cheminots et ouvriers, demeurez fermes à votre poste pour maintenir la vie de la nation et accomplir les tâches qui vous incombent.
    Français, n'aggravez pas nos malheurs avec des actes qui risqueraient d'appeler sur vous de tragiques représailles ; ce seraient d'innocentes populations françaises qui en subiraient les conséquences. N'écoutez pas ceux qui cherchent à exploiter notre détresse et conduiraient la France au désastre. La France se sauvera en observant la discipline la plus rigoureuse. Obéissez donc aux ordres du gouvernement. Que chacun reste face à son devoir. Les circonstances de la bataille pourront conduire l'armée allemande à prendre des dispositions spéciales dans les zones de combat. Acceptez ces nécessités, c'est une recommandation instante que je vous fais dans l'intérêt de votre sauvegarde.
    Je vous adjure, Français, de penser avant tout au péril mortel que courrait notre pays si ce solennel avertissement n'était pas entendu.

...

Je fais le rêve...

Je fais le rêve que les hommes, un jour, se lèveront et comprendront enfin qu'ils sont faits pour vivre ensemble comme des frères.
Je fais encore le rêve qu'un jour chaque Noir et chaque homme de couleur, dans le monde entier, seront jugés sur leur valeur personnelle plutôt que sur leur peau, et que tous les hommes respecteront la dignité de la personne humaine.
Je fais encore le rêve qu'un jour les ventres vides seront remplis, que la fraternité sera un peu plus qu'un mot.
Je fais encore le rêve qu'un jour la justice ruissellera comme l'eau, et la droiture comme un fleuve puissant.
Je fais encore le rêve qu'un jour la guerre prendra fin et que les hommes transformeront leurs épées en socs de charrues, que les nations n'envisageront plus jamais la guerre.
Je fais encore le rêve qu'un jour le lion et l'agneau s'étendront l'un près de l'autre, que tous les hommes s'assoleront sous leur treille ou leur figuier, et que personne n'aura plus peur.
Ce sera un jour merveilleux. Les étoiles du matin chanteront toutes ensemble.

Martin LUTHER KING, La Seule Révolution, Casterman - PARIS -1968

...

Souvenirs d'un déporté de la rafle du Vel' d'Hiv' (16 juillet 1942)

" Le 16 juillet, à l'aube, l'opération est déclenchée : la police parisienne arrête, dans tous les quartiers de Paris et dans sa banlieue, près de treize mille Juifs étrangers et, pour la première fois, des familles entières avec des enfants à partir de l'âge de deux ans. L'énorme agglomération parisienne est le théâtre d'une sauvage " chasse au Juif " : dans tous les quartiers en même temps, on arrête hommes, femmes et enfants, on enfonce les portes, on emporte les enfants fiévreux, on fait des descentes dans les écoles. (...) les familles sont enfermées au vélodrome d'Hiver, en pleine ville.

Rien n'était préparé pour les accueillir : plus de quatre mille jeunes enfants et deux mille adolescents et adultes étaient parqués dans les gradins sans aucun moyen de couchage, presque sans nourriture, sévèrement rationnés en eau, avec des toilettes rapidement et irrémédiablement bouchées, avec un service médical réduit à quelques infirmières de la Croix-Rouge.

Tous ces malheureux ont vécu cinq jours épouvantables dans l'énorme enceinte remplie d'un vacarme assourdissant fait des cris et des pleurs des enfants et des adultes à bout de nerfs, des hurlements et des râles de quelques personnes devenues folles ou de malades et de blessés après des tentatives de suicide. "

Georges Weller, "L'Étoile jaune à l'heure de Vichy", Fayard, 1973, pp.83-84. Repris dans Dominique Veillon , "La Collaboration, Textes et Débats" , Le livre de poche (n 5002) Paris, 1984.

La Rose blanche : résistance en Allemagne

Extrait de tract diffusé par le mouvement de "la Rose blanche" (Weisse Rose) de Hans et Sophie Scholl, en Allemagne, en janvier 1943.

" Rien n'est plus indigne pour un peuple civilisé, que de se laisser, sans résistance, régir par l'obscur bon plaisir d'une clique de despotes. Est-ce que chaque Allemand honnête n'a pas honte aujourd'hui de son gouvernement ?

Qui d'entre nous pressant quelle somme d'ignominie pèsera sur nous et nos enfants quand le bandeau, qui maintenant nous aveugle, sera tombé et qu'on découvrira l'atrocité extrême de ces crimes ?

Nos yeux ont été ouverts par les horreurs des dernières années, il est grand temps d'en finir avec cette bande de fantoches. Jusqu'à la déclaration de guerre, beaucoup d'entre nous étaient encore abusés. Les nazis cachaient leur vrai visage. Maintenant, ils se sont démasqués et le seul, le plus beau, le plus sain devoir de chaque Allemand doit être l'extermination de ces brutes. "

Extrait d'un discours de Churchill

M. Churchill parle aux Français
(Discours radiodiffusé en Français par le Premier Ministre le lundi 21 octobre 1940.)
Français !
C'est moi, Churchill, qui vous parle. Pendant plus de trente ans, dans la paix comme dans la guerre j'ai marché avec vous, et je marche encore avec vous aujourd'hui sur la vieille route. Cette nuit, je m'adresse à vous dans tous vos foyers, partout où le sort vous a conduits et je répète encore la prière qui entourait vos louis d'or : " Dieu protège la France ".
Ici, chez nous, en Angleterre, sous le feu du boche, nous n'oublions jamais quels liens et quelles attachent nous unissent à la France. Nous continuons de lutter de pied ferme et d'un cœur solide pour que la liberté soit rétablie en Europe, pour que les braves gens de tous les pays soient traités décemment, et pour amener ainsi le triomphe de la cause qui nous a fait ensemble tirer l'épée.
Quand des honnêtes gens se trouvent bousculés par des attaques et assommés par les coups que leur portent des coquins et de vils malfaiteurs, ils doivent prendre bien garde de ne pas aller à se dresser les uns contre les autres. Les Allemands essaient toujours de provoquer des querelles, et naturellement, dans le malheur, dans la guigne, bien des choses arrivent qui font le jeu de l'ennemi. Il nous faut simplement faire les choses de notre mieux et prendre les choses comme elles viennent. 
Ici, dans cette ville de Londres, que Herr Hitler prétend réduire en cendres et que ses avions bombardent en ce moment, nos gens tiennent bon. Notre Royal air Force a fait plus que de tenir tête à l'ennemi. Nous attendons l'invasion promise souvent et de longue date.   Les poissons aussi.
Mais, bien sûr, nous n'en sommes qu'au début. Aujourd'hui, en mil-neuf-cent-quarante, comme toujours, et malgré quelques pertes, nous avons la maîtrise des mers. En quarante-et-un, nous aurons la maîtrise de l'air. N'oubliez pas ce que cela veut dire - c'est beaucoup. Herr Hitler, avec ses chars d'assaut, et ses autres armes mécaniques, et aussi, n'oubliez pas, grâce aux intrigues de sa cinquième colonne avec les traîtres et les sots, a réussi, pour le moment, à conquérir la plupart des races les plus belles de l'Europe. Et son petit complice Mussolini, plein d'espoir et d'appétit, continue à trotter craintivement à son côté. Tous deux veulent découper la France et son Empire comme une poularde. L'un veut la cuisse, l'autre l'aile, ou peut-être une partie du blanc. Non seulement l'Empire français sera dévoré par ces deux vilains Messieurs, Mais l'Alsace-Lorraine va une fois encore repasser sous le joug allemand, et Nice, la Savoie, et la Corse, la Corse de Napoléon, seront arrachées du beau domaine de la France.
Mais Herr Hitler ne songe pas seulement à voler le territoire des autres peuples et à en distraire quelques morceaux pour les lancer à son petit camarade. Je vous dis la vérité et il faut que vous me croyez. Cet homme de malheur, ce monstrueux avorton de la haine et de la défaite n'est résolu à rien moins qu'à faire entièrement disparaître la nation française, qu'à broyer sa vie même et son avenir. Il se prépare par toutes sortes de moyens sournois et féroces à tarir pour toujours les...

le rendez-vous du Mont Saint-Michel

Gustave Sillard

Extrait ouvrage de Gustave Sillard.

Extraits d'un tract de la Rose Blanche distribué le 18 février 1943

" Etudiants! Etudiantes !

La défaite de Stalingrad a jeté notre peuple dans la stupeur. La vie de trois cent mille Allemands, voilà ce qu'a coûté la stratégie géniale de ce soldat de deuxième classe promu général des armées. Führer, nous te remercions !

Le peuple allemand s'inquiète : allons-nous continuer de confier le sort de nos troupes à un dilettante ? Allons-nous sacrifier les dernières forces vives du pays aux plus bas instincts d'hégémonie d'une clique d'hommes de parti ? Jamais plus ! Le jour est venu de demander des comptes à la plus exécrable tyrannie que ce peuple ait jamais endurée. Au nom de la jeunesse allemande, nous exigeons de l'Etat d'Adolf Hitler le retour à la liberté personnelle ; nous voulons reprendre possession de ce qui est à nous ; notre pays, prétexte pour nous tromper si honteusement, nous appartient. (...)

Il n'est pour nous qu'un impératif : lutter contre la dictature ! Quittons les rangs de ce parti nazi, où l'on veut empêcher toute expression de notre pensée politique. Désertons les amphithéâtres où paradent les chefs et les sous-chefs S.S., les flagorneurs et les arrivistes. Nous réclamons une science non truquée, et la liberté authentique de l'esprit. Aucune menace ne peut nous faire peur, et certes pas la fermeture de nos Ecoles Supérieures. Le combat de chacun d'entre nous a pour enjeu notre liberté, et notre honneur de citoyen conscient de sa responsabilité sociale. (...)

Etudiants, Etudiantes ! Le peuple allemand a les yeux fixés sur nous ! Il attend de nous comme en 1813, le renversement de Napoléon, en 1943, celui de la terreur nazie. (...)

Nous nous dressons contre l'asservissement de l'Europe par le National-Socialisme, dans une affirmation nouvelle de liberté et d'honneur."

Extrait de Inge Scholl (la petite soeur de Sophie), " La rose blanche : six Allemands contre le nazisme ", Paris, éd. de Minuit, 1995 (rééd. de 1955)

Hans et Sophie Scholl furent décapités par les Nazis le 22 février 1943.



http://hypo.ge-dip.etat-ge.ch/


Pétain fonde l'État français

10 juillet 1940. Au casino de Vichy, le Parlement a voté l'article unique du projet de loi constitutionnelle, approuvé par le Conseil des ministres d'avant-hier. Par 569 voix (dont celles d'une majorité de députés socialistes) contre 80 et 17 abstentions, " l'Assemblée nationale donne tous pouvoirs au gouvernement de la République, sous l'autorité et la signature du maréchal Pétain à l'effet de promulguer, par un ou plusieurs actes, une nouvelle constitution de l'Etat français. Cette constitution devra garantir les droits du Travail, de la Famille et de la Patrie. Elle sera ratifiée par la nation et appliquée par les assemblées qu'elle aura créées ". La Troisième République a vécu. Le nouvel État se propose d'instaurer un ordre moral prônant le retour à des valeurs traditionnelles. La francisque est le nouvel emblème national. Les militaires ayant quitté la France lors de l'armistice sont invités à réintégrer, dans les meilleurs délais, le territoire national. Sous certaines conditions, une prime de 1000 francs sera accordée à tout militaire démobilisé afin de faciliter son retour à la vie civile.

Le gouvernement est ainsi composé : maréchal Philippe Pétain, président du Conseil ; ministre d'État et vice-président, Pierre Laval, sénateur ; Défense nationale, général Weygand ; Justice, Charles Frémicourt, Premier président de la Cour de cassation ; Affaires étrangères, Paul Baudouin ; Intérieur, Adrien Marquet, député ; Finances et Commerce, Yves Bouthillier ; Guerre, général Colson, Marine, amiral Darlan ; Air, général Pujo ; Éducation nationale, Albert Rivaud, professeur à la Sorbonne ; Agriculture et Ravitaillement, Albert Chichery, député ; Anciens Combattants, Jean Ybarnegaray. Le nouveau gouvernement s'est installé à l'hôtel du Parc.

Le 24 octobre 1940, Pétain rencontra Hitler à Montoire, après que le führer ait rencontré Franco à Hendaye. Le 30, Pétain appelle à la collaboration.

Réf 563  


Allocution radiophonique du Maréchal Pétain le 20 juin 1940 

Français ! J'ai demandé à nos adversaires de mettre fin aux hostilités. Le 
gouvernement a désigné mercredi les plénipotentiaires chargés de recueillir 
leurs conditions.
J'ai pris cette décision, dure au cœur d'un soldat, parce que la situation 
militaire l'imposait. Nous espérions résister sur la ligne de la Somme et de 
l'Aisne. Le général Weygand avait regroupé nos forces. Son nom seul 
présageait la victoire. Pourtant la ligne a cédé et contraint nos troupes à la 
retraite.
Dès le 13 juin, la demande d'armistice était inévitable.
Cet échec vous a surpris. Vous souvenant de 1914 et de 1918, vous en 
cherchez les raisons. Je vais vous les dire.
Le 1er mai 1917, nous avions encore 3 280 000 hommes aux armées, malgré trois ans de combats meurtriers. A la veille de la bataille actuelle, nous en avions 500 000 de moins. En mai 1918, nous avions avec nous les 58 divisions italiennes et les 42 divisions américaines.
L'infériorité de notre matériel a été plus grande encore que celle de nos 
effectifs. L'aviation française a livré à un contre six ses combats.
Moins forts qu'il y a vingt-deux ans, nous avions aussi moins d'amis. Trop peu d'enfants, trop peu d'armes, trop peu d'alliés, voilà les causes de notre défaite.
Le peuple français ne conteste pas ses erreurs. Tous les peuples ont connus 
tour à tour des succès et des revers. C'est par la manière dont ils réagissent 
qu'ils se montrent faibles ou grands.
Nous tirerons la leçon des batailles perdues. Depuis la victoire, l'esprit de 
jouissance l'a emporté sur l'esprit de sacrifice. On a revendiqué plus qu'on a 
servi. On a voulu épargner l'effort ;on rencontre aujourd'hui le malheur.
J'ai été avec vous dans les jours glorieux. Chef du gouvernement, je suis et je resterai avec vous dans les jours dans les jours sombres. Soyez à mes côtés. 
Le combat reste le même. Il s'agit de la France, de son sol, de ses fils. 

Le 24 octobre 1940 
FRANÇAIS !

J’ai rencontré, jeudi dernier, le Chancelier du Reich. Cette rencontre a suscité 
des espérances et provoqué des inquiétudes.

Je vous dois à ce sujet quelques explications.

Une telle entrevue n’a été possible, quatre mois après la défaite de nos armes, que grâce à la dignité des Français devant l’épreuve, grâce à l’immense effort de régénération auquel ils se sont prêtés, grâce aussi à l’héroïsme de nos marins, à l’énergie de nos chefs coloniaux, au loyalisme de nos populations indigènes. La France s’est ressaisie. Cette première rencontre, entre le vainqueur et le vaincu, marque le premier redressement de notre pays.

C’est librement que je me suis rendu à l’invitation du Führer. Je n’ai subi, de sa part, aucun " diktat ", aucune pression. Une collaboration a été envisagée entre nos deux pays. J’en ai accepté le principe. Les modalités en seront discutées ultérieurement.

À tous ceux qui attendent, aujourd’hui, le salut de la France, je tiens à dire que ce salut est d’abord entre nos mains.

À tous ceux que de nobles scrupules tiendraient éloignés de notre pensée, je tiens à dire que le premier devoir de tout Français est d’avoir confiance.

À ceux qui doutent, comme à ceux qui s’obstinent, je rappellerai qu’en se 
raidissant à l’excès les plus belles attitudes de réserve et de fierté risquent de perdre de leur force.

Celui qui a pris en main les destinées de la France a le devoir de créer 
l’atmosphère la plus favorable à la sauvegarde des intérêts du pays. C’est dans l’honneur et pour maintenir l’unité française, une unité de dix siècles, dans le cadre d’une activité constructive du nouvel ordre européen, que j’entre aujourd’hui dans la voie de la collaboration. Ainsi, dans un avenir prochain, pourrait être allégé le poids des souffrances de notre pays, amélioré le sort de nos prisonniers, atténuée la charge des frais d’occupation. Ainsi pourrait être assouplie la ligne de démarcation et facilités l’administration et le ravitaillement du territoire.

Cette collaboration doit être sincère. Elle doit être exclusive de toute pensée 
d’agression. Elle doit comporter un effort patient et confiant.

L’armistice, au demeurant, n’est pas la paix. La France est tenue par des 
obligations nombreuses vis-à-vis du vainqueur. Du moins reste-t-elle 
souveraine. Cette souveraineté lui impose de défendre son sol, d’éteindre les divergences de l’opinion, de réduire les dissidences de ses colonies.

Cette politique est la mienne. Les ministres ne sont responsables que devant 
moi. C’est moi seul que l’Histoire jugera. Je vous ai tenu jusqu’ici le langage 
d’un Père ; je vous tiens aujourd’hui le langage du Chef. Suivez-moi. Gardez votre confiance en la France éternelle ".

Winston Leonard Spencer Churchill le 13 mai 1940.
" À la Chambre des communes, je dirai comme je l'ai dit à ceux qui ont rejoint le gouvernement : " Je n'ai rien d'autre à offrir que du sang, de la peine, des larmes et de la sueur ".

Nous avons devant nous une épreuve des plus douloureuses. Nous avons devant nous de nombreux et longs mois de combat et de souffrance.

Vous demandez, quelle est notre politique ? Je peux vous dire : c'est d'engager le combat sur terre, sur mer et dans les airs, avec toute la puissance, la force que Dieu peut nous donner ; engager le combat contre une monstrueuse tyrannie, sans égale dans les sombres et désolantes annales du crime. Voilà notre politique.

Vous demandez, quel est notre but ? Je peux répondre en un mot : la victoire, la victoire à tout prix, la victoire en dépit de la terreur, la victoire aussi long et dur que soit le chemin qui nous y mènera ; car sans victoire, il n'y a pas de survie. "

Leclerc


MESSAGE DU 30 OCTOBRE 1940 PÉTAIN


FRANÇAIS ! 


J'ai rencontré jeudi dernier, le Chancelier du Reich. Cette rencontre a suscité des espérances et provoqué des inquiétudes. 

Je vous dois à ce sujet quelques explications. 

Une telle entrevue n'a été possible, quatre mois après la défaite de nos armes, que grâce à la dignité des Français devant l'épreuve, grâce à l'immense effort de régénération auquel ils se sont prêtés, grâce aussi à l'héroïsme de nos marins, à l'énergie de nos chefs coloniaux, au loyalisme de nos populations indigènes. La France s'est ressaisie. Cette première rencontre, entre le vainqueur et le vaincu, marque le premier redressement de notre pays. 

C'est librement que je me suis rendu à l'invitation du Führer. Je n'ai subi, de sa part, aucun " diktat ", aucune pression, Une collaboration a été envisagée entre nos deux pays. J'en ai accepté le principe. Les modalités en seront discutées ultérieurement. 

À tous ceux qui attendent, aujourd'hui, le salut de la France, je tiens à dire que ce salut est d'abord entre nos mains. 

À tous ceux que de nobles scrupules tiendraient éloignés de notre pensée, je tiens à dire que le premier devoir de tout Français est d'avoir confiance. 

À ceux qui doutent, comme à ceux qui s'obstinent, je rappellerai qu'en se raidissant à l'excès, les plus belles attitudes de réserve et de fierté risquent de perdre leur force. 

Celui qui a pris en main les destinées de la France a le devoir de créer l'atmosphère la plus favorable à la sauvegarde des intérêts du pays. C'est dans l'honneur et pour maintenir l'unité française, une unité de dix siècles, dans le cadre d'une activité constructive du nouvel ordre européen, que j'entre aujourd'hui dans la voie de la collaboration. Ainsi, dans un avenir prochain, pourrait être allégé le poids des souffrances de notre pays, amélioré le sort de nos prisonniers, atténuée la charge des frais d'occupation. Ainsi pourrait être assouplie la ligne de démarcation et facilités l'administration et le ravitaillement du territoire. 

Cette collaboration doit être sincère. Elle doit être exclusive de toute pensée d'agression. Elle doit comporter un effort patient et confiant. 

L'armistice, au demeurant, n'est pas la paix. La France est tenue par des obligations nombreuses vis-à-vis du vainqueur. Du moins reste-t-elle souveraine. Cette souveraineté lui impose de défendre son sol, d'éteindre les divergences de l'opinion, de réduire les dissidences de ses colonies. 

Cette politique est la mienne. Les ministres ne sont responsables que devant moi. C'est moi seul que l'Histoire jugera. Je vous ai tenu jusqu'ici le langage d'un Père ; je vous tiens aujourd'hui le langage d'un chef. Suivez-moi. Gardez votre confiance en la France éternelle ! 


Le Mémorial 

Un musée pour la Paix

Le Mémorial a été créé par la ville de Caen, ville aux trois quarts détruite par les bombardements au cours de l'été 1944. L'objectif de ce musée est de replacer l'énorme opération militaire qu'a été le Débarquement du 6 juin 1944 dans le cadre plus général de la Seconde Guerre mondiale tout en rappelant les causes lointaines du conflit ainsi que ses multiples conséquences.
Sur un grand mur de calcaire blanc, l'inscription d'un Caennais parlant au nom de la Normandie a été gravée :
" La douleur m'a brisée, la fraternité m'a relevée, de ma blessure a jailli un fleuve de liberté ".


Anne Frank

Anna Marly

Jean Maridor

Jean Moulin

De Gaulle

Dcuments annexes